Kyrielle de Mélopées • ♀ • Guerrière • Vent

CARACTÈRE
- Comment tu décrirais le caractère de ton perso ? N'oublie pas ses qualités et ses défauts : Si la douceur et la mélancolie s'aimaient, Kyrielle serait le fruit de leur union. Depuis sa naissance et sûrement jusqu'à sa mort, l'ivoirienne marque par sa bonté et ses mots délicats. Ses mots, puisque l'on en parle, ne sont pas bien nombreux ; Kyrielle se perd souvent dans ses pensées, les souvenirs de son passé, et s'enrobe d'un silence qui ne la quitte pas souvent. Il est rare de l'apercevoir sans un doux sourire au coin des babines ; elle ne veut pas que les autres voient au-delà de son apparente joie. Non pas parce qu'elle est courageuse ; mais parce qu'elle a peur. Peur que l'on découvre la véritable raison de son éternelle tristesse. Depuis cet événement, la femelle ne se sent plus digne de son Clan. Elle compense constamment par de nombreuses parties de chasses, de nombreuses patrouilles, de nombreuses séances de papotages pour essayer de résoudre les problèmes sentimentaux de ses amis ; mais il semblerait que ses soucis à elle ne soient, eux, jamais démêlés.
Bien que sa culpabilité la mène à tout faire pour se racheter auprès des autres - mais surtout auprès d'elle-même car personne n'est au courant - Kyrielle de Mélopées ne feint pas son intérêt pour les autres : elle veut toujours aider, toujours être une oreille attentive. La douceur de ses paroles pourrait panser n'importe quel cœur meurtri - s'il venait à s'ouvrir à elle, évidemment. Sa peur des conflits est elle aussi indubitable, étant née lors des longues reconstructions de la terrible guerre contre les Étoiles Noires. Tenter d'oublier les horreurs du monde mène indubitablement à une certaine innocence, une certaine naïveté qui pourrait la mener à sa perte si elle venait à converser avec de mauvaises personnes. En plus de sa naïveté, un autre défaut vient ternir la bonté inconditionnelle de Kyrielle : sa constante existence dans le passé, ne laissant pas place à de nouvelles choses, à de plus belles choses. Kyrielle de Mélopées n'arrive pas à tourner la page d'un chapitre qui, dès qu'il s'est conclu, a marqué la fin du livre de sa vie.

- Quels sont ses projets ? Honnêtement ? Kyrielle n'a plus de projets. Elle avait pensé à tant de belles choses à ses côtés, à tellement de belles années à venir. Malgré les barrières infranchissables qui se dressaient sur leur chemin, l'ivoirienne n'avait jamais douté, n'avait jamais perdu l'espoir de vivre sa vie rêvée. Aujourd'hui, tout cela s'est évaporé. Elle se contente de survivre, d'aider les siens, de tenter de se racheter. Peut-être qu'un projet tangible serait de devenir la personne vers qui tout le monde se tourne pour quémander de bons conseils, pour aider les autres à ressentir la joie qu'elle pense ne jamais pouvoir retrouver à nouveau.
- Et au contraire, sa plus grande peur ? Kyrielle ne saurait choisir entre deux événements totalement paradoxaux : le savoir mort, ou le savoir en vie. Le premier mettrait fin à son calvaire d'attente interminable, l'autre la conforterait dans son idée qu'elle aurait pu faire plus, qu'elle aurait pu l'aider, qu'elle aurait pu vivre la vie qu'elle voit les autres vivre. Qu'elle n'est qu'une lâche, après tout, d'avoir laissé la peur s'emparer d'elle au pire moment. De ne pas s'être battue pour eux.

- A-t-il un point de vue sur les rivalités claniques ? Kyrielle de Mélopées, comme pour répondre au cliché de la femelle toute douce qui n'aime pas les conflits, est évidemment pacifiste. Bien qu'elle veuille défendre ses amis, son frère, ceux qu'elle aime, elle n'est que peu douée en combat et n'a jamais la hargne requise pour faire preuve de violence physique envers quelqu'un. Elle hésitera toujours avant de porter atteinte à la sécurité d'autrui, ce qui peut la rendre très handicapante dans un combat.

- Quel est son point de vue sur le Clan des Étoiles ? L'ivoirienne a toujours cru que le Clan des Étoiles les protégeait, elle et sa famille. Quand ses parents sont morts, elle ne leur en a pas voulu, et les a plutôt remercié d'avoir épargné son frère, de lui avoir laissé quelqu'un. À l'époque, elle voyait toujours tout du bon côté, considérait toujours la flaque d'eau à moitié pleine. Mais désormais... Kyrielle n'a jamais détesté le Clan des Étoiles. Aujourd'hui encore, elle leur porte un amour inconditionnel ; mais elle pense que c'est eux, qui l'ont reniée. Elle ne pense pas mériter leur amour, leur soutien. Alors elle se cache, n'ose plus rien leur demander ; cela fait tant d'années déjà qu'elle n'a plus prié, ne pensant pas mériter qu'on lui réponde...

- Quel est son point de vue sur les terres de Valeemar ? Kyrielle n'était qu'une apprentie quand les Clans ont décidé de partir de Cerfblanc. Ces terres, bien que meurtries par les bipèdes, ont toujours été sa maison. C'est là-bas qu'elle est née, que son frère est né, qu'il est né. Et c'est là bas qu'elle l'a laissé, lui. Elle s'est bien installée à Valeemar aux côtés de son jumeau et ne dirait jamais que ces terres ne lui conviennent pas, mais au fond d'elle, elle sait que sa maison était Cerfblanc. Que c'est là qu'elle aurait pu fonder une famille, vivre heureuse. Car c'est là-bas qu'il était, et il représentait l'incarnation même du futur aux yeux de Kyrielle.

- Et sinon, quelle réputation a-t-il : au sein du clan, dans l’ensemble de la forêt ? La jeune guerrière est considérée comme la confidente du Clan du Vent ; elle écoutera toujours d'une oreille attentive, sans jamais interrompre avec ses problèmes dont elle ne peut, de toute façon, pas parler. Peut-être est-elle aussi considérée comme la bonne poire facilement manipulable ; comment pourrait-elle le savoir, si elle est trop naïve pour se rendre compte qu'on se joue d'elle ?

PHYSIQUE
- Ton personnage, il a quel type de pelage ? Kyrielle a le pelage très fin, d'un blanc qui tourne au crémeux sur sa queue et ses pattes. Elle est cependant très claire, et peut remercier ces petits bouts de crème car c'est sûrement grâce à eux qu'elle n'est pas sourde.

- Et il a de beaux yeux ? Elle a de beaux yeux bleu très clair. Encore une fois, les chats totalement blancs aux yeux bleus sont souvent sourds... le Clan des Étoiles semble avoir voulu lui donner plus de chance dans la vie, même si elle ne sait pas si elle veut accepter cet honneur aujourd'hui...

- Il est plutôt grand, de taille moyenne, ou petit pour son âge ? Kyrielle est tout ce qu'il y a de plus banal : sa taille n'a rien d'original. Ni trop grande, ni trop petite ; elle est de taille moyenne.

- Et au niveau de sa corpulence ? Encore une fois, rien de bien original. Peut-être est-elle légèrement plus fine que la moyenne à cause de son poil fin qui la fait paraître très élancée, mais rien de très extrême.

- Quant à ses habilités, il est plus ou moins bon en quoi ? Il est clair que Kyrielle n'est pas une bonne combattante ; par contre, elle est très véloce pour ce qui est de la traque et de la chasse. Elle fait une parfaite chasseuse, avec la rapidité qui va avec.

- Pour finir, a-t-il des signes particuliers ? Non. Kyrielle est très banale.

HISTOIRE
- Ton perso est-il de sang pur ou de sang mêlé ? Kyrielle a le sang pur.

 - Et ses parents, ils venaient d'où ? Ses parents sont Venteux de père en fils, de mère en fille. Cerfblanc était leur maison.

- Les liens familiaux de ton perso : Ses parents sont morts tous les deux, son père lors de la bataille contre les Étoiles Noires, sa mère lors de la bataille contre les renards qui a décimé de nombreux chats des Clans durant leur exode vers les terres de Valeemar. Il ne lui reste que son frère jumeau, Cœur d'Obsidienne.

- Pourquoi porte-t-il ce nom ? Kyrielle de Mélopées. C'est un nom assez intriguant, non ? Kyrielle : Suite ininterrompue, série interminable. Petite Mélopée est née sous ce nom de par les airs mélancoliques que sa mère chantait lors de sa gestation, pour calmer ses petits agités dans leur cocon. Seule une des deux petites boules semblait réceptive à ces berceuses, et se calmait instantanément. Ces chants faisaient suite à la mort de son bien aimé durant la terrible bataille contre les Étoiles Noires, quelques jours après leur union. Bien qu'à ses débuts, sa gestation était évidente, et Pluie Silencieuse n'avait pas été autorisée à partir se battre. C'est donc veuve qu'elle a donné naissance aux prunelles de ses yeux, Boule d'Obsidienne et Petite Mélopée, l'un nommé en l'honneur de sa sombre couleur et l'autre en l'honneur des chants qui la berçaient avant même qu'elle ne prenne son premier souffle. Pluie Silencieuse les a enseignés à Petite Mélopée lorsqu'elle a commencé à parler, sans pour autant infliger la douleur liée à ces berceuses avant sa naissance. Un jour, tu chanteras ces mélopées à tes propres petits, avait-elle dit. Quelques lunes plus tard, elle a perdu la vie. Mélopée Nuageuse est alors devenue Kyrielle de Mélopées, à la suite des nuits sans sommeil passées à pleurer et à chuchoter ces chants douloureux dans le froid de la nuit. Sans maison, sans mère, et sans quelque chose d'autre... il serait temps d'expliquer quoi.

- Raconte-nous un ou des événement(s) particulier(s) de sa vie (naissance, baptême, cérémonie, ...) :
« Maman... qu'est-ce qu'elles veulent dire, toutes ces chansons ? »

La journée touchait à sa fin. Le soleil avait déjà disparu derrière les montagnes qui entouraient la forêt de Cerfblanc, et il était l'heure pour Boule d'Obsidienne et Petite Mélopée d'aller au lit. Pluie Silencieuse avait donc commencé sa berceuse habituelle, teintée de tristes mots mais remplie d'un amour inconditionnel. Un amour pour une personne disparue... il semblait qu'il s'agisse d'un chat nommé papa.

« Elles célèbrent la vie d'un chat très important. Il m'a fait le plus beau cadeau du monde : vous. Il était si altruiste qu'il n'a même pas eu le temps de profiter lui-même de ce cadeau. C'est pour cela qu'elles témoignent aussi de la tristesse que ça a été de devoir lui dire adieu. »

Petite Mélopée ne comprenait pas grand chose ; elle jeta un coup d'œil curieux à son jumeau qui, sans grande surprise, n'était pas du tout prêt à aller dormir. Contrairement à elle, Boule d'Obsidienne n'était pas réceptif aux bienfaits relaxants des berceuses mélancoliques de leur mère. Pourtant, il ne semblait pas indifférent à la perte qu'elles exprimaient... peut-être gardait-il tout en lui ? Petite Mélopée ne pouvait le savoir.

« Mais, si notre papa nous aimait tant, pourquoi est-il parti avant même de nous rencontrer ?
— Pour vous protéger. Pour nous permettre de vivre heureux, et en sécurité. Ce qu'il a fait prouve tout l'amour qu'il vous portait, mes anges.
— Mais, si... »

Pluie Silencieuse ébouriffa les petits poils duveteux entre les deux oreilles de sa fille, et lui adressa un petit sourire plein de douceur mais aussi d'une certaine autorité.

« Petite Mélopée, j'ai déjà répondu à ces questions des milliers de fois. Il faut dormir, maintenant ; bientôt, tu seras grande. Ton apprentissage commencera. Tu auras besoin de toute les forces que seule une bonne nuit de sommeil peut t'offrir. Et un jour, tu chanteras ces mélopées à tes propres petits. »

La chatonne soupira légèrement, mais il lui fallait reconnaître que ses paupières étaient déjà lourdes. Elle partit se lover contre son jumeau, toujours silencieux, fixant une pierre au loin. Pluie Silencieuse avait raison ; leur baptême d'apprentis approchait à grands pas, et bientôt il leur faudrait prouver que leur père avait eu raison de se sacrifier pour eux. Bientôt, tu seras grande...


Quelques temps après son baptême, Mélopée Nuageuse avait décidé d'aller voir de plus près les constructions métalliques des bipèdes. Elle détestait l'odeur qui empestait sa jolie forêt, et à chaque fois que les arbres et la verdure se transformaient en désolation et en grisaille, son cœur se serrait. Il semblait que bientôt, les siens n'auraient plus leur place ici...

Tandis qu'elle se perdait dans ses pensées désolantes, un petit bruit la fit sursauter. Une branche venait de craquer d'un ton sec. Elle avait récemment appris que le poids d'une petite proie ne pouvait faire craquer que de petites brindilles, et comprit donc immédiatement qu'elle n'était plus seule. Un chat était dans les parages et, visiblement, elle ne le connaissait pas.

« Qui va là !? cria-t-elle, sans pouvoir dissimuler l'inquiétude dans sa voix tremblante.
— Pardon, pardon ; je ne te veux pas de mal. »

Un félin sortit des ombres. Il était plus grand qu'elle, et bien plus dodu. Bien qu'il soit moins musclé, il était évident qu'il pourrait la plaquer au sol bien vite. L'odeur qui s'émanait de lui était inconnue à la jeune apprentie, et cela l'empêchait de baisser complètement sa garde. D'où pouvait-il donc bien venir ?

« Je m'appelle Eros. Mes bipèdes habitent pas trop loin d'ici, et je m'ennuyais chez moi. J'ai voulu sortir explorer. Je ne voulais pas te faire peur, désolé..! »

Mélopée Nuageuse jaugea son nouvel interlocuteur. Ses bipèdes ? Un chat pouvait-il posséder des bipèdes ? Étaient-ils... gentils, parfois ? Ne représentaient-ils pas seulement la destruction et la haine ? Et puis c'était quoi ce prénom, Eros !? Elle ne répondit d'abord rien, encore en train de débattre s'il lui fallait continuer cette discussion ou s'enfuir avant qu'il ne soit trop tard.

« Euuuh, généralement, c'est à ce stade-là de la discussion que tu me dis comment toi, tu t'appelles... »

Après quelques moments de doute, Mélopée Nuageuse finit par décider que le grand matou n'avait rien d'agressif. Elle baissa donc légèrement sa garde et se détendit un peu, ses muscles commençaient à lui faire mal.

« Je m'appelle Mélopée Nuageuse, dit-elle calmement.
— Woaaaah, c'est beaucoup trop long comme prénom ! Tes bipèdes devaient avoir de l'imagination le jour où ils t'ont ramenée chez eux... ou bien ils t'aimaient pas beaucoup ! »

Mélopée Nuageuse fronça les sourcils. Vexée, elle cracha : « Je n'ai pas de bipèdes, moi ! Je n'appartiens à personne !
— Ok, ok madame la ronchonne ! répondit Eros avec un petit rire. Reste que c'est beaucoup trop long pour moi, alors j'vais t'appeler Mélo. »


Cela faisait plus d'une lune que Mélopée Nuageuse s'extirpait du camp en cachette pour aller retrouver celui qui était devenu son bien-aimé. Évidemment, elle ne parlait à personne de ses visites nocturnes et trouvait toujours le moyen de couvrir les odeurs de chat domestique qui lui collaient à la peau avant de rentrer chez elle ; personne ne se doutait de rien. Elle perdrait son rang d'apprenti ; que dis-je, elle serait peut-être même expulsée de son Clan pour trahison ! Pactiser avec un chat de bipèdes, pendant les temps qui couraient... on ne le lui pardonnerait jamais.

L'ivoirienne slaloma entre les arbres, d'abord épais, puis de plus en plus absents. Eros l'attendait sûrement à leur endroit habituel, pas trop près des maisons bipèdes mais pas trop loin non plus au cas où il devrait rentrer en urgence. C'était un bon entraînement d'endurance en soi, elle qui avait tellement peur de se faire prendre la patte dans le sac n'avait jamais couru aussi vite et aussi longtemps que depuis qu'elle avait rencontré son compagnon. Elle était sur le point de le retrouver à nouveau, comme toutes les nuits depuis plus d'une lune. Elle avait si hâte, elle pouvait le voir au loin, elle n'avait plus qu'à se dépêcher...

« Qu'est-ce que tu comptes faire, là !? » s'éleva une voix derrière elle.

Mélopée Nuageuse se stoppa nette, transie de peur. Cette voix, elle la reconnaîtrait parmi toutes les autres : il s'agissait de celle de son frère. Était-elle devenue si distraite qu'elle ne se rendait même plus compte de quand quelqu'un la suivait ? L'ivoirienne se retourna, priant pour qu'Eros ne vienne pas à sa recherche, priant pour que Nuage d'Obsidienne ne le voie pas, et ne lui fasse de mal. Avant même qu'elle puisse répondre, l'apprenti de jais repris la parole : « Tu vas voir ton solitaire, c'est ça ? »

Le cœur de la femelle manqua un battement. Comment avait-il su ? Était-il au courant des escapades nocturnes de sa jumelle depuis le début ? Et surtout, d'où lui venait l'information qu'il s'agissait d'un solitaire ? C'était là une trahison, mais bien moindre qu'un chat domestique. Mélopée Nuageuse ne pouvait le nier, mais elle pouvait couvrir les arrières de son bien-aimé. « Nuage d'Obsidienne, je... » Elle ne pouvait trouver ses mots. Elle n'avait tout simplement rien à dire pour sa défense. Son frère ne comprendrait jamais l'amour qu'elle portait à Eros ; il n'avait même pas l'air capable de ressentir une telle chose. « Je veux rien entendre. C'est fini, tout ça. On va bientôt être guerriers, Mélopée Nuageuse, et je te laisserai pas foutre tout ça en l'air pour une amourette interdite. Viens, on rentre. »

Quand l'apprentie hésita, son frère la chopa à la nuque, évidemment pas assez pour faire couler le sang mais d'une manière à ce que ce soit aussi douloureux que réprobateur pour la femelle. Elle n'avait pas le choix : si elle voulait sauver son compagnon, elle devait rebrousser chemin.


Mélopée Nuageuse ne savait où donner de la tête. Depuis que son frère l'avait trouvée en dehors du camp, à la recherche de son compagnon, elle n'avait plus pu revoir Eros. Sa mère, bien que prévenue que les Clans devraient bientôt partir pour un long voyage, n'avait pas voulu inquiéter ses petits. C'est donc au dernier moment que l'ivoirienne avait appris qu'ils quitteraient la région, le lendemain, et ne reviendraient plus. La consternation avait laissé place à une douleur qui lui brûlait les entrailles, qui la poussait à faire une chose : rejoindre Eros. Pour lui dire au revoir... ou pour rester à ses côtés ? Mélopée Nuageuse ne savait pas quelle serait l'issue de leur discussion. Elle-même n'avait aucune idée de ce qu'elle allait faire. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle ne pouvait partir comme ça, sans lui dire au revoir. Sans lui donner d'explication quant à ses soudaines absences à leurs rendez-vous secrets.

Tout le monde se pressait, préparait des ballots de nourriture, échangeait des paroles inquiètes. La jeune apprentie tenta de s'échapper pendant que les siens étaient tous occupés, mais Nuage d'Obsidienne s'interposa. Il était évident pour lui que sa sœur était sur le point de leur faire fausse compagnie. « Non ! commença-t-il en lui barrant la route. Je te laisserai pas faire ça ! Ils vont tout découvrir, et tu seras condamnée à rester ici toute seule ! » Pour la première fois de sa vie, Mélopée Nuageuse montra les crocs à son frère. « Laisse-moi passer. » Personne ne bougea. D'un mouvement rapide, la femelle sauta sur l'apprenti de jais, grognant et griffant. Surpris, Nuage d'Obsidienne ne put rétorquer de suite, et les quelques secondes qu'il lui fallut pour reprendre ses esprits suffirent à voir sa sœur s'enfuir, déjà loin.

Mélopée Nuageuse courait comme elle n'avait jamais couru. Il faisait grand jour, Eros ne l'attendait pas, et elle n'était pas sûre de pouvoir le retrouver ; elle ne savait pas où étaient ses bipèdes. Désespérée, elle hurla son prénom aux quatre coins de la forêt, depuis leur point de rendez-vous habituel jusqu'à aussi loin qu'elle pouvait suivre la trace des effluves âcres des bipèdes. Son cœur manqua de s'arrêter quand elle vit son bien-aimé courir au loin, l'ayant visiblement entendue. « EROS ! » commença-t-elle avant de fondre en larmes en tombant dans ses pattes. « Eros, mon peuple s'en va. Les bipèdes nous ont fait trop de mal, nous n'avons plus de ressources, nous... »

Un coup violent la fit trembler de la tête aux pattes, et elle fut séparée du mâle. « LA TOUCHE PAS, VERMINE ! » hurla la voix grave de son frère tandis qu'il se jetait sur le pauvre Eros, ni prêt, ni entraîné. « Nuage d'Obsidienne, NON ! » hurla-t-elle en s'interposant. Elle se plaça dos à Eros, face à son frère, pour qu'il ne puisse plus envoyer de coups sans la blesser elle. Il saignait de la joue et de l'arcade sourcilière, sûrement avait-elle mis plus de forces dans ses coups qu'elle n'avait pu le penser. « S'il te plaît, je... je voulais juste lui dire au revoir... » L'apprenti de jais grogna - cela ne lui plaisait visiblement pas. « Ils vont partir sans nous, Mélopée Nuageuse. Bouge-toi, et après on se casse. J'en ai marre de tes conneries. » Il s'écarta cependant pour leur laisser un peu d'intimité, et Mélopée Nuageuse comprit qu'il ne voulait que son bien, qu'il ne faudrait pas lui en vouloir pour ça plus tard. Mais aujourd'hui, à cet instant précis, elle ne pensait qu'à une chose : Eros.

« Eros, je... je suis désolée pour tout. Je t'aime de tout mon cœur. J'aurais tant aimé... » Elle regarda derrière elle, en direction de son frère qui pouvait sûrement tout entendre. Elle ravala ses mots. J'aurais tant aimé rester avec toi... elle l'aurait peut-être bien fait, si Nuage d'Obsidienne n'avait pas été là. Sa vie aurait peut-être été totalement différente.

« Je viens avec toi ! pleura Eros, se blottissant contre l'ivoirienne. Je pourrai apprendre tes coutumes, rencontrer ta famille, je... Je pourrais vous suivre là où vous allez ! »

Mélopée Nuageuse secoua la tête. Les larmes ne cessaient de couler, sa gorge était nouée, mais les mots devaient sortir. C'était peut-être là les derniers qu'elle pourrait adresser à l'amour de sa vie. « Tu ne peux pas, Eros... ils te tueraient. Les bipèdes nous ont fait trop de mal. Et tu appartiens aux bipèdes. » Elle ne l'avait pas vu, mais Nuage d'Obsidienne s'était rapproché à l'entente des mots insensés d'Eros. « Elle a raison, vermine. Ils te réduiraient en la pâté que tu bouffes tous les jours. Il se tourna vers sa sœur, tout d'abord en fixant encore le chat domestique puis en plantant ses yeux dans ceux de la femelle. Allez, Mélopée Nuageuse. Faut qu'on y aille. »

L'apprentie tenta de se rapprocher de celui qu'elle aimait pour un dernier câlin, un dernier au revoir. Son frère, plus fort et plus grand qu'elle, la bouscula en direction du chemin retour. Il l'attrapa de nouveau par le cou et l'entraîna vers le camp, vers les nimbes de l'oubli. Eros lui hurla quelque chose, mais elle ne put l'entendre. Aurait-il pu dire je te retrouverai ? Ou je te déteste ?

Mélopée Nuageuse ne le saurait jamais.
La vie lui avait ôté l'amour de sa vie, ce jour-là. Une lune plus tard, elle l'avait rendue orpheline. Et bien des lunes après, elle avait fait d'elle une coquille vide. Une femelle dont le sentiment de culpabilité ne la quittait jamais, dont le secret la hantait. Elle ne pouvait en parler à personne, elle ne pouvait se confier. Elle ne pouvait se débarrasser des fantômes qui lui tournaient autour et qui la hanteraient très sûrement jusqu'à la fin de son existence.

EVOLUTION
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