On pourrait dire que Tonnerre était de mauvais poil en ce jour. Enfin bon, d'aucun dirait que c'était même plutôt habituel dernièrement. Le jeune noiraud était relativement désagréable et acariâtre ces derniers temps et tout le monde l'avait plutôt bien remarqué. Enfin, pas que cela soit inhabituel par rapport à son caractère de cochon trop fier qu'il avait toujours eu, mais ceux qui le connaissaient pouvaient bel et bien remarquer que l'apprenti avait encore moins de patience qu'avant.

Mais entre les cauchemars et les sorties avec le groupe des autres apprentis, Tonnerre ne dormait pas beaucoup ces derniers temps. Et cela le rendait d'autant plus épuisé constamment et sur les nerfs. Cela avait clairement empiré depuis qu'il avait rencontré les quatre autres chats des autres clans pour être honnête. Tonnerre se rassurait en se disant qu'il ne les rejoignait que pour s'assurer qu'ils ne dépassaient pas de frontière. Mais le résultat était le même, il était encore plus fatigué, qu'elle galère...

Retenant un bâillement, l'apprenti s'ébroua violemment pour essayer de se réveiller. Ça suffit, il fallait qu'il soit attentif ! Il avait du travail, il fallait qu'il fasse honneur à sa famille ! Et qu'il évite la prochaine blague de Nuage du Faon accessoirement. Étoile de Jais ne pouvait pas s'occuper de lui aujourd'hui alors, il avait fort à faire, c'était parti de chasse jusqu'au coucher du soleil et il avait intérêt à avoir nourri tous les anciens ! Ça n'était définitivement pas l'activité favorite de l'apprenti, mais bon, il fallait bien qu'il le fasse s'il voulait prouver à tous qu'il était quelqu'un d'exception !

Ce fut la tête haute que l'apprenti sorti de sa tanière, la fourrure s'agitant sous le vent hivernal. Brr, il était bien content d'avoir cette épaisse couche le protégeant du froid, le noiraud plaignait clairement tous ceux qui avait pas cette chance. Au moins, ça lui permettait de rester plus longtemps dehors pour chasser.

Il balaya du regard la clairière enneigés un instant, avant de décider de s'approcher de la pile de gibier, à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent. Le plus vite il partait, le plus vite il pourrait s'acquitter de sa tâche après tout. Mais après quelques pas dans la neige, quelque chose lui hérissa le poil.

Un regard de glace était posé sur lui. Un regard froid et cruel qu'il voyait encore dans ses rêves et cauchemars. Glacé d'effroi soudainement, Tonnerre des Nuages n'osa plus bouger. Relevant finalement presque timidement le museau, il fit face à ces yeux bleu azur... Et au pelage blanc comme neige de leur possesseur. Ça n'était que Noyau de Prune qui le regardait avec intérêt.

Vexé de s'être figé pour absolument rien, l'apprenti continua son chemin pour aller se prendre une maigre grenouille sur le tas de gibier, ignorant le regard de la chatte. Grenouille qu'il dévora en quelques crocs, à peine repus, mais suffisamment pour avoir de l'énergie pour la journée.

L'apprenti se lécha les babines et se débarbouilla rapidement, toujours sous le regard attentif de la chatte qui semblait le juger de loin. Qu'est-ce qu'elle voulait celle-là, elle ne pouvait pas lui lâcher les griffes un peu ?! Il était sur le point de quitter le camp pour partir chasser, mais le regard pesant de la chatte blanche continuait de le hérisser. Se détournant de sa route, le noiraud fit un crochet jusqu'à l'endroit où était perché Noyau de Prune, la fourrure presque hérissée et la mauvaise humeur lisible sur son museau, lui crachant presque à la figure.

« Quoi ?! Qu'est-ce que t'as au juste ? »

Le regard de Noyau de Prune avait le don de l'agacer. Il était calme et serein, à peine étonné par les paroles crachées avec dédains par l'apprenti. Il restait doux et patient, lui rappelant un peu sa mère en cet instant. Si sa mère était une chatte blanche et non d'un noir total bien entendu. Et s'il acceptait sans problème l'affection de sa famille, le noiraud n'avait aucune patience pour les autres.

Oui, ce regard l'agaçait et les agissements de la reine tout autant. Elle ne s'était pas vexée ou agacée qu'un apprenti lui parle de la sorte. Là où un autre guerrier l'aurait certainement rabroué pour son comportement, ses seules paroles furent calmes et simplement polies.

Comment ça, ce n'était pas à elle qu'il devait poser cette question ? Y'avait quelqu'un de blessé dans le clan et il n'était pas au courant ? Etoile de Jais ne s'était en réalité pas remise de ses blessures de la guerre ? Interdit, le jeune apprenti ne compris pas la référence et décida que ce n'était sûrement que des paroles en l'air venant d'une étrange guerrière.

Relevant le museau avec fierté et dédains, il ne répondit rien à la suite de ses paroles. Il n'en avait rien à faire de si elle allait bien, exactement ! Bon bien sûr, si quelqu'un allait mal, ça voulait dire que le clan était en difficulté et effectif réduit, donc il devait travailler d'autant plus d'arrache-pied, ce qui n'était pas une bonne nouvelle, mais c'était un détail ! Même s'il manquait de sommeil, il pouvait encaisser, c'était une certitude. Alors qu'importe.

Soufflant avec agacement face au calme général de la femelle, Tonnerre décida finalement que ça ne valait pas le coup. Autant partir avec sa mauvaise humeur autre part, dans un coin où il pourrait tranquillement s'acharner sur la faune locale et en ramener autant que possible au camp. Là au moins il sera utile et il ne perdra pas son temps à discuter avec une guerrière énigmatique.

Il était sur le point de se détourner, un commentaire acerbe sur le bout des babines pour sceller la discussion, quand la chatte blanche reprit la parole. Et aussitôt, l'agacement du jeune chat revint à son point maximal.

« Pardon ? Tu blagues j'espère, pas question que tu me suives ! »

Mais elle se prenait pour qui au juste, à le dévisager puis décider que ça valait le coup de l'accompagner ? Peut-être que ses propos étaient un peu trop violents face à un guerrier qui proposait simplement de partager une partie de chasse avec lui, mais Tonnerre des Nuages en avait cure, tout ce qu'il voulait, c'était qu'on lui fiche la paix !

« Chui plus un chaton qu'on doit surveiller constamment, merci bien, je peux aller chasser tout seul comme un grand compris, alors lâche-moi les moustaches. »

Heureusement qu'il n'y avait personne d'autre à côté, sinon il aurait passé un sale quart d'heure, c'était certain. Ça n'était vraiment pas des paroles à adresser à un guerrier respecté. Agacé, Tonnerre agita sa queue, n'appréciant pas le regard de Noyau de Prune.

« Qu'est-ce que t'as à me dévisager comme ça en plus ? »