La mésange prend son envol. Ft Plume de Mésange

La veille, Matin Embrasé s'était vu assigné sa toute première apprentie ; Nuage de Mésange. Celle-ci avait déjà commencée son entrainement il y a peu avec un vieux guerrier du nom de Branche Biscornue, celui-ci était réputé pour être aigri et de mauvaise foi, plus jeune il avait eu un incident qui lui avait valu une queue tordue pour le reste de sa vie, Etoile Sombre avait jugé bon d'unir les deux chats au vu de leur point commun, Nuage de Mésange avait également un handicap, elle possédait six doigts à ses pattes ce qui pouvait avoir une influence sur son équilibre. Malheureusement, le duo n'avait pas tenu longtemps, Branche Biscornue avait prétexté qu'il souhaitait rejoindre les anciens, mais la réalité était que les deux chats ne s'entendaient pas du tout.

Le jeune guerrier avait vu rouge lorsque son père lui avait relayé l'apprentie, était-ce une blague de mauvais goût ? Une fille comme première novice, et qui plus est avec un handicap... Peut-être cherchait-il à tester sa patience ? Matin allait lui prouver qu'il était capable de devenir un mentor hors pair, et il allait faire de Nuage de Mésange une des meilleures apprenties. Cependant, au vu de son passif avec son premier mentor, il se demandait quel était le caractère de la petiote, allait-elle le défier ? Parce que si c'était ça, elle allait être servi la pauvre, Matin Embrasé était tout sauf quelqu'un de facile à vivre. Qui plus est, il n'aimait pas les filles, il les trouvait faibles et incompétentes. Exceptée une, qu'il adulait au plus haut point. Nuage de Révolte, la jeune apprentie du Vent était certainement la première femelle pour qui il avait ressentit une certaine admiration, il aimait son caractère rebelle et sa façon de ne pas baisser la tête face au jeune matou, elle avait beau être minuscule, elle savait en découdre.

Il espérant que Nuage de Mésange serait de la même trempe que celle-ci. Sinon, il savait Ô combien son entrainement serait ennuyeux. Il se dirigeait lentement vers la tanière des apprentis, ou il passa la tête en quête d'un corps somnolant dans l'obscurité, il aperçut la jeune chatte qui semblait dormir. Sans aucun tact il l'approche et la secoua brusquement.

"Réveille toi, c'est ton premier entrainement en ma compagnie aujourd'hui, j'espérais que tu montrerais un peu plus de détermination et que tu serais venue me chercher toi même à l'aube mais visiblement tu ne sembles pas vouloir devenir une vaillante guerrière. Il marqua une pause en espérant que sa pique titillerait la jeune novice. J'imagine que tu as  déjà du visiter les territoires et apprendre quelques techniques de chasse avec Branche Biscornue, aujourd'hui ce sera entraînement en combat, je veux voir ce qu'il y a sous ces maigres muscles."

Il plissa des yeux et sans attendre de réponse, l'imposant matou rejoignit la combe, il n'attendit pas que la chatte puisse émergée correctement de son sommeil, il emprunta le tunnel de ronce sans attendre, il ne jeta même pas un coup d'œil en arrière pour vérifier que la jeune chatte le suivait. Lorsqu'il arriva à destination, il ne perdit pas de temps. Il installa une pomme de pain au milieu de la combe sablonneuse, et incita la femelle tigrée à se positionner face à l'objet.

" Montre moi comment tu t'y prendrais avec une attaque surprise."

Il attendit en silence.

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la mésange prend son envol

lune 1180 - nuage de mésange & matin embrasé

Les secousses qui agitaient Nuage de Mésange n'avaient rien à voir avec son rêve. Elle pourchassait une myriade d'oiseaux qui, va-t-on savoir pourquoi, semblaient tous incapables de s'envoler ! Tant pis pour eux. Alors qu'elle allait de plus en plus vite, la terre tremblait aussi de plus en plus fort. Une secousse particulièrement violente manqua  de la renverser et sans savoir pourquoi, elle jeta un regard hargneux derrière son épaule. Et se retrouva truffe contre truffe avec Matin Embrasé. Les yeux écarquillées, surprise, Nuage de Mésange contempla le grand mâle qui la toisait. Son regard bleuté perdit un instant l'apprentie qui se demanda ce que le matou pouvait bien avoir à faire avec elle. Mais ses paroles eurent tôt fait de la glacer intérieurement. Elle cligna des paupières une fois, deux fois, tâchant d'intégrer tout ce qu'elle venait d'entendre. Et soudain, tout lui revint. Par les étoiles, comment j'ai pu oublier. Elle avait devant elle son nouveau mentor.

Matin Embrasé était un chat imposant, qu'elle ne risquait pas de dépasser en taille un jour. Et un guerrier qu'elle n'avait pas eu beaucoup l'occasion de côtoyer, bien qu'elle ait entendu sur lui certaines rumeurs qui se murmuraient à son passage. Mais rien de cela ne l'intéressait. Ce qui l'intéressait sur le moment, c'était l'arrogance avec lequel ce dernier cru bon de lui adresser la parole. Sentant souffler en elle le vent de la révolte, ce dernier ne lui laissa cependant guère le choix que de le suivre. D'un bond, Nuage de Mésange fut sur ses pattes, chassant les derniers lambeaux de son rêve et commençant à slalomer au travers de la tanière, évitant comme elle le pouvait - c'est-à-dire mal - les corps des apprentis. La lueur matinale la fit plisser les yeux, perdant de ce fait un instant le guerrier des yeux. ...venue me chercher toi même à l'aube... Enfin, après quelques secondes, ses yeux se firent à l'aveuglante luminosité et elle remarqua Matin Embrasé qui empruntait le tunnel de ronces. Poussant sur ses pattes encore engourdies par le sommeil, elle se dirigea dans sa direction. Son ventre émit un puissant gargouillement lorsqu'elle passa devant le tas de gibier mais elle n'était pas sûre que son nouveau mentor apprécie le retard si jamais elle s'arrêtait pour grignoter un morceau. ...vaillante guerrière... Elle finit par lui emboîter le pas, trottinant derrière ses grandes enjambées.

Nuage de Mésange regarda la pomme de pin devant elle puis remonta son regard vert pâle vers le visage de son mentor. ...maigres muscles... Ce dernier arborait une expression dure, ses traits fermés. Il était au moins deux fois plus grand qu'elle et ses larges pattes faisaient presque la taille de sa tête. Sous sa fourrure fournie ses muscles restaient discernables, tant ils saillaient. Un seul coup pourrait me dévisser le crâne. Elle attendit quelques secondes avant d'étouffer un bâillement et lui répondit : « Déjà pas comme ça. » Ils se trouvaient en plein milieu d'une petite comble sablonneuse, sans aucun bosquet à proximité pour se cacher. Il n'y avait pas vraiment de possibilité d'arriver à couvert non plus. Une fois encore, elle planta son regard dans celui de Matin. Est-ce qu'il cherche à me ridiculiser ? Un rictus pris forme sur son visage. Elle n'avait pas rompu son apprentissage avec cette vieille Branche pour se taper un mentor qui lui était en tous points identique. Elle n'avait pas passé ces dernières lunes à se coltiner un vieux sac à puce conservateur et pataud, proche de la misogynie, pour atterrir avec un autre guerrier qui la toiserait du regard, la prenant pour une moins que rien avec sa malformation. Il fallait qu'elle attende de voir comment le guerrier roux allait se comporter avec elle.

« Peut-être plus comme tu m'as réveillée tout à l'heure, » remarqua-t-elle, « je ne t'ai pas entendu arriver. » Et crois-moi, tu me le revaudras. Il était hors de question qu'on parle de Mésange comme l'apprentie qui se laissait trimballer par son mentor sans rien dire. Elle balaya la comble des yeux avant de repérer un petit rocher étouffé par la végétation, aux abords, qu'elle n'avait pas vu avant. « Je pourrais essayer d'arriver par le dos, en me cachant derrière ce rocher. » Elle leva sa truffe, sentit une légère brise. « Mais il faudrait que je sois contre le vent, pour qu'on ne me remarque pas... » Voyant que Matin continuait de la laisser faire, elle s'approcha du rocher, examinant du coin de l'œil son environnement. Elle ne s'était pas attendue à avoir autant le champ libre ; son ancien mentor, Branche Biscornue, avait toujours eu pour elle un petit commentaire, une remarque sur ce qu'elle faisait - pas bien, pas comme ça. Pour l'instant, Matin Embrasé ne l'avait toujours pas coupée et elle appréciait le geste, bien qu'elle ne sache pas vraiment comment interpréter ce silence.

Soudain, un coup de vent s'éleva dans les airs et fit voleter des myriades de particules sableuses. Vive comme l'éclair - de son point de vue s'entend - Mésange fit demi-tour, faisant crisser sous ses coussinets les grains de sable. Quelques mètres la séparait de la pomme de pin et elle se précipita dessus, allongeant ses pattes pour couvrir le plus de terrain en moins de temps possible, étalant au maximum ses multiples coussinets au sol pour gagner plus d'adhérence et donc de rapidité. Son élan l'embarquant plus loin, elle réussit néanmoins à donner un coup de patte, griffes sorties, dans la pomme de pin qui valsa plusieurs mètres au loin. Affichant une mine de circonstance, elle se tourna vers son mentor pour enchaîner : « Mais le but de l'attaque surprise, c'est de frapper quand son adversaire s'y attend le moins n'est-ce pas ? »

Matin Embrasé observait son apprentie pendant que celle-ci enchaînait une série de mouvements d'attaque, bien qu'il la lorgnait d'un œil sévère, il remarquait à quel point, malgré son manque d'expériences, celle-ci était drôlement douée et agile. Si il n'avait été de nature si froid, il aurait certainement accueilli sa prestation avec beaucoup d'enthousiasme. Elle semblait même savoir qu'il fallait toujours vérifier la position du vent lorsqu'on entreprenait une attaque. Finalement, l'ancien mentor avait dû lui apprendre plus que de la chasse, ça lui faciliterait la tâche.

La précédente insolence de sa jeune apprentie face à ses actes plus que rustre lorsqu'il l'avait tirait de son sommeil brutalement et l'avait trainé du camp avec peu de douceur lui fit sourire intérieurement, encore une avec du caractère, il n'allait peut-être pas tant que ça s'ennuyer après tout. Lorsqu'elle acheva sa démonstration, il s'approche d'elle. Et d'un mouvement, sans lui demander son avis, il posa sa lourde patte sur l'arrière de son dos.

" - C'est bien, je vois que tu as les bases, seulement tache d'abaisser un peu plus ton arrière train, il poussa fermement mais doucement, d'un autre mouvement, il saisit sa queue et l'aligna à son corps, tu dois toujours veiller à ce que ta queue suive tes mouvements, c'est elle qui t'aidera à garder ton équilibre. Il observa les pattes atypique de la jeune chatte, réfléchissant à comment faire en sorte que son handicap devienne une qualité, hum, je penses qu'on va s'atterrait à te muscler les pattes, je suis persuadé qu'avec beaucoup d'entrainement, tu parviendras à en faire un atout considérable, peut-être qu'elle pourrait te permettre d'avoir un bon maintiens ? Finalement, peut-être que cette femelle n'était pas si faible que ça. "

Il recula et observa autour de lui, comment ajuster les exercices pour que la jeune chatte puisse en faire un avantage de ses six doigts. Une idée s'immisça dans son esprit et il saisit une branche assez lourde entre ses crocs et la pose sur les épaules de la jeune chatte, il la vit s'affaissait un peu au poids de l'objet.

" - On va commencer un exercice simple pour te muscler, je veux que tu fasses des mouvements de haut en bas avec ça sur le dos, puis que tu fasses des allés et retours, le but étant que demain je veux que tu te réveilles avec des courbatures, ce sera la preuve que son corps se forge, puis avec un air de défis dans les yeux, si tu veux prouver à tout le monde que tu es capable comme tout le monde, tu vas devoir redoubler d'efforts, encore plus que tout les autres apprentis. Je vais faire de toi une guerrière hors pair. "

Sur ces mots, il alla se placer au bout de la combe sablonneuse, il poussa la pomme de pin afin que celle-ci de la gêne pas durant ses exercices.

Lorsque la lourde patte du matou roux vint s'écraser sur son dos, Mésange banda ses muscles, tâchant de ne pas céder sous le poids qu'il faisait peser sur elle. Bien sûr que j'ai les bases, pensa-t-elle, outrée. Tu m'as pris pour qu—? Sa réflexion intérieure se perdit dans la réponse que lui offrit Matin Embrasé sur son action. Elle s'était attendue à bien des choses avec son nouveau mentor, mais certainement pas à ça. Prise au dépourvue par la réaction - ou plutôt sa non réaction ? - de ce dernier face à son insolence, elle cligna des yeux plusieurs fois. D'ordinaire, avec Branche Biscornue, de telles paroles lui auraient valu un coup de patte sur la tête ainsi qu'une sévère remontrance... Pourtant, alors qu'elle écoutait le guerrier lui exposer ce qui avait été et ce qui serait à travailler sur son attaque, elle se prit à penser que cette fois-ci, les choses seraient peut-être différentes. Mieux. Ce n'est que lorsque Matin mentionna sa malformation - et comment ils pourraient éventuellement en faire un atout - que l'apprentie se rendit compte à quel point son ancien mentor avait été tout simplement mauvais avec elle. Bien sûr, elle en avait eu conscience dès les premiers entraînements mais la différence de traitement entre les deux était a minima... flagrante. Mais elle ne se laisserait pas pour autant berner par un petit acte de reconnaissance, elle s'en faisait la promesse.

Mésange observa d'un œil circonspect son mentor revenir vers elle avec une branche qui paraissait assez lourde dans la gueule. Quand il la posa sur son dos, elle faillit protester. La branche pesait sacrément plus de poids que ce qu'elle avait pensé ! Ses coussinets s'enfoncèrent très légèrement dans le sol meuble, le sol sablonneux de la combe ne l'aidant pas beaucoup. Elle écouta les consignes de l'exercice que venait de lui donner Matin, tiquant sur une phrase seulement et ne manqua pas de le relever. « Je sais très bien ce que je vaux, merci bien. » Ses yeux se fixèrent dans ceux de son mentor, le regard incisif. Elle resta ainsi un instant avant d'être distraite par ses pattes qui se mettaient déjà à trembler sous la charge qu'il lui avait imposé. Ravalant une autre remarque, elle détourna le regard et dirigea son attention vers son dos, où la branche tenait dans un équilibre instable. Sans réfléchir, elle tenta de lever un de ses pattes antérieures et se retrouva tout de suite déséquilibrée, manquant par là de se ratatiner par terre. Mésange souffla un bon coup, puis jeta un coup d'œil à la dérobée. Le guerrier roux était parti s'asseoir en bordure de la combe, son regard bleu perçant posé sur elle. Comment avait-il pu porter la branche comme si de rien n'était resterait un mystère. Bon. Elle fléchit ses pattes, abaissant un peu le haut de son corps. Garder l'équilibre était la clé mais allait se révéler en même temps le plus difficile. Nuage de Mésange renifla bruyamment et murmura un « J'ai pas des muscles à la place du cerveau moi » frustré avant de s'atteler à la tâche.

Quelques instants plus tard, après avoir fait des mouvements de haut en bas et avoir dû recouvrer son équilibre plusieurs fois, Mésange commença enfin à se sentir en confiance. Son dos se faisait petit à petit au poids et ses pattes avaient finalement arrêtées de trembler. Si les premiers pas furent chaotiques et instables, ses premiers allers-retours s'avérèrent plus faciles qu'elle ne s'y était attendue. Le poids qui pesait sur elle la forçait à bien placer ses pattes et surtout à bien écarter les coussinets pour couvrir un maximum de surface. À chaque fois qu'elle posait une patte au sol, elle sentait en dessous le moindre grain de sable, le moindre gravillon. Ce faisant, elle obtenait peu à peu un meilleur appui et elle put même se permettre d'accélérer la cadence. Mésange allait sortir une réflexion bien pensée à son mentor lorsqu'elle trébucha sur un caillou qu'elle n'avait pas senti. Elle s'emmêla les pattes alors qu'elle essaya de garder sa charge sur le dos et finit sa chute par terre, ses pattes avant étalées sous son corps. La branche atterrit lourdement en vrac sur ses pattes postérieures et sa queue et Mésange ne put retenir un miaulement plaintif lorsque sa queue se retrouva coincée dessous. « Cette foutue bran—! » Un grognement lui échappa, priant pour que Matin ne lui fasse aucune réflexion. Elle savait où elle s'était plantée. « Ca va, ça va, » pesta-t-elle en secouant la tête, « si seulement tous ces coussinets voulaient bien travailler ensemble ! » Tout en continuant à maugréer Mésange se remit debout, agitant ses pattes pour refaire circuler le sang. Elle lorgna du coin de l'œil la chose sur laquelle elle aurait aimé ramener la faute. Du museau, elle tenta de soulever la branche mais rien y fit. « J'espère que tu n'es pas pressé. » Elle ne pourrait pas la remettre toute seule.

Tandis que le jeune guerrier observait toujours son apprentie s'adonnait à son exercice, celle-ci semblait être en difficulté et ne semblait pas prendre de réel plaisir à celui-ci. La lueur rebelle qui dansait dans les yeux dorés de la jeune femelle tigré ne cessait de croître à mesure qu'elle tentait de dépasser ses limites, elle osa même affirmer savoir qu'elle était déjà au courant de ses valeurs, en outre, elle n'aurait donc pas besoin de Matin Embrasé pour l'aider à faire ses preuves dans le Clan ? Soit, qu'elle soit ainsi, si elle le désirait, il ferait en sorte que son désir de s'accomplir venait d'elle et seulement d'elle. Il souriait, d'un air narquois, devant les mouvements lents de la jeune femelle, et elle souffla un juron de trop, qui ne le fit pas rire du tout.  

« J'ai pas des muscles à la place du cerveau moi »

C'était la goutte de trop à l'insolence de l'apprentie effrontée et il s'avance dangereusement vers elle, la dominant de sa hauteur, il approcha son visage dangereusement trop près de celle-ci, et pénétra son regard froid dans celui agacé de Nuage de Mésange.

« Je crois qu'on va devoir te redonner une leçon primaire sur ce que signifie les rangs dans un Clan, je conçois, jeune apprentie que ton ancien mentor était un vieux empoté incompétent, mais ne t'avises pas à t'adresser à moi de cette façon, c'est compris ? Une apprentie ne doit jamais répondre à son mentor, sauf si c'est pour dire quelque chose de pertinent, et je ne vois pas ce qu'il y a de pertinent à m'insulter de la sorte.  »

Il se calma, ravalant sa rage et sa rancœur, il devait rester maître de ses émotions afin de montrer l'exemple à tenir à la jeune chatte, si lui même s'emportait alors il n'était guère mieux qu'elle, et toute sa répartie perdrait de toute sa valeur. Puis, il reprit sa place à l'extrémité de la combe, où il observa ses mouvements, qui semblaient de plus en plus fluide, comme ci elle avait trouvé l'équilibre dont elle avait besoin pour se mouvoir avec le fardeau de la branche sur ses épaules. Elle pesta à nouveau, insultant ses coussinets qui refusaient de coopérer selon elle, puis s'écroula sous le poids du morceau de bois, et Matin Embrasé manqua de rire devant la mine déconfite et rageuse de la jeune chatte tigré, il attendit que celle-ci se relève mais elle semblait coincée, certainement éreintée par l'effort précédent.

« J'espère que tu n'es pas pressé. »

Il crut voir un soupire exaspéré, mais se dit qu'il avait surement rêver, alors il daigna se lever et s'approcha de la jeune chatte à nouveau, il s'accroupit à son niveau et plongea à nouveau ses yeux bleus glacés dans les siens, d'une expression indéchiffrable, mêlant compassion et lueur de défis.

« Tu renonces déjà ? Moi qui trouvait que tu t'améliorais à vu d'œil, c'est bien dommage. Il marqua une pause, se redressa, puis ôta le fardeau des épaules de la jeune chatte. On va faire un nouvel exercice, tu vas d'abord renforcer tes pattes arrières, afin de les muscler pour qu'elles puissent s'accorder à tes mouvements avants, tant que tu auras ce déséquilibre, tes "maudits" coussinets comme tu dis, refuseront de coopérer. »

Il observa autours de lui à la recherche de quelque chose qui pourrait solliciter son imagination quand au prochain exercice, il aperçut une bute et soudain, une idée surgit.

« Tu vois ce renforcement là-bas ? Tu vas t'entrainer à sauter par dessus en prenant soin de puiser toute ta force dans les muscles de tes cuisses et de tes hanches, ton bassin doit être ton équilibre en premier. Tu recommenceras jusqu'à ce que le moment où tu atterris sur tes pattes avant soit bien précis et ferme. »

Il se rapprocha de la bute et dans un geste assuré, bondit, tête la première au dessus de le la bosse, il atterrit avec lourdeur sur ses pattes avant qui s'enfonça dans le sol pour y former deux troues espacées, qu'il s'empressa de recouvrir immédiatement, il ne voulait pas créer d'obstacles en plus pour la femelle tigré, l'exercice serait déjà bien assez éprouvant pour elle alors que pour lui, au vu de sa grande taille c'était presque un jeu d'enfant, ce n'était pas son but de fanfaronner, il affichait toujours cette même expression froide et maussade, il voulait simplement lui montrer la démarcher à suivre.

Sa respiration s'était durci sous l'effort et des petits nuages de vapeur s'échappaient de son museau, se perdant rapidement dans la fraîcheur matinale. Elle pouvait sentir les premiers assauts de la saison des feuilles mortes, même si ces dernières arboraient encore, pour la plupart, de belles teintes mordorées et étaient bien attachées aux branches. L'absence de mouvement se mua peu à peu en des frissons qui piquèrent sa peau, que l'exercice qu'elle venait de faire ne fit qu'intensifier. Elle lorgna un instant son mentor, se demandant quand ce dernier allait daigner l'aider - avec sa force brute. Elle en était à sa troisième ou quatrième tentative de soulever la branche incriminante et jusque là, elle n'avait réussi qu'à la laisser retomber sur ses pattes déjà douloureuses. Sa frustration avait grimpé au fur et à mesure de ses essais infructueux et elle était à deux griffes d'exposer son sentiment à Matin lorsque ce dernier s'approcha enfin d'elle. Si son visage ne trahissait aucune émotion, ses yeux en revanche semblaient vouloir parler pour lui. Habituée aux étincelles moqueuses, l'apprentie ne décela cependant qu'un éclat ressemblant beaucoup à un défi. Et les paroles de Matin Embrasé allèrent dans ce sens, disséquant sans trop de difficulté son arrogance et son amour-propre. Moi ? Renoncer ? Un souffle lui échappa quand le guerrier roux exposa son deuxième exercice, dédaignant d'un simple geste la maudite branche. Mésange s'abstint par ailleurs du moindre commentaire quant à ce nouvel entraînement, sentant qu'il fallait mieux éviter de provoquer plus encore le mâle. Pourtant ce n'est pas l'envie qui me manque... La remontrance qu'il lui avait donné quelques instants auparavant résonnait encore dans ses oreilles. Son ton n'avait rien eu de conciliant à ce moment-là, mais ce n'était pas ses mots qui l'avait marquée. Ses paroles n'avaient pas eu autant d'impact que l'imposante silhouette qui s'était dessinée devant elle lorsqu'il avait surgit, juste après qu'elle ait marmonné sa petite réflexion.

Nuage de Mésange observa d'un œil malgré tout curieux Matin Embrasé faire une démonstration de ce qu'il attendait d'elle. Son atterrissage fit s'élever un faible nuage de poussière et de sable et l'apprentie rayée crut bien déceler deux petits enfoncements là où ses pattes s'étaient posées. Elle prit, soudain, intimement conscience de leurs différences à tout les deux. Leurs gabarits étant totalement opposés et la manière dont elle allait devoir aborder ce nouvel entraînement n'avait rien à voir avec la façon dont le guerrier s'était presque projeté, tête la première, au dessus de la butte.

Tout en agitant ses pattes, elle s'avança face à l'obstacle qu'elle allait devoir franchir. Contrairement à Matin, pour qui le renflement de terre ne devait être qu'une simple bosse, c'était bien une petite butte qui se dressait devant elle. Elle n'avait ni la puissance, ni l'expérience, ni - malheureusement - la maîtrise du corps du guerrier. Sa malformation l'empêchait encore d'avoir une parfaite coordination de ses membres... Nuage de Mésange resta quelques instants ainsi, figée, avant qu'un grognement de frustration ne lui échappe. « Oh et puis zut—! » Sans plus réfléchir, elle s'élança droit devant, lançant ses pattes le plus loin possible devant elle et se propulsa dans les airs en donnant un grand coup à ses pattes arrières. Tout en essayant de garder son équilibre pendant son saut, elle vit cependant le sol arriver trop tôt, trop près— sans qu'elle ne puisse placer correctement ses coussinets. Le bruit qui s'éleva dans la combe lorsqu'elle percuta le sol et roula dans un amas de pattes et de poils aurait certainement fait naître une grimace sur le visage de tout chat normalement constitué. Mais l'apprentie comme son mentor n'était probablement pas fait de ce bois-là. Le silence qui s'empara de la combe fut bientôt rompu par la jeune chatte rayée se relevant, le pelage recouvert de poussière et complètement ébouriffé, l'expression sur son visage endolorie. Certains penseraient probablement que Mésange venait de craquer. Mais elle avait eu besoin de cette... chute ? gamelle ? pour se mettre les idées en place. Un « je pensais trop » fut la seule explication qu'elle donna à son mentor avant de revenir à son point de départ. Les iris étrécis de Nuage de Mésange se focalisèrent droit devant elle. Cette fois-ci, elle ne laisserait ni la fatigue ni un quelconque déséquilibre la distraire. Elle atterrirait exactement là où elle l'avait décidé et de la manière dont elle le voulait, dussent ses coussinets finir en sang et complètement écorchés.

hrp:

Le grand roux observait son apprentie sans oser cligner des paupières, trop subjugué par l'entrainement de la novice, il ne voulait rien perdre du spectacle, pas la moindre erreur, pas la moindre réussite, chaque mouvements se reflétait dans les prunelles froides de ses yeux. Il la fixait, dans son éternel calme, les pattes avant croisées entre elle, son corps long et lourd s'étalait dans le sable de la combe, seul le mouvement saccadé de son oreille suivant les froissements du corps léger de Mésange contre le sol, venait perturbé sa position de marbre, rappelant, l'élégance d'une statut dans un sanctuaire divin. Matin Embrasé, se crispait intérieurement lorsqu'il étudiait les fautes de la jeune femelle tigrée, comme le mauvaise emplacement de sa queue, ou encore, la déviation de ses pattes, du au manque d'équilibre de son arrière-train. Mais ce qui le fascinait le plus, c'était son expression, déterminée, invaincue, c'était ça qu'il voulait voir sur le visage de tout jeune apprenti en devenir d'être un combattant, et plus les minutes avançaient, plus il se disait qu'elle ferait une excellente guerrière.

Les aptitudes physiques étaient essentielles, mais un bon corps dans un esprit fébrile, ne faisait pas un bon soldat sur le Champ de Bataille, or, Nuage de Mésange était de ceux qui avait un mental d'acier, son handicap l'avait renforcé sans aucun doute & sa volonté à surmonter les épreuves suscitait de l'admiration chez le grand félin, lorsqu'elle s'arrêta un moment, afin de reprendre son souffle, l'autre daigna se lever, et s'avança silencieusement de la jeune femelle. Puis sans dire un mot, corrigea sa posture avec des mouvements un peu brute, parce que Matin Embrasé ne savait pas faire dans la douceur et si la jeune féline voulait dompter le grand mâle, elle allait devoir s'y faire. Les mots de Matin était comme des aiguilles de fer durci à la braise, vous piquant de par et d'autre en infligeant des brûlure furtive mais profonde.

" Tu es maladroite, tes mouvements sont mauvais. Il plongea son regard glacial dans les yeux ambré de la jeune féline. Mais ton mental est fort, et c'est à ça que tu dois te raccrocher, de toute façon ce n'est pas demain la veille que tu parviendras à avoir des mouvements parfait, c'est un entraînement assidue qui t'apportera équilibre et force, et je suis là pour ça. Il détacha son regard de la novice ; tu me retrouveras ici, chaque matin, et on adaptera tes entrainements à ton handicap, bien qu'il soit moindre comparé à d'autre, tu devras toujours garder cet esprit de compétition, inutile de te comparer aux autres apprentis, parce que je veux que tu aspires à devenir la meilleure, pas au dessus des autres, mais au dessus de toi-même. "

Il écrasa son énorme patte sur son dos et l'obligea à flancher sous son poids pour la plaquer sur le sol.

" Prochain exercice, tu vas ramper, si dans les airs tu es maladroite, sur le sol tu dois être infaillible, avec l'étendue de tes coussinets, tu dois pouvoir te cramponner à la terre avec plus d'aisance, et on va travailler sur tes atouts pour apprendre ce qu'on pourra en faire par la suite vis à vis de tes défauts. "

Il s'écarta et l'observa un moment, il savait que la jeune femelle pourrait voir ça comme un affront, ramper au sol comme un serpent pouvait être une pratique humiliante, surtout que Matin Embrasé ne prenait pas des pincettes pour expliquer ses exercices, mais il ne s'en souciait guère, si la jeune tigrée voulait penser ça, grand bien lui fasse, lui se contenterait de faire d'elle une machine de guerre, et plus tard, quand il parviendrait à devenir le plus grand guerrier de la forêt, elle serait bien obligée de constater qu'il ne souhaitait faire d'elle, qu'une guerrière irréprochable & sans failles.

" Je ne sais pas ce que t'as appris ton ancien mentor, mais sache, qu'avec moi, les méthodes ne seront pas les mêmes, je suis sévère et souvent impatient, il faudra te montrer solide si tu veux être digne de mes enseignements. Et je ne dis pas ça dans le but de me montrer supérieur, mais parce que c'est en étant intransigeant que tu vas le plus progresser, et c'est tous ce qui m'apporte actuellement. Je ne tolère pas l'échec."

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Chaque nouvel essai était ponctué soit d'une chute plus ou moins gracieuse, soit d'un atterrissage plus ou moins souple. Le sol de la combe sablonneuse était désormais zébré de traces de pattes et de traînées qui indiquaient avec une efficacité à faire peur comment tel saut s'était fini. Nuage de Mésange avait arrêté de compter à partir du sixième, concentrant toute son attention sur ce qui se passait devant elle et rien d'autre. Sa vision s'était réduite à un tunnel au bout duquel elle ne voyait que la butte par-dessus laquelle elle ne faisait que sauter depuis un moment maintenant. Ah ça, elle se souviendrait de ce premier entraînement. Une fatigue et une douleur pulsaient dans ses pattes mais l'apprentie y était sourde, son esprit fixé sur une seule chose : réussir ce satané d'exercice. D'autres tentatives complétèrent le tableau avant que Matin Embrasé n'apparaisse subitement dans son champ de vision et se mette à corriger, silencieusement d'abord, sa posture. Par des mouvements brusques - qui manquèrent de la bousculer à plusieurs reprises - le rouquin orienta ses pattes et son bassin d'une manière différente de ce qu'elle avait fait depuis le début de l'exercice. Une fois n'était pas coutume, ses paroles furent sans ambages, dures et factuelles. Maladroite ? Mauvaise ? Comme si elle ne le savait pas déjà ! C'était son corps, merci bien, elle savait ce qui clochait chez elle ! Mésange n'avait pas besoin que le guerrier lui pointe ce qui n'allait pas mais  qu'il la gui—. Ah. Coupée dans sa diatribe intérieure, l'apprentie écouta sans broncher Matin lui expliquer qu'ils se retrouveraient chaque matin ici pour poursuivre ces entraînements. Comme pour appuyer ses paroles, il fit peser de tout son poids une patte sur son échine. Elle essaya bien de résister mais ne tint que quelques secondes, ses pattes montrant déjà les premiers signes de courbatures. Elle s'affala de tout son long sur le sable meuble, aspirant au passage une bouffée de poussière qu'elle tâcha de recracher aussitôt, piteusement. Lorsqu'enfin la patte disparut de son dos, Mésange se releva lentement et lui coula un regard sans équivoque. Bien malgré elle, elle voulait y croire, à ses paroles. Elle voulait y déceler un soupçon de vérité, y voir la volonté d'un guerrier qui lui enseignerait plus que de faire le tour des frontières.

« Si tu veux tout savoir, j'ai pas appris grand chose avec cette vieille bran—Branche Biscornue. Au stade où on était, un foutu lapin m'aurait plus apporté que lui. » De frustration comme de gêne, la queue de l'apprentie fendit violemment l'air autour d'elle. Un brin de mauvaise foi s'était peut-être glissé dans ses paroles, pourtant elle ne pouvait faire autrement. L'injustice qu'elle avait ressentie - qu'elle ressentait toujours - lorsque le vieux vétéran l'avait traitée d'infirme puis qualifiée d'apprentie "aussi utile qu'un renard mort" lors de leur dernier entraînement ensemble resterait à jamais gravée en elle. Levant ses yeux vert dans ceux bleus de son nouveau mentor, elle marmonna d'une voix mi-courroucée mi-accusatrice. « Peu importe tes méthodes, tu ne pourras pas être pire que lui j'imagine. Tant qu'on ne recule pas... » Il voulait qu'elle soit digne de son mentorat ? La bonne blague. De son point de vue, c'était plutôt à lui de prouver qu'il valait mieux que Branche Biscornue. Et ça restait encore à voir, malgré la petite étincelle d'espoir qui brillait au fond d'elle. Il ne voulait pas se montrer supérieur, pourtant il n'en restait pas moins arrogant. Dans un sursaut de maturité, elle accorda une prière au clan des Etoiles, espérant que ce soit bien eux qui aient placé le guerrier sur son chemin. Le point positif, c'est qu'on est deux impatients maintenant.

Nuage de Mésange s'attela à son troisième exercice sans la moindre remarque, consciente que l'humeur - comme l'humour apparemment - de Matin Embrasé était quelque peu... ombrageuse. Elle s'abaissa le plus possible au sol et sentit ses muscles protester, protestation qu'elle ignora au profit de la sensation qui lui grimpa le long des pattes. Elle le connaissait bien, ce picotement qui lui électrisait chacun de ses coussinets comme de ses griffes. Cette sensation de sentir absolument tout sous ses pattes, jusqu'au plus infime grain de poussière. Elle planta ses griffes puis étira une patte devant elle et, toujours rasante, initia un mouvement assez peu naturel. Elle avait l'impression de se dandiner comme un vulgaire rongeur, si près du sol, mais garda sa réflexion pour elle. Elle parcourut plusieurs mètres de cette façon, essayant au mieux de coller aux consignes qui lui avaient été données. Cette fois-ci, la difficulté n'avait rien à voir avec ce qu'elle avait fait avant. Rassénérée, Mésange essaya de prendre un peu de vitesse tout en maintenant sa posture. Avisant du coin de l'œil la pomme de pin qu'elle avait envoyé valser plus tôt, elle examina son objectif et se précipita dessus. Cependant, au moins où sa patte avant gauche percuta le cône, une vive mais éphémère douleur lui tira les traits et fit rétracter griffes et patte par réflexe. Ses coussinets en feu, elle porta sa patte à sa gueule pour retirer l'éclat brisé d'une écaille qui s'y était fiché. L'éclat entre les crocs, elle baragouina un « ch'a va, ch'peux ch'ontinuer » assez indistinct.

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