Mist and wind : Storm alert

La terre est froide sous son corps, mais elle le sent à peine. Elle peut rester immobile, étalée de tout son long, cédant enfin à la fatigue qui engourdi ses membres. Les quatre chatons sont restés en sa compagnie toute la matinée, tantôt pressés contre sa poitrine pour se rassasier, tantôt gambadant à droite et à gauche, et elle toujours derrière à tenter de stopper les chamailleries ou de retrouver un disparu.

Maintenant, elle peut enfin souffler. Museau Nacré, rentré de la pêche est tout proche avec eux, mais elle a quand même du mal à se laisser aller jusqu’à fermer les yeux, les rouvrant malgré elle de temps à autre et souriant devant la vision de son compagnon au pelage sombre disparaissant sous les minuscules silhouettes colorées qui l’attaquaient de toutes parts. Pourquoi n’y avait-t-il que quand ils dormaient qu’elle-même arrivait à s’octroyer ce luxe ? Et malheureusement, les habitudes de sommeil des chatons n’allaient pas vraiment de pair avec son propre emploi du temps dans lequel elle essayait tant bien que mal de conjuguer ses rôles de mère, de guerrière et de cheffe. Elle sait pourtant avoir délaissé les deux derniers durant la dernière lune, la première de Petite Eau, Boule Calme, Petite Paix et Petite Mer. Mais comment se séparer de ces chatons tant attendus ? Elle en est incapable même pour s’occuper d’elle-même et se laisser le temps de dormir. Alors l’organisation des patrouilles, les parties de chasse, elle a dû déléguer nombre de décisions à prendre, de choses à penser, de tâche à effectuer.

Un bâillement la surprend, la forçant à relever la tête pour s’efforcer de l’étouffer. C’est dans ce mouvement qu’elle voit un éclair argenté se faufiler avec une hâte et une discrétion inhabituelle dans les eaux de la rivière qui entoure les ilots claniques. Brume Argentée vient manifestement de quitter le camp, et de le faire de la manière dont seul quelqu’un qui ne veut pas être vue le ferait. Une conversation revient en tête de Mélodie des Etoiles alors qu’elle se redresse pour suivre des yeux la féline. Flocon de Neige lui a déjà fait part de ses inquiétudes concernant la guerrière. Mélodie des Etoiles, trop occupée, peut-être trop désintéressée aussi, n’avait rien remarqué de trop anormal, ou elle ne s’était pas posée de questions. Elle avait aussi oublié d’être une camarade et une amie, au fond peut-être. Elle s’était enfoncée dans des méandres de pessimismes depuis la guerre, s’était renfermée, avait accueilli ses chatons comme un nouveau départ. Mais il était temps qu’elle regarde plus loin que le bout de son nez à présent. La culpabilité s’était établie depuis quelques semaines dans son cœur sans qu’elle sache comment s’en décharger, sans qu’elle cherche à s’y soustraire. La culpabilité glissa cette fois-ci comme une vague, et Mélodie se leva comme un ressort. Elle plisse les yeux, cherchant de l’autre côté de la rivière, finissant par apercevoir Brume Argentée remonter sur la rive et prenant soin de noter la direction vers laquelle elle part. Elle s’éloigne, glissant quelques mots à l’oreille de Museau Nacré et déposant une léchouille sur le front des chatons avant de s’écarter.

« Flocon de Neige ? Je viens de voir Brume Argentée partir… Je sais que tu t’inquiètes, mais je n’ai rien fais jusqu’à maintenant. Est-ce que tu veux que je la suive ? Ou, on peut le faire ensemble même, ça serait sûrement mieux. »

Elle se sentait comme une enfant en rejoignant la guerrière immaculée sur l’îlot principal du camp, près du tas de poissons et de gibier et en lui parlant ainsi d’un ton hésitant, si peu sûre d’elle-même. Mais Flocon de Neige lui avait fait confiance en lui parlant de ses doutes, et elle voulait le lui rendre même si elle n’était pas sûre de comment. Elle tenta de se reprendre. Elle s’était assez reposée sur la reine blanche ces derniers temps. Elle aussi voulait se montrer solide et présente.

« Elle est partie dans cette direction, elle ne doit pas encore être très loin, si tu veux qu’on la rattrape. »

Elle désigne de la patte l’endroit sur lequel Brume Argentée est remontée sur la rive avant de disparaître dans la végétation. Plutôt que de simplement traverser le petit bras de la rivière qui sépare l’îlot d’îles du reste du territoire comme le font tous les guerriers qui s’éloignent pour aller patrouiller, chasser ou chercher de la mousse, elle a traversé jusqu’à la rive la plus lointaine.

Brume Argentée.

La journée ensoleillée s'annonçait parfaite pour le programme qu'avait prévu la guerrière argentée en compagnie de Jaguar des Ombres qu'elle s'apprêtait à retrouver après avoir posée ses prises du matin sur le tas de gibiers. Elle était parvenue à trouver un ruisseau pas encore gelée, ou quelques poissons étaient venus chercher les rayons chaleureux de l'astre solaire. Elle en avait pêcher deux, pas très gros, pas trop petit non plus, puis les avait précipitamment déposé sur le tas avant de diriger vers la sortie du Clan, elle en oublia même sa discrétion tant elle était tout excitée à l'idée de rejoindre son ami tacheté qu'elle avait récemment retrouvés après que celui-ci ai disparu pendant des lunes entières.

Elle plongea avec grâce dans l'eau, et nagea jusqu'à la rive opposée, la fraicheur glaciale de l'eau parvenait à s'incruster dans sa fourrure épaisse et lorsqu'elle se hissa hors de l'eau, elle s'ébroua tout en frissonnant. Elle passa sa langue sur son poitrail ébouriffé, entreprenant une toilette rapide, puis se remit en route sans attendre, ils s'étaient donnés rendez-vous aux ruines, et un souvenir lointain de leur toute première rencontre refis surface dans son esprit, elle esquissa un sourire malicieux, ce jour là, ils avaient gambadés pendant des heures sur les terres du Vent, ils avaient joués comme des chatons qui sortaient de la pouponnière pour la première fois. Elle s'était amusée comme une folle, quelque chose qu'à l'époque, elle ne s'était pas autorisée depuis la mort de son jeune frère, Matin Cendré.

Le chemin qu'elle empruntait, elle avait le sentiment de le connaître par coeur alors même que ce n'était pas ses terres, mais elle était venu si souvent sur le territoire du Clan du Vent, qu'elle connaissait peut-être mieux qu'un jeune apprenti du Clan du Vent le ferait. Cette idée saugrenue la fit sourire à nouveau, décidément, elle était vraiment effrontée jusqu'au bout, qui pouvait se vanter de connaitre le territoire d'un autre Clan mieux que ses propres membres à part Brume Argentée ?

Elle se hissa sous un buisson en attendant l'arrivé de son ami et continua sa toilette qu'elle n'avait pas terminée, trop pressée de le retrouver au plus vite.

Flocon de Neige.

Je somnolais lorsqu'une masse vint à ma rencontre, me cachant les doux rayons du soleil. J'ouvris un œil, puis l'autre et reconnu ma meneuse qui semblait inquiète au vu de son expression, alertée, je relevais la tête, tout en observant autours de moi, en jetant un coup d'œil à la pouponnière, ses chatons semblaient jouer avec leur père, donc aucun soucis de ce côté là, alors qu'est-ce qui amenait Mélodie des Etoiles à avoir une expression si désolée en cette douce journée ?

« Flocon de Neige ? Je viens de voir Brume Argentée partir… Je sais que tu t’inquiètes, mais je n’ai rien fais jusqu’à maintenant. Est-ce que tu veux que je la suive ? Ou, on peut le faire ensemble même, ça serait sûrement mieux. »

Ah, oui, je reconnais bien là ma fille, toujours à vagabonder quand bon lui semble, je n'avais même pas remarquée qu'elle était revenue sa partie de pêche, ce matin, lorsque je lui avais proposée de l'accompagner, elle avait déclinée mon offre, un peu pressée et désintéressée, je m'étais dis que c'était Brume, toujours occupée & froide, mais visiblement celle-ci avait autre chose en tête à ce moment là. Je me levais et étira mes membres encore endormis.

« Merci, Mélodie des Etoiles, j'accepte ta proposition avec plaisir, je souhaites venir avec toi. »

J'hochais la tête pour accompagner mes mots, puis fit une petite révérence avant de la suivre. On se retrouva rapidement sur les berges, où l'odeur de Brume Argentée était déjà éventé.

« Elle est partie dans cette direction, elle ne doit pas encore être très loin, si tu veux qu’on la rattrape. »

J'observais ma meneuse, tout en réfléchissait qu'est-ce qui était le mieux à faire ? J'avais le sentiment que la rattraper ne servirait pas à grand chose, la guerrière argentée mentirait ouvertement en prétextant qu'elle était partie patrouiller, quand bien même si ce ne sont pas sur nos terres, elle trouvait toujours des bonnes excuses. Une idée surgit dans mon esprit.

« Je sais que ce n'est pas très sage de s'aventurer sur les territoires ennemis mais... Tu connais ma fille, elle niera tant qu'on ne l'a prend pas sur le fait, est-ce que ça ne serait pas judicieux de la suivre plutôt ? Tu en penses quoi ? »

J'attendis la confirmation de la femelle rousse avant d'entreprendre quoi que ce soit, après tout, il s'agissait de s'infiltrer sur des territoires ennemis dans le but de surprendre un membre de notre propre Clan, je ne suis pas sûr qu'une patrouille du Clan du Vent serait très compréhensif à se sujet, ils se diraient même qu'on se moque d'eux probablement, mais avec la présence de la meneuse elle même du Clan de la Rivière, peut-être comprendraient-ils la gravité de la situation ?

Après avoir obtenu l’assentiment de Flocon de Neige, Mélodie des Etoiles échangea un dernier regard avec elle avant de plonger dans l’eau en empruntant la même trajectoire que celle faite par la guerrière argentée quelques instants plus tôt. La froideur hivernale de la rivière lui glaça instantanément les os, mais cela eu également l’effet bénéfique de la réveiller définitivement et de redonner une clarté nouvelle à ses pensées. La meneuse avait dans l’idée de voir jusqu’où Brume Argentée irait, si elle les mènerait vraiment, comme l’avait prédit sa mère, à la frontière du Clan du Vent. Mais encore aujourd’hui, cela ne semblait pas faire de doutes pour Flocon de Neige.

« Je sais que ce n'est pas très sage de s'aventurer sur les territoires ennemis mais... Tu connais ma fille, elle niera tant qu'on ne l'a prend pas sur le fait, est-ce que ça ne serait pas judicieux de la suivre plutôt ? Tu en penses quoi ? »

Mélodie des Etoiles dû se stopper pour réfléchir à cela. Elles n’étaient pas très loin de la frontière à présent après tout, et elle ne pouvait repousser à plus tard le moment de prendre une décision. Mais pénétrer dans les terres du Clan du Vent… Même si la rivière et leurs voisins avaient été en alliance durant la guerre, celle-ci était bien précaire, d’autant plus durant la saison froide de mauvais augure dans laquelle ils étaient tous empêtrés. La meneuse rousse n’était pas sans savoir que tous les clans surveillaient de près le Clan de la Rivière affaibli par les gelées de la rivière et la migration de nombreux poissons d’eau douce à cette saison. Franchir la frontière, c’était leur donner raison et offrir une opportunité à des nouvelles rixes de s’installer.  Elle ne pouvait que s’y opposer, elle le devrait. Mais devant les yeux inquiets de sa vieille amie, elle ne savait que faire. Et après tout, elle connaissait sa fille mieux que personne. Si elle savait que la surprendre avant la frontière ne l’arrêterait pas, la seule manière de mettre fin à ses escapades de manière définitive était de la suivre plus loin. Alors, il s’agirait d’œuvrer pour éviter une escarmouche qu’elle pourrait causer seule… La meneuse soupira.

« Très bien, nous la suivrons. Cependant si nous devions être surprises, je ne ferais pas retomber la responsabilité sur nous ou sur le clan. Brume Argentée sera la seule responsable et aura à répondre devant eux de ses actes que je ne tairais pas. »

Elle attendit un instant d’entendre la réponse de Flocon de Neige avant de se remettre en route, tentant de se camoufler dans les reliefs du terrain. Mais comme la reine au pelage immaculé l’avait prédit, les traces de Brume Argentée menaient droit jusqu’à la frontière, et elle ne se trouvait nul par au pied du mur de pierre, ni même perchée au-dessus, ce qui aurait été préférable bien que non souhaitable. La reine rousse et blanche ne pu s’empêcher de lever les yeux au ciel et de marmonner, exaspérée par la tournure des évènements. Elle aurait définitivement préféré régler cela dans l’enceinte du clan, à l’abris de tous les regards étrangers. Ici, elle se sentait acculée. Si les ennemis les surprenaient tous, elle serait forcée de faire un procès à Brume Argentée sur le champ, devant témoins. Mais la guerrière ne leur avait pas laissé le choix.

« Je suppose que nous n’avons plus le choix à présent… Allons y prudemment. »

Elle progressait à présent avec encore plus d’attention, tentant de ne faire craquer aucune brindille sous ses pattes. Les coups de vent glacés la faisaient frissonner, non de froid mais de peur qu’ils ne portent leurs odeurs jusqu’à des narines peu amicales. Bientôt, des silhouettes étranges se découpèrent sur le ciel blanc. Des murs sombres, certains entiers, d’autres à moitié écroulés se dressaient sur une butte. L’odeur de Brume Argentée y montait. Devant le terrain dégagé, Mélodie des Etoiles franchit rapidement les longueurs de queues qui les séparaient du lieu, pressée de les mettre à l’abris. Plaquée contre un mur, elle jeta un œil vers le centre des édifices, son regard tombant sans surprise sur une Brume Argentée manifestement désœuvrée mais l’air très sûre d’être à sa place.

Mélodie des Etoiles échangea un regard avec Flocon de Neige, peu sûre de la marche à suivre. Elle brûlait d’envie de bondir sur le champ et donner une soufflante bien méritée à Brume Argentée, mais se demandait aussi ce qu’attendait la guerrière. Ou peut-être, qui elle attendait.

Alors que la princesse argentée attendait patiemment son beau prince tacheté, elle ne remarqua pas du tout les deux paires d'yeux qui la fixaient un peu plus loin, parfaitement dissimulées dans des buissons. Elle ignorait tout du subterfuge qui l'attendait lorsque Jaguar des Ombres vint à sa rencontre en ronronnant, pressant son museau affectueusement contre le sien, son cœur rayonna de bonheur et enroula sa queue autours de la sienne avec délicatesse tandis qu'il lui proposer de visiter un autre terrain de chasse des guerriers du vent. Elle bondit à son tours autours de lui, comme un chaton, et se mit en position de jeu, basculant son bassin en arrière et faisant rouler sa queue de gauche à droite, hypnotisant les yeux couleurs de jades du matou. Puis lorsqu'il fut vraiment captivé par le mouvement de sa queue, elle lui sauta sur lui et ils roulèrent dans l'herbe cristallisé par le froid tout en riant comme des enfants. Il posa sa patte sur son torse, et lui lécha le museau, tendrement avant de lui donner une pichenette sur une de ses oreilles déchirée, puis de sa voix mélodieuse et malicieuse, et lui répondit ;

" - Hum pourquoi pas, on jouera à celui qui grimpe le plus vite ! Elle luit fit un clin d'œil complice, puis ajouta, nous ne sommes pas des guerriers écureuils du Clan du Tonnerre mais je suis sûre que je te battrais à ce jeu, après tout, nous avons plus d'arbres que vous sur notre territoire à la rivière ! "

Sur ces mots, elle se détacha de son ami, prête à suivre sa course folle sur les terres des vents, mais une odeur - très familière - vint chatouiller ses narines et elle se crispa lorsque deux ombres, l'une rousse et l'autre blanche se fondant parfaitement avec le décor environnent, se détachèrent de leurs cachettes qu'elles avaient jusque là, parfaitement maintenue. En reconnaissant sa génitrice, les poils de Brume Argentée s'hérissèrent à tel point qu'elle parut faire le double de sa taille habituelle, elle se positionna entre elles, et son conjoint du vent, faisant office de barrière avec son corps. Elle cracha lorsque sa mère, lui lança un regard furieux, l'un de ceux qui vous lance des éclairs et vous pétrifie sur place, mais la reine argentée n'était pas du tout intimidée par les deux femelles qui représentaient toute l'autorité dont elle avait horreur. C'est sa mère, qui brisa le silence.

" - Tu crois aller où comme ça ? Jamais de sa vie, Brume Argentée n'avait vu sa mère aussi furieuse, elle qui était toujours de nature docile, douce et calme, la voir dans une position menaçante, prête à bondir sur sa fille, ou le guerrier en arrière, sa fourrure blanche et épaisse en pic hérissé, ses yeux vairons étaient sombres et pleins de colère, c'est donc ça que tu fais quand tu t'éclipses du Clan ? Tu vas batifoler avec l'ennemi ?"

Flocon de Neige était hors d'elle, elle savait que sa fille se fichait guère des règles mais de là à aller flirter avec des guerriers d'autre Clans, c'était trop. Un douloureux souvenir de sa propre mère Perle de Neige qui avait eu ses deux chatons avec Conteur Céleste, aussi un guerrier du Vent, lui revint, et l'histoire douloureuse qu'elle avait traversée, orpheline car ses parents incapables de prendre une décision sur leur amour naissant, sa mère qui avait cacher à son compagnon qu'elle attendait des petits et tout le reste ensuite, sa propre vie dans la rue, affamée et accompagnée de chats malfamée, oui les relations inter-clanique n'était pas une bonne idée, ça ne l'avait jamais été. De plus, en voyant ce guerrier du Vent, elle eut une douloureuse impression que l'histoire se répétait encore, et en imaginant sa fille avoir des chatons de ce mâle, elle eut la nausée. Elle redoubla de colère, prête à bondir et étriper le guerrier qui semblait perdu de la situation, elle qui était d'habitude si sage et si posée, elle avait perdu tout son discernement, plantant ses griffes dans le sol pour se contenir, elle fit un effort considérable en présence de sa meneuse pour garder son calme et ne pas causer une énième guerre, sur le territoire ennemi qui plus est, c'était sa fille qui était en tord, pas ce guerrier, du moins pour cette fois, même si elle se doutait que celui-ci avait dû déjà poser ses pattes sur leurs territoires à eux.

Brume Argentée faisait affront à sa mère, sans baisser le regard, elle ne s'attendait pas à ça, les deux chattes l'avaient-elles suivis jusqu'ici ? Depuis combien de temps étaient-elles là exactement ? Elle lança un regard suppliant à Jaguar, un regard qui disait, "part, ce combat est le miens, ne t'attire pas d'ennuis" mais elle savait au fond que le guerrier refuserait de la laisser dans le pétrin, alors elle se rapprocha un peu plus de lui, pour le protéger du regard meurtrier que lui lançait sa mère à cet instant. Elle balaya son regard de la reine blanche à la meneuse rousse, attendant son verdict à elle avant de répondre.

Son intuition ne l’avait malheureusement pas trompée, pour une fois. Mélodie des Etoiles avait conscience d’avoir tendance à sauter un peu vite aux conclusions, mais cette fois-ci, elle avait vu juste quant au motif de la visite de Brume Argentée dans les territoires venteux. Alors qu’un guerrier tacheté courait vers elle depuis les collines, les poils de la meneuse se hérissèrent. Elle les observa d’un œil perçant, leurs yeux brillants, leurs queues entrelacées qui ne laissaient aucun doute quand à la nature de leur relation. Il s’échangeaient des paroles enjouées, semblaient prêts à détaler encore plus loin dans les terres du vent. Mélodie des Etoiles ne pouvait le permettre et s’apprêtait à se dévoiler lorsque Flocon de Neige bondit au devant des deux tourtereaux.

Toute concentrée sur Brume Argentée qu’elle était, la meneuse dû y regarder à deux fois pour s’assurer que la silhouette blanche qui se tenait à ses côtés était bien son amie Flocon de Neige. Elle semblait avoir doublé de taille, ses yeux lançant des éclairs, dans un état de rage comme Mélodie ne l’avait jamais vu. Si elles ne s’étaient pas tenues face à sa propre fille, Mélodie des Etoiles aurait sûrement tenté de poser une queue compatissante sur son épaule pour l’encourager à se calmer. Mais elle n’allait sûrement pas dire à Flocon de Neige quelle attitude elle devrait adopter face à la trahison de sa propre fille. Elle resta donc en retrait, fixant sévèrement la riveuse argentée et le venteux au pelage sombre.

Lorsque le silence retomba, il ne fallu pas le lui demander deux fois avant qu’elle ne prenne la parole. Elle se contenait par diplomatie et respect pour Flocon de Neige, mais si elle s’écoutait elle aurait vite fait de traîner Brume Argentée par la peau du cou vers les terres de la rivière.

« N’avez vous pas honte ? », dit-elle posément, son regard passant froidement de l’un à l’autre des deux guerriers.

« Nous sortons à peine d’une guerre sanglante, nous venons de pleurer de nombreux guerriers riveux, et je suppose que vous avez dû en faire de même au vent ! Et vous- »

Elle se laisse emportée par la rage, ses paroles débordant en cris rageurs. Elle se reprend pour respirer.

« Vous transgressez à nouveau les frontières comme si elles n’existaient même pas, vous mettez vos clans entiers en danger pour vos propres motivations égoïstes. Je n’ai que faire de ce que vous êtes l’un pour l’autre, cela vous regarde, toi et ta mère Brume Argentée. »

Pathétiques. Il étaient tous pathétiques. Elle incluse, qui se remémorait sa première amourette avec un venteux également. Illusion perdue, amour de passage qu’elle devait abandonner par loyauté à son clan. Peut-être ne pouvait-elle pas demander une si grande loyauté à chacun, mais ils semblaient si égoïstes, si libres ainsi, à rire l’un près de l’autre en ignorant tout le reste. Son sang en bouillait de rage.

« Aviez vous vraiment besoin de vous retrouver ici, alors que quiconque pourra sentir les traces de vos batifolages ? Êtes vous à ce point égoïstes, ou est-ce de l’inconscience digne d’un chaton à peine sorti de la pouponnière ? »

Mist and wind : storm alert. Ft - Mélodie des Etoiles & Jaguar des Ombres.

Brume Argentée observait les trois individus un par un, son regard était teinté de défis et d'agressivité, si bien, qu'elle se retentait pour ne pas exploser de colère, il fallait bien l'avouer, la féline avait quelques difficulté à gérer ses émotions et si une partie de son cœur voulait riposter lorsque la meneuse prit la parole, la raison voulait qu'elle garde son calme. Se fit au tour de Jaguar des Ombres de prendre la parole, et il battit en retraite lui intimant que c'était mieux pour eux deux si ça s'arrêtait là, une pointe de tristesse lui pinça l'estomac, elle n'avait aucune envie de quitter son ami, elle était bien avec lui, c'était les seuls moments où elle pouvait être elle même sans craindre le jugement des autres.

Pour autant, elle ne cilla pas du regard, insistant pour rester fidèle à elle même, il fallait bien qu'elle garde un peu de dignité dans toute cette histoire, et elle refusait d'autant plus de perdre pieds devant sa mère et sa meneuse, se serait affreusement contraignant dans son esprit. Elle eut un sourire malicieux lorsque Jaguar lui murmura qu'ils se verraient en terre libre et elle eut envie de répondre à haute voix pour pousser la provocation encore plus, seulement, elle se ravisa, elle n'avait pas envie de voir jusqu'où la colère de Mélodie des Etoiles et Flocon de Neige irait.

« Rentre Jaguar, ne t'inquiète pas, je m'en occupes. »

Elle lui fit un clin d'œil complice, décidemment l'intimidation de ses deux aînées n'avait aucun effet sur la jeune chatte. Elle se tourna alors vers ses deux interlocutrices et les regarda bien en face, un soupire s'échappa de ses lèvres, et elle se lécha la patte, imperturbable.

« Je n'ai pas honte non, nous ne faisons rien de mal, nous n'avons voler aucun gibiers, nous ne faisons que nous amuser, je ne vois pas ce qu'il y a d'égoïste là dedans, j'ai pêchée toute la matinée et rapporter beaucoup de poissons pour le Clan, j'ai toujours respecter mes devoirs de guerrière avant de m'autoriser du divertissement, et puis le Clan du Vent, sont nos alliés, je ne vois pas pourquoi nous irions en guerre contre eux... »

Elle leva les yeux aux ciel, et prit la route du retour vers le Clan, battant l'air de sa queue avec désinvolture.

« Bon, on rentre maintenant, faudrait pas qu'on se fasse attraper par une patrouille adverse quand même ! »

Elle avait prit un ton particulièrement provocateur, bien décidée à ennuyer ses deux aînées jusqu'au bout du chemin, elle trouvait ça plutôt drôle même si elle savait que ça ne serait pas le cas de la reine blanche et de la meneuse rousse.

Flocon de Neige observait sa fille, une expression outrée sur le visage, comment pouvait-elle se montrer aussi rebelle ? Elle jeta un coup d'œil à Mélodie des Etoiles, un air désolé dans son regard vairon, elle avait tellement honte du comportement de Brume Argentée, et se sentait coupable, après tout c'était elle sa mère, c'était elle qui l'avait élevée, comment pouvait-elle se montrer aussi peu reconnaissante ?

Soudainement, elle se sentit lasse, triste et fatiguée, et surtout pitoyable, elle n'avait pas la force de se battre encore une fois contre Brume Argentée, elle se contenta de la suivre, en retrait, elle aurait tellement voulu que les choses soient différentes, sa propre mère, Perle de Neige, avait été une chatte si douce et attentionnée, elle avait essayée de perpétuer cette éduction de la même manière avec ses enfants à elle, mais visiblement ça n'avait pas fonctionné. Elle ne pouvait s'empêcher de penser que tout avait dérapé suite au tragique accident de Matin Cendré, Brume et lui avaient étés si proches autrefois, à son décès, la femelle argentée ne s'en était jamais remis, surement qu'elle se sentait encore coupable de sa mort. Depuis, elle avait agit comme la pire des personnes, une carapace qu'elle s'était construite dans le but de repousser les gens qui l'entouraient, et ça avait très bien marché, très peu de personnes pouvait supporter Brume Argentée plus de quelques heures, la plupart des chats l'évitaient ou la fuyaient.

Flocon trouvait ça tellement dommage, si son caractère avait était à la hauteur de sa beauté, Brume Argentée aurait été tellement adorable et avenante, hors c'était tout l'opposée, elle soupira et fixa sa démarche paisible, comme si rien ne venait de se produire, pourtant, Mélodie des Etoiles et elle même avait galoper sur les terres du Vent pour la retrouver, et elle se montrait ainsi, ingrate.

" - J'espère qu'un jour, tu te rendras compte que tes actions ont des conséquences sur ta vie, tu ne pourras pas continuer à vivre comme ça te chante toute ton existence, Brume Argentée, un jour, ça se retournera contre toi, et ce jour là, il n'y aura plus personne à tes côtés pour te sauver la mise."

Elle le pensait, sauf qu'elle n'abandonnerait jamais sa fille à son propre sort, elle en était incapable, celle-ci avait beau être méprisable et insupportable, elle l'aimait de tout son coeur, et elle espérait que Mélodie des Etoiles pourrait un jour connaître sa fille comme elle l'avait connue, avant la mort de Matin Cendré, comme la jeune apprentie qu'elle avait été, fougueuse, spontanée et curieuse, tout en étant attentionnée et serviable envers ses camarades, certes elle avait toujours été rebelle, mais ça n'avait jamais atteint des limites gravissime.

Elle s’est parée de sa dignité, a prononcé sa dernière accusation d’une voix froide, méprisante. Car elle le leur a dit clairement, c’est ainsi qu’elle les voit, des adultes qui se pensent encore chatons, qui ne voient que leurs propres intérêts et se moquent des conséquences de leurs actes. Le guerrier venteux au moins avait la présence d’esprit d’afficher un air coupable, oreilles rabattues, le regard baissé au sol. Un chaton pris en faute. Mais Brume Argentée au contraire sembler se rire d’eux. Elle s’était placée entre Flocon de Neige et le guerrier fautif, avec la fierté de celle qui n’a rien à se reprocher. Mélodie des Etoiles n’a que faire d’un guerrier venteux qui accepte une entrevue interdite sur les terres de son propre clan, il devra en répondre face à ses meneurs. Mais qu’une guerrière riveuse se comporte de la sorte ! Elle en porte la responsabilité, et voir ainsi Brume Argentée se rire de la situation la met hors d’elle.

Elle était d’autant plus en colère qu’elle savait pertinemment s’être voilée la face. Brume Argentée pêchait et s’était battue avec autant de vaillance que quiconque dans le clan. Malgré son caractère explosif et ses manières peu valeureuses, elle ne l’avait jamais considérée autrement que comme une guerrière du clan au même titre que tous les autres. Flocon de Neige lui avait fait part de son inquiétude à plusieurs reprises, mais jusqu’à aujourd’hui, elle n’avait peut-être jamais vraiment voulu voir de quoi il retournait. Et maintenant qu’elle savait, l’énormité de la chose la laissait sans voix. Brume Argentée n’était pourtant pas stupide, non. Elle s’en fichait purement et simplement, de tout ce qui comptait, du clan, des valeurs, de la paix.

Elle les toise durement alors que les amoureux se permettent de se glisser quelques paroles à l’oreille avant que finalement le guerrier tacheté ne fasse demi-tour. La meneuse le fixa longuement jusqu’à ce que son pelage brun ne disparaisse dans la lande. Elle se souviendrait de lui. Brume Argentée resta seule face à Flocon de Neige et Mélodie des Etoiles, murée dans sa fierté, elle se léchait avec désinvolture les pattes. Mélodie des Etoiles leva les yeux au ciel alors qu’elle débitait son petit discours ô combien prévisible. Elle ne répondit cependant pas tout de suite, car s’il y avait une chose sur laquelle elle était d’accord avec la guerrière argentée, c’est qu’il était temps de déguerpir. Elle échangea un regard avec Flocon de Neige pour donner le signal du départ, talonnant de près la belle féline qui les précédait. C’est Flocon de Neige qui décida de prendre la parole la première sur le chemin du retour, et Mélodie se tût, considérant qu’elle devait laisser cette place en premier lieu à la mère qui l’accompagnait. Si elle fut surprise par ces paroles, elle ne releva pas. Il s’agissait des paroles d’une mère blessée face à sa fille, et Mélodie ne voulait pas prendre partie avec sa position qui était bien différente. Elle se concentra de son côté sur le chemin jusqu’à ce qu’ils aient dépassé de loin la frontière avec les terres de la rivière. Il n’y avait personne d’autres qu’eux aux alentours, et elle en profita pour les arrêter toutes les deux.

« Nous discuterons de ce qu’il s’est passé ici avec Soir d’Orage sous peu. Mais en attendant, tu seras de corvée pour aider les apprentis avec les tiques des anciens et du changement des litières jusqu’à nouvel ordre. Libre à toi d’expliquer ou non à ceux qui te le demanderont la raison d’un tel châtiment. »

La guerrière s’était comportée à ses yeux avec une immaturité invraisemblable, elle méritait donc une sanction à ce niveau, celle donnée aux apprentis chahuteurs du clan, les tâches les plus ingrates et ignares qu’il soit. Elle adressa une œillade appuyée à Brume Argentée : celle-ci devrait s’attendre à d’autres conséquences sous peu.

« Il va sans dire que tu seras la première à devoir t’expliquer si des traces venteuses sont retrouvées sur nos terres, et attends toi à devoir faire face aux conséquences de tes actes. Je n’aurai aucune tolérance pour de tels enfantillages, ou ce que tu appelles du divertissement. Le Clan du Vent ont beau être nos alliés, ils sont aussi inquiets que nous des glaces qui arrivent, avec l’hibernation de leurs proies et le manque d’abris que leur offre leurs terres face aux prédateurs. Tu n’as pas idée de la vitesse à laquelle les choses peuvent déraper. »

D’autant plus que les meneurs du clan du Vent changent, rendant une quelconque alliance bien plus instable que celles nouées entre chefs. Lors de la guerre, le clan du Vent avait eu une posture bien plus neutre que celle de la Rivière, Mélodie avait eu l’impression d’avoir presque quémandé leur aide en envoyant un guerrier les chercher lors de l’explosion des combats. Non, vraiment, elle ne compte pas sur les guerriers venteux pour tolérer une présence riveuse en leurs terres, tout comme elle même ne compte pas en tolérer de venteuse. Après un court silence durant lequel elle fusille la fautive du regard, elle reprend une dernière parole qu’elle se déteste de prononcer, mais ne peut s’en dispenser sans être droite avec elle même. Elle préfère fermer ls yeux sur un batifolage qui se passerait dans le lointain que devoir faire face à de nouveaux conflits. Alors elle la siffle presque, avec dédain.

« Vas donc te divertir dans les terres libres si tu en as tant besoin. »

Pas qu’elle compte laisser le temps à Brume Argentée de s’éclipser ceci-dit. Après tout, la plus grande conséquence de cette histoire sera sans doutes la perte totale de confiance de Mélodie des Etoiles pour Brume Argentée. Elle se détourne avant de croiser le regard de Flocon de Neige. Elle se sent désolée envers la reine immaculée de devoir prendre ses décisions devant elle, sans son accord, mais elle voulait se montrer immédiatement implacable avec la guerrière argentée. Se rapprochant d’elle, elle lui glisse quelques paroles à l’oreille.

« Tu es libre de nous rejoindre lorsque nous discuterons de cela avec Soir d’Orage bien sûr. Je pense qu’au vu des circonstances, tu as ta voix au chapitre. »