Pas à pas || Ft. Gris & Glacé

Un premier rayon de lumière se fraya un passage entre les branches entremêlées de la tanière des apprentis. Il fit briller les poussières flottant dans l’air avant d’aller se refléter sur une fourrure blanche roulée en boule dans un nid de mousse. Nuage de Givre entrouvrit un œil et se dressa sur ses pattes, pleine d’énergie. En cette saison des feuilles vertes, le soleil se levait tôt et se couchait tard, mais elle avait bien récupéré et ne voulait plus rester à trainasser dans sa litière alors qu’il faisait si beau.

Elle s’étira puis se glissa hors de la tanière. La clairière était presque vide, seul un garde placé près des parois rocheuses s’étirait, visiblement heureux que sa longue veillée soit finie. L’apprentie s’approcha de lui et reconnut son mentor. Celui-ci la salua :
« Bonjour, Nuage de Givre ! Déjà levée ? Je suis désolé, je ne pourrai pas m’occuper de toi ce matin… je suis épuisé et je vais aller dormir.
- Oh… fit son apprentie en baissant la tête, déçue. D’accord.
- Mais si tu veux vraiment t’occuper, tu n’as qu’à réveiller Nuage Glacé et Nuage Gris et vous pouvez aller vous entraîner ensemble au combat sur la plage.
- Whaouh ! Tout seuls ? fit son apprentie avec un bond de joie.
- Oui. Vu l’heure matinale, vous ne devriez pas être embêtés par les Bipèdes, toutefois si vous en voyez arriver, déguerpissez immédiatement et allez chasser. Je vais prévenir leurs mentors. Allez, file, termina le vétéran en lui donnant une pichenette sur l’oreille avec la queue.
- D’accord, merci ! répondit Nuage de Givre.

Son mentor se dirigea vers la tanière des guerriers et la novice aux yeux verts entra dans l’antre où elle dormait. Elle secoua les boules de fourrure grises et noires qui ronflaient, confortablement installées dans la mousse.
« Nuage Gris, Nuage Glacé ! Réveillez-vous, les loirs ! Mon mentor m’a dit qu’on pouvait aller s’entraîner tout seuls sur la plage et il faut se dépêcher avant l’arrivée des Bipèdes, alors bougez-vous !
Nuage de Givre leva les yeux aux ciel en voyant les apprentis remuer paresseusement. Quelle bande de flemmards !
« Je vous laisse émerger, hein, moi je vais manger un morceau. »

L’apprentie au pelage immaculé ressortit dans la clairière et se dirigea vers la réserve de gibier. Les proies étaient un peu coriaces vu qu’elles dataient de la veille - la patrouille de l’aube n’était pas encore rentrée - mais Nuage de Givre réussit à dénicher un campagnol encore tendre. Elle s’allongea et commença à le déguster tout en guettant le moindre mouvement provenant de la tanière des apprentis.

Tu dormais.

Tu dormais même assez profondément.
Mais rien de très étonnant, à cette heure-ci.

Le camp était encore bien silencieux, et le soleil ne commençait qu’à peine à montrer le bout de son museau. Alors tu imitais la quasi-totalité de tes camarades. Et tu dormais.

Plus difficile, en revanche, de savoir de quoi tu rêvais. Ou même de savoir si tu rêvais tout simplement. Parce qu’apparemment, ton sommeil était « très profond », qu’on t’avait dit
Ceux qui t’avaient vu dormir et étaient venus te réveiller te répéter que tu donnais parfois l’impression d’être mort lorsque tu étais assoupi, et que ça les inquiétait un peu. Ah. Peut-être. Mais c’était pas ta faute, au final. Toi, tu dormais. Tu pouvais pas le savoir.

Mais là, tu n’étais pas mort hein. Tu dormais juste. Ok c’était peut-être très profond comme sommeil, mais ça voulait pas dire que tu ressuscitais à chaque fois que tu te réveillais. Ca n’a rien à voir, dormir et mourir. ‘Sont bêtes eux…

Donc tu dormais (et non pas « mourrais »), et tu réfléchissais. Tu savais que les lunes passaient, et que ça te rapprochait de ton passage chez les guerriers.
Mais ton mentor te répétait que tu avais encore du boulot. Il le disait même souvent, ça. « On a encore du boulot ». Ça voulait dire quoi, en fait ? Que tu devais travailler encore plus, pour devenir encore plus fort qu’un guerrier ?

Mais si tu devenais plus fort qu’un guerrier, qu’est-ce que tu devenais ? Est-ce qu’Etoile Embrasée avait un rang spécial pour les apprentis qui travaillaient plus ? Genre, les « super-guerriers » ?
C’est bizarre, tu essayais de trouver une cérémonie où il avait nommé un « super-guerrier », mais tu n’en trouvais pas. Ca devait demander vraiment beaucoup de travail…

Tu dormais. Et tu allais sûrement dormir encore un peu plu-
Gzbrhzrejzdmn…

Hm.

Deux solutions. Soit les Etoiles avaient changé la mousse et la tanière des apprentis en océan qui devenait de plus en plus agité, soit c’était quelqu’un qui essayait de te réveiller. Hm. Tout bien réfléchi, c’était sûrement la deuxième option.
La paupière que tu as ouverte t’a semblé peser un blaireau mort, mais tu as réussi à l’ouvrir. Tiens, la voix que tu entendais n’était pas celle de ton mentor. On aurait même dit que c’était Nuage de Givre…

Elle voulait visiblement te faire participer, avec Nuage Gris, à un truc. Mais tu n’avais pas bien compris. Enfin, si, tu avais compris « loirs », « plage », et « Bipèdes ». Mais ça n’apportait pas beaucoup de sens. Bizarre, cette activité…

Péniblement, mais sûrement, tu as réussi à te lever. Tu avais même réussi à devancer Nuage Gris, incroyable !
En apercevant une fourrure ressemblant à celle de Nuage de Givre près du tas de gibier, tu avais compris que c’était sûrement elle qui avait dû vous réveiller. Mais tu ne comprenais toujours pas pourquoi.

Tu as quitté la tanière des apprentis à ton tour, en te disant que Nuage Gris allait bientôt suivre. Malgré tes meilleurs efforts, ta démarche et ton visage trahissaient encore le fait que tu venais de sortir du lit. Tu donnais même un peu l’impression qu’un groupe de lapins t’était passé à toute allure sur la tête pour te tirer du sommeil.

Arrivé à la hauteur de ta camarade, tu as regardé fixement le vide pendant quelques instants, le temps que ta langue se remette en marche elle aussi. Puis, tu es parvenu à poser la question qui te brûlait tant les lèvres :

- « -‘Doit faire quoi, déjà ? »