Meet me on the battlefield [BAGAR]

Bouffeur d'écureuils

Lune 1218

Le regard noir, les muscles encore douloureux, Fragments d’Onyx se déplaçait telle une ombre aux côtés de Nuit des Météores et Nuage Calme. Elle sentait un silence peser avec tension entre elle et son frère, elle n’osait même pas croiser son regard, elle ne se sentait pas capable d’affronter la conversation inévitable qui finirait par exploser entre eux, comme un feu de forêt incontrôlable. Elle entendait déjà les reproches, les cris, les feulements. Elle détestait se disputer avec lui, elle l’avait déçu. La frustration lui écorchait les pensées alors qu’ils s’approchaient dangereusement de la frontière avec le Clan du Tonnerre. Elle pouvait sentir d’ici leur puanteur pestilentielle, ranimant une fois de plus la colère qui sommeillait en elle, la ramenant à ce souvenir de sang et de terreur, de mort et d’adieu. Les oreilles plaquées en arrière sur son crâne, elle s’apprêtait à laisser son odeur sur la verdure environnante avec mauvaise humeur, quand une voix la stoppa net dans son élan. Elle se tourna pour apercevoir la silhouette de Sang d'Ébène se découper dans son champ de vision, apportant avec elle son odeur âcre de chat du Tonnerre. Fragments d’Onyx fouetta l’air de sa queue, indiquant à sa patrouille de rester derrière elle. Elle s’avança vers l'ennemi, prenant la direction de celle qui l’avait appelé, la guerrière la plus âgées et expérimentées du groupe, réputée comme loyale et douée au combat, à l’esprit vif. Toutefois, celle-ci ne lui montra aucun signe de respect, aucune inclinaison de sa tête, elle la considérait comme une égale. Les yeux de la lieutenante se réduisirent à deux fentes alors que les mots de Sang d’Ebène eut le même effet que de déclencher un incendie sur sa fourrure, sa peau lui brûlait de colère. Elle jeta un regard en arrière en direction de son frère, Nuit des Météores, qui chuchotait dans l’oreille de l’apprentie qui les accompagnait, Nuage Calme. Si son frère était son aîné, il avait la sagesse de respecter son statut hiérarchiquement plus élevé, contrairement à la femelle du Tonnerre qui, à part avoir l’intelligence de s’adresser à elle en première, avait semblé oublier les bonnes manières, faisant honneur à leur réputation. Le jour où le Clan du Tonnerre arrêtera de penser qu’ils sont supérieurs à tous les autres chats, les chats voleront.

Fragments d’Onyx s’arrêta à une distance correcte de la patrouille adverse, prenant soin de ne pas franchir la frontière, cette ligne imaginaire que tous connaissait par cœur, de quelques longueurs de souris à peine. Bien que la patrouille de la Rivière se trouvait proche de la frontière, ils ne l’avaient jamais franchi, juste assez frôlé pour pouvoir surveiller ce qu’il se passait de l’autre côté, innocemment. Elle força sa fourrure à rester en place alors qu’elle analysa ses adversaires : la patrouille se composait de Sang d’Ebène, visiblement à la tête de celle-ci, suivit de Déluge de Mufliers, fraîchement devenu guerrier, loin d’être une réelle menace pour un guerrier expérimenté, suivit de Nuage de Givre, apprentie aussi blanche que neige. Deux guerriers, un apprenti. Une guerrière expérimentée et un guerrier inexpérimenté, face à deux jeunes guerriers surentraînés par leur figure paternelle. Fragments d’Onyx aurait pu croire qu’ils étaient à force égale, si elle n’avait pas l’arrogance de penser qu’ils n’en feraient qu’une bouchée. La sagesse n’était pas une vertue dont la lieutenante était connue pour, de ce fait, elle n’avait aucune envie de tempérer la situation, au contraire, elle avait envie de lâcher tous ses nerfs dans un combat. Mais elle n’était plus une simple guerrière, elle était aussi une lieutenante, représentante de son clan, il fallait qu’elle ait un minimum de tenu. Mais l’image de sa mère ne faisait que venir encore et encore devant ses yeux, l’image de son corps sans vie baignant dans le sang, l’image de la douleur de ses frères et de son père, puis le souvenir du père leur révélant que son assassin n’est autre qu’un félin du Tonnerre, il en était sûre. Est-ce toi Sang d’Ebène cet assassin ?

« Est-ce une menace Sang d’Ebène ? Que j’sache, j’suis encore sur les terres de la Rivière. Ne pouvez-vous donc pas vous empêcher d’nous espionner et de toujours tout vouloir contrôler ? Faites-moi plaisir et laissez vos moustaches en dehors de nos affaires, bouffeurs d'écureuils »

Sa voix tranchante et son regard noir s’accompagna d’un léger rictus moqueur, sa queue balayait l’air derrière elle. Malgré son envie d’en découdre, la lieutenante s’apprêtait à faire demi-tour, à rejoindre son frère et Nuage Calme pour continuer leur route. Déclencher un combat sur la frontière n’était pas quelque chose qui enchanterait Étoile Polaire, au contraire. Cette dernière avait fait confiance à Fragments d’Onyx malgré son jeune âge, c’était à elle dorénavant de lui prouver qu’elle avait fait un bon choix en n’agissant pas sur un coup de tête, comme si elle était une simple guerrière assoiffée de guerre. Bien qu’il y ait une part de vérité là-dedans.

Meet me on the battlefield

Lune 1218

La voix de Déluge de Muflier fit se retourner Fragments d’Onyx d’un seul coup, la queue fouettant l’air derrière elle. Se sentait-il obligé d’en rajouter alors qu’elle s’apprêtait à s’en aller ? Elle lança un regard furieux vers Sang d’Ebène, visiblement incapable de contrôler sa patrouille. Alors qu’elle s’apprêtait à lancer une réplique cinglante, ce fut Nuage de Givre qui prit la parole. La lieutenante du se retenir de rigoler de la situation, une apprentie qui parlait sans qu’on ne lui demande son avis ? L’odeur de sa peur arriva jusqu’au museau de la féline de jais et de feu, l’amusant encore un peu plus. Cette apprentie était visiblement presque en âge de devenir une guerrière à part entière de son clan, sans pour autant ne montrer aucune once d’agressivité envers ses ennemis. Finalement, Sang d’Ebène finit par rabrouer ses compagnons, devant les yeux toujours amusés de Fragments d’Onyx. Mais le discours qu’elle entama n’eut pas le même effet que les précédents sur la lieutenante, dont la lueur amusée mourra lentement dans ses yeux au fur et à mesure des paroles de la guerrière du Tonnerre. Ses muscles se tendèrent, la fourrure sur son cou ne put s’empêcher de s’hérisser et un orage se déclencha, ses yeux d’ambre lançant des éclairs. Son regard plongea dans celui de la femelle, pleine d’attente quand à sa réponse, la lieutenante s’apprêta à contredir la féline, à nier la vérité. Mais sa voix se bloqua dans sa gorge quand, du coin de son œil, elle aperçut la fourrure si familière de son frère, plonger vers l’avant, un grognement presque bestial le suivant. Et son cœur rata un battement quand elle le vit, la seconde suivante, à la gorge de Sang d’Ebène.

Fragments d’Onyx resta immobile l’espace d’un instant, entendant uniquement les grondements de son frère, il venait de débuter le combat, il n’y avait plus de retour en arrière maintenant. Elle comprenait pourquoi Nuit des Météores réagissait aussi violemment, elle savait que les accusations de Sang d’Ebène ne ferait faire son sang qu’un tour dans ses veines, parce que protéger sa famille a toujours été sa priorité. Parce qu’il préfère un bain de sang que la vérité éclate au grand jour, parce qu’ils avaient bel et bien trépassé la frontière du Tonnerre à mainte et mainte reprise en quête de celui qui avait arraché la vie à leur mère. Mais le combat était quasiment à force égale et la lieutenante savait que personne ne lâcherait le morceau, que la fierté du Tonnerre et de la Rivière était en jeu.
La féline d’ombre et de feu jeta un regard fou en direction de Nuage Calme, toujours derrière elle. Oui, c’était ça ! Elle tourna son visage vers l’apprentie de 11 lunes maintenant, il fallait qu’elle lui confie cette mission et elle épaulera Nuit des Météores le temps que les renforts arrivent.

« “Nuage Calme ! J’veux que tu retournes immédiatement au camp pour prévenir Etoile Polaire d’la situation et d’lui dire d’nous rejoindre sur-le-champ, court du plus vite que tu peux !” »

Sans attendre de réponse de la part de la femelle rousse et blanche, Fragments d’Onyx fit volte-face et se jeta au visage de Déluge de Mufliers en crachant avec colère, hérissant tout son pelage et le percutant de plein fouet, ses griffes lacérèrent son poitraille avant qu’elle ne se réceptionne dans un dérapage contrôlé. Les dents à découverts, les pupilles réduitent à deux fentes, en position d’attaque elle attendait avec une impatience non dissimulé que Déluge de Mufliers réponde coup pour coup. L’adrénaline influa dans ses veines et l'excitation fit trembler ses muscles, elle adorait le combat et l’odeur du sang qui imprégna l’air. Elle était faite pour ça, pour se battre.