Et mes combats, alors ?!

Aujourd’hui, Nuage de Muflier avait décidé d’être malpoli ! Un vrai petit garnement ! … Bon, c’est vrai, ça ne semblait pas être plus différent que d’habitude, dit comme ça. Et pourtant ! Ce matin, le jeune apprenti s’était rendu sur le terrain avec son mentor. Pour quoi ? Un entraînement au combat ? Eh bien, pas du tout ! Le guerrier avait décidé de l’emmener faire le tour des frontières. Une situation parfaitement inacceptable pour le jeune chat blanc ; allait-il retarder son entraînement au combat longtemps ? S’il continuait comme ça, jamais Muflier ne pourrait battre Sentinelle dans un duel ! Aujourd’hui, il avait donc décidé qu’il ne se laisserait pas faire.

« Pourquoi tu veux pas que je m’entraîne au combat ? »

Le guerrier (que nous allons nommer Orée du Bois à partir de maintenant, puisque, soyons honnête, répéter "le mentor", ça commençait à être lourd !) s’arrêta net. Sa queue s’agita légèrement d’agacement, il prit une grande inspiration et se tourna vers son apprenti.

« Chaque chose en son temps, Nuage de Muflier. Ton apprentissage n’est pas encore fini, nous avons le temps. »

L’apprenti vit rouge. Ils avaient le temps ? Ça faisait deux lunes qu’il était apprenti ! Il n’avait pas autant de temps que ça ! Qu’essayait donc de faire Orée du Bois ? Retarder à l’infini le moment où il devra devenir guerrier ? Une rumeur que Muflier avait une fois entendue lui revint en tête ; il avait entendu une histoire d’un apprenti, qui avait dépassé les vingt lunes, et n’avait toujours pas été nommé guerrier. Il était sûr que cette rumeur, c’était n’importe quoi, mais il ne pouvait pas s’empêcher de s’inquiéter ; et si c’était lui, qui devenait l’apprenti de cette rumeur ? Il en était hors de question !!

« Non ! C’est pas normal ! » protesta Nuage de Muflier, sa queue battait l’air. « Les autres apprentis ont commencé à apprendre à se battre plus tôt ! Si tu veux pas que je combattre, c’est sûrement parce que t’es un traître ! Tu veux affaiblir le Clan !! »

Orée du Bois lança un drôle de regard à son apprenti, que ce dernier eut du mal à déchiffrer. Avait-il envie de rire ou de pleurer ? Finalement, son mentor ne fit que pousser un grand soupir, avant de prendre la parole :

« D’accord. Tu veux savoir pourquoi je ne t’ai pas encore donné d’exercices d’entraînement au combat ? » Il marqua une pause, et, voyant qu’il avait l’attendre du jeune chat au pelage touffu, poursuivit : « Tu es bien trop agressif. Tu veux toujours foncer dans le tas, et ce n’est pas une bonne qualité pour un guerrier. Une fois que tu seras plus calme, une fois que tu auras compris ce qu’est la patience, là, enfin, tu auras le droit à ton combat. »

Nuage de Muflier ne sut pas quoi dire. Il resta silencieux un instant, le temps pour son cerveau de traiter l’information qu’il venait de recevoir. Puis, il cracha :

« C’est tout ? C’est pour ça que tu me traites pas comme un vrai apprenti ? Si c’est comme ça, je préfère m’entraîner tout seul ! Parce que t’es aussi utile qu’un renard mort, comme mentor ! »

* * *

Et donc Nuage de Muflier se retrouva au camp.

Corvée de changement de litière pour les anciens ! Interdiction de sortir avant d’avoir fini tout ça ! Le voilà redevenu un chaton. Qu’est-ce que c’était humiliant ! Alors que ce n’était même pas sa faute. C’était celle de son mentor, pas capable d’entraîner un apprenti correctement ! Peut-être que Nuage de Muflier devrait signaler qu’Orée du Bois était nul, peut-être qu’on lui donnerait un autre mentor. Quoique… est-ce qu’ils croiraient la parole d’un apprenti contre celle d’un guerrier ? Pas sûr…

Le chat au pelage presque entièrement blanc en avait fini avec les litières… mais pas avec les corvées ! Son mentor l’avait envoyé apporter des proies aux anciens, et même une au guérisseur ! Génial. Muflier n’avait pas très envie de croiser ce dernier, mais soit, il s’exécuta. Il n’avait pas vraiment le choix ! Entrant dans la tanière d’Ombre des Chouettes, l’apprenti y déposa une petite souris, sans même vérifier si le guérisseur était là.

« Enfin fini ! » soupira Muflier, agacé.

Peut-être qu’on allait enfin l’autoriser à sortir du camp, à présent ! Il ferait n’importe quoi pour qu’on arrête de l’humilier ici !

Sa mission était accomplie, alors, inutile de rester dans la tanière du guérisseur ! Nuage de Muflier fit demi-tour, mais il ne put pas aller bien loin, puisque voilà qu’il se cognait contre un chat. Agacé, l’apprenti grommela et se recula, réalisant qu’il se trouvait face à face avec Ombres des Chouettes. Lui qui ne voulait absolument pas le croiser, c’était bien sa veine ! Et puis… c’était quoi tous ces trucs qui s’accrochaient dans son pelage ? Nuage de Muflier se secoua pour le retirer, mais rien ne se passa, et la plante mystérieuse resta coincée dans sa fourrure… Mais qu’est-ce que c’était que ça ? Au secours ?!

« Eh ! Pourquoi ça s’enlève pas ? C’est quoi ? C’est toxique ? Ça va tacher ma fourrure ?? Réponds, vite ! »

Non il ne paniquait pas, ce n’était même pas vrai, d’abord ! Mais si Ombre des Chouettes se promenait avec des plantes douteuses, il aimerait bien le savoir !

« Enlève-moi ça tout de suite ! » ordonna-t-il au guérisseur.

La queue battante, le jeune chat écouta Chouette bafouiller, et il poussa un très long soupir. Il n’appréciait peut-être pas trop le guérisseur, mais il fallait qu’il fasse un effort ; son mentor était sûrement encore quelque part dans le camp, et s’il le voyait se mettre à crier sur un camarade, c’était sûr que la punition allait durer encore plus longtemps !

« Arrête de paniquer, il s’est rien passé, je t’ai juste ramené une souris. » expliqua alors Nuage de Muflier. « Tu vas pas avoir peur que je l’ai empoisonnée j’espère ? »

Il ne manquerait plus qu’Ombre des Chouettes se mette à hurler à l’assassin ou ce genre de truc !

Bon, d’accord, c’était peut-être inoffensif… Mais même ! Ça allait ruiner son pelage à coup sûr ! Nuage de Muflier s’agitait, frustré. Et sa mère qui allait devoir faire toute sa toilette si ça ne partait pas rapidement, et le jeune chat n’en avait pas l’envie, à cet instant ! Et puis, euh, il n’était plus un bébé non plus, il n’avait pas besoin de sa maman fasse sa toilette !!

« Allez, enlève-moi tout ça, vite !! » exigea à nouveau l’apprenti.

Il resta tranquille cette fois, parce que les paroles menaçantes d’Ombre des Chouettes firent leur petit effet. Hors de question qu’ils ne puissent plus jamais enlever ces feuilles de son pelage ! Sinon, Étoile Embrasée s’en inspirera pour le nommer lorsqu’il passera guerrier, et il sera Feuille de Muflier, ce qui était un nom tout pourri ! Il n’inspirait ni le respect, ni la terreur ! Il était donc hors de question que le jeune chat soit nommé comme ça !!

Et ensuite… Ombre des Chouettes paniqua. Dire que Nuage de Muflier avait dit tout ça pour éviter que ça n’arrive… et ça avait eu l’effet inverse ! Bah bravo ! Le jeune chat presque tout blanc fixait le guérisseur, l’air blasé, avant qu’une idée ne lui vienne en tête. Il allait un peu l’embêter… qu’il s’amuse un peu ! Autant transformer ce moment énervant, en une expérience plaisante !

« Oh non, pas besoin d’en parler à Étoile Embrasée ! » annonça Nuage de Muflier, prenant soudainement un air grave. « En vrai, il ne faudrait surtout pas lui en parler, parce que… »

Il marqua une pause, et se pencha vers Ombres des Chouettes, pour lui chuchoter à l’oreille :

« C’est moi, l’empoisonneur ! »

Puis, de manière théâtrale, il éclate d’un rire sadique et dramatique, qui était franchement ridicule…

Enfin, Nuage de Muflier n’avait plus toute cette bardane dans les poils ! Il était un apprenti libre, à présent ! … enfin, si seulement… Et, heureusement que le jeune chat presque tout blanc ne voyait pas sa fourrure, qui était quelque peu devenue inégale à certains endroits, puisque ses poils étaient restés accrochés sur les plantes… S’il voyant ça, il en hurlerait sans aucun doute ! Enfin, de toute façon, il était à présent occupé à rire devant le guérisseur ; voir Ombre des Chouettes paniquer, puis comprendre que Nuage de Muflier lui avait fait une blague, c’était vraiment trop drôle ! Le chat le réprimandait même, mais il s’en fichait ; il était bien trop hilare pour s’en préoccuper.

« Oh allez, si t’avais vu ta tête ! » s’écria Muflier entre deux rires. « C’était vraiment trop drôle ! »

Mais c’était vrai qu’il n’avait jamais vu Ombre des Chouettes si énervé, ça aurait été presque flippant, si le novice n’était pas occupé à rire aussi fort… Puis, le guérisseur fit un commentaire. Comment ça, Nuage de Muflier ne sera jamais un grand guerrier avec ce genre de paroles ?! Remuant un peu la queue, l’apprenti tira la langue au chat plus âgé, avant de lui lancer :

« Okay, mais moi au moins, mes bêtises restent dans le camp ! »

Au moins, Nuage de Muflier faisait une petite bêtise de rien du tout lui ; raconter des mensonges pour faire peur à ses camarades de Clan, c’était bien moins grave que ce qu’avait fait Ombre des Chouettes, d’abord ! Enfin bref, Nuage de Muflier avait décidé qu’il en avait marre et il voulait repartir. Il avait donné de quoi manger au guérisseur, sa mission était accomplie ! Mais il n’eut pas le temps de partir bien loin ; Orée du Bois était apparu à l’entrée de la tanière, il lança un regard amusé à Nuage de Muflier en voyant le carnage dans son pelage, avant de prendre la parole :

« Nuage de Muflier, je pense que tu devrais accompagner Ombre des Chouettes pour ramasser quelques plantes, s’il a besoin d’en chercher. Ça te fera quelques bases de plantes pour soigner tes camarades au cas où, et puis comme Ombre des Chouettes est juste là, autant en profiter pour qu’il ait un peu d’assistance, non ? »

Orée du Bois offrit son plus beau sourire à son apprenti et au guérisseur… Mais le premier ne semblait pas content du tout ! S’il avait des sourcils visibles, ils seraient bien froncés… !

« Mais, et mes combats alors ?! » protesta-t-il vivement.

Des graines de pavots ! Et puis quoi encore ?! Ce n'était pas un truc intéressant à chasser ! Nuage de Muflier a à présent perdu tout son amusement, le voilà qui faisait une grimace. Il avait juste envie de s'entraîner aux combats lui, et ce n'était pas en compagnie du guérisseur qu'il y arrivera ! Il aurait préféré n'importe quoi d'autre que l'accompagner. Même une petite chasse ! N'importe quoi serait bien plus intéressant que de chasser une plante !

Le jeune chat presque tout blanc lança un regard foudroyant en direction de son mentor. Si son regard pouvait réellement lancer des éclairs, nul doute qu'Orée du Bois aurait été transformé en un petit tas de cendre à cet instant... Le guerrier soupira, et il se mit à chuchoter de loin, cependant assez fort pour que l'apprenti l'entende :

« Sois sym-pa ! »

Bon... Il avait chuchoté si fort, que même Ombre des Chouettes devait l'avoir entendu en vrai... Le duo se dirigea ensuite vers la sortie du camp. Nuage de Muflier soupira au moins une dizaine de fois avant d'avoir pu mettre une patte dehors. Il regardait à présent le guérisseur les yeux plissé.

« Ça ressemble à quoi, ton machin de pavot ? » demanda-t-il, déjà blasé. « Qu'on le trouve tout de suite pour finir vite fait ! »

Avec un peu de chance, ça se trouvait juste là, à la sortie du camp... Ça avait l'air d'être terriblement ennuyeux, d'être le soigneur du Clan. Parce que bon, il savait cueilli des plantes pour soigner, okay, mais le reste ? Et les combats ? Et la chasse ?!

« Tu sais chasser des proies en plus des plantes, toi ? »

Il tenait à avoir sa réponse !