[EVENT ; lune 1194] La Marée Noire.

Spoiler:

Cela était assez rare pour moi, mais je m'étais levée au aurore. Eclat de Rire m'avait un peu forcé la patte pour faire une patrouille.. Il m'en avait même laissé le commandement. C'était un moyen de me remettre en pattes après ma longue période à la pouponnière et la récente nomination de guerrier de mon ancien apprenti.

Une fois le petit monde rassemblait, je lançais la patrouille, n'attendant pas qu'on se questionne sur le pourquoi du comment j'étais meneuse de patrouille. Après tout, le lieutenant qui n'est autre que mon conjoint était plus haut gradé que moi ? Mais.. Il y avait un autre facteur en jeux. En temps que Génie, je connaissais la plage comme si c'était mes bourrelets..

Après avoir fait un petit repérage, nous nous stationnons sur la berge. Une odeur étrange attira notre attention. Il semblait y avoir du mouvement sur la rivière, encore ses maudits bipèdes bruyants et désagréables sans doute.. Mais là, il y avait quelques choses d'étranges. Bien vite un bruit effroyable et métallique résonna autour de nous. Nous avions tous les yeux rivés sur la rivière et le géant marin qui semblait mourir. Ce qui semblait être son sang était noir et pourri. Interdit, je restais bien longtemps dans une position fixe en regardant ce spectacle. Certainement alerté par le bruit, une patrouille du Tonnerre arrivait à nos côtés, le lieutenant criait à notre attention :

-Qu'es ce.. Quel est ce.. Monstre... Que c'est il passé ?

Le pauvre mangeur d'écureuils semblait aussi perplexe que nous.. Et il n'était pas le seul, sa patrouille était dans le même état que la mienne. En lui jetant un regard du coin de l'oeil, je lui répondais avec nonchalance :

"-Si seulement je le savais, mon bon lieutenant.."

Je soupirais longuement, essayant de mettre une patte dans l'eau. L'odeur ambiante sentait si mauvais. Mais le pire était sans doute ma patte, ressortit quelques peu noirci accompagné d'une puanteur aussi insupportable que l'air ambiant. Je fronçais la truffe, n'essayant même pas de découvrir ce qu'était cette substance noire qui se déversait dans l'eau et semblait tuer notre source primaire de nourriture à petit feu. Je me détournais de ce spectacle de désolation pour trouver une solution auprès des lieutenants :

"-On devrait essayer d'arrêter cette flaque noire.. Elle semble se répandre d'avantages. Il faut qu'on agisse et qu'on collabore les petits gars, sans ça.. On va avoir du mal à protéger ce coin de plage."

SOMBRE ÉCHO

Il y a ce son, à l’aurore. Ce cri d’agonie d’une bête sans nom, sans visage et sans vie véritable. Pourtant, elle se meurt. Sombre Écho n’a jamais entendu pareil appel et pourtant il sait. Au cœur de la patrouille, un sursaut de nervosité vient faire frémir les plus courageux. Sauf peut-être le mâle au pelage sombre. Chez lui, il n’existe aucune bravoure mais bien une inconscience obstinée. Devant ce cri déchirant, le guerrier du Tonnerre se surprend presque à rire, amusé des réactions apeurées de ses camarades, les oreilles droites dans une audace frôlant l’insolence. Il avait désiré une distraction, le voilà parfaitement servi.

À l’invitation du lieutenant, Sombre Écho n’avait pas cillé, s’était simplement dirigé vers lui de sa démarche paresseuse, prenant tout son temps pour s’étirer. La prudence du matou ne lui plaisait guère, même que s’il n’avait pas été nommé parmi les chasseurs ou les patrouilleurs, il se serait tout de même éclipsé pour participer à l’effort du Clan mais surtout pour se délier les pattes. Cette indomptable pile d’énergie ne pouvait pas rester en place et déjà il était éveillé depuis quelques heures, dans l’attente interminable de l’aube. Participer à la patrouille lui offrait une occasion en or de se distraire et peut-être même de croiser quelques chats d’autres tribus, histoire de discuter un peu. Il est loin de se douter alors quelles mésaventures l’attendent réellement. Jusqu’à ce son qui, visiblement, lui plaît davantage qu’aux autres.

Quelque part, il a peur. Sauf qu’il choisit d’ignorer cette émotion pour se concentrer sur les faits (pour une fois que ça lui sert, tiens). La cohabitation avec les Bipèdes a amené son lot d’émois pour le Clan du Tonnerre et même toute la forêt de Valeemar, mais Sombre Écho ne peut dire qu’il s’en méfie totalement. Ce sont des créatures parfaitement fascinantes, aux mœurs qu’il ne comprendra jamais tout comme l’inverse. Il sait pertinemment que ce bruit de métal ne peut provenir que de leur main insensible. Il n’y a qu’eux pour troubler ainsi la quiétude du delta vers lequel les félins de sa tribu se dirigent à pas pressés. Ce qui trouble davantage l’intrépide guerrier au pelage rayé, c’est cette odeur. Celle de la mort. Il n’en a jamais connue de pareille, ce parfum élastique, toxique, qui colle aux poumons, le forçant à cracher et tousser. Puis la carcasse leur apparaît, renversée, éventrée, déversant ses tripes noires dans les eaux luisantes à l’horizon. Il a à peine remarqué la présence de leurs vis-à-vis de la Rivière, s’avançant à pas troublés sur la plage où des veines noires viennent s’échouer en écume empoisonnée.

Dans la confusion, une voix s’élève avec le même manque de sérieux que le matou noir. Sombre Écho redresse la tête, les moustaches frémissantes d’un amusement qu’il peut difficilement cacher. Il faut dire que Fleur de Lune l’a toujours bien amusé, du peu qu’il connaît d’elle.

«Comment tu suggères d’arrêter cette… chose ? Le sang de ce Monstre se dilue rapidement dans l’eau, nous n’avons rien pour faire cesser ce déversement. De toute manière, impossible que je mette les pattes dans cette eau. Elle sent la mort. Si vous voulez mon avis, nous ferions mieux de rebrousser chemin et oublier cette histoire. Il y a bien assez de proies dans la forêt.»

Sombre Écho ne pense pas que son Clan rival n’a pas la chance d’une telle désinvolture. Cette eau représente leur source principale de nourriture. Ainsi sacrifiée au poison humain, elle pourrait être compromise, tout comme la vie des chats habitant le delta.

«D’ici quelques jours, les choses devraient revenir à la normale. Les Bipèdes n’iraient pas empoisonner la mer, ils pêchent le poisson qui y vit tout autant que nous.»

Ils ne seraient pas aussi idiots… non ?

ft. Patrouille du Tonnerre & Patrouille de la Rivière.


La Marée Noire.
« I can taste it, the end is upon us, I swear. »

---

Je n'ai jamais fait confiance aux Bipèdes. Bien avant l'arrivée des chats des clans, j'ai appris à les éviter plus par instinct que par réelle peur, mais je me rends compte désormais que c'était une bonne chose. Je me souviens des disparitions mystérieuses de certains de mes camarades solitaires à chaque saison des Feuilles Vertes qui corrélaient étrangement avec l'apparition des Bipèdes près des plages. On racontait parfois que ces étranges animaux à deux pattes volaient les chats qui osaient les approcher de trop près pour les offrir à leurs petits. Un jour, j'ai rencontré un chat domestique qui m'a expliqué que certains animaux étaient très prisés chez les Bipèdes et qu'ils nous traitaient comme des peluches, comme si nous étions là pour satisfaire chacun de leurs besoins. Depuis ce jour, j'ai toujours choisi de rester loin d'eux. L'arrivée des clans n'a pas aidé ; je suis toujours horrifiée d'apprendre qu'ils ont été chassés de chez-eux à cause de ces monstres qui ont saccagé leur forêt. Je voudrais pouvoir leur faire payer à chaque fois que j'entends la voix de Forêt de Flammes se briser quand elle évoque son ancienne maison.

C'est pourquoi je ne suis pas plus étonnée que ça de voir la mer se noyer sous cette étrange substance d'ébène. Si c'est une première à Valeemar, je n'ai aucun doute quant aux coupables : les Bipèdes sont totalement capables de se faire du mal et je m'étonne de l'interrogation de Sombre Écho. Si la situation n'était pas aussi grave, j'aurais ri de sa naïveté. Faire confiance aux Bipèdes, ce serait comme demander à une souris de faire confiance à un chat. Nous sommes tous nés pour quelque chose, et je suis persuadée que les monstres sans poils ne sont là que pour détruire ce que crée la nature. Il y a des esprits du Vent, de l'Eau, le clan des Étoiles pour les félins, mais je doute qu'une quelconque entité existe en soutien aux Bipèdes. Je pense que eux-mêmes ne parviendraient pas à respecter la force qui leur permet de vivre. Mais je me demande quand même ce que c'est que cette chose qui s'enfonce de plus en plus dans la mer : le spectacle qui s'offre à nous est une horreur que j'aurais préféré ne pas avoir vue.

Je veux bien croire que mon odorat me fait souvent défaut, mais la puanteur que dégage de ce monstre des mers semble faire l'unanimité : la plupart de mes camarades ont les narines plissées afin de restreindre leur respiration. Je n'ai jamais senti quelque chose d'aussi nauséabonde, et ça n'a rien de naturel. Une crotte de renard, ça pue mais ça sent aussi la terre et les arbres. Là, l'odeur s'apparente à celle proche des chemins du Tonnerre qui bordent Valeemar. Il y a quelque chose de très... Bipède, à ce que l'on sent. Mais je me demande ce qui a pu se passer pour en arriver là. Les Bipèdes qui viennent près de la plage ont en général un minimum de respect pour notre environnement : on retrouve des déchets et des instruments étranges, mais cela atteint rarement la mer et d'autres Bipèdes plus respectueux viennent les ramasser en fin de saison. Ils n'ont jamais fait quoique ce soit pour empoisonner les rivages et nous n'avons jamais mangé de proies malades à cause de leur passage, en tout cas.

Serait-ce ainsi un accident ? Les monstres à deux pattes, imprévisibles, rattrapés par leur manque d'organisation et leur manque de respect envers l'environnement. Dans ce cas, j'aurais presque envie de laisser l'horreur aquatique se vider de son sang pour les empêcher de revenir, mais mes camarades ont raison : cette eau, c'est aussi notre unique source de nourriture et notre seule source pour se désaltérer. Si les Bipèdes ne peuvent plus revenir, alors nous non plus. Et il n'est pas question de déserter comme les chats des clans ont abandonné Cerfblanc. Valeemar est chez-moi et je ne partirai jamais d'ici.

« Je suis d'accord, il faut que l'on agisse. Je n'ai pas confiance en ces Bipèdes, et ils risquent de tout nettoyer en nous empoisonnant encore plus. Mais je pense également que quiconque met les pattes dans le sang du monstre prend des risques bien trop importants. Regardez, on peut déjà voir des oiseaux se prendre au piège ! »

Du bout de la queue, je m'empresse de montrer aux deux patrouilles le corps d'une mouette qui, lasse de se débattre contre cette substance noire étrange, s'est laissée mourir sans avoir pu battre des ailes une dernière fois. C'est une proie en moins pour nos petits et cette vision d'horreur me fait frissonner : même l'oiseau le plus idiot de la vallée ne mérite pas de mourir coincé à cause des Bipèdes. Je refuse que l'un de nous ne perde la vie ainsi.

« Avant tout il faut avertir les autres clans. Personne ne doit s'approcher des plages. »

Esprit Vagabond

Les bipèdes sont immondes. Ils n'ont jamais rien attiré de bon. Uniquement des ennuis qui ne cessent de s'accumuler depuis des lunes. Avec les beaux jours, certains sont venus élire domicile en bord de mer, dans des sortes de tanières mobiles pour deux pattes. La journée ils se rendent sur la plage, nous empêchant ainsi de pêcher, essaient de nous appâter pour nous capturer ensuite et lorsqu'ils ne troublent pas nos patrouilles, ils laissent traîner derrière eux leurs immondices. A la nuit tombée, ils rentrent se mettre à l'abri mais ne cessent cependant pas leurs activités. Par je ne sais quelle magie, leur repaire produit de la lumière, effrayant sans doute la faune habituée à la vie nocturne. En plus de faire peur à nos poissons, de polluer nos terres avec leurs saletés, voilà qu'ils font également fuir le gibier terrestre. Que nous restera-t-il donc pour survivre ? J'en viens à avoir peur de l'avenir s'il arrive que nous devions cohabiter. Surtout avec ce que j'ai sous les yeux.

Face à moi, l'impensable se produit. Dans ce qui s'apparente à des cris d'agonie, un monstre marin semble rendre l'âme. Déchiré en deux, ses gémissements lancinants me glacent le sang. Que s'est-il passé pour qu'il soit arrivé jusqu'ici, dans un tel état ? Les bipèdes ne sont pas censés prendre soin de leurs montres ? Pourquoi le laissent-ils périr sans rien faire ? Et toute cette substance noire qui s'échappe de son ventre. Serait-ce son sang ? A le renifler, je n'ose imaginer tout le danger qu'il pourrait représenter pour nous. Les autres le disent bien, cette flaque qui s'étend petit à petit sur l'eau salée sent la mort. D'ailleurs, le voilà qui fait sa première victime. Un oiseau, englué dans le gel ébène ne cesse de se débattre pour tenter de s'échapper son emprise mortelle. Malheureusement la pauvre bête ne fait que resserrer le piège, s'éclaboussant davantage de cette substance nauséabonde. Épuisée par sa lutte, la mouette cesse de remuer, se laisse sombrer. Nous ne pouvons pas rester ainsi. Il faut prendre une décision dans les plus brefs délais si nous ne voulons pas voir nos camarades tomber à l'image de cet oiseau.

- Prévenir les autres clans ne suffira pas. Nous devons endiguer le mal tant que nous le pouvons encore. Nous ne pourrons pas tout nettoyer, c'est un fait. Cependant je pense qu'il est possible de stopper son avancée, ou du moins la ralentir le temps que les bipèdes arrivent pour réparer leurs erreurs.

D'un pas hésitant, je m'avance en direction de l'eau et viens renifler avec prudence un bout de flaque noire. Cette dernière à l'air de flotter sur l'eau quand elle ne s'échoue pas sur le sable. Ce serait peut-être une piste à explorer.

- Que diriez-vous de construire un barrage au delta ? Cela éviterait à une grande partie de ce...Truc de se répandre dans notre eau. Et puis ça a l'air collant, peut-être que la substance se collera sur les morceaux de bois et que nous serons en mesure de tirer le bois souillé au beau milieu du sable pour limiter la contamination ? Ainsi nous n'aurions qu'à renouveler régulièrement notre barrage pour limiter les risques.

SOMBRE ÉCHO

Il faut être fou ou totalement inconscient pour considérer l’étendue d’eau noircie des entrailles de la bête métallique et ne pas s’en alarmer. Difficile d’affirmer à quelle catégorie appartient Sombre Écho. Dans tous les cas, la situation semble presque l’amuser, surtout devant les réactions des autres qu’il juge disproportionné. À quoi bon s’inquiéter ? Le soleil se lèvera toujours demain. Persuadé que ses interventions ne feraient qu’attiser l’angoisse de ses camarades, le guerrier du Tonnerre se place un peu à l’écart, se disant tout de même que toute cette effervescence ne servirait à rien. Il se souvient encore d’avoir été écarté de Cerblanc, dans son enfance. Les Bipèdes font ce qu’ils veulent, il n’y a qu’une seule solution : s’adapter. C’est ce que feront les proies aussi à ses yeux : elles auront d’autres solutions que de s’abreuver au delta. Pour l’Ambassadeur, le temps suivra son cours, emportant avec lui les vestiges de ce désastre. Il sait bien qu’il n’existe pas de solution miracle à ce danger, que les chats de Valeemar ne pourront qu’attendre que ce mauvais moment ne passe. La suggestion de Vestiges du Temps lui fait néanmoins redresser les oreilles, car elle n’a pas du tout tort. Et c’est là qu’il entre en scène. Il s’approche un peu du cœur du groupe, prêt à partir au premier ordre du lieutenant.

Esprit Vagabond semble penser que cette intervention ne sera pas suffisante, et son idée a quelque chose d’intéressant. Pour appuyer le Riveux, il hoche la tête avant de se tourner vers Chêne Flamboyant dont le leadership sur ce groupe ne fait aucun doute. C’est avec une certaine satisfaction que le guerrier au pelage sombre entend son nom prononcé le premier. Il se redresse avec une certaine fierté, acceptant la consigne d’un bref mouvement de tête et s’éloignant du groupe. Il a ralenti ses pas tout de même pour s’assurer de ne rien manquer des indications du lieutenant. Une fois celles-ci transmises dans leur entièreté, il ne se fait pas prier, prenant directement le chemin du campement où il espère trouver rapidement Appel du Loup. Cette fois, il est devenu bien plus grave, la concentration faisant son œuvre sur lui. Il prépare déjà les mots qu’il adressera à la leader du Vent, ainsi que ses mots à son collègue Ambassadeur. Il presse ses pas sans toutefois se mettre à courir. Il conserve son énergie, sachant très bien qu’il en aura besoin pendant les prochaines semaines.

Spoiler:

Séquelles du Passé

Bien avant que le soleil ne soit à son zénith, un chat ne portant pas notre odeur s'était introduit sur notre territoire et avait accouru jusqu'à notre campement pour nous annoncer une terrible nouvelle. Sombre Écho avait été catégorique, une étrange vague noire nauséabonde semblait menacer nos terres depuis l'aube. D'après lui, le Tonnerre et la Rivière se trouvaient déjà sur les lieux de la découverte et plusieurs chats avaient été dépêchés pour parcourir Valeemar dans l'optique d'apporter de l'aide. Je n'ai pas eu besoin d'écouter le chat sombre bien longtemps pour comprendre la gravité de la situation. Nous devions agir vite. Une patrouille avait alors été formée et serait chargée de rapporter les faits à l'intégralité du camp lors de son retour. C'est ainsi que, lancée d'un bon train, je me laissais guider par Sombre Écho tout en menant mes camarades.

J'étais bien loin d'imaginer un tel danger. Bien plus imposante que dans mes pensées, l'immense drap noir s'avance en notre direction à mesure que les vagues battent le sable de la berge. Outre la couleur sombre qui emplit ma vue, c'est surtout l'odeur fétide qui émane de cette marée qui m'inquiète le plus. Les choses qui sentent fort sont souvent synonyme de mort. J'en veux pour preuve la présence de renards ou de blaireaux qui ne cessent de nous mettre en péril. Cependant, aujourd'hui, cette menace est tout autre car il me semble difficile de la combattre. Face à mes camarades, je m'efforce de ne rien faire paraître. Il ne faut pas que mon angoisse devienne la leur. Nous nous devons de garder la tête froide pour prendre les décisions les plus appropriées.

Inspirant profondément, je finis par proposer à mes camarades de me suivre jusqu'aux autres patrouilles d'un mouvement de la queue. J'espère pour eux qu'ils n'ont pas oublié les consignes que nous avions mises en place avant notre départ. Je ne veux qu'aucun d'entre eux ne prenne de risques inconsidérés ni qu'ils s'approchent de trop près de cette substance tant que l'on n'aura pas plus d'informations vis-à-vis d'elle. Inutile également de préciser qu'il faudra garder nos rancœurs – s'il y a - pour nous jusqu'à ce que tout soit réglé. L'heure n'est plus à la guerre mais à l'entraide.

HRP:

Séquelles du Passé

J'incline respectueusement la tête face à tous et notamment face au lieutenant du tonnerre qui me salue, lui rendant ainsi la pareille. Il est bien normal de répondre présent dans de telles circonstances, l'avenir des clans étant en jeu. Mes yeux se perdent rapidement dans les flots noircis tandis que je balaie le paysage du regard. Quel cauchemar. Qu’allons-nous faire ? Qu'allons-nous devenir si nous ne parvenons pas à trouver de solution ? Devrons-nous à nouveau changer de territoires ? Je ne veux pas m'y résoudre, aussi me penchais-je sérieusement sur l'idée du jeune guerrier que le rouquin venait de me rapporter. Le noir et blanc a de la suite dans les idées et je ne peux que l'en remercier pour cela néanmoins je donne également raison au lieutenant sur un point : ériger un barrage solide nécessitera beaucoup de main-d’œuvre mais également énormément de temps et d'efforts. Qui plus est, et si l'idée vient à se faire accepter, seuls les chats de la rivière seront en mesure de placer les branches dans les endroits trop profonds de la rivière. Cependant malgré ces questionnements, je ne suis pas en mesure de trouver meilleure solution pour contenir ce désastre. Peut-être pourrions-nous nous unir une fois de plus et cette fois-ci dans le but de rassembler le bois sur le rivage pour que les chats sachant nager le placent ? Cela me semble acceptable. Maintenant, il me faut trouver un moyen de le leur faire comprendre. Sans plus attendre je parcours la terre du regard à la recherche de morceau d'écorce, de bois flotté ou d'autres choses pouvant servir à l'entreprise. Une fois l'objet convoité trouvé, je m’empresse d'aller le saisir et de le ramener au guerrier qui avait soulevé l'idée du barrage. Ramener ainsi un bâton aux pattes d'un autre me rappelle la manière dont ces stupides cabots agissent avec leurs bipèdes. La gêne s'empare immédiatement de moi, néanmoins je m'efforce de la laisser de côté. Il y a plus important que de craindre de ressembler à un chien. Comprendront-ils mon message ? Eux qui n'ont pas pour habitude de décrypter les signes d'un chat muet ? Tournant une tête reflétant mes doutes vers mes camarades de clans, je leur prie silencieusement d'expliquer aux autres ce que j'essayais de leur dire si ces derniers venaient à ne pas comprendre.

HRP:

Bientôt, la nouvelle s’est répandue dans toute la vallée sans plus qu’un seul félin n’ignore la malédiction qui vient de s’abattre sur les clans. Chacun comprend vite que personne n’est à l’abri du danger, et qu’il faut vite réagir et s’organiser quitte à ce que des clans adverses s’entraident pour une courte période. L’origine des étranges maladies qui se sont déclarées récemment dans tous les clans ne fait plus aucun doute à présent.

Sous l’initiative des premières patrouilles s’étant retrouvées sur la plage, la construction d’un barrage commence. Des renforts sont très vite appelés. Chacun peut donc mettre la patte à cette construction qui a pour objectif de ralentir la progression de l’étrange matière noire jusqu’à la terre ou la rivière qui est la principale source d’eau pour les clans ainsi que les proies qu’ils consomment…

Spoiler:

HRP:

Ce n’est pas la peur qui la fait presque trembler alors qu’elle porte son regard au loin vers les eaux visqueuses et noires, non, c’est la colère. Les bipèdes ne les laisseront-ils jamais tranquilles ? Les clans sont-ils donc voués à une lutte sans fin contre eux, contre leur bêtise et leurs inattentions ? Il est sans aucun doute que cette bête leur appartient, que la blessure qui la fait saigner est de leur fait. Déjà plusieurs saisons auparavant, ils ont dû fuir devant eux, devant leurs bêtes féroces et destructrices. Ils avaient cru trouver la tranquillité, et les voilà à nouveau pris au piège. Du coin de l’œil, elle repère une étrange forme grise sur la mer. Un oiseau pris au piège, immobile. Seules deux ailes flottent étrangement sur les vagues noires. Mélodie des Étoiles est trop loin pour dire si la bête est déjà morte ou simplement épuisée, mais l’issue de ce combat inégal ne fait de toute manière aucun doute. Elle frissonne, cette image se fixant sur sa rétine comme un avertissement. La riveraine avait cru que les guerriers de jadis les avaient menés en lieu sûr. Elle s’était trompée. Si eux même n’avait pas su trouver un monde libéré de la tyrannie des bipèdes, c’est qu’un tel monde n’existait pas. Soit alors, les clans avaient déjà fuient une fois. C’était une fois de trop. Aujourd’hui, ils se battraient.  

Elle fait volte-face brusquement. Elle était il y a quelques jours encore affaiblie par sa maladie et la perte d’une de ses vies, elle s’en est voulu d’avoir dû envoyer une patrouille sur les lieux sans pouvoir les accompagner, même après avoir reçu la nouvelle de la découverte macabre. Depuis, un roulement s’est installé et une véritable frénésie règne dans le camp qui est presque désert : ceux qui ne pêchent pas pour ravitailler les troupes sont présents ici. Elle repère plusieurs pelages familiers tandis qu’elle redescend près des travailleurs et de la base du barrage. Sa frustration accumulée des derniers jours lui donne la force d’avancer et de combattre la fatigue qui étreint chacun de ses mouvements. Il est plus que temps qu’elle mette elle aussi la patte à l’ouvrage.

Elle aperçoit à quelques longueurs de queues un autre félin traîner péniblement un buisson de branchages enchevêtrés. Elle le rejoint en quelques bondissements et commence à le tirer avec lui avant même de lui adresser péniblement la parole malgré les branches qu'elles tient dans sa gueule.

« Laisse moi t'aichder, ça à l'air lourd pour quelqu'un tout cheul. »

Hrp:

  Si seulement un jour nos ancêtres acceptait de nous laisser vivre, de nous laisser respirer, de nous laisser être nous-même. Je suis fatiguée. Fatiguée de me battre sans cesse, de ne pouvoir respirer, de continuer un combat que je fais que perdre. La vie n'a fait que nous tendre des pièges, nous lancer embûches et piques. J'ai l'impression de marcher dans un tunnel, et de voir chaque jour ce petit point de lumière, sans pour autant pouvoir m'y approcher. Pourtant je marche, je marche, jusqu'à l'épuisement, et elle ne fait que s'éloigner.

Mais elle est tout de même présente, et c'est cela qui compte. La vie n'est pas toute blanche, certes, mais elle n'est pas toute noire non plus. Et j'avance dans ce tunnel sans fin aux cotés de Vestiges du Temps, Belle de Cristal et Cavalier Fantôme. J'ai appris que finalement, on a beau être coincé, enfermé dans le noir, lorsque l'on est bien accompagné, tout va bien. Nous formons un bien piètre équipage, tous ensembles, fatigués, meurtris et affaiblis par une nuit sans fin, mais au moins nous en formons un, d'équipage.

Je saute avec hésitation sur un des rochers qui cerne la rivière où nous avons décidé de former le barrage. Je me souviens de la première fois où j'ai vu cette eau noire, infectée et témoignant de la méchanceté des bipèdes. Méchanceté dont nous avons plus d'une fois subit les conséquences. En tant qu'ambassadrice, ce fut mon rôle de relayer l'affreuse nouvelle, et j'ai pu voir sur les visages des meneurs et de leurs membres la détresse se former. Alors oui, je suis heureuse aujourd'hui, entourée de tous les Clans, d'une vallée unifiée autour des mêmes valeurs. Oui, je suis heureuse de retrouver en ces jours ce qui m'a tant manqué après le voyage : un tout solidaire et fraternel. Un tout qui manque dans la vie au quotidien, finalement, un tout qui changerait… tout.

L'eau, la noyade, tout cela a toujours été ma pire phobie. Mais aujourd'hui, comme beaucoup d'entre nous surement, j'apprends à braver cette peur pour un avenir meilleur, et même si cela me demande des efforts, je garantis ainsi la sécurité et la santé de ma descendance. Et je sens bien qu’entraînée ainsi par l'espoir et l'amour des autres, rien ne peut m'arriver. Je jette un tendre coup d'œil à Vestiges des Temps qui, loin de moi, reste toujours dans mon cœur.

Je me surprends parfois à me demander ce que penserais Etoile Sombre, en nous voyant ainsi. Ce qu'il dirait devant cet élan de solidarité et d'entraide qu'il recherchait tant de son vivant. J'ai appris à l'accepter tel qu'il est maintenant, plus avec moi, certes, mais un petit peu tout de même. Dans mon esprit, dans mon cœur, en moi. La vie, même dans le tunnel, est si jolie, lui-même me l'aurait dit.

Je m’attelle, pleine d'espoir, à un sacré buisson, les racines bien enfoncées dans le sol. La tâche me fatigue rapidement, mais s'avère surtout bien plus compliquée qu'espéré. Les ronces me rentrent dans le pelage et me déchirent la peau. Je fronce de douleur, mais continue, décidée.

Mais je suis soudainement interrompue par une voix, que je connais si mal mais si bien. Par le Clan des Etoiles, il fallait que je tombe, parmi tous les félins de la vallée, sur elle ! Je pousse un long soupir et me tourne vers elle, dévoilant mon visage à la meneuse de la rivière. Je lui dois bien sûr respect, rien n'est comme avant, mais je n'ai aucune affinité avec elle. De vieux souvenirs, de vieilles disputes… Enfin, tout est réuni pour que la voir ne provoque aucune joie dans mon cœur. De plus, elle est rattachée dans mon esprit à une période sombre, pleine de doutes et de désespoir. Tout ce dont je n'ai vraiment pas besoin en ce moment.

"Si ça t'amuses de te déchirer la peau, tu peux venir, oui." Je lève les yeux au ciel et lui demande d'un geste de m'aider à soulever le buisson. Je me tais, mais ne peu m'empêcher de lui poser des tas de questions. Comment elle, si douteuse et méchante, a pu être acceptée par le Clan des Etoiles ?! Je la regarde, les yeux plein d'une fausse gentillesse. "Comment tu vas depuis le temps ? Enfin je veux dire, le Clan des Etoiles t'ayant accepté, tu dois moins douter… Non ?" /

Que les bipèdes se fassent eux aussi emporter par leurs immondices. C'est mon seul souhait. Qu'ils laissent leur maudite peau se faire empeigner de cette étrange substance noire comme est entrain de le subir le plumage de ce pauvre oiseau pris au piège. Les bipèdes ne sont porteurs que de malheurs. Ils ne cessent de nous menacer, avec leurs déchets, leurs monstres, leurs chiens et maintenant avec leurs montres nageurs. En plus d'empoisonner nos terres, les voilà mettant désormais en péril nos cours d'eau et nos proies. N'ont-ils donc rien à faire de ce monde dont ils semblent en réclamer la propriété ? A agir de la sorte, je ne donne pas cher de leur peau. Ils ne tiendront pas longtemps s'ils continuent à se montrer aussi irresponsables. Et nous non plus malheureusement.

Arrivée sur le lieu du drame, je mets rapidement la patte à l'ouvrage, queue battante, pensées en ébullitions. Je ne tiens à parler à personne, sentant qu'ils me ralentiraient plus qu'autre chose dans  mes affaires. De toute évidence, certains ne se rendent pas compte de la gravité de la situation. J'en vois certains sourire, se réjouir d'être à nouveau ensemble, d'autres… S'amuser ? Dans quel monde sommes-nous ? Déguerpissez et faîtes de l'air pour les vrais travailleurs. Je ne veux pas avoir à m’encombrer de pareilles feignasses. La construction du barrage ne se terminera jamais si nous n'agissons pas avec sérieux. Sachons nous montrer responsables, puisqu'il semblerait que les bipèdes en soient incapables.

Je fais plusieurs allers et retours entre le barrage et les terres environnantes pour amasser bouts de bois et autres morceaux de mousse pour pourraient servir à contenir l'eau ébène. Tandis que je m’apprête à me pencher pour déposer une énième branche, je ne le voie ni ne le sens arriver dans mon dos. Pourtant j'en reconnais sa voix au premier mot prononcé. Éclat de Rire. Je me doutais bien le voir ici étant donné son nouveau poste mais pourquoi tient-il tant que cela à venir m'adresser la parole ? Levant les yeux au ciel, je me retourne vers lui dans un air peu aimable, laissant le bois que je tenais entre mes crocs tomber devant mes pattes. Je pense qu'il peut très aisément ressentir mon manque d'envie de le coutoyer.

- « Ombre » ? Je ne pense jamais t'avoir autorisé à utiliser de telles familiarités avec moi, Eclat de Rire. Articulais-je d'un ton sec.

C'est donc mécontente et surtout irritée de devoir avoir affaire à lui que je plante mes prunelles dans les siennes. D'un regard froid, j'adresse un bref coup d’œil à celui qu'il présente comme son fils. Je le toise quelques secondes. Mon neveu donc ?

- Ton fils me paraît bien chétif pour participer à un tel chantier. Il ferait mieux d'aller jouer plutôt que de traîner dans les pattes des guerriers.

Tout en détournant le regard pour le poser une nouvelle fois sur la fourrure grise son père, je ne peux m'empêcher de renifler bruyamment.

- Enfin, s'il est là, c'est qu'il en a sûrement l'âge, alors autant le faire travailler. Au lieu de venir me balancer des futilités, vous feriez mieux de vous rendre utiles, toi et ton fils. Sifflais-je.

Sans plus attendre je m'accroupis pour venir récupérer le morceau de bois que je tenais quelques instants auparavant puis me retourne dans le but d'aller le donner aux guerriers s'occupant de la mise en place des branchages. Tout en effectuant ma rotation, je ne peux m'empêcher de grommeler.

- Décidément, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre à la rivière.