Un bilan s'impose ! [Tempête Blanche]

Tu es réveillée depuis avant le lever du soleil, moment auquel tu as accompagné la patrouille de l'aube pour la première expédition du jour. Tout s'est parfaitement déroulé, et tu as apprécié de te dégourdir les pattes dans la fraicheur matinale. Tout est si calme, au lever du jour, et ça a toujours été l'un de tes moments préférés de la journée. Il te fait presque oublier la fatigue accumulée à force d'être la première levée, et parmi les derniers couchés une fois le soir venu. Tu tiens le coup. Tu comptes toujours le tenir, car ces efforts sont nécessaires dans la situation actuelle. Dès que vos problèmes seront résolus -et tu y comptes bien- le rythme sera moins intense. Lorsque tu sors de la tanière de Mélodie des Étoiles, après lui avoir fait ton premier rapport, tu observes le camp doucement éveillé. C'est ta manie, ça. Surtout depuis que tu es devenue lieutenante. Tu aimes tout contrôler, et savoir ce qu'il se passe. Bien sûr, tu essaies de ne pas être sur le dos de tes camarades, sachant que tu aurais détesté ça à leur place, mais ça reste une pensée dans un coin de ton esprit. D'ailleurs... il y a une chose à laquelle tu n'as pas réellement eu le temps de t'intéresser hier soir. Tempête Blanche serait revenue de la frontière en boitant. On t'a demandé de la dispenser de patrouilles pour le moment, mais cela reste malgré tout intriguant. S'il y a eu le moindre soucis à la frontière, tu préfères en connaitre les détails.

Tu te rends donc dans la tanière de votre guérisseur, l'ayant soigneusement évité durant la nuit. Ta mère est toujours convalescente à l'intérieur, et tu n'as pas voulu la déranger. Ni elle, ni les autres patients ayant besoin de se reposer. « Tempête Blanche ? » lances-tu alors, en attendant de voir deux oreilles se redresser. Tu n'as jamais été très proche de cette chatte, même si tu l'as vu arriver au camp, et devenir apprentie puis guerrière. Tu oublies difficilement qu'elle est en partie étrangère, et ce même si elle a passé tous les tests pour atteindre son rang. Sur le principe, ça ne change rien, mais disons qu'elle n'est pas encore parvenue à gagner ton respect. Votre relation reste donc celle d'un lieutenant et d'une guerrière, ni plus ni moins. Tu ne laisseras pas de malheur lui arriver, mais pour le reste... « Que s'est-il passé hier ? » Tu vas droit au but, en espérant qu'elle fera de même. Faire la discussion n'est pas vraiment ton style, et tu n'es pas non plus très douée dans ce domaine. Bon, il te faudra tout de même lui demander des nouvelles de sa patte, histoire de prendre son absence en compte le temps qu'il faudra pour la chasse et pour les patrouilles.  

La jeune guerrière n’est pas réveillée depuis très longtemps, tu peux le sentir. Ses oreilles se sont dressées avec surprise, lorsque tu t’es adressée à elle, et son regard semble encore ensommeillé. Il est encore tôt après tout, surtout pour les patients de vos guérisseurs. Cela ne t’arrête pas, malgré tout, et tu n’as pas attendu bien longtemps pour lui poser une première question. Ton attention toute entière dirigée en sa direction, tu écoutes alors son récit. Au début, rien de bien exceptionnel : une partie de pêche, une partie de chasse, toutes deux dans le but de remplir la pile de gibier. Tout cela aurait pu se terminer normalement, sans l’apparition de cet apprenti ennemi. Tes sourcils se froncent, imaginant l’ombreux sur le dos de Tempête Blanche. Un accident, c’est donc tout ce qui aurait causé cette blessure ? Tu examines un instant sa patte du regard, alors qu’elle te la montre, mais remonte vite au niveau de ses pupilles.

Tu te retiens d’ailleurs de lever les yeux au ciel, lorsqu’elle poursuit en évoquant sa douleur, et en défendant presque cet apprenti égaré. Qu’elle est dramatique ! S’attend-elle à ce que tu compatisses pour sa souffrance ? Ou que tu la qualifies d’héroïne pour sa bonté de jugement face à l’apprenti ? Il n’en sera rien, et ses dernières paroles sonnent comme si elle tendait le museau pour que tu lui frappes. Tu la toises alors d’un froid polaire, rien dans ta gestuelle ne pouvant trahir la sorte d’agacement que tu ressens. Tu es assise, la queue soigneusement enroulée autour de tes pattes avant. Puis, tu décides enfin de reprendre la parole. « Si tu as besoin de poser la question pour le savoir, Tempête Blanche, c’est que tu n’as pas encore compris comment cela fonctionne. »  Ta voix est froide et posée, sans animosité. Mais n’est-ce justement pas la meilleure manière de lui en inspirer ?

Tout en la détaillant du regard, tu poursuis alors. « Il n’y a pas de solution miracle. Le respect et la confiance se gagnent jour après jour, lune après lune. Cela ne se recherche pas, ne se demande pas. C’est une part de toi… si elle existe, qu’il te revient de faire grandir. »  C’est la seule réponse que tu peux lui donner. En tant que lieutenante, il te revient en théorie de la guider un tant soit peu dans sa quête d’évolution, autant au sein du clan que dans ta propre estime. « Pour commencer, tu peux arrêter de défendre les apprentis ennemi. Et d’ailleurs, pourquoi aller chasser hors de nos frontières ? »  C’est vrai, ça. Pourquoi ? Le poisson a beau être votre spécialité, il y a tout de même des proies terrestres sur votre territoire. S’en éloigner, surtout en ce moment, représente une prise de risque inutile.

Il est vrai que tu ne peux pas réellement comprendre ce que ressent Tempête Blanche. Contrairement à elle, ta famille directe provient bien du Clan de la Rivière. Ta mère est une ancienne respectée, et tes frères sont morts pour le Clan. Tu as pour ainsi dire rapidement obtenu le respect de tes pairs, peu après ta nomination en tant que guerrière. Oui, tu es la fille de Flocon de Neige, et l’ancienne apprentie de Melodie des Étoiles. Mais ce n’est pas tout ce qui compte. Il paraît que tu en imposes, que certains membres du clan peinent à oser venir te parler, encore plus depuis que tu es devenue lieutenante. Peut être est-ce ton regard arctique, ou bien ton ego imposant, mais toujours maitrisé. C’est aussi pour cela, que tu es étonnée de voir la jeune guerrière te répondre. Petite effrontée. La vie est pleine de frustrations, et ce n’est pas en exprimant la sienne ainsi que ça lui permettra d’évoluer. Tu plisses les yeux, avant de sourire légèrement. « Alors donne moi une raison de te faire confiance. Il ne me semble pas t’avoir demandé de soulever des montagnes. Comporte toi comme la guerrière qui méritera autant de reconnaissance. »  Elle peut le prendre comme un conseil de bonne foi, ou comme un défi. L’essentiel est pour toi qu’elle comprenne ce que tu essaies de lui faire entendre.

Tu lui as réclamé des explications, bien sûr. Et la jeune guerrière semble se reprendre. Elle rectifie son timbre de voix, grattant doucement la terre de la tanière d’une patte. C’est déjà mieux. Elle mentionne des insultes apparemment régulières de la part de vos camarades, et tu hausses un sourcil. Tu n’as jamais constaté une telle chose, mais à leur place tu éviterais également d’agir ainsi devant le lieutenant ou le meneur. Tu la laisses poursuivre, silencieusement. Elle essaie de rectifier le tir au sujet de l’apprenti, te faisant également ressentir sa rancœur envers son géniteur. Un ressenti apparemment difficile à contrôler, même si la chatte essaie d’embrancher sur un sujet plus positif. Après quelques instants, tu la couves d’un regard interrogateur. « Si tu reçois des insultes, pourquoi ne pas m’en avoir avertie ? Ou Melodie des Étoiles ? »  Cette fois, ta curiosité est sincère. Quelle image a t-elle de vous, ses supérieurs hiérarchiques, pour ne pas oser demander votre aide ? Et plus encore, comment espère t-elle obtenir votre confiance, si celle-ci n’est pas mutuelle ? « Parfois, il est préférable de laisser le passé derrière nous. À force de nous agripper à nos souvenirs, à notre rancœur, on finit par se tordre une griffe. Si tu n’oublies pas toi-même ton géniteur, tes camarades ne l’oublieront pas non plus. »  Tu n’es pas le meilleur exemple, en ce qui concerne la gestion de blessures passées. Mais, tu espères au moins que tes expériences serviront à d’autres. Tu n’as pas répondu au sujet de l’apprenti. Peut être que les accidents existent, surtout en dehors de vos terres, mais tu as bon espoir que cette mésaventure lui serve de leçon. « Quant aux patrouilles, il est inutile de se hâter. Panse tes plaies, ou tu risqueras de les rouvrir. »  De toute manière, tu doutes qu’Autour des Cimes ou Œil d’Herbe la laissent partir avant que sa guérison ne soit complète.

L’avantage est désormais que Tempête Blanche semble au moins t’écouter. Elle s’est allongée, silencieuse. Ses yeux te détaillent avec une lueur particulière, te faisant hausser un sourcil. A t-elle quelque chose derrière la tête ? Si c’est le cas, tu espères que c’est pertinent, puisque tu viens de prendre le temps d’essayer de la conseiller. Et du temps, tu n’en as pas à perdre. Elle finit par t’avouer qu’elle souhaite te demander quelque chose avant de se tourner vers votre meneuse. Un apprenti ? C’est bien entendu le rêve de tout jeune guerrier, tu le comprends sans aucun mal. Tu ne t’attendais toutefois pas à recevoir une telle demande. Les apprentis sont confiés aux guerriers ayant fait leurs preuves, et non à ceux qui souhaitent les faire. Mais il s’agit du choix de Melodie des Étoiles et non du tien. Tu hausses donc les épaules, incrédule. « Notre cheffe te confiera un apprenti lorsqu’elle estimera que tu seras prête. » Même toi, tu ne peux pas avoir d’influence la dessus. Et si c’était le cas, tu n’es pas certaine que tu voudrais la recommander. Ce n’est pas parce que vous discutez un peu, que tout a changé entre vous. Tu préfères donc laisser ce sujet de côté, et en revenir au présent. Tu entends bien en apprendre plus sur les insultes que recevrait la guerrière.  Il est évident que ses origines ne sont guère reluisantes, mais vos camarades ont bien d’autres problèmes que celui ci. Les raisons qu’elle évoque pour ne pas vous en avoir parlé te paraissent valables, mais il reste malheureux d’en arriver là, à ton sens. « En ce qui me concerne, tu restes une membre à part entière du Clan de la Rivière. Il ne s’agit pas de jérémiades si cela te pousse à fuir nos terres pour chasser. Dis moi qui te tourmente, et je m’en chargerai. » Cela serait la moindre des choses. Vous ne pouvez pas tolérer qu’un membre du clan soit ostracisé à cause de ses origines. Vous pouvez penser ce que vous voulez, bien sûr. Mais si Melodie des Étoiles l’a accepté, votre rôle est de faire de même.

Tu la vois commencer à remuer la patte, peut être pour se soulager. En tout cas, elle ne perd à nouveau pas de temps pour te parler de reprendre ses occupations. Dès qu’un guérisseur l’aura approuvé, bien sûr. Tu émets un léger soupir, ne souhaitant pas te répéter par rapport à tout à l’heure. Tu as bien compris qu’elle est pressée de sortir d’ici. Après tout, il est rare qu’un guerrier aime passer ses journée dans la tanière du guérisseur. « Cela viendra. Si tu es patiente, je te mettrai peut être à la tête d’une patrouille. Nous verrons comment tu te débrouilleras. » C’est le genre d’expérience qui pourra lui permettre d’évoluer, et de s’affirmer auprès des autres guerriers. Enfin, seulement si Tempête Blanche se montre suffisamment forte pour le faire. Rien ne garantis que ce sera facile au début. Tu connais bien quelques fortes têtes, qui n’aiment jamais devoir suivre un camarade moins expérimenté qu’elles. Personne n’ose le dire devant toi, mais tu as été une simple guerrière, et tu sais comment ça fonctionne.

Alors finalement, Tempête Blanche se décide à dénoncer ceux qui l'importunent. Pour toi, c'est parfait, cela t'évite d'avoir à mener l'enquête. Tu hoches doucement la tête, notant mentalement tous les noms cités. Coeur de Guépard, Flèche Rousse et Ombre du Passé. Les deux premiers seront certainement faciles à calmer. Quant au dernier... et bien, tu supposes qu'il te faudra garder un oeil dessus, car Tempête Blanche ne sera la première, ni la dernière à se plaindre de lui. Ils ne sont pas très originaux, s'ils focalisent leurs insultes uniquement sur les origines de la guerrière. À leur place, tu aurais essayé de creuser un peu plus loin... Sinon, cela devient lassant. Mais là n'est pas la question, et tu n'es pas à leur place. Au contraire même. Alors, tu finis par pousser un soupir. « Très bien, tu as fait le bon choix en m'en parlant. » Tu ne sais encore trop quelle méthode tu vas employer. Peut-être que Mélodie des Étoiles aura un avis sur la question, mais tu supposes qu'il faudra vous montrer intransigeantes. Histoires que ces trois-là n'osent pas recommencer une fois que vous aurez le dos tourné.

La chatte semble gênée d'avoir dû se confier à toi, mais la conversation ne tarde pas à tourner sur un tout autre sujet : les apprentis, ses fonctions de guerrière. Beaucoup de choses semblent tournoyer dans son esprit, mais il va falloir qu'elle se montre patiente, et surtout persévérante. Rien ne tombera si facilement entre ses pattes. « Je pense que tu peux imaginer mon avis, compte tenu de notre discussion. Même si, effectivement, cela ne dépendra que de Mélodie des Étoiles. » Tu as simplement proposé de lui confier la tête d'une patrouille, ce qui est amplement différent de l'entrainement d'un futur novice. Mais, cela peut être une étape à franchir avant d'atteindre ce genre d'accomplissement. Enfin, vous n'y êtes pas encore. Il faut déjà qu'elle guérisse et sorte de cette tanière ennuyeuse. « Si tu veux vraiment me remercier, tâche de les suivre, ces conseils. Persévère, et reste fidèle à ton Clan ainsi qu'au Code du Guerrier. » N'est-ce pas ce que l'on conseille à tout membre des clans, qu'ils soient jeunes ou vieux ? Tu ne peux pas tracer son chemin à sa place, elle devra trouver sa voie et sa motivation malgré les obstacles. Et seulement après cela, peut-être qu'elle aura gagné ton respect et celui de vos pairs.  

Tempête Blanche semble vouloir suivre tes conseils... et bien, tu le lui souhaites. En attendant, seul le temps pourra te permettre d'y croire. Les paroles n'existent que pour faire joli, surtout lorsqu'il est question d'une attitude sur le long terme. En tout cas, la jeune guerrière te parait franche aujourd'hui. Il est vrai que rejoindre le Clan de la Rivière lui a permis d'échapper à une existence plus misérable. Donc, il est relativement logique de ressentir de la reconnaissance, et de vouloir s'intégrer définitivement. La détermination de la chatte ne passe pas inaperçue, vu le ton employé. Tu tâches d'ignorer les regards qui se sont tournés vers vous. Rien n'interdit d'hausser un peu la voix après tout... tant que ce n'est pas de manière répétée. Tu te redresses finalement, estimant qu'il n'y a plus grand chose à ajouter. La guerrière doit se remettre de ses maux, et prendre les dispositions nécessaires pour se faire une véritable place ici. De ton côté, tu te contenteras de l'observer attentivement. À l'affut des efforts... mais aussi, des erreurs pouvant être commises. « Nous verrons cela. En attendant, écoute ce que te disent les guérisseurs. Nous nous reparlerons lorsque tu sortiras d'ici. » Cela ne devrait pas être bien long. De toute façon, vous n'avez pas le temps de voir les jours passer en ce moment. C'est aussi pour ça qu'il devient nécessaire de te retirer, et de retourner à tes responsabilités.

Tu la salues donc d'un léger hochement de la tête, avant de te diriger vers la sortie de la tanière. L'air frais emplit tes poumons, alors que tu scannes le camp du regard. La pile de poissons est pleine. C'est une bonne chose, même si ce n'est pas bien rare. L'heure de la prochaine patrouille ne va pas tarder, par contre. Elle est déjà composée, et les concernés sont disposés ça et là, dans l'attente du bon moment pour partir. Tu t'es également désignée pour y participer, mais avant de donner le signal du départ, tu auras une chose à faire. Coeur de Guépard et Flèche Rousse méritent apparemment une petite leçon, et en personne efficace, tu vas de ce pas aller les retrouver. Il est inadmissible de causer des troubles, surtout en ces temps compliqués. Quant à Ombre du Passé, tu t'en chargeras à part. Celui-là risque d'être un peu plus capricieux. Enfin, cela signifie juste que ta journée est loin d'être terminée.