Tourner la page ou la déchirer | Ombre du Passé & Étoile Polaire

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Ombre du Passé - Lune 1216

Les souffles réguliers des guerriers endormis résonnaient dans la tanière de roseaux. Roulé en boule dans son nid de mousse, Ombre du Passé observait la lune ronde, presque pleine, qui flottait au-dessus de l'eau. Dans quelques nuits, ce serait l'Assemblée. Il était certain qu'il ne serait pas autorisé à y aller, et même s'il avait eu le droit, il aurait refusé. Passer toute une nuit en la présence de guerriers ennemis, qui frimaient et papotaient comme des lâches en profitant d'être protégés par la trêve de la pleine lunes. Le guerrier brun roula sur le côté en poussant un grognement rageur, attendant que la bouffée de colère habituelle l'envahisse. Mais rien ne vint.

Ombre du Passé se dressa sur ses pattes. Soudain, sans trop qu'il sache pourquoi, la nuit l'appelait, et ce n'était pas un sentiment négatif qui résonnait dans son cœur en écho à cette attirance. Il se dirigea presque mécaniquement vers l'ouverture de la tanière et sortit au grand air avant de s'immerger dans l'eau qui bordait l'île. La morsure de l'onde glacée lui fit du bien. Nageant à grandes foulées puissantes, il se dirigea vers la rive opposée en évitant les îlots qui se dressaient devant lui. Tanière des apprentis, antre des guérisseurs, tanière des anciens. Enfin, plus rien ne lui barra la route et il força l'allure, se propulsant de toutes ses forces, désireux de se dépenser, de faire sortir de son corps toute l'énergie qu'il recelait. Quelques instants plus tard, le guerrier atteint la berge du côté de la mer.

Il sortit de l'eau, s'ébroua rapidement et marcha droit devant lui sans savoir où il allait. Le matou se sentait vide. C'était presque agréable de ne plus être déchiré entre des émotions contradictoires, de ne penser à rien, de laisser ses pattes le guider automatiquement. Ombre du Passé arriva bientôt au niveau du groupe d'arbres qui lui faisait face et reconnut le Bosquet Aquatique ; avec un petit reniflement, il s'y engagea.

Contrairement à beaucoup de ses camarades, l'atmosphère un peu mystique qui y régnait ne le dérangeait pas. Des esprits ! et puis quoi encore ? Quand bien même, ce n'était pas quelques chats morts qui allaient l'effrayer : il avait perdu toute considération envers ses ancêtres depuis... Le guerrier abattit sa large tête contre le sol dans un gémissement, frappé par la foudre. Comment avait-il pu passer une soirée entière sans penser à Elle, à ses doux yeux verts, à ses poils soyeux, à sa gentillesse infinie, à son pelage imbibé de sang et à son regard effrayé lorsqu'elle avait poussé son dernier soupir. Et il ne la verrait jamais plus. Ombre du Passé s'effondra entre les arbres noueux, terrassé par la douleur. Son cœur se tordit comme une vulgaire feuille d'arbre tandis que la voix de sa compagne résonnait dans son esprit : "N'oublie pas qui tu es, Nuage d'Ombre."

Un monstre, voilà ce qu'il était. Elle était morte à cause de lui, elle lui en voulait, c'était sûr, et lui, il l'oubliait.
Il l'oubliait.
Il l'oubliait.
Chaque pensée martelée était un coup de griffes donné à son âme, qui l'éventrait et le faisait se vider de son sang. D'habitude, il survivait en déchargeant sa douleur sous forme de rage mais là, sous les étoiles, la colère était partie.

Seules restaient la tristesse, la souffrance, la culpabilité.
La solitude.

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Tu mentirais, si tu prétendais ne jamais rêver d'Aube Douce. Ne plus voir son visage, ses yeux ambrés et pétillants, et sa silhouette gracieuse. Ne pas repenser à ses derniers jours, ses derniers instants, alors que son corps avait été empoisonné par la Marée Noire. Ces souvenirs te réveillent parfois au beau milieu de la nuit, alors oui : tu peux mentir aux autres, mais pas à toi même. Ta compagne disparue est toujours dans un coin de tes pensées, à guider tes pattes, et à remplir ton coeur de prudence. Toutefois, ce n'est pas la seule chose qui puisse te tirer de tes songes. Tu es toujours alerte, et un simple bruit suffit à te ramener à la réalité. Cela, depuis les événements de la Horde, et la méfiance qui s'est insinuée en chacun de vous. Tu supposes que cela finira par te passer, même si le poids sur tes épaules s'alourdira bientôt un peu plus. Mélodie des Étoiles l'a annoncé lors de sa dernière assemblée, et un mélange d'impatience et d'appréhension s'est logé dans ta poitrine depuis. Tu as toujours su que cela finirait par arriver, et tu t'es toujours sentie prête. Il ne restera qu'à le prouver. En tout cas, cette nuit, cela ne t'a pas empêché de trouver le sommeil. En revanche, tu ne peux pas en dire autant pour le mouvement d'un de tes camarades, qui ne semble pouvoir cesser de s'agiter. Agitant une oreille sous une légère irritation, tu préfères ne rien faire, évitant ainsi de contribuer à ce vacarme. Au bout d'un moment, tu comprends que ton camarade a quitté la tanière. Pour aller faire ses besoins, peut-être. Ça ne t'inquiète pas plus que ça sur le moment, et tu tentes de te replonger dans les bras de Morphée. Le noir revient. Mais il ne reste pas. Vraiment agacée, tu redresses la tête dans l'obscurité de la tanière. Tu n'as entendu personne revenir. Et si quelque chose allait mal ? Te sentant responsable du bien et de la sécurité de tous, tu t'extirpes alors discrètement de la tanière pour aller inspecter le camp. Il y a bien une piste plus fraiche que les autres. Celle d'Ombre du Passé. Alors le guerrier au caractère compliqué est celui qui vous a faussé compagnie. Car oui, sa piste ne semble pas se diriger vers le petit coin, et pas non plus vers la tanière de votre guérisseur. La dernière fois qu'un de tes camarades t'a fait le coup, il s'agissait de Brume Argentée. Celle-ci a quitté le clan il y a quelques lunes de cela... et tu ne tiens pas à ce que l'expérience soit réitérée. Alors, tout en soupirant, tu décides de pister le guerrier sombre. Autant dire qu'il a plutôt intérêt à avoir une bonne excuse.

Tu marches un moment. Tu nages, aussi, bien contente d'avoir une fourrure suffisamment épaisse pour te protéger de la fraicheur de la nuit. Ce n'est qu'en arrivant au niveau du Bosquet Aquatique que tu aperçois enfin la silhouette de ton camarade. Finalement, tu ne devais pas être trop loin derrière lui. Déjà décidée à le confronter, tu avances en sa direction, mais t'interromps finalement en le voyant s'écrouler. Qu'est-ce que ? Tu n'as flairé aucune odeur de sang, et il serait étonnant qu'un guerrier malade décide de courir jusqu'ici. Non, c'est autre chose. Tu t'avances doucement, le poil encore détrempé, une réalisation s'insinuant doucement dans ton esprit. Ou plutôt, une théorie. Et si sa douleur n'avait rien à voir avec le physique ? Tu te souviens de son baptême, de sa demande particulière. Ce jeune guerrier a connu le deuil avant même de connaître réellement la vie. C'est une tragédie, mais la vie doit continuer. « Ombre du Passé.. » murmures-tu pour lui signifier ta présence. Oh, tu te doutes bien qu'il préférerait être seul. Tu es aussi passée par là. Il ne le sait pas, bien sûr, mais tu es à même de comprendre ce qu'il peut ressentir. « C'est un joli nom, mais difficile à porter, n'est-ce pas ? » En faire un hommage est une idée intéressante, mais surtout un fardeau qu'il devra supporter à vie. Tu n'en dis pas plus, venant t'assoir face à lui, le regard ni trop dur, ni trop compatissant.

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Ombre du Passé - Lune 1216

Un souffle rauque dans la nuit. Saccadé. Fragile. Prostré au sol, il ne se rend même pas compte que cette respiration est la sienne. Ses souvenirs tourbillonnent par flashes, il a l'impression de trébucher à l'intérieur de son esprit, de tomber vers un abîme sans fin.
Il ne résiste même plus, il n'en a plus la force. Il souffre tellement qu'il aurait pu hurler. Il ne veut plus revivre le même calvaire, la même solitude, le même sentiment de ne pas être à sa place. Plus que tout, il voudrait oublier, recommencer à vivre normalement. Pouvoir se contenter des petites choses du quotidien, comme avant. Mais il ne s'y autorise pas ; il se rend bien compte de la douleur qu'engendre cet entêtement, cependant sa volonté de ne pas trahir sa bien-aimée est bien plus forte. Il pourrait affronter n'importe quoi pour Elle.
Ce qui ne rend pas les choses plus faciles à supporter.

Comme détaché de son propre corps, il se sent s'envoler, loin, vers les étoiles. Est-ce que je meurs ? Il redresse la tête en sentant un délicieux parfum, le plus doux qui existe.

"Nu...Nuage de Nacre ? Tu es là ?"

Un tendre contact sur son museau, comme une caresse éphémère, qui devint claque lorsqu'une voix familière s'éleva, presque méconnaissable en étant débarrassée de sa douceur habituelle.

"C'est ta faute ! J'aurais survécu si tu n'avais pas déclenché cette bataille ! Pourquoi m'as-tu aimé ? J'étais mieux sans toi, beaucoup mieux !" martèla-t-elle.

Le guerrier hoqueta tandis que la douleur revient, accentuée par la trêve qui l'avait effleuré un instant. Il avait beau savoir que ce rêve n'était qu'un instant d'absence provenant de son imagination, il craignait plus que tout d'avoir vu juste, que Nuage de Nacre ne lui en veuille réellement pour sa mort. Il frissonna d'horreur à cette idée.

Soudain, Ombre du Passé fut ramené à la réalité par une odeur familière, juste avant qu'il n'entende un léger bruit de pas derrière lui. Il fit volte-face d'un bond et se retrouva truffe à truffe avec sa cheffe, Etoile Polaire. Qu'est-ce... elle m'a suivi ? Moi ? La gêne l'envahit quand il comprit qu'elle avait probablement assisté à son instant de relâchement. Aurait-ce été qui que ce soit d'autre, il aurait réagi durement, se serait emporté, mais face à la chatte blanche, Ombre du Passé resta immobile. Et ce n'était pas seulement parce que c'était la meneuse de son Clan. Le guerrier avait toujours ressenti des sentiments un peu différents de ceux envers les autres pour Etoile Polaire, un profond respect mêlé d'admiration. Elle avait toujours su diriger son clan d'une patte de fer même si elle n'était meneuse que depuis peu ; mais plus que ses qualités, c'était autre chose qui le rapprochait d'elle. Il n'aurait su définir ce que c'était, mais il sentait que c'était important.

D'un autre côté, ces émotions positives l'effrayaient. Il ne voulait plus se rapprocher de qui que ce soit, à présent. C'est pourquoi, d'ordinaire, le félin brun tentait toujours de réprimer ces sensations ; mais... il se rendait compte à présent, en la voyant s'approcher, que le respect qu'il lui portait ne s'était pas effacé. La chatte blanche miaula à voix basse :

"Ombre du Passé... C'est un joli nom, mais difficile à porter, n'est-ce pas ?"

L'intéressé avala sa salive avec difficulté. Il n'avait jusque-là jamais regretté son choix de nom. C'est vrai que c'était parfois un fardeau, un de plus, mais c'était surtout un rappel constant de ce qui s'était passé.

"Sans lui, je pourrais oublier, murmura-t-il. Oublier l'étoile qui a un jour éclairé ma vie, avant de retourner dans les cieux d'où elle venait. C'est souvent difficile, mais il faut que je me souvienne. Je lui dois bien ça."

Comprenant qu'il venait d'exprimer d'un coup ses sentiments les plus profonds, le jeune guerrier se lécha le poitrail, embarrassé. Mais il ne sentit nulle colère monter en lui, juste la joie de pouvoir enfin se confier à quelqu'un.

HRP :

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Tourner la page ou la déchirer ◊ Ombre du Passé

De toute évidence, Ombre du Passé ne t'a pas entendue approcher. Il s'est tourné en ta direction d'un coup, sous la surprise, alors que tu n'as même pas tenté de camoufler ta présence. Où était-il, mentalement, durant ces quelques instants ? Il ne l'avouera certainement pas, pas plus qu'il ne pourra mettre de mots sur cet instant de faiblesse auquel tu as assisté. Et ce, même si ton regard ne contient pas une seule once de pitié ou de jugement. Tu as bien remarqué son attitude, avec vos camarades. Il transforme sa tristesse en colère, le rendant aigri auprès de tous et toutes. Face à toi, il n'a jamais osé aller jusque là, toutefois. Est-ce dû à ton rang, ou à autre chose ? Tu n'entends pas lui poser la question de manière directe. À la place, tu préfères élever la voix doucement, pour commenter le nom qu'il a en partie choisi, il y a quelques lunes de cela. Il représente bien qui il est, et le fardeau dont il semble refuser de se délester. À sa réaction, tu vois bien que tu as visé juste. Mais, tu ne t'attendais pas à ce qu'il te réponde avec une telle franchise. Alors il s'agit bien de Nuage de Nacre, de son souvenir, qui alourdi son coeur cette nuit. La jeune apprentie était un élément prometteur, avant son décès tragique. Apparemment, le mâle semble penser qu'il lui est redevable.

Tu pourrais croire faire face à un autre chat, vu la sensibilité dont il fait preuve. Peut-être est-ce la nuit. Ou bien la sorte d'intimité que procure cet instant. Tu ne sais pas, et ce n'est pas important au fond. Là où un tel étalage de sentiments aurait pu t'agacer d'ordinaire, tu vois bien que ce n'est pas le cas aujourd'hui. Ce sujet te touche, alors tu ne peux décemment pas le ramener au camp sans lui avoir parlé un peu. Toi, qui ne t'encombres jamais de trop de paroles, accepte donc de saisir la profondeur de ses ressentis à voix haute. « Que lui dois-tu ? D'être malheureux pour le reste de ta vie ? » Tes paroles sont crues. Tu le sais bien. Mais, elles sont aussi entachées par la vérité. Il faut avancer. Pas oublier, mais accepter d'aller de l'avant. Vous, les guerriers, n'avez pas d'autre choix si vous souhaitez mener une existence supportable. Tu as toujours été stricte et dure avec toi-même. C'est ainsi que tu as toujours fonctionné, et ce même pour échapper au deuil suite à la perte de ta compagne. « Nous n'oublions pas ceux que nous avons aimé. Ils nous observent depuis la Toison Argentée, et souhaitent nous voir aller de l'avant. » En tout cas, tu n'imagines pas Aube Douce préférer te voir triste à jamais. Elle était bien trop tendre et gentille pour souhaiter de telles choses. Et, de ce que tu as pu observer, Nuage de Nacre n'était pas différente. Au final, oui, vous avez peur de ne plus avoir mal, et de les oublier. Passer à autre chose est effrayant, mais c'est aussi la seule voie que vous pouvez raisonnablement emprunter. Vous n'avez de devoir qu'envers vous-même, et si Ombre du Passé veut se rendre responsable en ce qui concerne Nuage de Nacre, retrouver le bonheur sera bien plus difficile que de s'enfoncer dans le chagrin.

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Pdv Ombre du Passé (ft. Etoile Polaire) - Lune 1216

Le museau dirigé vers sa meneuse, le regard planté dans le sien, Ombre du Passé ne ressent toujours aucune peur. Aucune incompréhension. Un courant d'entente totale circule entre lui et Etoile Polaire par le biais de leur échange visuel, un lien éphémère mais puissant qu'il n'a ressenti qu'à de rares reprises. Œil ambré contre prunelle verte, il la regarde. Et il sent que, pour la première fois, quelqu'un le comprend. Cette certitude se propage dans ses veines, dans tout son corps, tel une vague d'adrénaline le revigorant. Ses pupilles toujours ancrées dans les siennes, Etoile Polaire ouvre la gueule.

"Que lui dois-tu ? D'être malheureux pour le reste de ta vie ?"

Tout se brise. Raz-de-marée dévastateur, ces paroles parcourent le corps d'Ombre du Passé, remontant son échine, dressant tous ses poils. Sous le choc, il recule d'un pas, puis de deux, bute contre un arbre, s'arrête. Seul son sang figé dans ses veines, changé en glace, le fige et l'empêche de s'enfuir en courant. Un mot résonne dans son esprit : TRAHISON. Le liquide glacial contenu dans ses artères s'embrase enfin et il rejette la tête en arrière pour lâcher un long gémissement. L'iris tellement écarquillé qu'il est entouré d'un cercle blanc, il la fixe. Il lui a fait confiance. Il s'est ouvert à elle. Et elle, elle la piétine, lui prête des intentions maléfiques. Ainsi donc, il avait raison. Placer son espoir dans un autre chat que lui-même n'apporte que des nouvelles souffrances. Plus jamais il ne fera cette erreur.

"Nous n'oublions pas ceux que nous avons aimé, reprend Etoile Polaire. Ils nous observent depuis la Toison Argentée, et souhaitent nous voir aller de l'avant."

La rage enflamme le cœur d'Ombre du Passé, et il se retient difficilement de lui cracher dessus. Il couche ses oreilles en arrière, ses oreilles déchirées et en lambeaux, à l'image de son âme. Tout ce qu'il lui reste, c'est la certitude absolue qu'il ne doit pas l'oublier. Ils nous observent ? Ils souhaitent nous voir aller de l'avant ? Mensonges, encore et encore. Nuage de Nacre lui en veut, cela se ressent dans ses derniers mots. Et son seul espoir pour être pardonné un jour, c'est de continuer à se rappeler d'Elle jour après jour, éternellement. Alors, peut-être, Elle lui pardonnera.

N'oublie pas qui tu es.

Ce qu'Ombre du Passé est ? Avant tout, il est Elle, dans ses moindres gestes, ses moindres pensées. Elle vit en lui et puisqu'il ne doit pas l'oublier... Mais cela, aucune chance qu'il le révèle à Etoile Polaire. Il a cru un instant qu'elle pourrait l'aider ; il a eu tort. Son ressentiment s'apaise pour ne laisser qu'une colère froide et distante. Il est condamné à la solitude éternelle, et sa meneuse n'a rien à faire avec cela.

"Tu ne peux pas comprendre, lâche-t-il à l'égard de la chatte blanche. Tu n'as jamais vécu cela, alors cheffe ou pas cheffe, ne t'avise pas de prétendre comprendre la volonté du Clan des Etoiles."

Il s'éloigne un peu. Il lui laisse le temps d'ajouter quelque chose si elle le souhaite, mais il lui tarde à présent de retrouver sa calme intimité sous la lune.

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Tourner la page ou la déchirer ◊ Ombre du Passé

Ombre du Passé te fixe avec une intensité que tu n’avais jamais constaté chez lui. Il y a toujours cette barrière, ce mur invisible d’ordinaire. Cela a un rapport évident avec la manière dont il vient de t’ouvrir son cœur. Tu te demandes si tous ceux qui font du mal aux autres sont au final aussi blessés que lui. Cela ne justifie rien, bien entendu, mais il te semble que les âmes et les cœurs brisés sont les plus à mêmes de propager leurs maux. Peut être que tu fais aussi partie de ce cycle. Tu ne le nieras pas, en tout cas. Mais cette nuit, tu as la sensation que quelque chose peut être fait pour ton camarade. C’est pourquoi tu prends la parole, dans le but de le faire réfléchir à la situation. Le tact n’a jamais fait partie de tes talents particuliers, mais Ombre du Passé doit bien le savoir à présent, n’est ce pas ?

Te prenant de court, le mâle recule de plusieurs pas, le poil tout à coup entièrement hérissé. On dirait presque que tu viens de le griffer au museau. Pourtant, tu es bien restée immobile. Un long gémissement finit par lui échapper, comme si… tu ne saurais même pas l’interpréter, en fait. Mais, ça ne peut rien signifier de bon. Pour tenter de le ramener à la réalité, tu poursuis alors, tentant de lui faire entendre qu’il peut continuer à vivre, ou plutôt recommencer, et que son amie sera toujours là quelque part. Toutefois, ça ne prend pas. Et si tu restes de marbre devant sa colère, tu t’attends presque à ce qu’il te crache dessus. Oh, il peut être malheureux, mais il ne pourra pas s’en prendre aux autres éternellement. Et certainement pas à toi. Il se détourne quelques instants, mais tu ne tardes pas à le rattraper. « Et toi, ne prétends pas savoir ce que les autres ont vécu. » Il est à peine guerrier. Il a à peine connu la vie, et même pas la grande guerre. Pour qui se prend t-il, à peine sorti de la pouponnière ? Malgré ton agacement, tu tentes de rester pragmatique. « Tous tes camarades ont perdu des proches. Fragment d’Onyx et ses frères ont perdu leur mère. Héros des Nuages a perdu toute sa famille. Ce n’est facile pour personne. » S’il ouvrait les yeux, il verrait que beaucoup d’autres peuvent en fait comprendre sa douleur.

Toi aussi, tu le peux. C’est arrivé il y a tellement de lunes. Tu avais à peu près son âge en fait. Tu n’aimes pas trop en parler en général. N’importe quel guerrier évite de dévoiler ses faiblesses. Mais peut être que ce soir, cela pourrait représenter une force. « Et, lorsque j’avais ton âge, j’ai aussi perdu la chatte que j’aimais. » Peut être que c’est ce qu’Aube Douce a voulu dire, quand elle t’a conseillé d’ouvrir ton cœur ? Ne reste plus qu’à voir comment Ombre du Passé y réagira.

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Pdv Ombre du Passé (ft. Etoile Polaire) - Lune 1216

Ombre du Passé ne peut s'empêcher de jeter un dernier regard à Etoile Polaire. Elle est toujours dans la même position, assise calmement, la queue enroulée autour des pattes. On pourrait presque croire qu'elle n'a pas entendu son guerrier. Mais le bout de ses oreilles frémit et l'intensité de son regard ne diminue pas, bien que le jeune chat tigré puisse peut-être y lire un brin d'agacement. Il relève fièrement la tête pour montrer à sa supérieure qu'il n'est nullement intimidé. Cependant, au bout de quelques instants, il ne peut s'empêcher de se retourner et de revenir lentement vers elle sous ses yeux inflexibles.

Lorsqu'il s'immobilise, tentant d'oublier sa gorge nouée devant les prunelles vert émeraude qui le fixent, il voit la meneuse agiter imperceptiblement sa queue avant de reprendre la parole.

"Et toi, ne prétends pas savoir ce que les autres ont vécu."

Ses paroles, comme toutes celles qu'elle lui adresse depuis le début de cette conversation, résonnent de longues secondes dans les oreilles du chat tigré de brun. Ombre du Passé envie son charisme, sa tranquille assurance, ses mots qui atteignent toujours leur cible avec une précision chirurgicale. Il l'admire et il ne se demande même plus pourquoi chacune de ses actions l'impacte tant, pourquoi il passe de la colère à un profond respect en une poignée de secondes. Le guerrier a toujours été comme cela, chaque émotion se répercute en lui, chaque parole a pour lui une signification cachée, il vit les choses les plus anodines comme une trahison mortelle ou une alliance à vie. Est-ce que tous les autres sont comme ça ? Est-ce que c'est simplement lui qui est anormal ? Ces questions reviennent souvent, tourbillonnant sans fin dans sa tête. Rejoignent la danse hypnotisante de toutes ses autres interrogations. Et cela tourne, tourne, tourne, il a le vertige, il sombre et les gens ne s'en rendent pas compte. Comme d'habitude.

"Tous tes camarades ont perdu des proches, reprend tout à coup Etoile Polaire. Fragments d’Onyx et ses frères ont perdu leur mère. Héros des Nuages a perdu toute sa famille. Ce n’est facile pour personne."

Ombre du Passé serre les dents, refusant catégoriquement d'entendre ce qu'Etoile Polaire veut lui dire. Est-ce qu'elle insinue qu'il est égoïste ? Qu'au lieu de s'apitoyer sur son sort, il ferait mieux d'écouter ses camarades, de se mettre à leurs pieds, de leur prêter une oreille attentive ? Non, aucune chance. Il a déjà déterminé qu'il ne vaut mieux pas se fier aux autres et il n'y a aucune raison pour que cela ne s'applique qu'à lui. L'idée l'effleure un instant que c'est peut-être ce qu'il recherche à travers cette conversation, quelqu'un prêt à l'écouter, mais il la repousse tout de suite - quelle pensée idiote !
Et puis Fragments d'Onyx est lieutenante, elle ne semble pas du tout avoir besoin d'aide. Quand à Héros des Nuages, eh bien, Héros des Nuages il est pénible, alors qu'il se débrouille, il trouvera bien d'autres gens à qui faire profiter de sa bêtise. Etoile Polaire, par exemple… Comment peut-elle l'apprécier, cet apprenti naïf et ridicule ? Cela reste un mystère. Les pensées du jeune félin reviennent soudain se fixer sur la chatte qui lui fait face : elle agite légèrement la queue, comme si elle tergiversait. Bizarre. Toujours décidé à ne pas ouvrir la gueule, Ombre du Passé se contente de l'observer, attendant qu'elle poursuive.

Encore un instant de silence s'écoule avant que la meneuse aux poils immaculés ajoute, une nuance d'hésitation se faisant entendre pour la première fois dans sa voix :
"Et, lorsque j’avais ton âge, j’ai aussi perdu la chatte que j’aimais."

Le choc. Encore une fois. Ombre du Passé comprend enfin le lien invisible qui les unit, ce lien qu'il ressent depuis toujours sans parvenir à en comprendre l'origine. Elle a déjà vécu cela. Le fait que ce soit une chatte le choque un instant, avant qu'il ne se ressaisisse. Cela ne fait rien, Etoile Polaire a toujours eu une tête à briser les codes, et puis elle fait un peu garçon manqué, n'est-ce pas ? Non, ce n'est pas le plus important. Le plus important, c'est qu'elle peut réellement le comprendre. Il le sent et même s'il sait que le risque est grand qu'il soit encore déçu, il est prêt à passer le pas.
Ombre du Passé prend une grande inspiration, s'interdisant de songer à Nuage de Nacre. Est-ce qu'elle aurait apprécié ce qu'il s'apprêtait à demander ? Sans doute pas, puisque sa cheffe lui répéterait peut-être de… Non, il a dit qu'il n'y penserait pas. Ce ne peut pas être mal de s'appuyer sur l'expérience de félins plus âgés, de se servir de leurs erreurs pour se propulser plus haut.

"Etoile Polaire ? Toi, tu y a réagi comment, à la mort de ton... de ta compagne ? J-je veux dire, tu as été triste ? Enfin, non, tu as forcément été triste, mais est-ce que tu ne penses pas que... Il baisse la tête avec agacement, maudissant sa voix dégoulinante de sentiment. Beurk, il allait faire croire qu'il n'était qu'une lavette romantique, à présent. Laisse tomber."

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Le guerrier ne semble pas prêt à capituler sous tes yeux. Pendant un instant, tu crois même qu'il va essayer de te fausser compagnie. Mais il se ravise finalement, et heureusement pour lui, pour écouter tes prochaines paroles. Peut-être feront-elles naitre encore plus de colère en lui, mais ainsi soit-il, si cela est nécessaire pour lui faire comprendre que le monde, que les autres, ne sont pas exactement comme il peut se l'imaginer. Tu cherches à le secouer, à le sortir ne serait-ce qu'un instant de l'état d'esprit qui le piège depuis la mort de Nuage de Nacre. Et, durant la plupart de tes paroles, tu as la sensation d'échouer. Du moins... jusqu'à ce que tu parles de ta propre expérience. À cet instant, le matou tigré semble se figer sur place. Il ne réagit pas de suite, comme si un débat, ou une réalisation se jouaient à l'intérieur de son esprit. Quoi ? Pensait-il à être le seul guerrier ayant perdu une compagne ou un compagnon ? Il est vrai que la plupart ne parlent pas de leurs blessures. Une fois la veillée passée, beaucoup décident de passer à autre chose. Mais pas lui. Et pas toi. Mais cette similitude, il n'a aucun moyen de la connaître. Finalement, tu vois Ombre du Passé prendre une grande inspiration. À partir de là, difficile de savoir à quoi t'attendre. Mais, même si tu remarques que le guerrier ne semble pas très à l'aise, il ne dégage clairement pas l'hostilité dont il faisait preuve précédemment. Peut-être que finalement, tu es réellement parvenue à créer une brèche dans sa carapace.

Tu écoutes attentivement ses paroles, ses interrogations. Sa voix est beaucoup plus douce. Un peu comme tout à l'heure, lorsque tu l'as trouvé effondré au sol. Cela te surprendra toujours, à quel point son miaulement peut paraître tendre durant un instant, et glacial au suivant. Cette fois, tu espères que ce revirement n'interviendra pas aussi tôt. Pour lui, tout d'abord, mais aussi car tu dois prendre sur toi pour entretenir une telle conversation. Tu as écarté ces émotions il y a bien longtemps, pour ne plus jamais les ressentir. Bien sûr, tu ne crains pas de retomber dans les mêmes travers qu'autrefois, ayant foi en ta maîtrise de toi même. Mais, cela n'en fait pas un exercice plus facile. « Et bien, oui, j'ai été triste. » réponds-tu doucement dans un premier temps, en cherchant son regard. Il est trop tard à présent. Il a parlé, et tu ne comptes pas laisser tomber, peu importe ce qu'il s'apprêtait à te demander. « Au départ, j'ai pensé qu'il aurait été plus facile de prendre sa place. Que plus rien n'aurait suffisamment de sens sans elle. » Mais tu étais faible, et égoïste, de penser qu'en votre monde, ta compagne serait plus épargnée qu'un autre membre du clan. Ce genre d'idylle n'existe pas. Toutefois, il te semble bon de le lui préciser. Le guerrier aurait du mal à croire que tu as immédiatement oublié ta défunte compagne. « Toutefois, au final, j'ai décidé d'en tirer une leçon. Celle que rien ne dure éternellement. On peut se réjouir d'avoir vécu ces moments, mais c'est tout. Seul notre clan pourra toujours perdurer. Il est notre héritage, et celui de ceux qui nous ont quitté. Alors c'est ce pourquoi j'ai décidé de me battre. » En te battant pour le clan, tu es certaine que malgré les épreuves, votre ensemble ne sera pas aussi facile à abattre qu'un seul individu. Tout le monde ne peut peut-être pas suivre cette voie, cette morale qui nécessite d'être autoritaire envers soi-même. Tu ne peux pas détenir les solutions pour tout le monde. Tout ce que tu dis à Ombre du Passé, c'est que cela a fonctionné pour toi. Après avoir dirigé ton regard vers le ciel, tu poursuis. « Et puis, tu sais, je n'ai pas oublié Aube Douce pour autant. Lorsque j'ai été aux Cristaux de Lune, elle était présente. Tout comme Nuage de Nacre, d'ailleurs... » Tu laisses ta phrase en suspend, ne sachant pas comment le brun accueillera une telle information. Mais, c'est bien ce qu'il craint, non ? D'oublier celle qu'il a perdu. Au final, tu supposes que cette peur disparaitra avec l'acceptation de faire son deuil. Un cheminement que lui seul pourra choisir d'emprunter, et ce peu importe les conseils qu'il recevra.

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Ombre du Passé - Lune 1216

Que diraient ses camarades s'ils entendaient les pensées et les paroles d'Ombre du Passé à cet instant ? S'ils apercevaient la fragilité de son âme sous son masque de grosse brute colérique ? Ils se moqueraient de lui, c'est certain. Mais aucune chance qu'Ombre du Passé ne leur laisse un jour deviner ce qui se cache véritablement dans son cœur, il a bien trop de fierté pour cela. D'ailleurs, il s'est déjà trop laissé aller aujourd'hui… mais il ne peut renoncer tout de suite à entendre l'avis d'Etoile Polaire. Il reste donc silencieux, aussi calme que possible. Et soudain, sa cheffe plante de nouveau son regard dans le sien. Aussitôt, son pouls ralentit, sa respiration s'apaise, les émotions négatives, peur, colère, haine qu'il sentait lentement revenir en lui s'enfuient sous le poids de cette lueur émeraude.

Peut-être est-ce lui qui imagine tant de choses passant dans ce regard, qui invente ce lien qui se concrétise chaque fois qu'elle l'observe ? Mais il ne peut le concevoir. Pour sa survie, il doit croire qu'elle est sincère, qu'il est vraiment important pour elle. C'est cela ou il sombre.
Il ne supporte pas la solitude.

"Et bien, oui, j'ai été triste, miaule-t-elle avec une douceur inhabituelle. Au départ, j'ai pensé qu'il aurait été plus facile de prendre sa place. Que plus rien n'aurait suffisamment de sens sans elle. Toutefois, au final, j'ai décidé d'en tirer une leçon. Celle que rien ne dure éternellement. On peut se réjouir d'avoir vécu ces moments, mais c'est tout."

Le félin tigré sent sa gorge se nouer. Ces paroles, en apparence froides et sans âme, sonnent comme un glas pour lui. Non, rien n'est éternel et il a été fou de penser le contraire. Cela a causé sa perte.
Son esprit rejoue pour la énième fois le jour fatidique où sa vie - leurs vies - s'est arrêtée, s'arrêtant sur les si nombreux moments où tout aurait pu changer si seulement il avait agi autrement. Mais il est trop tard, à présent. Rien n'est éternel et il est fatigué, si fatigué de porter ce fardeau…

"Seul notre clan pourra toujours perdurer. Il est notre héritage, et celui de ceux qui nous ont quitté. Alors c'est ce pourquoi j'ai décidé de me battre."

- De te battre, murmure Ombre du Passé. De te battre."

Il se met à trembler tandis qu'il répète ces mots comme un mantra, submergé une fois encore par la force de ses sentiments. Peut-être que sans eux, sans ce stupide cœur qui bat trop et trop vite, il n'en serait pas là. En attendant, il fallait qu'il soit fort. Et il se tracassait sans doute trop, mais...

"Tu as raison, je sais, chuchote-t-il, tête baissée. Mais est-ce que j'en ai la force ? Est-ce que je suis encore capable de me battre ? Tout en ne l'oubliant jamais ?"

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Une lutte perpétuelle semble se dérouler dans l’esprit du guerrier. Tu sens qu’il t’écoute réellement, cette fois. Il réfléchit à tes paroles, ou plutôt, celles-ci semblent résonner d’une manière particulière en lui. Peut être que la sincérité de quelqu’un ayant traversé une épreuve similaire est au final tout ce dont Ombre du Passé a besoin. Cette nouvelle facette de sa personnalité est plutôt intéressante. Tu craignais que sous cette apparence de brute épaisse, ne se trouve qu’un vide infini. Cela aurait été dommage. Un véritable guerrier, un qui accomplira de grandes choses, ne peut simplement pas vivre avec le néant dans la poitrine. Ici, tu te dis qu’il a peut être encore une chance. Répétant tes paroles, le mâle se met à trembler, te faisant légèrement sourciller. Tu ne t’es franchement pas attendue à ce qu’il soit aussi… sensible. Mais, c’est peut être mieux que de ne rien ressentir du tout. Comment surpasser une émotion sans s’autoriser à la ressentir ? C’est aussi ça, se battre. La vie est un combat et le plus tôt vous le comprenez, le mieux c’est. Tu ne rajoutes rien sur le moment, ne souhaitant pas parasiter sa réflexion, puisqu’elle semble aller dans le bon sens. L’expression neutre, tu l’observes alors débattre avec ses démons.

Il reprend finalement la parole, acceptant ta théorie tout en doutant de sa propre capacité à se battre. Et surtout, à ne pas oublier sa défunte compagne. Tu le jauges du regard quelques instants, imaginant quels scénarios pourraient composer son futur. La réponse n’est pas évidente. Cela ne dépend que de lui et non d’autres variables. Il est autrement dit le seul à pouvoir prendre cette décision. « Tu te poses les mauvaises questions, Ombre du Passé. Il ne faut pas te demander si tu en es capable, mais plutôt si tu en as l’envie. » Car c’est ça au final, qui compte. Celui qui veut réussira. Celui qui préfère s’enterrer dans sa tristesse y restera. « Tu ne changeras pas le passé. Alors, préfères-tu te battre pour donner un sens à ton avenir, ou mourir sans rien laisser derrière toi ? » Tes paroles sont peut être crues, mais il s’agit de la réalité à tes yeux. Si Ombre du Passé disparaissait demain, à qui son attitude agressive et méprisante manquerait-elle ? N’est-il pas pire d’être oublié, que d’oublier ? « Et puis, si tu as tellement aimé Nuage de Nacre, je ne vois pas pourquoi tu l’oublierais. » Ce ne serait pas logique. Tu as connu des anciens qui parlaient toujours de proches perdus des dizaines et des dizaines de lunes auparavant. Les liens et les souvenirs ne se dissipent pas aussi facilement, même pour le plus froid des tempéraments. Il va falloir que le matou se fasse confiance pour oublier cette crainte, mais au fil de cette conversation tu as bien compris qu’un gros travail va l’attendre afin de remonter la pente. Tu n’es même pas sûre que quoi que ce soit changera, une fois que cette discussion sera terminée.

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Lune 1216

Ombre du Passé (ft. Étoile Polaire)

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Engagé dans un conflit perpétuel avec lui-même, Ombre du Passé souffla profondément. Il savait bien, au fond de lui, qu’il n’y avait pas de solution facile à son dilemme.
Même s’il voulait de tout son coeur y croire.

Était-ce de la compassion, dans le regard d’Etoile Polaire ? Ou, bien pire, de la pitié ? La frontière entre ces deux sentiments était infime et Ombre du Passé n’était pas sûr de la distinguer. Se rappelant soudain de sa dignité qu’il avait tant piétiné durant cette douloureuse soirée, il se redressa difficilement et entreprit même d’épousseter comme il le pouvait sa fourrure, se concentrant autant que possible sur cette tâche.

« Tu te poses les mauvaises questions, Ombre du Passé, répliqua Étoile Polaire. Il ne faut pas te demander si tu en es capable, mais plutôt si tu en as l’envie. Tu ne changeras pas le passé. Alors, préfères-tu te battre pour donner un sens à ton avenir, ou mourir sans rien laisser derrière toi ? Et puis, si tu as tellement aimé Nuage de Nacre, je ne vois pas pourquoi tu l’oublierais. »

Mais Ombre du Passé ne l’écoute plus. Il ne le veut plus. Les mots de la chatte blanche, si justes, le titillent sans cesse, se jouent de lui et de ses efforts pour s’en protéger. Au fil des lunes, il avait réussi à ériger un roncier infranchissable autour de son cœur. Pour tous les autres, cela a fonctionné. Son âme était si bien cachée que beaucoup ne se sont même pas douté qu’il en avait une.
Puis Étoile Polaire est arrivée. Un mot, prononcé de sa voix si douce et si rude à la fois, lui a suffi pour que tout ce qu’il avait tant peiné à construire s’effondre en un instant. Et Ombre du Passé s’est ouvert à elle, non pas parce qu’elle a appelé ses confidences, mais justement parce qu’elle ne l’a pas fait.

À présent, il le regrette. La logique est du côté de sa cheffe, cependant il ne veut pas qu’elle le raisonne ainsi. Affaibli par la lutte contre ses démons intérieurs, Ombre du Passé se sait vulnérable. Il suffirait qu’elle insiste encore un peu.. qu’une de ses paroles déclenche à nouveau la tempête d’émotions qu’il a déjà subi à de nombreuses reprises.. et..

« Étoile Polaire, lâche-t-il de sa voix la plus impassible. Je sais que tu as raison. Crois-moi, j’aimerais pouvoir accepter tes arguments. Mais j’ai pris une décision, et je m’y tiendrai coûte que coûte. Ce n’est probablement pas la meilleure, ce n’est en tout cas pas celle qui me garantit le bonheur. Eh bien, tant pis. Je dois garder mes blessures ouvertes, c’est la meilleure garantie de garder le souvenir le plus vif, et surtout de ne pas trahir Nacre en me réjouissant. »

Ces froides paroles prononcées, Ombre du Passé se remet lentement à sa toilette. Son cœur est à nouveau de pierre et de cendre. Il sait que, s’il reste dans cet état d’esprit-là, Étoile Polaire ne pourra jamais l’atteindre.
Il commence lentement à reconstruire sa barrière.
Pourtant, sans savoir pourquoi, il ne peut s’empêcher d’être déçu..

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Au fil de tes paroles, tu as remarqué que le guerrier s'est efforcé de retrouver sa contenance. Son regard a changé. Lorsque tu termines ta dernière phrase, tu sens que l'atteinte ne sera pas la même. S'est-il fermé à nouveau ? Pourquoi ? Tu poses la question, en connaissant très bien la réponse. Tu as déjà eu un comportement similaire, bien que pas aussi extrême. Il est difficile de laisser autrui vous appréhender avec justesse. Cela parait presque trop facile, et dans ces situations, on refuse de croire que de telles solutions existent. Lorsque lui-même reprend la parole, il feint l'indifférence, et confirme par la même occasion ta théorie. Continuer d'alimenter sa souffrance est effectivement le meilleur moyen de ne rien en oublier. Cela garantit effectivement une existence misérable. Tu réalises qu'aujourd'hui, il te sera impossible de faire changer d'avis le guerrier sombre. Il est certainement bien trop tôt pour cela, mais tu espères avoir planté les bases, pour faire germer de nouvelles et meilleures idées dans son esprit.

Alors qu'il reprend sa toilette, tu le toises avec indécision. Il semble vouloir mettre fin à cet échange, mais pourtant, il ne part pas. S'agit-il d'une bribe de respect qu'il octroie à sa meneuse, ou d'un vague espoir qu'elle se mettrait à insister pour percer à nouveau sa carapace ? « Personne ne t'a demandé de te réjouir. Cela dit, je ne peux que te conseiller, et non te forcer à penser d'une façon ou d'une autre. J'espère simplement que tu prendras le temps d'y réfléchir. » Tu sais qu'il le fera, indéniablement. Personne ne peut apprécier de s'enterrer dans sa souffrance ainsi. Et, un peu plus tôt, tu as bien vu que le mâle a envie de s'en sortir. Sa peur d'oublier, et sa peur de ne pas réussi à remonter la pente sont simplement des obstacles qu'il devra surmonter. « En revanche, tu ne peux nier que Nuage de Nacre a profondément aimé son clan et ses camarades. Tâche au moins de lui faire honneur en te comportant de manière décente avec les autres. Tempête Blanche m'a parlé de la manière dont tu la traites. » Tu guettes sa réaction d'un regard rapide, mais ne lui laisses pas le temps de répondre avant de poursuivre. « Si je t'y reprends, toi et moi ne serons pas amis. » Tu vas sans doute remettre de la distance entre vous en agissant ainsi, mais c'est inévitable. Il n'est pas possible de sacrifier la paix de tes guerriers, rien que pour éviter de froisser Ombre du Passé. Sa tristesse ne le rend pas moins responsable de ses actes.

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Lune 1216

Ombre du Passé (ft. Étoile Polaire)

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Tout en feignant la désinvolture, Ombre du Passé observe sa cheffe du coin de l’œil. Comment va-t-elle réagir ? Va-t-elle se lasser, partir ? Ou tentera-t-elle à nouveau de l’entraîner par ses sages paroles ? Le guerrier doit bien reconnaître cela à Étoile Polaire, elle est persévérante. Alors même qu’elle a vu ce qu’il devenait dans ses instants les plus sombres, alors même qu’à chaque instant les sautes d’humeur du jeune mâle risquent d'obstruer sa vision, elle n’est pas partie, elle a continué d’essayer de le tirer vers le haut de manière plus ou moins douce. Et a bien failli réussir.

Mais c’est fini maintenant. Ombre du Passé est calmé, il ne refera pas l'erreur de se laisser emporter devant sa cheffe.

« Personne ne t'a demandé de te réjouir, soupire celle-ci. Et voilà. Des mots, des mots, les mêmes, encore et toujours. N'a-t-elle rien d'autre à la bouche ? Cela dit, je ne peux que te conseiller, et non te forcer à penser d'une façon ou d'une autre. J'espère simplement que tu prendras le temps d'y réfléchir. »

Reniflement insolent. Presque méprisant.

« En revanche, tu ne peux nier que Nuage de Nacre a profondément aimé son clan et ses camarades. Tâche au moins de lui faire honneur en te comportant de manière décente avec les autres. Tempête Blanche m'a parlé de la manière dont tu la traites. »

S'il s'attendait à ça ! Que vient faire cette chatte errante ici, sous les étoiles, dans la lumière mystérieuse de la lune ? Quel fol cheminement de pensée a poussé Etoile Polaire à prononcer ce nom haï ? Ombre du Passé grogne quand il croit décerner une lueur de jubilation dans le regard de la meneuse. Ah, t'es contente de ton petit discours, hein !

« Si je t'y reprends, toi et moi ne serons pas amis » achève Etoile Polaire, cerise sur le poisson.

Ombre du Passé faillit éclater de rire. "Toi et moi ne serons pas amis !" Comme s'il en avait quelque chose à faire, de l'amitié de sa cheffe. Est-ce qu'elle pense sincèrement qu'il va arrêter de mépriser Tempête Blanche pour le plaisir de son amitié ? A un poil de moustache de lui lancer une réplique cinglante, il se retient. Non, ça ne serait pas judicieux de s'attirer les foudres de sa cheffe en lui parlant sur ce ton.

« Eh bien, toi et moi ne serons pas amis, fait placidement le guerrier. Sans vouloir te manquer de respect - si, tout bien réfléchi - je n'en ai pas grand-chose à faire de ton avis. Comme tu l'as dit toi-même il y a un instant, être ma cheffe ne t'autorise pas à me dicter les moindres de mes pensées, faits ou gestes, pas plus que ça ne t'autorise à m'obliger d'avoir une bonne relation avec cette chatte errante. »

Prise au piège de ses propres paroles. Défiant, Ombre du Passé rive ses yeux orangés dans ceux, verts, d'Etoile Polaire. Il se sent tellement loin d'elle, à présent. L'a-t-elle compris à un seul moment de cette soirée ou bien leur entente passée est-elle juste le fruit de son imagination ? Il n'en sait rien et ne le saura pas.
Pas ce soir.

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Oh, Étoile Polaire, tu n’es peut être pas meneuse depuis longtemps. Tu n’as peut être jamais eu à affirmer ton autorité auprès de tes camarades, jusqu’ici. La simplicité et la rigueur ont toujours fait un ménage suffisant pour t’octroyer le respect d’autrui. Mais, il serait commettre une terrible erreur que de considérer que tu n’oserais aller plus loin. Que tu n’oserais exiger, et non plus demander. Ombre du Passé ne te connaît que peu, et c’est une évidence de plus en plus flagrante. Alors qu’il renifle avec insolence, avec mépris, tu n’interromps pas le flot de tes paroles, feignant pour le moment de n’avoir rien remarqué. Deuil ou pas, il vit toujours au sein d’un clan et devra en accepter les règles. Même si cela signifie accepter la présence d’anciens étrangers au sein du camp. Le choix de Mélodie Lumineuse d’accepter Tempête Blanche au sein du clan remonte à de nombreuses lunes à présent, il serait donc amplement temps d’oublier ses origines. Son grognement ne t’échappe pas plus que le reste, et tu sens bien qu’aller dans ton sens n’est à cet instant pas la première chose qui lui vient à l’esprit, même pas pour faire semblant.

Alors tu le laisses répliquer, l’écoutes jouer avec tes propres paroles en oubliant le sens que tu leur avais donné. Oh, il est vrai que tu ne peux pas l’obliger à penser d’une manière plus qu’une autre. C’est bien pour ça que tu le lui as dit un peu plus tôt, en évoquant sa réaction face au deuil et à la souffrance. Mais pensées et actions sont deux choses bien distinctes. « Oh, au temps pour moi… c’est vrai, un chef de clan existe pour faire beau lors des Assemblées, et pour jouer à l’abruti perché sur le promontoire… » réponds-tu alors dans une douceur glaciale, avec la légèreté d’un flocon de neige. « Non mais est-ce que tu t’entends, Ombre du Passé ? » grondes-tu ensuite, ta queue s’agitant avec agacement dans les airs. « Pour une chatte errante, Tempête Blanche semble mieux connaître le code du guerrier que toi… » Peut être que tu devrais lui donner une leçon dès à présent. Un jeune guerrier aussi instable et irrespectueux n’en mérite peut être pas le titre. Tes yeux se plissent, alors que tu le détailles du regard tout en pesant le pour et le contre. « Tu comptes commencer à te comporter comme un véritable guerrier, ou dois-je demander à Fragments d’Onyx de t’assigner au nettoyage de la tanière des anciens jusqu’à nouvel ordre ? » Si monsieur veut tant étaler son libre arbitre devant toi, voilà le choix qui s’offre à lui. S’il n’est pas capable de se ressaisir dans la douceur, peut être que cette méthode sera plus efficace.

Tu ne sais pas comment Melodie Lumineuse aurait géré cela à ta place, et la réponse n’a pas tellement d’importance, mais tu sais qu’elle non plus, n’aurait pas toléré une telle attitude au sein de son clan. Les pires guerriers forment les pires apprentis, et ce comportement indigne de la Rivière sera prêt à se répandre dans vos rangs. Tu n’en ajoutes pas plus, ayant retrouvé un calme presque vicieux dans l’attente de sa réponse. Qui sait, son choix plaira peut être aux apprentis actuels, qui se retrouveront dispensés d’effectuer la tâche la plus ingrate..

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Lune 1216

Ombre du Passé (ft. Étoile Polaire)

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Le silence devient de plus en plus pesant et Ombre du Passé commence à sentir son poids sur ses épaules. Il a toutes les peines du monde à soutenir le regard que lui lance sa cheffe. Peu à peu, une première notion de crainte s'insinue dans l'esprit du jeune guerrier : un souvenir du temps, à peine quelques lunes auparavant, où il était blotti contre sa mère dans la pouponnière tandis qu'Étoile Polaire montait la garde devant le camp, déjà adulte, déjà forte, déjà intimidante.
Est-ce que je suis allé trop loin ?

« Oh, au temps pour moi... susurre Étoile Polaire. C’est vrai, un chef de clan existe pour faire beau lors des Assemblées, et pour jouer à l’abruti perché sur le promontoire... »

La voix de sa cheffe est toujours douce mais Ombre du Passé sait que l'orage ne tardera pas. Il se recroqueville un peu plus, tente de retrouver une contenance, n'y arrive pas. Le coeur battant malgré ses efforts pour le ralentir, il voit la chatte blanche se redresser un peu plus et sent que le moment est venu.

« Non mais est-ce que tu t’entends, Ombre du Passé ? Pour une chatte errante, Tempête Blanche semble mieux connaître le code du guerrier que toi... Tu comptes commencer à te comporter comme un véritable guerrier, ou dois-je demander à Fragments d’Onyx de t’assigner au nettoyage de la tanière des anciens jusqu’à nouvel ordre ? »

À la mention de son ennemie, Ombre du Passé a senti sa rage revenir fugacement, mais cela n'a pas duré. Oui, il est allé trop loin, sauf que le choix qu'Étoile Polaire met devant lui est inenviseagable. Pour la simple et bonne raison que les deux options comprennent une atteinte terrible à sa fierté. S'excuser, puis devoir faire ami-ami avec cette chatte errante ? Hors de question. Mais persister dans sa révolte, se faire réprimander encore une fois et se faire attribuer une punition humiliante ? C'est stupide.
Ombre du Passé grince des dents, ses méninges tournant à plein régime pour tenter de penser à une autre alternative qui n'existe pas. Mais au bout d'une longue minute de silence, il doit bien admettre qu'il doit choisir.

« Non, ça va aller, grommelle-t-il en fronçant le museau sur chaque mot comme s'il s'agissait d'un poisson pourri. Je ne voulais pas t'offenser. Je ferai des efforts. »

Ceci est officiellement le moment le plus déshonorant de sa vie. Décidément, cette soirée a mal commencé, et elle finit de la même manière...

« Mais quoi que tu dises, ne peut-il s'empêcher d'ajouter, JAMAIS tu ne pourras me forcer à apprécier cette chatte err... cette chatte. Tu ne me fais pas peur, tu sais. »

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