C'était le début d'une toute nouvelle peur des entrailles sur laquelle le rationnel n'avait aucune aubaine. Mes poils se dressaient subitement sur ma robe cendrée et mes tempes commençaient à bourdonner. Je n'étais plus qu'un grand cœur qui battait, et mes terreurs, craintes enfantines, en profitaient pour s'exprimer librement. Ce que je vivais en ce moment, était, me semblait-il le face-à-face intégral d'un parfait contraire. Même ce sentiment d’avoir dormi trop longtemps, tandis que le monde autour de moi avait continué d’évoluer, m’abandonnant à mon inactivité. Je m’étais enfin animé, puis levé, mais mes idées restaient brumeuses. L’espace de mon cerveau me semblait en grande bataille puisque les informations importantes s’y étaient entassées, dans un vaste amas, contrairement à l’habitude où tout était rangé soigneusement à sa place, et j’avais toutes les peines du monde à remettre de l’ordre dans ce fourbi que j’avais laissé s’amasser sans rien faire. Tout était là : mes souvenirs, mon savoir, mes idées - mais tout était mélangé -, et il me fallait faire des efforts constants pour extirper chaque élément de ce tas et le remettre à sa place afin d'être parfaitement à l'écoute de ce qui pouvait désormais m'entourer.
J'avais toujours eu du mal avec le fait que j'étais malade, mais si je devais en juger mes réactions, cela ne faisait qu'affirmer les paroles d’Éclat de Rire. En effet, le sang de mes congénères était là l'un de mes plus imposants défauts, étant donné qu'à la simple odeur et vue de sa présence, mon cœur se mettait soudainement à battre la chamade sans avoir d'éventuelles contrôles pour le stopper dans son action. Ma gorge s'affectait également à cette partie, venant endommager mon cerveau afin de me faire perdre toute visibilité nécessaire.
Effroyable scène... Mais scène d'autrefois, heureusement.
Et c'est ainsi que je me retrouvais une énième fois au bateau fantôme, seule, afin de décompresser du reste du monde et de la scène passée. J'appréciais énormément cet endroit, bien que cette épave n'était pas réellement bien réputée. Mais moi, je m'en fichais. A vrai dire, c'était le seul parage où je croisais rarement d'autres matous, venant m'importuner dans ma solitude et liberté. J'espérais néanmoins n'apercevoir personne aujourd'hui, bien que mon envie de discuter était assez élevée en ce jour ensoleillée.
Le soleil était haut dans le ciel, si haut qu'il semblait à des lunes et des lunes de moi. Ses doux rayons lumineux venaient caresser ma soyeuse robe cendrée. Le vent était également de la partie, venant faire danser mes quelques poils rebelles qui étaient logées sur le haut de mon dos et de ma nuque. La nature avait toujours été à mes yeux une amie nécessaire pour mon développement. Elle secrétait la moindre de mes pensées en les enveloppant avec délicatesse dans le cœur des arbres. Souvent, quand j'errais dans les bois, je pouvais ressentir l'odeur des résineux, toutes ces odeurs qui sentaient toujours aussi bon. Comme des arômes naturelle qui se faisaient passer pour un parfum. Le chant des oiseaux, aussi. Ces chants si mélodieux qui ensorcelaient mon esprit, me faisant résigner à me laisser lamentablement abattre sur l'organe mort des grands axes pour m'y laisser tranquillement rêver.
- Ô Clan des Etoiles... Avais-je minauder entre mes moustaches, le regard ancré dans le ciel démunit de ses grands mas blancs.