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 Toi, le frère que je n'ai jamais eu. [Souffy]

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Nighty
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MessageSujet: Toi, le frère que je n'ai jamais eu. [Souffy]   Toi, le frère que je n'ai jamais eu. [Souffy] 3horlo10Mer 1 Nov 2017 - 22:35


Petite Plume
Mon frère - Calogero (reprise de Maxime Le Forestier)


Ce matin, l'enfant ne s'est pas levée.

Un à un, sa mère, son frère & ses sœurs ont quitté la litière confortable, délaissant de leur chaleur la petite boule de poils. Avant eux, les trois autres occupants de la Pouponnière étaient déjà sortis. A présent, tous sont dehors, vaquant à leurs tâches ou s'amusant dans la neige avec toute le sérieux de leurs rangs ou la candeurs de leurs âges. Mais elle, n'a pas bougé. Roulée en boule dans un coin, les yeux clos aux coins desquels perlent de petites larmes discrètes de temps à autres. Prostrée, toute seule dans le grand nid de sa petite famille.

Ce matin encore, l'enfant n'a pas bougé.

Après une première journée entière, suscitant les interrogations de ceux partageant avec elle la tanière des mères & des chatons, la petite a recommencé. Recroquevillée en boule sur elle-même, elle n'a pas levé une patte ni un regard une deuxième matinée durant, puis une autre après-midi, & la soirée encore. Ne répondant pas aux questions, s'alimentant à peine en fin de cette deuxième journée d'immobilisme, & uniquement sous la pression des suppliques ou menaces de sa fratrie & de leurs parents. Mais mérite-t-elle seulement cette nourriture?

Ce matin à nouveau, l'enfant est demeurée couchée.

Alors on a fini par faire venir la Guérisseuse. Tournant le dos, refusant de se lever, la chatonne refuse les remèdes qu'on lui propose, ne se laisse qu'à peine examiner. Ne mange que si on l'y oblige, mais toujours aussi peu. La Guérisseuse ne lui décèle aucune maladie, on finit par sortir. Elle sent à peine les regards qui se posent sur elle, ignore les inquiétudes, les pense feintes ou injustifiées selon les instants. Elle n'en mérite rien. Un sanglot frêle agite la petite boule de poils, alors que les pleurs humidifient la mousse sur laquelle elle demeure.

Un nouveau jour se lève, l'enfant reste sur sa litière.

Autour, l'inquiétude commence à naître plus sévèrement, on l'interroge, on la pousse, on la force à s'alimenter, on essaie de lui faire dire ce qu'elle a. Elle n'en mérite pas tant. Elle ne mérite rien de cela, elle le sait à présent. Comment a-t-elle pu seulement être joyeuse un jour, quand aucune de ses respirations ne devrait être sienne? Elle sait tout, elle a toujours su. Comment a-t-elle pu ne serait-ce qu'un instant croire que la situation était normale, qu'elle avait droit à tout ça? Elle ne mérite pas cette vie qui n'est pas sienne. Ce n'était pas à elle d'être là. Alors elle tourne le dos & se renferme telle une huître, une journée encore.

Un cinquième soleil voit le jour, l'enfant demeure immobile.

Ce matin, le nom a retentit hors de la Pouponnière, tout près. Aussi clair que s'il avait été hurlé à son oreille, dans la bouche de deux félins discutant, elle ne sait même pas de quoi. & soudain, de violents sanglots ont secoué les épaules de la petite, & les larmes ont coulé sans plus pouvoir s'arrêter alors que de frêles gémissements déchiraient le silence de la Pouponnière vide, premiers sons émis par la petite depuis cinq longues journées. Il n'a pas eu de chance, disent-ils? Foutaises que cela. Elle est coupable, voilà tout. Elle a volé cette vie, & non contente d'avoir eu l'audace de l'apprécier, elle a eu celle d'oublier celui à la place de qui elle respire, celui qui est mort tandis qu'elle s'arrachait aux entrailles maternelles pour vivre. De ne plus penser à celui qui fut sacrifié pour elle, celui qu'elle a tué pour naître, comme s'il n'y avait rien de choquant dans ces faits. Son frère est mort. Son frère est mort, parce qu'elle est née. Si elle n'avait pas été là, lui serait encore en vie. & il profiterait de la vie qu'elle lui a volée, ainsi que cela devrait être.

fiche by Nighty Jaegan.

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Toi, le frère que je n'ai jamais eu. [Souffy]
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