Douces plumes et lait chaud

Le soleil se levait sur le camp du Tonnerre et les oiseaux déjà éveillés depuis les premières lueurs du jour chantonnaient leur mélodie quotidienne. Révolte des Vents ouvrait les yeux doucement, paisible, tandis qu’elle sentait les respirations lentes de ses quatre petits près d’elle. Sans se lever, elle ouvrit la gueule pour bailler en silence. Les autres mères et chatons de la pouponnière étaient encore endormis. Elle regarda ses petits et esquissa un petit sourire. Autrefois, elle ne s’était jamais vraiment imaginée mère, mais depuis qu’elle l’était devenue, cela avait changé sa vie. Elle-même avait changé aussi. Devenir la protectrice de quatre autres êtres vivants l’avait rendue encore plus vive et attentive. Souvent méfiante, elle n’en laissait cependant rien paraître auprès des quatre boules de poil. Révolte vit l’un des petits se retourner dans son sommeil et lui lécha la tête. Discrètement, la féline se leva en essayant de ne pas réveiller ses chatons et s’extirpa de leur nid douillet.

La femelle noire et blanche s’avança vers l’entrée de la pouponnière où elle s’assit pour entreprendre sa toilette. Le calme matinal régnait dans le clan. La patrouille de l’aube était déjà partie, mais la majorité du reste des autres chats dormaient encore. L’air était frais, le ciel bleu. Aujourd’hui allait être une belle journée. Elles n’étaient pas toutes comme cela malheureusement, puisque la saison des orages battait son plein et que la météo de chaque jour était une surprise inattendue. Révolte balaya le camp de son regard saphir et poussa un petit soupir. Avoir des chatons la rendait heureuse, mais cela la rendait aussi épuisée. Ses petits avaient bien grandis déjà et ne tarderaient pas à devenir apprentis. Sans se l’avouer, elle attendait avec impatience de retrouver un peu de calme et de temps pour elle, même si elle aimait sa famille plus que tout. Par ailleurs, être guerrière lui manquait aussi. Révolte était une bonne mère, mais elle se savait aussi chasseuse et combattante, contrairement à certaines femelles du clan qui ne semblaient heureuse que si elles étaient entourées de chatons à allaiter. Rapidement, elle jeta un petit coup d’œil à sa portée qui dormait encore. Le calme et le silence lui firent du bien.  Elle tourna sa tête vers la tanière des guerriers, qui semblait bien calme. Aujourd’hui, Matin Embrasé avait promis de venir voir Révolte et ses petits. Depuis que Révolte avait quitté le clan du Vent, elle avait été remplie de sentiments mélangés. Même si elle avait oublié quelques temps à quel point il avait été difficile de quitter son clan natal car ses chatons avaient nécessité toute son attention, elle savait que la douleur referait surface un peu plus tard. Elle avait pris la décision de rejoindre Matin Embrasé lorsqu’elle avait découvert qu’elle était pleine et cela avait été une décision très difficile. Révolte et Matin étaient deux loyaux et fiers guerriers de leurs clans et jamais aucun des deux n’avait voulu quitter son clan, même si cela leur aurait permis de vivre ensemble. Mais l’arrivée de leurs bébés avait changé la donne.

Révolte des Vents, toujours assise, terminait sa toilette tandis que ses pensées vagabondaient et lui faisaient presque oublier que le soleil montait un peu plus haut dans le ciel à chaque minute. Bientôt, ses petits seraient éveillés et elle ne pourrait plus se perdre dans ses questionnements personnels et évaluer ses choix de vie. En tant que mère, elle n’aurait jamais laissé cela paraître devant ses enfants. La queue de la reine balaya le sol, soulevant quelques-unes des plumes qui tapissaient le sol de la pouponnière. Avec son rôle de lieutenant, Matin avait eu un peu moins de temps à accorder à sa famille, ce qui avait un peu blessé la femelle qui venait de quitter son clan et qui n’avait encore que peu de relations au sein du Tonnerre. Mais Révolte balaya ces pensées de son esprit et tenta de ne penser pour le moment qu’au positif. Le père de ses petits viendrait les voir et elle pourrait avoir la chance de profiter d’une douce matinée ensoleillée auprès de ceux à qui elle avait donné la vie.

Ordre:

• Je traquais un écureuil qui grignotait un gland, perchait sur les racines d'un aulne, en prenant grand soin à ce que mes pas ne touchent pas le tapis de feuilles mortes qui risquait de trahir ma position. Quand soudain, la voix criarde de Petit Ange vint perturber mon instant de chasse. Hein ? Quoi ? Petit Ange ? Et qu'est-ce que je fais dans la forêt seul si je suis encore un chato...

Je me réveillais en sursaut, la mine déconfite et les moustaches en pagaille, dans la demi-obscurité de la pouponnière je tentais d'apercevoir où était donc ma fratrie, la voix de Petite Idylle vint rabrouer les louanges perturbatrices de mon frère. Le petit corps de Petite Passion était encore blottit contre moi, un bâillement m'arracha de ma somnolence, je m'ébrouais frénétiquement, donna un petit coup de patte tout en douceur à ma chère soeur et lui murmura ; " Hey la marmotte, réveille toi, y'a de l'agitation dehors. " Et sans l'attendre, je me dirigeais vers l'extérieur.

• Maman était posée, dans toute sa beauté délicate à l'entrée de la Pouponnière. Plein d'énergie, la frimousse blanche aux chaussettes noires de Petit Ange s'agitait autour d'elle, et plus calme, la robe rousse, blanche et noire de Petit Idylle s'illuminait d'une jolie couleur doré, dans un contraste clair-obscur qui donnait tant de particularité à son physique déjà très avantageux pour son jeune âge, quand à moi, j'étais celui qui possédait la fourrure la plus épaisse, et par ce fait, elle était toujours très désordonnée et en bataille, je fis une mine boudeuse quand maman joncha mon allure de haut en bas, ce qui annonçait une prochaine toilette dans pas moins de quelques minutes. Et c'était quand je pensais à ce genre de détails quelque peu humiliant pour le fier chaton que j'étais, qu'il me tardait de quitter la tanière des reines pour rejoindre celle des apprentis.

• J'esquissais un sourire chaleureux à Maman, même si je savais à quoi m'attendre, ça n'empêchait pas que je l'aimais d'amour ma petite maman, et qu'un jour elle serait fière de moi lorsque je deviendrais Guerrisse..Guerrier. Je grimaçais intérieurement, quel sera ma destinée ? Celle que tout le monde avait déjà choisi pour moi avant même que je savais dire le moindre mot, ou celle que je voulais au plus profond de mon âme ? J'observais le ciel, et bien que les étoiles étaient loin d'être à leur heure de gloire, je les imaginait, scintillantes, et me mit à prier silencieusement que mon vœu le plus cher se réaliserait un jour.

Je dois tout gérer, les patrouilles, les séances et horaires d'entraînements des apprentis et mentors, ainsi que le lieu, je dois gérer la quantité du gibiers sur le tas, ainsi que le bien être des anciens, que les reines soient confortablement installées avec leurs précieuses choses allaitantes, que le guérisseur ne manque pas d'herbes médicinales et que les malades soient bien traités, que les fortifications du camp soit toujours opérationnels, que les frontières soient respectés, et je me perds dans le fil de mes pensées, tant, tant de choses me préoccupe à ce moment, et je me rends compte en jetant un coup d’œil à la Pouponnière où ma douce et bien aimée vient de faire surface que depuis la naissance des chatons, je n'ai eu le temps de les voir que deux fois, je suis comme un fantôme à leurs yeux, un père inaccessible qui n'existe que dans leurs rêves les plus fou, ou flou ? De plus, ma difficulté en démonstration et communication n'aide pas à ce que je crées un lien avec ses petits être chair de ma chair.

J'admire Révolte des Vents qui s'étend avec grâce sous les premiers rayons du soleil, tandis que j'écoute d'une oreille un guerrier qui me fait son rapport de patrouille de l'aube. Quelques odeurs étranges aux seins des frontières, il semblerait que des petits malin s'amusent à changer les limites, je grogne mécontents, ça fait quelques temps que c'est comme ça, du vol de gibiers, des délimitations non respectées, c'est aussi pour cette raison que je n'ai aucun temps pour moi, et ma famille. Il m'annonce aussi que le gibiers à étés particulièrement timides ce matin et qu'ils n'ont attrapés qu'une musaraigne et une caille. Je grogne à nouveau, je fronce des sourcils et réfléchit intensément à ce que je vais faire tout en indiquant à mon interlocuteur d'aller se reposer, la prochaine patrouille est déjà partie, il y ça de fait.. Bon, que me reste-t-il à organiser ? Ah oui, je dois donner des travaux de terrain à faire à deux apprentis particulièrement turbulents ces temps-ci pour renforcer la barrière de ronces.

Je les voient déjà en pour-parler avec un guerrier à qui j'ai donné la tâche de les superviser, bon, ça s'est fait.. Ah je dois auss... Du coin de l’œil, je vois de l'agitation, et lorsque je tourne mon regard glacial en direction de la Pouponnière je vois ma belle reine ébène et neige avec quatre petits êtres qui se dandinent autour d'elle, joyeux, curieux et plein de vie. Je grimace, triste de ne pas être avec eux, j'aimerais tellement que.. Et si ? Après tout c'est moi le lieutenant, je peux bien me donner quelques minutes de ré-pille... Mais il reste tant de choses à orchestrées. Un guerrier en qui j'ai une grande confiance passe hasardeusement devant moi. Je l'appelle, autoritaire et il se précipite d'une démarche confiante vers moi, j'aime cette assurance. Bien je sais ce que je vais faire. Je lui donne des directives pour m'alléger de tous ce que j'ai à faire. Ça fera déjà quelques occupations du matin de remplies, ce qui me laisse.. J'observe le soleil qui n'est pas encore très haut dans le ciel, au moins une heure en compagnie de ma petite famille, et puis ça me permettra de voir si je peux vraiment avoir confiance en ce guerrier.

Je m'avance fièrement vers la Pouponnière, le poitrail en avant, ma fourrure rousse et flamboyante à son apogée des rayons de l'aube, mes yeux qui lancent des éclairs de glace, et j'admire les quatre chatons qui ont naquis de l'union de Révolte des Vents & moi-même. L'avenir du Clan.

- Bonjour les chatons.

Je lance un regard plein amour à ma tendre, qui contraste avec ma voix grave et peu égayée, tandis que je poses un regard dur et défiant sur chacun des petits êtres qui se trouvent face à moi.

RÉVOLTE DES VENTS

Révolte des Vents se tenait assise et contemplait le camp, le regard un peu vide. Un petit cri la tira soudain hors de ses pensées. Petit Ange s’approchait de sa mère en trottinant, l’interpellant de sa petite voix puissante et sans se soucier que ses cris allaient très certainement réveiller tous les autres chatons de la pouponnière. Révolte sourit et se tourna vers son petit. Sa joie de vivre lui faisait chaud au cœur. Elle lui lécha le haut de la tête avec affection. Petit Amour fut rapidement suivi par Petite Idylle qui s’approcha de sa mère et de son frère en les saluant tendrement. La petite chatte plongea les yeux dans ceux de sa mère et Révolte y vit la douceur de sa fille. Petit Amour et Petite Passion ne tardèrent pas à les rejoindre eux aussi. Fière, Révolte des Vents contemplait ses petits qui s’agitaient déjà de bon matin. Elle était fière d’eux, et son cœur se gonfla d’amour tandis qu’elle donnait quelques coups de langue rapides à chacun d’entre eux pour coiffer leurs pelages ébouriffés par la nuit. Elle les observait un à un et leur énergie communicative la rendirent rapidement d’une meilleure humeur. Si ses tracas matinaux étaient toujours au fond d’elle, la présence de ses chatons balayait tous ses doutes au moins pour quelques heures.

« Bonjour, mes chers petits. Bravo pour ta discrétion au réveil, Petit Ange. » Dit-elle en lançant un regard bienveillant et amusé au concerné. Elle leur sourit puis poursuivit. « Oui, vous serez bientôt des apprentis, ne t’en fais pas Petite Passion. Mais chaque chose en son temps ! Vous devez apprendre la patience. Et tu verras plus tard, cela te manquera de dormir avec tes frères et sœurs ! Profitez-en tous. Rien ne sert de vouloir grandir trop vite. »

La dernière phrase était-elle destinée à ses petits, ou bien essayait elle d’oublier que ses petits grandissaient de toute façon très vite ? Bientôt, elle aussi serait seule et de retour à la tanière des guerriers. Même si cela lui faisait envie, le fait de ne plus avoirs ses petits près d’elle la rendait aussi triste. Et s’ils n’étaient plus jamais si proches d’elle après leur baptême ? Chassant ses pensées d’un coup de queue, la femelle se leva au milieu des quatre chatons.

« Êtes-vous tous bien coiffés ? Votre père ne devrait pas tarder. »

Après quelques minutes à s’occuper de ses petits, une silhouette rousse se dirigeait d’ailleurs en direction de la pouponnière. Sa voix grave fit sursauter Révolte qui ne l’avait pas vu approcher. Ses yeux se posèrent sur ceux de la féline noire et blanche et ils échangèrent silencieusement un regard amoureux. Matin Embrasé était toujours si majestueux. Il posa ensuite ses yeux sur ses petits à qui il accorda un regard bien plus dur. Révolte fronça les sourcils. Elle refusait qu’il soit trop dur avec eux et son instinct protecteur entrait parfois en contradiction avec l’attitude que Matin Embrasé avait avec leurs petits. Il pouvait se montrer distant. Révolte connaissait Matin mieux que personne et savait qu’il aimait s’orner de cette façade dure et défiante, laissant de côtés ses émotions comme si le fait de les montrer rien qu’un peu pouvait lui donner l’air faible. La féline bicolore lança un regard sévère envers son compagnon, espérant qu’il comprendrait le message. Quand allait-il agir comme un père aimant plutôt qu’un père qui les évalue et les challenge sans cesse ? Les petits avaient besoin d’amour, pas de penser qu’ils devaient prouver quoi que ce soit à leur père avant de pouvoir être aimés.

Révolte des Vents entoura sa queue autour de Petite Idylle qui se tenait la plus proche d’elle. Elle observa ses chatons saluer leur père et s’efforça de les laisser interagir ensemble sans intervenir.