Sujet: Bright Star // Lucioles Mar 3 Avr 2018 - 0:15
BRIGHT STAR feat. Épopée des Lucioles
«Sing for him.»
Papa, on ne se connaît pas, mais tu m'as brisé le cœur. Deux fois. C'est déjà trop tu sais. Ce jour où les ténèbres ont éteint l'étoile que tu étais. Ce jour où le Clan a, paraît-il, perdu l'un de ses plus grands chefs. Le jour où nous avons perdu à jamais l'occasion de te connaître. Ce jour où tu es apparu à ma sœur. Et si je l'aime de toute mon âme, si je donnerais ma vie pour elle, je l'ai pourtant jalousé une seconde, enfin une heure paraît plus probable. Et je me suis dit qu'alors j'avais dû faire des erreurs, je ne devais pas être digne de toi, de tes visites, moi qui étais pourtant guérisseur. J'ai tenté de comprendre, j'ai finis par me dire que vous autres astres ne faisiez pas ce que vous vouliez, que les choses étaient régulées par une instance plus haute encore. Un conseil d'étoiles t'interdit-il de visiter deux de tes enfants ? Peut-être est-ce Luciole qui aurait dû être à ma place, mais la vie en a décidé autrement, et toi aussi. On ne se connaît pas et pourtant tu vois, tu régis un peu mon existence. J'ai été aimé, mais il manquait quelque chose. Ce petit morceau de légende qui forme comme un halo au dessus des pères. Toi tu étais une comète, flamboyant et filant dans le ciel. Et quand j'ai su tout s'est éclairé. D'amour et de rancœur et de regrets. Je n'ai pas pensé à elle tout de suite c'est vrai, mais ma mère était là quelque part. Je pensais parfois à son être déchiré par la douleur de t'avoir perdu, de nous savoir loin d'elle. Nous a-t-elle aperçu parfois ? A-t-elle ressenti ce besoin irrépressible et pourtant jamais comblé de courir vers nous, de nous dire toutes ces choses qu'elle voulait nous dire, de vivre en accéléré toutes ces choses que nous aurions dû partager ? M'a-t-elle vu, borgne et droit comme la justice, enfin devenu guérisseur ?
C'est le matin, il fait bon, le soleil monte déjà dans le ciel. J'ai envie de me dégourdir les pattes, d'aller voir ce territoire, cette terre promise comme on l'appelle, alors que je n'ai connu qu'elle. C'est comme rendre visite à une vieille amie, ou plutôt se sentir vieux alors qu'on fête son passage à l'état de guerrier. La jeunesse fatigue et les soucis vieillissent moins vite que vous. Je crois. Moi, avec mon œil manquant, mon pelage qui commence à être imprégné par le parfum des onguents et des plantes au goût acide, mon corps noueux, je me sens aussi ancien que le monde. J'en ris souvent avec des amis et quand ils détournent les yeux je frémis. Après une longue toilette visant à débarrasser ma personne de l'odeur entêtante de mes produits, j'abandonne Voix des Nuages à son sommeil sans lui laisser d'indications. Je sais qu'il va se sentir perdu, mais j'essaie de lui inculquer le sens du mot autonomie ensuite nous passerons à la définition de confiance en soi. On aura du mal, mais il doit y arriver, il le faut, s'il m'arrivait quelque chose ce petit serait la seule béquille médicale et spirituelle du Clan. Au Vent ils ont sûrement raison de se doter de plusieurs spécialistes de l'herboristerie. Mais c'est une autre histoire. Pour l'instant j'ai besoin de parler, de sortir un peu, de parler encore et beaucoup de soupirer, de questionner l'univers et son sens, ma raison d'exister. J'ai besoin de la lumière des lucioles, si faible et pourtant si fascinante, si merveilleuse et rassurante au cœur de la nuit. La Sombre Nuit.
Chaque fois que je vois ma sœur, la partie droite de mon cœur brisé tend la main à celle de gauche, et les deux s'enlacent, tentent de fusionner pour de bon, pour toujours. Il me semble qu'en ce jour de soleil leur tentative fonctionne, mais combien de temps jusqu'au prochain schisme, la prochaine tempête intérieure ? J'ai décidé de lui apporter une souris, j'en ai pioché une sur un tas de gibier prometteur en ce début de belle saison. Je l'emporte avec moi, vers sa tanière, la dépose près d'elle, délicatement et attends un peu plus loin, à l'air libre. Je sais qu'il y a longtemps qu'elle ne dort plus, lieutenante elle doit tout organiser, veiller au grain, à toute heure. Mais je l'ai vu retourner à sa tanière plusieurs fois.
Lorsqu'enfin la belle luciole sort je lui dit doucement, de ma voix de frère, cette voix qui n'est réservée qu'à quelqu'un qui me connaît par cœur et que je n'ai nul besoin d'impressionner, quelqu'un que j'aime :
Allons voir la mer Luciole, enfin si tu as quelques heures à accorder à un frère en manque d'attention. Je souris, ce sourire qui dit que j'ai besoin de ça sans avoir envie de prononcer le moindre mot.
Sujet: Re: Bright Star // Lucioles Jeu 5 Avr 2018 - 17:52
Épopée des Lucioles
Bright Star feat. Scarabée Noir
Il est de ces êtres que l’on connaît par cœur. Chaque recoin d’une âme concoctée au même rythme que la vôtre. De ces rencontres intemporelles et intimes, il n’en existe qu’une poignée dans une vie. Scarabée Noir fait partie de mon univers, si bien qu’il participe à sa définition. Je ne pourrais m’en séparer même si je le désirais de tout mon être. J’ai parfois ce vertige, cette longue angoisse qui se perpétue, de le voir se briser comme tant d’autres avant lui. Puis je me souviens de ses rares sourires, je me souviens que les êtres de mon âme ne mourront jamais. Cette décision, je l’ai prise à l’insu des Étoiles et du destin. Tant pis si on lui réservait un autre sort que celui que je lui dessine : le bonheur. Je l’y ai condamné, tout comme j’ai l’impression candide qu’il en a fait de même de moi. À mon éveil, agité et ponctué d’interruptions réflexives sur l’avenir du Clan, je découvre une proie m’étant réservée et qui me tire un sourire. Je reconnais l’odeur de mon frère contre la fourrure de l’animal, ce parfum d’herbes, d’épices mais surtout de réconfort. Je m’extirpe de ma couche et me demandant comment ce serpent a réussi à tromper ma vigilance. Comme quoi un guérisseur n’est pas à sous-estimer. Je récupère délicatement la souris et me dirige vers la sortie. Le chat noir m’y attend de son même calme implacable, avec ce regard qui dévore tous mes tracas.
Je lui adresse de mes plus beaux sourires, de ces rares qui sont réellement sincères. Parfois, je force tellement les apparences que j’ai l’impression de me perdre parmi le masque patiemment sculpté pour correspondre à cet idéal. Luciole la douce, Luciole l’attentionnée, Luciole qui se doit d’atteindre la perfection. Avec Scarabée, aucune contrainte n’existe. Je jouis d’une liberté incomparable, même si je sais que je me fais gardienne de ma propre prison autrement. Je vois dans son regard que je lui ai manqué, ce qui me pousse à culpabiliser. Mon frère fait partie de ces choses que je n’ai pas envie de négliger. Je scinderais la mer en deux s’il me le demandait après tout. Sa proposition éclaire d’autant plus mes traits et je vais à lui me blottir contre sa poitrine un bref instant, simplement pour accorder à mon cœur cette tranquillité que je ne retrouve qu’auprès de lui. Je me demande en effet à quand remonte nos dernières aventures solitaires, à lui et moi. Les responsabilités de mon titre ne font aucun sens à mes yeux lorsqu’elles entravent mon temps auprès des êtres chers.
«Tu sais très bien que je ne peux rien te refuser, mon frère. Laisse-moi simplement goûter cette souris.»
J’avale goulument mon repas avant de lui faire signe de m’accompagner. Je ne lance aucun ordre, ne croise aucun regard, ce qui ne soulève pas de questionnements non plus. Je suis une lieutenante orchestrant ses efforts vers la responsabilisation de chaque membre du Clan, favorisant une présence chaleureuse et une aide personnalisée à chaque chat plutôt que de me montrer autoritaire. Puis le Clan comprend aussi, je crois, que Scarabée et moi partageons un lien privilégié. Sitôt nous quittons l’animation du camp que je me surprends à soupirer, comme soulagée d’un poids.
«Tes yeux disent que tu as besoin de parler, Scarabée. Il y a quelque chose que ta sœur peut faire pour toi?»
Il n’a qu’un mot à dire de toute manière. Mon regard se durcit d’une détermination farouche. Mon frère n’a jamais eu besoin de ma protection mais je veille tout de même sur lui avec une attention particulière et une dévotion aveugle. Il est de ces êtres après tout, ceux qui jour après jour bouleversent votre vie.(c)Golden
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Sujet: Re: Bright Star // Lucioles Mer 11 Avr 2018 - 20:21
BRIGHT STAR feat. Épopée des Lucioles
«Sing for him.»
Ah la douceur de ma sœur. Je sais que parfois le feu couve dans son âme, prêt à tout dévorer sur son passage. Il me faut presque faire un effort d'abstraction, elle semble si loin de tout cela, des troubles qui peuvent nous agiter, nous autres. Elle est parfaite en tant que lieutenante, je le sais, tout le monde le sait, Étoile des Ouragans n'aurait pu trouver mieux, il faut que je le lui répète quitte à être ennuyeux. Ma sœur est parfaite. Je comprends mieux que les visions ne soient pas toujours celles que j'attends, en me disant cela.
Nous laissons pourtant le monde derrière nous en sortant du camp. Je vois qu'elle est soulagée, moi qui suis seulement guérisseur, qui dois simplement gérer ses patients, et en ce moment rien à déclarer à part de petites égratignures, je n'ose imaginer comment elle supporte son rôle. J'ai déjà envie de hurler lorsqu'ils sont trois apprentis à venir m'aborder en même temps parce que les malheureux ont trouvé une puce dans leur tanière ! J'espère que je saurais gérer des situations de crise, ça n'est encore jamais arrivé ici. J'espère que je saurais diriger mon apprenti. Il est si peu sûr de lui, et moi je doute tellement sans le dire. Comment fait-elle pour la chasse, les patrouilles, le chef, le reste ? Je n'ose lui demander, nous avons des questions différentes à traiter aujourd'hui et même si le bonheur de ma sœur me préoccupe beaucoup, ce n'est pas le jour pour parler de nos emplois du temps.
« J'aimerais qu'on parle d'eux. J'aimerais savoir des choses ». Qui étaient nos parents quand les morts préparaient le pire ?
Pour l'instant je n'en dis pas plus, je ne sais pas pourquoi mais j'ai envie d'être plus loin encore, je n'aime les oreilles indiscrètes que lorsqu'il s'agit des miennes. Je pose mon unique œil partout, comme si un espion pouvait sortir des buissons à tout instant. C'est ridicule mais je m'inspire de mon goût des rumeurs et autres secrets à disséminer partout. Je ne veux pas qu'on entre dans notre sphère. Pas comme je le ferais. Parfois j'ai conscience d'être un petit fourbe sournois et qui ne vit que pour le regard approbateur des autres. Mais je n'ai pas envie de changer. J'imagine que l'âge m'y aidera.
Nous avançons tranquillement vers la plage. J'aime beaucoup l'endroit et il faut en profiter avant l'été qui est déjà à nos portes. A cette période de l'année une brise légère et terriblement agréable fait voleter le sable et transforme le tout en des tornades miniatures. J'ai hâte de voir la mer, d'entendre les vagues au creux de mon cœur, le soir, quand j'irais me coucher, je sais qu'elles me berceront encore. J'ai hâte de sentir le parfum de sel et même celui, moins sympathique mais tout aussi évocateur, des algues qui viennent finir leur vie sur la plage. Pendant que nous marchons je regarde Épopée des Lucioles, des pensées variées me viennent. J'aimerais qu'elle ait des enfants, beaucoup, qu'elle soit entourée, qu'elle puisse être là pour eux, à l'inverse de nos géniteurs. Je la trouve belle aussi, j'aimerais qu'elle soit heureuse. J'aimerais savoir si notre mère lui ressemble. Je reprends ma demande floue.
« Qu'est-ce que tu penses de tout ça, Luciole ? Je me sens... non pas perdu mais changé depuis que je sais que notre sang est double. J'ai envie de connaître toute la vérité sur nous, pour mieux appréhender ce qui m'entoure. J'ai peur de me sentir déchiré ».
J'ai l'irrépressible envie de me blottir contre elle. De retomber dans l'enfance pas si lointaine où nous pouvions, sans en avoir honte, sans se dire que nous devions être forts, presser notre corps contre celui de l'autre. Comme lorsque nous étions encore dans le ventre de cette mère anonyme. Nous les deux petits avortés bien vivants. Je voudrais revenir à cette époque où, à la nuit tombée, je pouvais ramper jusqu'à ma sœur, cette petite lumière dans l'ombre et inspirer son odeur si semblable à la mienne, humer le parfum du lait et de la sécurité. Lui murmurer ma peur de l'orage à l'oreille sans qu'elle se mît à rire pour autant. Je voudrais pouvoir, au milieu du camp, lâcher les herbes que je transporte pour courir vers elle, lui donner un petit coup de tête comme je le faisais toujours, et repartir à mes obligations, l'air de rien. Être adulte c'est nul je disais. Je crois que je ne me trompais pas vraiment. On est si naturel enfant, enfermés une fois adultes.
Parfois j'ai peur de finalement partir, de me dire que le Tonnerre n'est pas pour moi, qu'Etoile Sombre c'est Luciole et que moi je suis notre mère. Je ne veux pas me séparer d'elle mais j'ai le sentiment de trop y penser, de cogiter bien trop pour que cela soit anodin. Moi qui avais toujours été si sûr de tout, même si un vide était là, à attendre patiemment, voilà que les choses avaient pris une tournure inattendue. Et je me demandais sans cesse, comment aurais-je vécu ? Comment aurait été notre vie dans l'autre Clan ? Serais-je devenu guérisseur ? Et si nous avions été séparés ? Si l'un de nous était mort sans même avoir connu l'autre ? Je n'osais y penser plus avant, cela brisait encore mon pauvre cœur déjà meurtri. Et si ma vie avait été meilleure ? C'est cette dernière question qui m'empêche parfois de dormir, qui chasse même les visions qu'on m'envoie. Et j'ai peur de céder, j'ai peur du jour où, de guerre las, je partirai pour l'ailleurs, l'autre, cette autre existence qu'on m'a refusé. Comme j'aurais aimé avoir le choix mais quel déchirement aussi... J'espère qu'elle ne voit pas tout mon trouble, j'espère qu'elle ne peut pas lire en moi à ce point. Je me sens faible et je n'aime pas ça. J'aurais peut-être eu des enfants. Je finis par m'interdire de réfléchir.
Sujet: Re: Bright Star // Lucioles Mar 17 Avr 2018 - 16:15
Épopée des Lucioles
Bright Star feat. Scarabée Noir
La solitude nous englobe et soudain ces oreilles indiscrètes se fondent dans le brouillard et dans l’oubli. Elles vont là où mes responsabilités se sont échappées, elles aussi, ce matin. Le monde entier n’a plus la moindre importance devant le trouble d’un frère. Sa seule présence suffit habituellement à taire le brouhaha incessant présent sous mon crâne, un talent dont je ne bénéficie pas assez souvent. Il a raison de décrire nos moments en tête-à-tête comme trop peu nombreux. Or, ce ne sont pas leur rareté qui les rend si précieux à mes yeux. Avec Scarabée Noir, j’ai enfin le sentiment de pouvoir me délester de cette façade illusoire d’assurance et de perfection pour simplement gambader à ses côtés, à la manière de l’enfant que je ne me suis pas longtemps autorisée à être. La forêt que nous avons déniché et bâti pour notre Clan défile sous nos pattes. Je laisse tout le temps au guérisseur de s’exprimer, le sachant parfois maladroit avec certains sujets. Quelque part, je me doute déjà de la tournure que prendra cette conversation que nous évitons peut-être depuis trop longtemps. Ce sujet que nous partageons, ce secret qui nous lie d’une manière indélébile. Je jette des coups d’œil en sa direction, soupirant tandis qu’il confirme mon impression première. Effectivement, le Scarabée ouvre la voie vers un chemin des plus épineux. Je ne recule pas cette fois, ne cherche pas d’excuses. Le moment est venu aux décisions, aussi déchirantes soient-elles.
«Nous parlerons d’eux alors.»
Ces étrangers que nous devons considérer tel notre sang. D’une autre vie, celle où nous aurions été élevés sous leur tutelle, sous leur amour, peut-être cette définition s’en serait trouvée changée. Sauf que cette réalité suggère autrement. Nous devons vivre avec ce poids qui nous entrave malgré nous, avec cette barrière qui nous sépare à la fois du reste du Clan mais aussi de notre propre famille. À mes yeux, Vipère des Sables et son compagnon sont mes parents, mais comment assumer totalement cette position en sachant pertinemment qu’il s’agit d’un mensonge? Au final, le sang n’a plus d’importance à mes yeux, j’ai appris il y a longtemps que l’amour transcende ce genre de futilité. Sauf qu’il amène le doute et de ce doute se nourrissent de nombreuses angoisses. La plage nous accueille, nous et ce secret. Je me perds dans une contemplation réflexive des vagues et du ciel. J’inspire l’air marin en laissant le sel alourdir mon pelage. J’écoute sa musique, celle des oiseaux fous dans le ciel, de la mer qui s’écrase contre ses sables humides. J’écoute le déchirement au creux de moi tandis que Scarabée énonce les raisons de son trouble, qu’il me parle de ses peurs, identiques aux miennes.
«C’est bien toi, dans ta prudence, de me poser la question en premier. Pourquoi ne pas me faire part de tes inquiétudes en premier pour une fois? Je comprends ce que tu veux dire, Scara. J’ai l’impression que de m’intéresser à eux trahit tout ce que nous avons construit au sein de notre famille, une trahison oui envers nos parents, nos sœurs. Serait-ce de moins les aimer que de connaître enfin toute la vérité?»
Je laisse mon regard se perdre dans l’océan, obnubilée par le mouvement régulier des vagues. Source d’apaisement, je me berce de son rythme, la régularité indomptable.
«Je pense souvent à elle. Étoile Sombre est mort et veille sur nous, mais il ne sera jamais là. Il n’est qu’un souvenir. Mais elle… Masque de Rosée… elle est toujours là, à nous croire morts. J’ai de la peine pour elle, d’avoir perdu son compagnon puis ses deux enfants. Je me demande si elle nous aime toujours ou si elle hait notre souvenir.»
Mon frère me reconnaîtra dans ces dires. Toujours à m’inquiéter du sort de l’autre, à adopter cette attitude compatissante au détriment de mes propres intérêts. En vérité, de la rencontrer m’effraie. De voir la peine dans ses yeux. De devoir lui dire que malgré ce lien, que je ne l’aimerai probablement jamais comme elle pourrait l’espérer.(c)Golden
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Sujet: Re: Bright Star // Lucioles Ven 4 Mai 2018 - 14:35
Scarabée Noir ft. Épopée des Lucioles
Bright Star.
Nous regardons la mer ensemble, une même direction infinie paisible en ce jour mais pleine de doutes et de questions. Nos parfums se mêlent à ceux du sel, des algues rejetés par la marée et à celui, plus diffus mais omniprésent, du sable dans lequel nos pattes s'enfoncent. Ce nouveau monde est vraiment sublime, plein d'opportunités, propice à tant de choses ! Je suis presque déçu que cela soit gâché de la sorte, j'aurais aimé vivre une vie simple, faite de succès et d'assurance. Je scrute, de mon œil valide et si seul, ma sœur tandis qu'elle parle. Elle a raison sur un point, la situation doit être difficile pour notre famille d'adoption, après tout, nous leur devons tout, ce sont eux qui nous ont protégés, nourris, élevés, c'est le Clan du Tonnerre, et pas ces deux légendes lointaines qui m'apparaissent si romantiques, comme dans une vieille histoire que les anciens racontent aux petits, tout y est merveilleux, épique, et pourtant on nous parle de batailles et de morts. Qui me dit que la reine de la Lune sera meilleure que ma mère dévouée, celle qui était là ? Personne. Et d'ailleurs je me demande, étrangement tard mais presque comme une épiphanie : pourquoi n'est-elle pas venue nous chercher, réclamer le fruit de ses entrailles malgré la honte, elle n'aurait pas apporté l'opprobre sur notre père puisqu'il était mort. Malgré mon jeune âge il est beaucoup de choses que je peux comprendre, mais je crois avoir encore autant de choses à apprendre, à intégrer.
Je m'en veux presque et couche légèrement les oreilles, comme un chaton prudent qu'on aurait grondé, lorsqu'elle me fait la remarque de ne pas m'engager dans la conversation en premier. Moi qui veux toujours faire le fier, j'avoue qu'avec elle je me laisse aller, je fais l'enfant, je ne me saisis pas ni de mon âge, ni de mes responsabilités comme d'habitude, non je préfère les laisser à sa tendresse, à son dévouement parfait. Finalement elle est peut-être aussi un peu ma mère. Nous nous sommes construits ensemble, sur des chemins opposés mais tout en s'observant attentivement, tout en partageant nos expériences, peines et joies confondues. Parfois il me semble pourtant que je me suis construit dans son ombre, attendant qu'elle essaie pour essayer, prudemment à mon tour.
« Moi aussi il me semble que ce serait trahir, mais j'ai l'impression que maintenant, mon sang gronde, comme la mer par un jour de tempête, que si je n'agis pas pour savoir, alors un éclair va venir déchirer les flots et que je risque de me noyer dans les vagues furieuses. J'ai un mal fou à me concentrer, à être à ma tâche, je veux en avoir le cœur net. J'espère juste être capable d'assumer les conséquences. Qui sait comment elle pourrait réagir ? J'ai l'impression que toi tu ne veux pas la voir, je me trompe ? Marchons un peu veux-tu ? »
Je passe près d'elle, jusqu'à sentir son pelage contre le mien, un peu de chaleur est la bienvenue et j'aime, depuis toujours, voir mes pas imprimer leur trace dans le sable humide, au plus près de l'eau, avoir le sentiment que je laisse mon emprunte, réelle, quelque part. C'est sûrement toutes ces illusions, ces illustres inconnus, l'impression d'être le fils de fantômes, d'en être un moi-même, peut-on avancer si l'on ne sait d'où on vient ? Et puis une idée me percute de plein fouet. Je crois que ma carapace émotionnelle se reforme. Je ris légèrement en y songeant, je fais une petite grimace, tire la langue de côté et roule des yeux vers l'arrière en agitant les pattes de droite à gauche :
« Peut-être qu'elle est devenue folle tout à coup et qu'elle va tenter de nous kidnapper ou même qu'elle a complètement perdu la tête ! »
J'espère ainsi détendre l'atmosphère, c'est ma manière indélicate et qui me viens de mes habitudes en public : faire rire pour désamorcer, se faire bien voir, afficher cette fausse désinvolture qui jure totalement avec ce qui m'anime. C'est sûrement ridicule, ça l'est, mais je ne peux m'empêcher de réagir de la sorte. Si on me touche je dois riposter, avoir l'air entier quand on m'a arraché un membre.
Et voilà que pour me dédouaner, pour éviter une éventuelle foudre, je me mets à dire ces choses qui me sont si intimes et qui sont interdites à ma condition. Je me mets à lui avouer ouvertement que mon existence policée ne me plaît pas. « Tu sais, j'aimerais avoir des enfants, j'aimerais savoir ce que ça fait, pour comprendre toute la subtilité de ces choses, éprouver les sentiments que seuls eux peuvent te procurer. Peut-être que je vais devenir fou sans cela, en fait, je n'imagine pas l'état dans lequel elle se trouve. Nous devrions aller la voir. »
Je suis insistant, je le sais, mais l'avoir convoquée auprès de moi n'est pas innocent, je nourris cet espoir depuis longtemps déjà, et je sais tout au fond de mon petit égoïsme, que même si elle refuse, j'irai quand même. Et je pense qu'elle le sait aussi.
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Sujet: Re: Bright Star // Lucioles Dim 20 Mai 2018 - 20:07
Épopée des Lucioles
Bright Star feat. Scarabée Noir
J’ai souvent pris les devants, l’entraînant à ma suite, me faisait exploratrice de ce monde que nous n’avons pas encore totalement compris. J’ai pris les risques, j’ai parfois brillé pour lui. Je me rends compte de l’ombre que je projette sur mon jumeau, tente désespérément de percer les ténèbres où il accepte de se terrer trop souvent, lui prêtant de ma lumière. Parfois j’ai crainte. Que son amour se ternisse, que je m’éloigne trop dans mes découverte, crainte qu’il ne me reconnaisse plus. Parfois, je l’affronte, le force à se départir de ses réserves, parfois j’ai aussi envie d’un leader, d’une étoile pour me guider. Parfois je frémis devant l’adversité, confuse et seule, à espérer prendre les bonnes décisions. Je prends conscience de ma jeunesse, de mon inexpérience. De toutes les peurs qui m’habitent, prenant appui sur mes vulnérabilités grandissantes, sur tout ce que je ne me suis jamais laissé être. Je jette un regard vers lui, perdue. J’ai le désir ardent de lui épargner toutes les douleurs, même celles que je pourrais lui causer. Mais je n’y parviendrai pas s’il ne me dit pas ce qu’il désire, alors que je suis moi-même une mer houleuse et mitigée, écartelée de cette lourde décision qui me pèse depuis longtemps. J’ai envie, aussi, qu’il me délivre du poids de ce choix qui affectera le reste de nos vies. Je me demande s’il ne serait pas plus facile de continuer ainsi, dans l’oubli. Mais je n’avais pas prévu la tempête grondante en mon frère, ce souffle qui le pousse vers des contrées inconnues.
Scarabée Noir évoque un trouble que je n’ai pas su voir, une détresse qui alourdit ses tâches et confond ses pensées. Et je l’imagine porter ce fardeau seul, au-travers une vie plus tranquille que celle habituellement réservée aux guerriers, à ressasser ces choses dures, ces choses lourdes, en solitaire. La culpabilité vers assombrir mes traits, causer la grisaille parmi mes prunelles bleutées. Je souffre de le savoir si écartelé de la chose, en ressentant ce que je craignais depuis longtemps. Un gouffre. Entre nous, deux états d’âmes complètement différents. Le guérisseur s’anime de colère, remet en question son existence, ses choix, les événements tus de notre vie. Moi, je me contente de ce que j’ai construit pour me préserver du mal que j’ai ressenti à l’annonce de mes origines. J’ai peur, peur de les aimer, peur de me trahir, peur de ne plus me retrouver. De causer du mal à nos sœurs, à nos parents. J’ai peur de savoir, de voir l’amour dans les yeux de cette chatte, le poids du deuil. J’ai peur de l’aimer, j’ai peur de ne jamais y parvenir. Je me tais, car il me connaît trop bien, chaque geste me trahit. Avec lui, le masque est inutile, je le jette à la mer en espérant ne pas décevoir mon jumeau. J’avance avec docilité, incapable d’affronter le flot de mes émotions contradictoires. Je marche à ses côtés, me rassurant de son contact. Il est là, il est encore là.
Il tente d’alléger l’atmosphère; je ne parviens pas à me prêter au jeu. Trop crainte de l’avoir froissé, de voir éclater une disparité entre nous, que ce sujet ne nous sépare. J’écoute le bruit des vagues, tâchant de m’apaiser, de reprendre le contrôle. Il semble plus calme et son assurance me pousse à mettre de côté mes craintes, du moins un instant. Je m’abreuve de ses misères, ne l’ayant jamais réalisé si vulnérable aux conditions de son emploi. Je l’ai cru immuable, intouchable. De l’imaginer père me fait drôle; ne sommes-nous pas encore des enfants? Où sont passés nos jeux et l’innocence de nos rires? Je ne sais plus où j’en suis. J’ai l’impression d’habiter, toute petite, un corps trop rapidement grandi.
«Tu penses déjà à toutes ces choses? Oh Scarabée, je ne pense même pas à demain. Demain me paraît si loin. J’ai encore l’impression d’apprendre qui je suis, où je vais, je ne pourrais m’imaginer forger d’autres êtres pour l’instant. Un jour, tu auras ta chance. Tant de choses changent, Scarabée, je rêve d’un monde où le code du guerrier nous élève plutôt que nous condamne.»
Je n’ai retenu que ce qui m’arrangeait de son discours, prend un autre chemin que celui qu’il désirait emprunter aujourd’hui de par cette conversation intime, à l’abri des regards. Je soupire, mesurant ma lâcheté. Je ne veux pas le décevoir.
«Ce n’est pas que je ne veux pas la voir, tu sais. J’ai pitié pour elle, je peux imaginer sa souffrance. Une part de moi demeure curieuse, mais je ne sais pas si je suis prête à apprendre mon histoire à travers sa gueule. La dernière fois, j’ai bien cru que je me noierais de mon chagrin, j’ai fait du mal à toute notre famille, j’ai peur de retomber. Tu… tu seras là pour me rattraper, hein Scarabée?»