Sois le rayon de soleil dans l'ivresse de mes nuits. Ft Sol.

Rayon de Soleil

« Jour de pluie, les chats sont gris. » Ou quelque chose du genre. C’est un proverbe dont il croit se souvenir, prononcé par une voix douce et rassurante, dans sa plus tendre enfance. Peut-être sa mère n’aimait-elle pas la pluie. Si c’est bien cela, lui qui d’habitude ne voit pas de problème à braver les caprices de la météo, la rejoint bien. Rayon de Soleil a l’impression d’avoir des pierres dans le ventre en se réveillant ces derniers jours. Et que dire de son coeur. Brisé ? transperçé ? insensible ? Rien d’agréable en tous cas depuis que Fraise des Bois a ramené son amant, depuis que Croissant de Lune et Papillon Ephémère ne s’adressent plus la parole.

Il s’est senti bien seul en s’éveillant dans la tanière des guerriers ce matin là. Papillon Ephémère n’y a même plus de nid attitré, celui de Croissant de Lune était déjà froid à côté, et hors de question qu’il reste à paresser une seconde de plus alors qu’il pouvait entendre les roucoulements de Fraise des Bois et de l’autre ombreux non loin, encore étendus dans leur nid. Il était sorti sans même prendre le temps de secouer sa fourrure pour en déloger les bruns de mousse qui pouvaient aisément y rester pris.

Il devait se changer les idées. Il détestait ce nouveau lui maussade et grognon, n’avoir rien d’autre à offrir aux autres que des paroles fausses et un masque souriant qui lui pesait lourd. Non, il allait essayait de recoller les morceaux avec Papillon, réconforter Lune… Pour Fraise, il verrait plus tard. Mais il était certain qu’un futur moins sombre se dessinait non loin, ils n’étaient tous qu’au début de leur vies après tout. Pour le moment, il se glissa entre les racines de l’arbre et se dirigea vers la forêt de bouleau, laissant ses pattes le guider tandis qu’il réfléchissait à tout cela. Son pelage finit bien vite par être trempé de pluie mais il tantait de le prendre avec philosophie. Au bout d’un moment, si l’on était assez mouillé, on ne devait plus sentir grand chose non ?

Un bruissement dans les feuilles le tire de ses réflexions. Comme par réflexe, il adopte la posture du chasseur, retenant son souffle, ses yeux rivés sur l’oiseau qui sautille entre les gouttes. Une bergeronnette qui s’abrite sous un buisson, peut-être attend-elle la fin de l’averse pour reprendre son envol. Voilà un autre danger que l’eau qui tombe du ciel qui s’abat sur elle à présent, alors que le guerrier roux saute par dessus les fougères en espérant lui tomber dessus, et voilà qu’elle s’envole, en peine, les ailes alourdies par la pluie, elle bat désespéremment des ailes sans s’élever au dessus des arbres, vole le plus vite possible vers le salut, vers son nid qui doit se situer vers la berge de la rivière qui s’écoule dans le ravin.

Rayon de Soleil ne saute plus, ne pense même plus tellement à l’attraper. Il court simplement à toute allure derrière elle, le museau levé vers le ciel, les yeux piqués par la pluie, suivant sans but cet oiseau dans une course folle pour sortir de la forêt. Il s’arrête en dérapant tout près du vide, se rendant compte au dernier moment que le sol se dérobe sous ses pattes. La respiration haletante, le coeur battant à toute allure, il suit des yeux le volatile derscendre en tournoyant et se poser sur les galets tout en bas. Qu’est ce que ça faisait du bien. Il se sentait vivant. Se croyant seul, il s’esclaffe, toussote, à bout de souffle d’avoir trop couru puis rigolé.

« Oh- »

L’exclamation de surprise qui lui a échappé lorsqu’il a relevé les yeux, et s’est aperçu qu’il n’était pas seul. Une inconnue de l’autre côté du vide lui fait face. La pluie brouille les pistes, l’empêche de savoir à quel clan elle appartient. Pas à un clan très bien nourri, dirait-il à vue de nez en avisant son pelage plaqué sur son corps maigre par la pluie. Mais quelle importance que son appartenance se dit-il, avec ce ravin entre eux. D’accord, il pourrait être franchi en remontant vers la cascade et en passant à côté. Aucun d’eux ne semble en avoir l’envie pour le moment.

Et puis, le jeune luneux se rend compte qu’il n’est pas malheureux de ne pas se trouver seul finalement. Il n’a aucune envie de rentrer au camp de suite, ni tellement de devoir se concentrer surant des heures pour pister une proie sous la pluie. Alors il offre un sourire à l’inconnue, pas totalement certain qu’elle le voit.

« Salut, belle journée pour visiter la vallée non ? », des paroles lancées d'une voix forte et claire pour être sûr qu'elles parviennent de l'autre côté.

Après tout, elle ne devait pas avoir peur de la pluie pour être venue jusqu’ici malgré le temps. A moins qu’elle ne soit ombreuse, l’hypothèse qui séduisait le moins Rayon de Soleil. En tous cas, lui n’était plus aussi sûr de détester la pluie qu’en début de journée.

« Salut, belle journée pour visiter la vallée non ? »

La brume qui obstruait son esprit d'idées sombres se dispersa alors que les paroles chaleureuse du félin résonna jusqu'à elle et Ivresse des Nuages releva brusquement la tête de sa contemplation du vide. Elle resta un moment sonnée, reprenant peu à peu ses esprits tandis que la dissociation qu'elle venait de vivre disparaissait pour ne laisser qu'un long mirage douloureux dans son cœur. Elle observa longuement le félin qui se tenait face à elle de l'autre bout du précipice, sa fourrure rousse avait elle aussi prit des teintes ternes sous l'averse de la pluie, pourtant, son aura débordait de chaleur et de bienveillance, ses yeux jaunes rayonnaient comme deux soleil luisant et son sourire carnassier s'étendait sur son visage avec douceur. Ivresse papillonna des yeux, un peu nauséeuse de tous ce qu'il venait de se passer dans sa tête. Elle était bien contente à cet instant que la pluie masquait ses larmes, et les vestiges de sa peine immense.

Elle tenta d'analyser les paroles du chat, belle journée ? Son air sincère lui fit douter un moment, appréciait-il réellement la pluie ? Ou était-ce une tentative d'ironie ? La jeune apprentie grimaça un peu prise au dépourvu, elle ne parvenait même pas à savoir de quel Clan provenait le félin, les myriades de gouttes camouflaient son odeur mais au vu de la provenance du territoire, il devait probablement être du Clan de la Lune.

" - Heu.. Oui on peut dire ça."

Une belle journée pour mourir, la pensée intrusive frappa son esprit sans qu'elle s'y attende, elle tenta de la faire taire aussitôt. Ivresse des Nuages ne savait plus où se mettre et décida finalement de reculer de quelques pas, réalisant la dangerosité de sa posture.

" - Je.. Ce n'est pas ce que tu crois.. Je.. Regardais simplement le torrent en bas."

Et qu'est-ce qu'il croyait au juste ? Elle se maudit instantanément pour s'être justifier mais maintenant que les mots avaient déjà étaient dit, elle tenta d'esquisser un sourire misérable pour le rassurer, maintenant, le Clan de la Lune allait penser que le Clan de la Rivière avait des ennuis, sinon pourquoi porterait-il en son sein, des chats suicidaires ? Elle évita soigneusement son regard, trop embarrassée par la situation, mais inconsciemment, elle remerciait ce félin, peut-être qu'à l'heure actuelle, ses os seraient brisés en mille morceaux dans les abysses du torrent si il n'était pas intervenu..

Rayon de Soleil

Ce qu’il croyait ? Soleil ne croyait pas, n’avait pas pensé grand-chose en la voyant là, comme une apparition sortie de sous le rideau de pluie, un coup de théâtre au pelage roux sombre. Ce n’était pas son fort de penser aux autres, se dit-il pendant un instant, une bile amère dans la gorge. Peut-être aurait-il vu venir les choses autrement, peut-être aurait-il été un meilleur ami pour Papillon, n’aurait pas imaginé tout un futur avec Fraise des Bois, et saurait comment réconforter sa sœur. Il n’était en tout cas pas davantage doué en cet instant, et n’avait en réalité aucune idée de ce qu’il était censé croire.

Il a du mal à détacher ses yeux de celle qui lui fait face, mais fini par suivre son regard vers le torrent qui rage loin sous leurs pattes, gonflé d’eau de pluie. Le spectacle pouvait être impressionnant, mais Rayon de Soleil n’était que rarement satisfait par la contemplation. Et puis, l’air… triste ? De la femelle, qui ne pense à priori pas que c’est une bonne journée, ne le satisfait pas davantage. Elle évite mon regard, remarqua t-il alors qu’il cherchait le sien, quittant le torrent des yeux. Il s’en sentit contrarié quelque part, était-ce de la curiosité, ou l’envie de se distraire de tous ses propres soucis ? Il n’attendit pas de la savoir avant de reprendre, forçant sur son miaulement pour couvrir le bruit de la cascade :

«  On peut descendre pour le regarder de plus près si tu veux ! A deux, on ne devrait pas risquer grand-chose. »

Fait-il, désignant d’un geste de la queue le chemin qu’ils pouvaient emprunter en redescendant un peu vers une pente moins escarpée. Une entreprise dangereuse vu le temps, mais à deux, ils pouvaient peut-être braver le danger. Rayon de Soleil ne savait pas ce qui lui prenait, il n’avait pas du tout prévu de la rejoindre ou que ce soit, mais la journée commençait si mal que peut importe la rencontre, elle se finirait forcément mieux pensait-il. Et quelque chose lui soufflait, du fond de sa conscience, qu’il ne pouvait pas laisser seule ainsi la femelle, tanguant au bord du gouffre, à jouer avec le vide.

«  Si je t’accompagne en bas, que nous nous retrouvons dans l’abysse, il ne nous restera qu’à remonter ensemble. », fait-il avec un air jovial, se demandant si l’apparition acceptera. « Mais attention à ne pas glisser hein ! Les pierres mouillées sont encore plus dangereuses. Si tu veux, je te regarde descendre avant. »

Oui, ils pouvaient se surveiller mutuellement tandis qu’ils descendaient chacun de leur côté. Serait-il prêt à risquer de se rompre le cou pour sauter vers elle s’il la voyait glisser ? Peut-être bien. Il s’était senti poussé des ailes lors de sa course endiablée dans la forêt, et la pluie qui tombait toujours ne parvenait pourtant pas à les alourdir.