~Garde cette épée près ton armure, il te rendra heureux~

Le cœur d’un guerrier est fier et fort, Petit Silence. Les puissants survivent et les faibles périssent. Quoi qu’on en dise, au final, seule la puissance prévaut

Requiem du Silence ouvrit les yeux. Les mots de son père résonnait en lui tel un coup constant au plus profond de son être. Comme si le chat mort depuis des lunes martelait encore l’esprit de son fils avec des leçons de morale que le jeune guerrier avait appris à ignorer depuis longtemps maintenant. Pourtant, il ne pouvait enlever de son esprit ce regard hautain, froid, et ces rudes paroles avec lesquelles on avait tenté de le forger. S’il avait trop écouté son père… qui sait quel genre de chat Requiem du Silence serait devenu. Heureusement que sa sœur avait été là pour lui éviter le lavage de cerveau.
Sa sœur… Requiem y pensait plus souvent qu’il ne l’admettait. Il avait beau prétendre n’avoir besoin de personne, c’était un mensonge de dire que son frère et sa sœur ne lui manquait pas, parfois. Et ce, même s’il n’avait jamais été très proche du premier, et à peine plus de la seconde. Il les avaient quand même aimé, avait apprécié les jeux qu’ils avaient partagés. Sa sœur lui avait été un exemple de courage, elle qui répondait sans peur à son père, qui défendait ses frères de la violence de ce dernier. Au final, Silence avait puisé sa force en elle. C’est peut-être de là qu’il la tenait, encore aujourd’hui.

Le guerrier se demandait ce qu’elle en pensait, depuis le Clan des Étoiles. L’avait-elle vu accomplir le périple aux côtés des autres chats de clan ? Avait-elle vu ces terres et, avec les autres ancêtres, accompagnée les chats vers leurs nouveaux territoires ? C’était sans doute le cas. Et Requiem du Silence espérait avoir bien fait. Il voulait être un guerrier honorable, un bon chat de clan, qui défend les siens et honore le Code du Guerrier. Pas seulement pour rendre ses ancêtres fiers, mais aussi pour lui. Pour se sentir complet.

Perdu dans ses réflexions, il ne s’était même pas rendu compte qu’il était rentré au camp, après avoir accompli sa patrouille. Depuis qu’il avait été nommé Escadron, ses missions avaient quelque peu changées, mais il restait un guerrier de clan, qui accomplissait les tâches qui en incombait.
Il s’était encore moins rendu compte du chaton qui jouait là et qui vint le bousculer par inadvertance. Requiem du Silence baissa la tête. Puisqu’il était assez grand, il avait souvent à faire ça, et c’était encore plus vrai avec les chatons.
Il mis quelques secondes à reconnaître l’identité du petit qui excusais. Il ne se rendait pas souvent au niveau de la pouponnière, les chatons avaient généralement peur de lui, donc il n’osait pas trop s’en approcher. Quelques reines pourtant lui avaient dit que leurs petits seraient peut-être plus habitués à lui s’il venait plus souvent, mais comme toujours, il n’osait pas. Il reconnu tout de même au bout de quelques secondes le petit de Perle Blanche.

« Ah, bonjour, Petit Coquelicot »

Il se souvenait bien de la mère du petit, décédée tragiquement aux côtés de son compagnon. Le chaton avait bien évidemment été pris en charge par une autre reine, lui assurant sa survie. Requiem du Silence lui, n’avait jamais connu sa mère, ou pas vraiment, puisque morte à la mise bas. Son père en avait raconté peu sur elle, mais Silence n’avait jamais nécessairement ressenti le besoin d’en savoir plus, et n’avait entendu que les dires des autres guerriers qui la connaissait.

Réalisant qu’il devrait peut-être dire quelque chose, au lieu de rester planté là plongé dans ses pensées (pas que ce serait étonnant de sa part, on le voyait souvent assis au milieu de nulle part, à réfléchir, le regard dans le vide… y’a que Dent de Sabre qui le comprenait dans ces situations).

« Que fais-tu hors de la pouponnière ? As-tu trouvé un nouveau jeu ? »

De voir un chaton jouer tout seul ne le surprenait pas. Il avait été pareil. Quoique, Petit Coquelicot était sûrement bien moins associable que lui… ce qui n’était, en soit, pas bien compliqué.

Ne pas voir Requiem du Silence pouvait sembler être un sacré comble, au vu de sa taille. Mais dans le contexte, le chaton avait du être trop absorbé par ses jeux pour remarquer le guerrier. Ce dernier adressa un signe de queue au plus jeune, indiquant qu’il n’y avait pas de mal. Il l’avait plus surpris qu’autre chose, et il fallait bien plus qu’un chaton inattentif pour déstabiliser le grand chat.

Il pensa même à un moment, avant de se lancer dans une question, que le petit allait repartir aussi vite qu’il était venu, jouant dans son coin, insouciant. Mais c’est parce qu’il n’avait pas bougé après s’être excusé que Requiem lui avait posé des questions sur son jeu. Lui-même ne se souvenait que très vaguement de ses activités de chaton, et il savait qu’il n’avait pas été aussi joueur que la moyenne. Il avait préféré nettement passé son temps tout seul, à observer les autres. Bien sûr, parfois, comme tout chaton, il s’était amusé, mais ses séances de jeux étaient bien trop souvent solitaires. C’était aussi le cas de Petit Coquelicot. D’après ce que dit ce dernier, il était sorti parce qu’il s’ennuyait, et que ses potentiels camarades de jeux dormaient. C’était un argument tout à fait valable, tout le monde n’était pas passionné par le fait de rester assis à méditer pendant des heures.

« Oh, je vois »

Un jeu d’agilité et de précision, donc. Bien sûr, à son âge, Requiem du Silence n’était pas du genre à s’y intéresser, mais il voyait tout à fait l’intérêt du chaton là-dedans. Mine de rien, c’était un bon entraînement. Il obligeait le petit à devoir se concentrer et surtout, à donner un coup de griffe précisément placé. Cela pourrait lui servir plus tard pour la chasse. Le Clan des Étoiles savait combien il pouvait être difficile d’attraper les plus petites des proies.

« Tu te débrouilles bien ! »

La remarque était franche. Même si l’escadron n’était pas très doué avec les petits, il savait qu’un peu d’encouragement ne pouvait pas faire de mal, au contraire même. Il fallait profiter de toutes les occasions pour motiver les chatons à continuer sur la voie des guerriers. Même si les jeux pouvaient être en apparence innocents, ils étaient aptes, en réalité, à développer les sens et les muscles des chatons, et se transformeraient en entraînements lorsqu’ils seraient apprentis.

« Tu t’entraînes déjà à devenir guerrier, alors. Tu as hâte d’être apprenti ? »

A l’époque où il se nommait Petit Silence, le chat avait lui aussi eu hâte de pouvoir rejoindre la tanière des novices. Même s’il avait été un chaton sage et obéissant, qui se contentait de regarder les plus grands guerriers afin de pouvoir les imiter plus tard, il fallait avouer qu’il était difficile pour un chaton de résister à l’impatience que lui procurait l’approche de la nomination au fil des lunes.