Birds were angry before Hitchcock || Ft. Plume de Mésange

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birds were angry before hitchcock

lune 1210 - plume de mésange & mûre des bois

La saison des neiges battait son plein depuis maintenant deux bonnes lunes. L'air n'en finissait pas de fraîchir, couvrant le plus souvent la forêt d'un manteau neigeux ou, si le ciel était dégagé la nuit, d'un fin voile givré. Cette journée appartenait à cette dernière catégorie. Après une première patrouille aux aurores, Plume de Mésange avait hésité à se recoucher. Ses paupières étaient alourdies d'un sommeil trop souvent entrecoupé de réveils, et les premiers pas qu'elle avait fait hors de la tanière des guerriers l'avait passablement refroidie. À ce moment-là, elle n'avait pensé qu'à l'instant où elle pourrait se lover à nouveau dans sa litière. Mais lorsqu'elle était rentrée de sa ronde, la tanière s'était vidée de ses occupants. Mésange avait donc décidé de continuer de se réveiller... Plus loin.

Empruntant d'abord un sentier que les membres du clan utilisaient pour longer la frontière avec celui de la Rivière, elle se faufila entre les arbrisseaux de l'orée du bois avec l'aisance d'une vie passée à côtoyer toujours les mêmes chemins, les mêmes arbres. Sur sa gauche, le cours d'eau était toujours en majorité gelé, seul un filet d'eau coulant encore au milieu. La guerrière repéra rapidement le petit gué de pierres qu'elle prenait régulièrement dès qu'elle partait s'aventurer sur les terres libres et le franchit en quelques bonds, faisait attention de ne pas tremper ses pattes dans l'eau glacée. Une fois arrivée sur l'autre rive, elle avisa le paysage qui lui faisait face. Où aller maintenant ? Le tas de gibier avait besoin d'être regarni chaque jour alors peut-être qu'un tour à la clairière se profilait ? L'endroit, au-delà d'être charmant de nuit, avait tendance à regorger de proies à la mauvaise saison. Ses fleurs vivaces attiraient oiseaux et petits rongeurs en quête d'une nourriture faite rare à cette période. Va pour la Clairière Enchantée alors.

La chatte rayée n'avait fait que quelques pas qu'elle entendit un bruit étrange, proche d'elle... et qui se rapprochait vite, apparemment. Intriguée, Mésange tourna la tête de droite à gauche sans pourtant rien détecter. Elle allait humer l'air - pour tenter de démasquer l'auteur de ce boucan - quand une pie visiblement amochée voleta à toute allure devant elle. Surprise Mésange cligna des yeux, ne pouvant qu'observer les plumes laissées dans le sillage de l'oiseau tomber au sol. Elle allait poursuivre dans la même direction lorsque cette fois-ci une masse grise lui fila sous le museau avec la rapidité de l'éclair. Et c'est alors qu'une drôle de scène se déroula à quelques longueurs de queue d'elle.

Une petite chatte au pelage cendré se battait avec la pie. Non, ses yeux ne l'abusaient pas. Non, elle ne s'était pas rendormie. Plume de Mésange continua de regarder le combat entre les deux... opposants - parce qu'il n'en était pas autrement - et finit par distinguer clairement l'odeur du clan de la Lune. Eh bah, c'est à croire que la clairière est devenue un de leurs territoires. C'était la deuxième fois en à peine une lune qu'elle croisait un de ces membres ici. Étouffant un grognement, la guerrière leva les yeux au ciel, accompagnée par les cris grinçants de la pie et pris en pitié la féline. Elle s'accroupit et rampa sur une courte distance en essayant de rester dans l'angle mort de l'oiseau. Heureusement ce dernier était bien trop occupé à rendre coups de bec et de serres à la chatte cendrée pour remarquer sa présence. Mésange voyait bien que la chatte cendrée arriverait à bout du volatile, cependant elle ne savait pas dans quel état et elle préférait lui filer un coup de patte maintenant plutôt que de devoir rapporter une apprentie blessée au camp de la Lune. Profitant du fait que la pie était concentrée à dépenailler la pauvre luneuse de ses coussinets, elle tenta de lui donner un premier coup de griffes qu'elle loupa à cause de ses mouvements frénétiques. Le deuxième fut quant à lui plus efficace et atterrit sur sa tête, ce qui acheva de l'assommer.

Le silence se fit aussi brutalement qu'il avait été rompu. La respiration forte de la chatte cendrée éclata, faisait se demander à Mésange si elle n'était pas vraiment blessée. « J'aurais jamais cru qu'une pie puisse être aussi énergique à la mauvaise saison. Mais c'est un sacré morceau. » Prudemment, la guerrière rayée se recula de quelques pas. Elle ne savait pas si la femelle grise prendrait bien ou non son intervention. Prenant une posture détendue, elle se lécha la patte avant - qui avait reçue un coup de serres semblait-il - avant de l'observer d'un œil circonspect. « Je ne vais pas te la voler. » Des gouttes de sang perlaient du haut de sa tête. « Tu es une apprentie ? »

Celle qu'elle avait pris à tort pour une apprentie lui décrocha un sourire lorsqu'elle se présenta. S'asseyant devant Plume de Mésange, la dénommée Mûre des Bois ne semblait pas vraiment rancunière ni de nature orgueilleuse : elle la remercia même pour son coup de patte, geste que Mésange gratifia d'un petit signe de tête, se défaisant de la tension que avait habité son corps jusqu'au premières paroles de la chasseresse. Mention qu'elle ne manqua pas de relever. Comme les autres clans, la Lune avait également des rangs aux tâches particulières, apparemment plus simplistes que les ambassadeurs du Tonnerre. Il lui semblait étrange qu'un rang soit spécifiquement dédié à la chasse - après tout, n'était-ce pas le lot de tout guerrier ? - mais elle n'était pas là pour revoir les us et coutumes des autres. Cela n'empêcha une pointe de curiosité de naître à l'égard de Mûre des Bois.

L'humeur de Plume de Mésange remonta quelque peu devant l'accueil que lui fit la chatte adverse et laissa ses muscles se détendre, adoptant définitivement une posture tranquille. Jetant un coup d'œil à la pie désormais immobile, elle lui répondit, mi amusée : « Ta sauveuse se nomme Plume de Mésange, quarante lunes. Et elle est contente d'avoir évité un hypothétique massacre. » Le volatile étalé aux pattes de la chatte cendrée était énorme pour la saison et côte à côte, chasseur et proie créaient une drôle de vision, entre poils ébouriffés et plumes dépeignées.

« Ça t'arrives souvent de te battre griffes et crocs contre les proies que tu chasses ? » Non sans un brin de sarcasme dans la voix, mais délicat et sans véritable pique, Mésange pris la décision de reporter quelque peu sa partie de chasse. De toute façon, avec le raffut des derniers instants, il faudrait attendre un peu avant que les oiseaux et rongeurs ne reviennent dans le coin. Elle pouvait aussi prendre congé de la chasseresse, mais sa compagnie serait peut-être agréable. Et elle pourrait peut-être en apprendre un peu plus sur ce clan - et ce meneur - qui lui paraissait si différent de celui où elle vivait. « J'étais venue tenter ma chance dans le coin et dégotter quelque chose mais... Il semble que je vais devoir attendre un peu. »