J'aime bien cette vue. On voit tout de là-haut... enfin, presque tout... lui manque toujours.
Perché sur un rocher difficilement accessible, le jeune Boule de Terre savourait sa petite victoire de la journée. Sa mère lui avait dit que peu de chaton parvenait à se hisser au sommet de cet amas rocheux, et que la vue qu'il offrait n'était ainsi réservé qu'aux plus téméraires, aux futurs grands guerriers ! Une histoire factice n'ayant pour seul but que d'occuper un chaton qui grandissait à une vitesse presque effrayante. Le plus petit de sa portée à sa naissance, Terre semblait être le digne héritier de la génétique de sa mère Plume de Pinson, mais non. Après presque une lune à être comparé davantage à une souris qu'à un futur guerrier, sa croissance avait changé du tout au tout. Et si les effets aujourd'hui ne lui avait permis que de rattraper son retard, la courbe de progression ne laissait pas entrevoir de possible limite. Un changement ne venant jamais seul, cette soudaine accélération de croissance le fit passer de l’anonymat le plus complet, au chaton que beaucoup regardait les yeux ronds.
Seulement, la "célébrité" avait un désavantage non négligeable, les rumeurs. Oui, une multitude de rumeur volait dans son dos, sans même avoir la discrétion de lui cacher. Si certaines étaient plutôt flatteuses, l’annonçant comme le futur du clan, un guerrier que personne ne pourrait battre, la plupart se concentrées sur les origines inconnues de son paternel. Tout le monde le savait, bien que personne n'en avait la preuve, mais son père n'était pas du clan. Personne n'était proche de Plume de Pinson, personne ne la considérait, personne n'aurait souhaité en faire sa compagne. Son père ne devait être rien d'autre qu'un solitaire, voire même un domestique, mais jamais sa mère ne l'avouerait.
Des moqueries concernant son sang mêlé volaient à ses oreilles presque tous les jours, avec la même fréquence que les louanges le voyant déjà comme le futur chef. Des réactions extrêmes qui laissaient pantois ce jeune chaton très clivant. Lui s'en moquait, sa mère était à ses yeux libres de sortir avec qui elle souhaitait. L'attention qu'on lui portait, même négative, l'amusait beaucoup, préférant de loin cela à l'ombre dans laquelle il était juste après sa naissance. A ce moment, tous les yeux étaient braqués sur un autre chaton à la fourrure de jais, né peu de temps avant lui, pendant la guerre.
Toujours sur son perchoir rocheux, le jeune chaton tricolore, s'allongea, regardant tout sourire sa soeur asseyant de le rejoindre avec peine.