Quelle belle journée... [Pv Hibou]

Roulé en boule dans ma litière, je sentis quelques rayons de soleil me caresser l'échine et poussais un soupir de contentement. Qu'il était agréable de sentir la chaleur de l'astre sur mon dos… Celle-ci faisait disparaître toutes ces courbatures que j'avais pu amasser ces derniers jours. Ah… Les enchaînements de ce cher Hibou de Minuit… Je pense m'en souvenir tout le temps que durera mon existence. Épuisants, je ne rentrais jamais indemne de nos sorties, à croire qu'il prenait un malin plaisir à me voir souffrir. Le bougre avait beau paraître acerbe, je savais au fond de moi qu'il ne l'était pas réellement. En effet, depuis le début de mon apprentissage il semblait s'être adouci dans ses agissements, à moins que ce ne fût mon imagination qui me jouait des tours. Trop habitué à son caractère peu amical, il était tout à fait probable que je ne discernais plus le vrai du faux avec lui… Remarquant soudainement la température élevée qui sévissait sur ma fourrure noire, je me levais prestement. Par le Clan des Étoiles ! Quelle heure est-il !? M'extirpant non sans effort de mon lit douillet, je jetais un œil anxieux aux nids d'ordinaire rempli lorsque je m'éveillais. Vides. Ils étaient vides. Tous. Avais-je dormi tant que ça ? Cela ne me ressemblait pas, moi qui prenais pourtant plaisir à quitter la tanière de bonne heure pour aller porter assistance aux autres… Mais plus important, que dirait mon mentor ? Un frisson courut le long de ma colonne vertébrale. S'il se rendait compte de cela, je ne ferais sans doute pas long feu. Honteux, je m’engageais dans le camp dans lequel certains se mirent à sourire à mon passage. Réalisant trop tard que ma fourrure était souillée de mousse, je leur adressais un rire nerveux avant de me décider à effectuer une rapide toilette dans un coin. La journée commençait bien… Il ne manquerait plus que Hibou de Minuit me tombe dessus. Ce serait ma fête...

A l'approche de mon mentor, je ne pus m'empêcher de lui lancer un large sourire idiot, conscient de la bêtise dont j'avais fait preuve. N'ayant aucune excuse valide à proposer, je ne pouvais dire mot. Seules mes expressions en disaient long sur mon état d'esprit. Les oreilles quelque peu basses, je n'étais pas fier de moi, malgré ce rictus embarrassé que je parvenais à afficher faiblement. Celui-ci disparut cependant bien rapidement lorsque mon mentor eut fini sa phrase. Moi qui souhaitais n'être une gêne pour personne, je l'avais été en ce jour. Qui plus est, dès la première heure et cela ne pouvait que m'exaspérer de plus belle. Je décidais donc de me rattraper, le plus prestement possible. Aussi me levais-je hâtivement lorsque Hibou de Minuit s’éloignât de moi pour se diriger vers la sortie du camp. Je le rejoignis ensuite au pas de course dans l'espoir de ne pas le faire attendre davantage.

- Je suis vraiment désolé Hibou de Minuit… Je ne voulais pas chambouler ta matinée.

Une fois à sa hauteur, je levais vers lui deux yeux d'apprenti naïf cherchant à se faire pardonner. Je m'en voulais terriblement mais ce qui était fait était fait. Mais on ne change pas le passé. Jugeant ensuite qu'il serait dommage de déprimer en ce début de journée, je me repris bien vite, préférant très largement avoir le sourire aux lèvres plutôt que d'afficher une mine de chien battu.  Je me mis alors bientôt à sautiller aux côtés de mon mentor, joyeux, comme si cet incident n'était qu'un lointain souvenir. Je me préférais de loin comme ceci, ce qui n'était peut-être pas le cas du mâle tacheté...

- Qu'allons-nous faire aujourd'hui ?

Malgré l'agacement palpable du guerrier, je ne changeais en rien mon attitude, trop content de partir en excursion. Qui sait, peut-être apprendrais-je de nouvelles choses passionnantes ? Peut-être irions-nous pêcher le poisson ? Tout me conviendrait tant que je pouvais le rendre fier de moi et de ne pas le faire regretter d'avoir accepté de me prendre pour apprenti. Sa réplique cinglante qu'il m'adressa suite à ma question ne suffit d'ailleurs pas à faire s'évanouir mon sourire naissant. Continuant de lui bondir tout autour, je réalisais sans doute bien trop tard que je risquais d'effrayer des proies à marteler ainsi de sol. Je m'arrêtais donc, peu enclin à recevoir une nouvelle raillerie de la part de mon aîné. Cela n'affecta toutefois en rien  ma bonne humeur qui persistait avec acharnement, du moins, jusqu'à ce que Hibou de Minuit me dévoile le programme que nous allions suivre. Du combat ? Pourquoi pas de la chasse ou de la nage ? De toutes les activités qui existaient, il avait fallu que cela tombe sur celle-ci… Un guerrier devait bien sûr apprendre à se battre pour se défendre, j'en étais parfaitement conscient, mais pourquoi devions-nous répéter ces mêmes mouvements inlassablement ? Pour s'améliorer pardi. Mouais.

- La souplesse peut-être ? Ce n'est pas ce que je maîtrise le plus.

Le fait de m'avoir demandé mon avis m'offrait au moins l'occasion d'essayer d'échapper à la corvée qui s'annonçait. Souplesse rimait avec esquive à mon sens, et esquive avec absence de combat. Or il se trouvait que je ne portais pas le combat spécialement dans mon cœur, aussi espérais-je y échapper quelque peu en lui proposant mon opinion. Mais évidemment, Hibou de Minuit me connaissait parfaitement, il verrait très certainement clair dans mon jeu, il ne serait pas dupe. Mais qui ne tente rien n'a rien, n'est-ce pas ?

"Ta bonne humeur gâche la mienne, petit." pensa-il, presque à voix haute. Mais son expression permettait d'en traduire ces quelques mots. Le guerrier dévisageait son apprenti lorsque celui ci s'amusait à courir et sauter dans la clairière. Finalement, il soupira et s'assit  face à lui, fronçant les sourcils. "Génial" lâcha-il sèchement à Nuage Vagabond, sans le lâcher, insistant avec son regard dur et accusateur. Il lut  en lui tout son enthousiasme à cette activité, ce qui tournait autour de : zéro.  Le jeune guerrier, assis jusqu'à présent, se releva et s'étira rapidement. Il bouillonnait d’impatience et ça tombait bien puisque son satané apprenti semblait avoir enfin saisit l'exercice, oh il bougeait : fantastique ! Hibou leva les yeux au ciel avant de prendre une position adéquate.
Il voulait utiliser son point fort. Très bien, celui ci deviendrais son point faible. Hibou avant une fâcheuse tendance à renverser la situation, à son avantage pour la plupart des cas. Alors, sans perdre son regard, le guerrier attisa celui de son adversaire, qu'il essaye. "Essaye de m'attaquer, et de me battre, autrement que par la force, petit." 

Hibou de Minuit ne semblait pas tant ravi que moi à la vue de cette proposition. Il me connaissait depuis maintenant quatre lunes, il aurait pu s'y attendre et essayer d'afficher une mine surprise pour changer, au moins pour faire plaisir à son cher apprenti ? Au lieu de cela, il préférait visiblement afficher un air contrarié qui ne lui sciait guère à mon humble avis. Une allure plus détendue lui conviendrait mieux, on apprécie d'autant plus la vie lorsque l'on se trouve dans un état d'esprit calme et serein. Pensant à cela, je me préparais en me mettant en position tandis que mon mentor s'exécutait de son côté avec rapidité avant de m'adresser les quelques mots qui m'indiquaient très clairement mon but durant cette séance : je devais me débrouiller pour mettre à terre le mâle qui se trouvait face à moi sans user de la force. Mes leçons me remontent alors rapidement en mémoire et me concentrant sur la patte avant droit de mon «adversaire » je décidais en réalité de m'en prendre à celle de gauche. Une fois correctement positionné, je m'élançais sans quitter l'antérieur droit du regard. Arrivé à la hauteur du matou et proche de ma destination, je pivotais en équerre et tentais de faucher sa patte gauche par rotation. Touché ou non, je profitais du déséquilibre que je lui avais sûrement occasionné pour enchaîner sur une autre attaque. Je me redresse donc puis pris appuis sur mes pattes arrières l'instant suivant. Je me propulsais ensuite sur le cou du matou pour accroître son instabilité et espérer le faire chuter. Pour vu que cela fonctionne.

Aussitôt sauté que déjà renversé. Je m'étalais de tout mon long lorsque Hibou de Minuit me frappa de plein fouet. Je me redressais alors rapidement, ce qui ne sembla d'ailleurs pas suffire : le guerrier déjà en vol ne tarderait pas à m'atterrir dessus. Pris de court, je cherchais à me déporter sur le côté, mais manque de bol l'une de mes pattes arrières glissa ce qui laissa le temps au mâle de m'attraper par la queue. Il en profita alors pour se faufiler entre mes pattes avant de s'évader aussi promptement que ce qu'il était arrivé. Plantant mes griffes dans le sol meuble, je parvins tout de même à garder un semblant d'équilibre lorsque le matou s’affairait auprès de mes pattes arrières. Voyant l'occasion en or de répliquer, je profitais qu'il soit posté derrière moi pour lever mes postérieurs et lui asséner un coup au niveau de la gorge et un autre au niveau de la joue, prenant bien évidemment garde à ne pas viser ses yeux. Mon agression se fit brièvement mais puissamment : une attaque paraissant forte oblige généralement l'adversaire à se reculer pour esquiver là où une attaque semblant faible pourrait laisser le choix à l'autre d'encaisser le coup sans trop souffrir. Espérant que Hibou de Minuit fasse quelques pas en avant, je me dépêche pour m’aplatir et pivoter dans un unique mouvement. J’accélérais ensuite pour arriver à la hauteur de ses pattes arrières dans lesquelles je frappais. Pourvu que l'attaque de tout à l'heure le repousse suffisamment pour qu'il vienne se prendre les pattes dans les miennes. Clans des Étoiles, faîtes qu'il trébuche ! Dans ce cas-là, je n'aurais qu'à le plaquer et l'immobiliser pour en finir avec le combat et lui prouver de quoi je suis réellement capable.

Comme escompté, le matou tacheté s'embrouilla les pinceaux dans mes pattes et trébucha avant de se vautrer dans mon dos. Surpris que mon attaque ait aussi bien fonctionné, je mis du temps à réagir, les yeux encore ronds de stupeur. Hibou de Minuit était à terre, ce n'était certainement pas le moment de se ramollir. Allez, on se bouge ! L'étonnement passé, je m'empressais de me recroqueviller et de bander mes muscles tant que mon adversaire se trouvait encore au sol. Je ne devais pas laisser filer l'occasion de prendre le dessus. Je relâchais donc quelques secondes plus tard la pression qui s'était accumulée dans mes pattes et bondis en direction du guerrier. Mes coussinets atterrirent l'instant suivant sur la fourrure sable du mâle à laquelle je m’accrochais fermement pour ne pas lui permettre de se relever finalement. Voyant que le chat ne se débattait pas plus que cela, je le relâchais rapidement et laissais fuir le félin que j'étais parvenu à capturer non sans mal. Ce dernier ne semblait pas vouloir répliquer, j'en concluais donc que notre première session était terminée. Mais l'était-elle réellement ? Aucune idée.

- Je sais que tu n'oses pas, mais tu peux bien le dire Hibou de Minuit… Allez, avoue que je t'ai épaté !

Content de moi, j'affichais un large sourire et lâchais un ronron amusé. La queue relevée et le dos courbé, j'avançais mes pattes sur le sol de sorte à ce qu'une grande partie soit en contact avec l'herbe. Vu de l'extérieur, je devais très certainement ressembler à un toutou attendant que son bipède lui lance sa balle adorée, mais qu'importe, j'étais bien trop heureux d'être parvenu à plaquer mon mentor.

Ah le fourbe ! Il fallait s'en douter ! Une vantardise, même légère, ne passe généralement jamais avec lui. Il faut dire qu'aveuglé par la joie d'être parvenu à « malmener » mon aîné, je n'avais pas réellement pensé aux conséquences qu'il pouvait advenir. Alors, et sans que je n'ai pu protester quoi que ce soit, je me retrouvais sous Hibou de Minuit, plaqué dos au sol. Il me tenait fermement. Plus pour la forme que par authentique conviction, je me débattais quelque peu puis me contentais finalement de faire la moue. Tout de même heureux du compliment que j'étais parvenu à déceler dans ses paroles, j'écoutais d'une oreille distraite les reproches qu'il me fit par la suite. Eh non, je n'avais toujours pas intégré cette partie-ci de la leçon… Mais ce n'était pas représentatif, nous étions en entraînement alors cela ne pouvait rien faire de mal, n'est-ce pas ? J’agirai évidemment différemment si je venais à me confronter à un adversaire, du moins, j'osais espérer… Le matou se décida finalement à me laisser filer, je me relevais donc et m'ébrouais nonchalamment pour faire tomber les quelques brindilles qui s'étaient prises dans mon doux pelage. Après deux coups de langue passés sur mon poitrail, je lançais un regard malicieux à mon mentor puis me jetais sur le tacheté et me mis à lui mordiller l'oreille, pattes arrière au sol et patte avant sur son dos.

- Dis Hibou… Je n'ai pas été trop mauvais ?