You'll be good ◊ Ivresse des Nuages

You'll be good.
Ft - Nuit Polaire

Ivresse des Nuages observait le plafond de sa tanière où s'échappaient les premiers rayons du jour, installant peu à peu, une chaleur réconfortante après une nuit plutôt fraiche. La Saison des Feuilles Nouvelles était toujours une période de l'année où les cœurs s'apaisaient, de nouveaux idylles se formaient, revigorés et prêt à s'épanouir, timides parfois au souvenir des froids glacials et meurtriers de la Saison des Neiges, le mot d'ordre de cette nouvelle saison, était : renaissance. Les bourgeons émergeaient de part à d'autre des arbres qui s'éveillaient lentement de la torpeur hivernale. Des fleurs parsemaient les bordures des sentiers, les feuilles d'un vert vif s'illuminaient sous les doux raisons du soleil et une brise douce valsait entre les animaux de la forêt. Mais ce qui était le plus impressionnant pour la jeune féline rousse, c'était la rivière qui se libérait de sa prison de glace. D'abord, avant même le début officiel du printemps, les ruisseaux reprenaient forme, vigoureux et limpide, puis c'était au tour des bras de la rivière, qui eux apportaient jusqu'à l'océan des restes de neiges boueuses et de bloc de glace, et enfin, la chose la plus merveilleuse qu'elle aimait observer, c'était la cascade qui se brisait en multitudes de morceaux de glace, pour jaillir brusquement dans un fracas assourdissant, et des milliers de rayons multicolore, formant des arc-en-ciel venaient combler sa vision d'émerveillement.

Elle eut un sourire penaud en repensant à toutes ces scènes auxquels elle avait assistée quelques jours plus tôt qui avait eu le don d'adoucir un peu la peine immense qu'elle avait dans le cœur. Bien que la plupart des chats de la Vallée accueillaient cette nouvelle saison avec entrain, elle, se sentait toujours aussi vide. L'hiver avait juste été le paysage le plus adéquat à l'état de son propre cœur, une métaphore risible de son état mental, et sa tristesse avait été justifiable pour elle-même, mais bientôt, elle n'aurait plus d'excuses à se donner pour tenter de comprendre la raison de son mal être. Elle soupira longuement et roula sur le côté, en enfouissant sa tête dans ses pattes avant, tentant d'oublier jusqu'à son existence. Souvent, elle aimerait disparaître, ne plus appartenir à ce monde, où encore effacer sa vie entière, comme si elle n'avait jamais existé, qu'elle n'avait jamais foulé la terre de ses pattes et respiré l'air de ses poumons. Pas qu'elle avait particulièrement envie de mettre fin à ses jours, mais au fil des journées, aucune d'entre elles ne lui apportaient de réponses satisfaisante. Qu'est-ce que je fais là ? Qu'est-ce que j'ai envie de faire ? Et lorsqu'elle observait sa sœur qui avait assez de joie de vivre pour elles deux, elle se disait que peut-être que Nuage de Feu avait aspirée toute la sienne lorsque leur mère avait été encore gestante. Elle l'admirait énormément, comment faisait-elle pour être toujours si enjouée ? Elle avait l'air de tellement s'amuser, de tellement aimer vivre. Pourquoi, Ivresse des Nuages quand à elle, détestait-elle ça ?

« Ivresse des Nuages ? Rejoins moi à l'extérieur. »

Surprise, elle détourna lentement la tête en direction de l'entrée de la tanière, reconnaissant la voix plutôt grave de sa tante, Nuit Polaire qui était également son mentor. Elle se leva péniblement de sa couche, étira rapidement ses muscles encore endormis et se dirigea vers la femelle blanche.

« Bonjour. Bien dormi ? »

Ivresse des Nuages esquissa un sourire timide, mal à l'aise de devoir lui mentir frontalement.

« Oui plutôt bien, et toi ? »

Nuit Polaire et elle se complétaient plutôt bien, la jeune féline était de nature calme et obéissante, elle n'était pas du genre à entraver les règles ou chercher à prouver sa valeur par des actes héroïques rocambolesques, elle restait sage et attentive bien que ses problèmes de concentration lui portaient souvent défaut, ce qui pouvait avoir tendance à agacer Nuit Polaire qui détestait se répéter. Mais la jeune féline n'avait aucun contrôle sur ces choses là, son esprit divaguait comme s'il ne lui appartenait pas, mais son tempérament posée et docile l'a rendait plus appréciable aux yeux de tous, et les autres oubliaient bien souvent ce soucis de la jeune apprentie, elle se rendait invisible, du moins, elle essayait. Elle se disait que leur meneuse avait fait une bonne sélection pour le mentorat de Nuage de Feu et d'elle même, Brume Argentée avait un tempérament qui l'effrayait un peu, sa froideur naturel, son cynisme à toute épreuve et son manque d'intérêt vis à vis des autres l'a repoussée énormément, et elle s'imaginait mal devoir partager ses journées en sa compagnie. Alors que l'autre rouquine semblait être devenu très proche de la femelle argentée, elles avaient l'air de prendre du bon temps à deux et parfois, Ivresse des Nuages redoutait un peu que la femelle argentée entraîne sa jeune nièce sur le mauvais chemin, parce que Brume Argentée était également la tante des deux félines rousses et donc la sœur de Nuit Polaire. Elle savait que Brume Argentée était le vilain canard de la famille, qu'elle donnait beaucoup de fil à retordre à Flocon de Neige, sa grand-mère ainsi que Nuit Polaire, sa sœur. Ivresse des Nuages était également au courant que la relation qu'avait entretenu son père, Plume du Nord avait été très mauvaise avec celle-ci. Nuit Polaire et Brume Argentée étaient comme le jour et la nuit, un peu comme Nuage de Feu et elle même. Aussi, une féline débordante d'énergie et d'enthousiasme comme Nuage de Feu aurait certainement donné beaucoup de mal à Nuit Polaire qui était tout comme elle, de nature plutôt calme. Finalement, oui, Mélodie des Etoiles avait vraiment fait le bon choix.

« Il fait plutôt bon aujourd'hui, ça va être une bonne journée pour la chasse, j'ai entendu dire que c'était à l'aube que sortaient les campagnols de leurs terriers afin de trouver des graines tombées la nuit. »

Oui, Ivresse des Nuages simulait à la perfection ses sombres états d'âme, se donnant un air timide mais toujours volontaire, alors qu'elle n'avait qu'une envie, c'était de dormir pour s'enfuir de la réalité et oublier sa vie, qu'elle haïssait plus que tout. Pourquoi ne pouvait-elle pas être normale comme tout les autres apprentis ? Pourquoi se sentait-elle si triste et dépassée par les événements en permanence, pourquoi son cœur était si lourd ? Pourquoi elle réfléchissait autant ? Pourquoi, elle redoutait toujours les autres ? Tant de questions sans réponses, alors qu'elle voudrait les faire taire à jamais.

You'll be good.
Ft - Nuit Polaire

La rouquine se tenait à une distance respectable de sa mentor, elles avaient beau appartenir à la même famille, elles n’étaient pas suffisamment proche pour échanger des regards complices ou encore des accolades affectueuses. Au contraire, les deux félines semblaient apprécier le fait que chacune respecte l’espace vitale nécessaire de l’autre. Et bientôt, elles commencèrent à se mettre en route, côte à côte, leurs pas frôlaient le sol avec légèreté et leur fourrures s’élevaient délicatement dans la brise printanière. Les matins avait étés froid et grisant, presque autant que le cœur d’Ivresse des Nuages qui ressassaient sans cesse des idées lugubres.

Malgré tout, la chaleur qui arrivait semblé chasser avec elle les cristaux de glace qui se figeaient dans la rosée du matin, ainsi que le vent glacial qui se métamorphosait en brise chaleureuse qui englobait chaque habitant de Valeemar de son réconfort, revigorante et apporteuse d’espoir, elle annonçait la fin du froid et de la famine. Mais Ivresse elle, restait tout aussi morose et triste, même si elle ne le montrait pas, elle tentait d’afficher ce même sourire amical figé sur son petit visage.

Nuit Polaire marchait paisiblement mais non sans assurance, elle affichait une expression fière et sereine ce qui pouvait parfois intimidé la cadette qui était bien incapable de faire de même. Un jour sa grand mère lui avait dit « c’est l’expérience qui fait que ton regard change, parce qu’en réalité c’est ton cœur qui a changé. » elle n’avait jamais compris ces paroles, se remettant sans cesse en question. Avait-elle un mauvais cœur ? Une trop grande appréhension du monde qui l’entourait? Elle n’en avait aucune idée, tous ce qu’elle savait c’est qu’à défaut de son regard, son cœur pleurait et les larmes creusaient en elle, un vide immense. La féline blanche finit par brisé le nouveau silence qui s’était installé entre elles, la mettant au défis.

« En effet, ça va être l'occasion d'affiner tes techniques de traque. » La féline l’observait intensément, et Ivresse tenta d’éviter son regard. « Et bien ne perdons pas de temps, allons-y. »

Et cette fois ci elle se mirent en route réellement, leurs pas s’accélèrent et Ivresse savoura le moment où le vent lui fouettait le visage, avide de sensation elle ferma les yeux un moment. Les entraînements étaient ce qu’elle aimait le plus, ils lui permettait d’oublier un moment ses tracas et de donner un sens à sa vie, sa curiosité d’apprendre et de peaufiner ses techniques prenaient alors le dessus sur tout le reste et elle n’aspirait à n’être qu’une âme libre. Elles finirent par s’arrêter non loin de l’entrée du camp et Ivresse huma l’air à son tour suite à ses paroles, effectivement les vestiges d’odeur de chats flottaient dans l’air et elle reconnut même certains parfum familier. Légende Guerrière et Mythe Sylvestre avaient été de la patrouille de l’aube, les deux frères et sœurs semblaient si proche et Ivresse des Nuages se surprenait parfois à admirer leur relation, elle n’était pas si proche avec sa sœur, elle ressentait comme un fossé géant qui les séparaient fermement, et lorsque Nuage de Feu faisait un pas en avant, Ivresse des Nuages quand à elle en faisait trois en arrière, elle ne voulait pas que sa sœur porte un jour de la culpabilité sur ses épaules, elle ne voulait pas qu’elle souffre de sa propre condition, alors elle cultivait ce flou étrange entre elles. Au fond d’elle même, elle savait qu’elle avait profondément besoin de sa sœur et qu’elle l’aimait inconditionnellement, malgré tout elle était trop effrayée à l’idée de lui faire du mal, à l'idée de la perdre, alors elle jugeait que ce n'était pas une trop mauvaise idée de garder ses distances avec celle-ci.

Bientôt, la guerrière blanche brisa le silence dans lequel régnait les bruissements des feuilles sous leurs pas ;

« On va tenter par ici. Dès que tu repères une proie, applique tout ce qu'on a vu ensemble pour l'attraper. N'oublie pas le sens du vent, et fais attention à où tu mets les pattes. »

Ivresse des Nuages se contenta d'hocher d'un mouvement vif de la tête, les sourcils froncés sur des yeux déterminés. La rouquine n'avait pas énormément de talent, et lorsqu'elle y pensait, elle se faisait engloutir dans une spirale d'angoisse, mais dans ces moments là, elle n'avait pas le temps d'y penser, elle devait se contenter d'agir afin de se prouver à elle même ce dont elle était capable. Alors, les moustaches frétillantes, elle rasa le sol de son corps, ses épaules en avant et l'arrière train légèrement surélevé, elle rampait avec l'agilité d'un serpent, sa queue furetant entre les obstacles, ses yeux verts turquoise fixait un point inconnu dans l'horizon, mais le plus impressionnant à cet instant, était ses oreilles qui fusaient dans tout les sens, détectant le moindre bruit suspect qui pourrait la mener sur une piste, et elle ne tarda pas à reconnaître le fumet familier d'une proie potentielle. A l'odeur musquée mais éventé, les traces laissaient présager à un rongeur de type rat des eaux ou encore un petit carnivore tel que l'hermine brune. Celles-ci étaient reconnaissable en cette saison parce qu'elles abandonnaient leur fourrure hivernale pour des teintes plus estivales et on les reconnaissaient à leurs fourrure blanche moucheté de brun par endroit irrégulier, signe que l'ancienne robe tombait peu à peu pour laisser place à un poil plus brillant et doux. Quand aux rats des eaux, c'étaient des rongeurs qui longeait les rivières et vivaient dans des terriers non loin des ruisseaux, ceux-ci se nourrissaient exclusivement des insectes aquatiques qui planaient au dessus des eaux mouvementés, tel les libellules ou encore les araignées d'eau. Ivresse des Nuages avait souvent eu l'occasion de les observer lors de ses longues promenades nostalgiques.

Pour l'heure la proie restait inconnue, Ivresse des Nuages huma l'air, la gueule entre ouverte afin de mieux conserver le fumet sauvage, des petites traces de pattes bien espacées se dessinaient sur le sol, et elle reconnut la démarche gauche et furtif des hermines. A présent qu'elle était parvenue à déterminer l'origine de sa piste, elle devait réfléchir à comment l'attraper. Les hermines étaient loin d'être des proies évidentes à attraper, leurs long corps fin leur donner un atout considérable pour le camouflage et la fuite, et si on arrivait à les saisir entre nos pattes, il fallait les devancer, ou sinon, les petits carnivores n'hésitaient pas à se tortiller tout les sens afin de se déloger et s'enfuir, le ventre à terre. Bien que d'aspect, l'attaque surprise était la technique la plus utile pour tout type de chasse, elle prenait davantage son sens face à des proies comme celles-ci. Néanmoins, un autre désavantage considérable subsistait lorsqu'on chassait des proies tel que les petites carnivores, les hermines, les belettes, les martres ou encore les putois, étaient des viandes pauvre en graisse, et par conséquent, elles n'étaient pas très riche pour le corps, qui ne rivalisait pas à la chair tendre des mulots ou des campagnols, les carnivores avaient des muscles secs, d'un goût fort et peu agréable, difficile d'apprécier ce met qui restait malgré tout rare de par sa difficulté à en attraper. Pour l'heure, Ivresse des Nuages devait réfléchir à autre chose ; était-ce donc un choix judicieux d'attraper une tel proie ? Si elle voulait impressionner Nuit Polaire, elle devrait plutôt attraper un écureuil, leur chair n'était pas non plus très tendre mais quand bien même beaucoup plus savoureuse, et si pour un apprenti du Clan du Tonnerre c'était chose aisée d'attraper ces rongeurs roux, pour un apprenti du Clan de la Rivière, c'était une prouesse qui méritait des félicitations encourageante.

L'apprentie se rendait bien compte de l'importance de ses choix, et pourtant, avec l'arrivée du printemps et l'abondance des proies, elle savait que ramenait une hermine ne serait pas mal vu au sein du Clan, celles-ci pullulaient la région à tel point que les proies diminuaient. Il ne fallait pas oublier que celles-ci se nourrissaient de la même chose que les chats des Clans, et en laisser trop sur leurs territoires, représentaient une certaine menace, surtout en ces temps où les naissances abondaient, c'était à ce moment que les hermines agissaient le plus, traquant les terriers à la recherche des souriceaux à peine sevrés, Ivresse des Nuages plissa des yeux, son choix était fait. Elle ne ferait pas un choix qui serait le plus bénéfique pour le Clan dans l'instant donné, mais ferait celui du choix qui apporterait le plus davantage à son Clan pour les lunes à venir. Pour l'heure, ses pas l'emmenèrent en direction du fumet, elle le savait, le petit animal n'était pas très loin. Elle devait le surprendre, ces animaux là avait le cœur fragile, et les prendre au dépourvu les déstabilisait suffisamment longtemps pour pouvoir les achever. Mais à présent, elle devait le trouver sans se faire repérer et c'était ça la partie la plus délicate dans son plan.

Elle aspira un grand coup, fermant les yeux par la même occasion afin de mieux se concentrée, puis au moment de l'expiration de sa respiration, elle médita longuement, ralentissant presque les battements de son cœur et bientôt, elle n'entendit plus les bruissements des feuilles d'arbres sous la brise ou encore les piaillements joyeux des oiseaux dans les branches, non, elle n'entendit que son cœur et les crépitements de la terre dans ses coussinets, peu à peu, un bruit vint se démarquer des autres, des bruits aigüe et pressé, comme quelqu'un qui creuse le sol. Elle fronça des sourcils, les yeux toujours clos, et parvint à repérer le lieu d'où provenait les grattements répétitifs. Par là, sur ma droite. Elle rouvrit brusquement les yeux, en alerte, et son corps, dans un geste gracile et précis bondit au cœur des buissons qui l'entourait, elle se fit pivoter légèrement vers la droite et tomba nez à nez avec une petite bestiole effrayée, prise au dépourvu et qui n'avait plus aucune issues puisque les griffes d'Ivresse des Nuages se refermaient toujours plus autour de son petit corps allongé, elle puisa dans les forces de ses épaules et propulsa sa tête en avant afin de lui donner le coup fatale qui lui enlèverait la vie sans le faire souffrir. Et enfin, le petit corps pendait mollement entre ses pattes. Ses yeux s'embuèrent de larmes pour cette vie qu'elle venait d'enlever. Ivresse des Nuages était une chasseuse et pêcheuse hors pair, mais bien trop sensible, à chaque réussite, elle ne pouvait s'empêcher de remercier le Clan des Etoiles qu'en pleurnichant faiblement. Puis, après un long moment de prières et méditations profondes, elle fit demi-tour, sa prise entre ses crocs, et le posa timidement aux pattes de sa mentor, dont elle attendait le verdict, penaude.

Si Ivresse des Nuages avait bel et bien des talents, elle n'en avait pas conscience, trop enfermée dans les méandres & la culpabilité qui régnaient dans son cœur et son esprit.

You'll be good.
Ft - Nuit Polaire

«  C'était une très belle traque, tu peux être fière de toi. »

A cet instant, Ivresse des Nuages oublia un moment ses angoisses quotidienne. C'était ce que lui procurait la sensation d'apprendre et de chasser, elle pouvait redevenir la simple apprentie du Clan de la Rivière qu'elle était, elle pouvait aussi oublier un moment la pression qu'elle ressentait  au fait que Nuit Polaire était sa tante. Aujourd'hui, ça n'était que sa mentor, et elle n'était que son apprentie. La féline esquissa un sourire timide à la remarque de son aînée, elle était plus que ravie de se dire qu'elle pouvait rendre fière les autres, et qu'elle pouvait aussi se féliciter elle-même. Ca n'était pas souvent que la jeune féline était dans une démarche d'auto-valorisation la plus part du temps, elle préférait totalement s'oublier.

« Cette hermine devrait remplir au moins un estomac. On va l'enterrer près de cet arbre, et voir si on tombe sur autre chose. »

La rouquine s'exécuta aussitôt, elle creusa frénétiquement dans la terre meuble et l'enterra aussitôt, puis elle reprit direction vers la femelle blanche et attendit les prochaines instructions. Bientôt celle-ci brisa à nouveau le silence qui s'était installée entre elles.

«  Dis-moi, qu'est-ce qui t'a fait hésiter, tout à l'heure ? »

Ivresse des Nuages resta muette un moment, tentant de comprendre à quoi faisait référence Nuit Polaire, puis elle se rendit compte que son hésitation entre deux proies potentielles avait peut-être été remarqué, elle eut un peu honte, mais fit abstraction de ce détail, qu'allait-elle dire ? Elle voulait montrer ce qu'elle avait dans le ventre, et surtout dans la tête, Ivresse était discrète et parlait peu, mais elle s'évertuait à parler bien lorsqu'elle s'exprimait. Elle chercha minutieusement ses mots puis déclara ;

«  Je.. Hum, j'ai essayé de réfléchir à ce qui été mieux à choisir entre prendre une décision sur l'instant ou au long terme. Se rendant compte que son explication n'était pas suffisante, elle tenta d'exprimer plus clairement ce qu'elle voulait dire. Je me suis dis que.. Si je chassais un rat d'eau, ça serait nettement plus bénéfique pour le Clan, sur l'instant présent pour nourrir plus de bouches.. Mais.. je me suis dit que finalement, ce qui serait plus bénéfique pour le Clan, dans la durée, en ce temps où la Rivière est encore quelque peu prisonnière par la glace, et que les poissons manquent à l'appel, de chasser un autre chasseur qui pourrait nous priver de proies potentiels. Les hermines chassent toute la journée, elles sont voraces et gourmandes, et tue parfois même sans avoir faim, alors je me suis dit que ça serait une bonne chose de l'attraper elle.  »

Ivresse des Nuages craignait que sa réponse ne soit pas convaincante, mais elle savait que c'était ce qui lui semblait juste à elle. Généralement, si Ivresse des Nuages se sentait si anxieuse et angoissée, c'est parce qu'elle ne partageait pas les pensées communes des chats des Clans, elle n'aimait pas les territoires, les conflits, les interdictions aux guerriers de Clan différent de s'unir, aux guérisseurs d'aimer et de fonder une famille, l'un d'eux, était son oncle, et était lui même amoureux d'un autre guérisseur, elle ne comprenait pas pourquoi le monde était si restrictif, n'importe qui devait être en capacité d'aimer qui il voulait, n'importe qui devait pouvoir se promener où il voulait sans se faire attaquer, sur cet aspect, elle rejoignait sa tante, Brume Argentée qui faisait comme bon lui semblait et sa réputation la précédait au sein du Clan de la Rivière. Se rendant compte qu'elle se dispersait dans des pensées qui n'avait rien à voir avec l'entraînement actuel, elle se focalisa sur le mouvement d'une feuille d'arbre qui se battait avec la force du vent. Elle guettait la réaction de son mentor en tentant de faire abstraction de ses propres doutes.

You'll be good.
Ft - Nuit Polaire

Lorsque Nuit Polaire émit un compliment sur la théorie de la jeune femelle, celle-ci ne put s'empêcher de rayonner intérieurement, le moindre compliment avait un effet revigorant sur l'apprentie rousse, surtout lorsque ceux-ci venaient de son mentor, qui était de nature assez réservé. D'ailleurs, Ivresse des Nuages n'oserait jamais l'avouer à celle-ci, mais elle lui vouait une admiration sans faille, et parfois, elle se surprenait à vouloir lui ressembler en grandissant. Et elle se disait qu'elle pourrait y arriver, elle n'était pas si différente, hormis quelque points évident qui les opposaient avec beaucoup d'évidence. La trempe de Nuit Polaire était du genre à ne rien renoncer et à toujours allé de l'avant, peu importe les obstacles, alors qu'Ivresse avait une tendance presque agaçante à se diriger vers le renoncement et l'échec et elle savait que tant qu'elle ne réglerait pas ces soucis, elle ne pourrait jamais prétendre à devenir une guerrière digne de son rang.

Lorsque Nuit Polaire suggéra à Ivresse de ne pas hésiter à émettre ses idées lorsqu'elle en avait, voir même à les partager avec les autres apprentis, elle ressentit de la gêne et de la honte. Jamais la jeune femelle ne serait capable de proposer quoi que ce soit aux autres, son manque de confiance en elle, l'a rendait amorphe sur ce sujet, et elle était persuadée que les autres avaient mieux à donner, et certains ne manquait pas de lui faire ressentir ses faiblesses. Lorsqu'on s'écrasait face au monde, les autres n'avaient pas d'autre choix que de marcher dessus, rare était ceux qui tendait la patte pour lui permettre de se relever. Mais Ivresse n'en montra rien et se contenta d'acquiescer même si elle n'en ferait jamais.

« Enfin, je sais que toi comme moi, nous ne sommes pas très douées lorsqu'il s'agit de parler. C'est peut-être de famille. »

Et puis, pour la toute première fois, Nuit Polaire fit dans l'affectif, ou presque, du moins à sa façon. Ivresse accueillit ses paroles avec beaucoup de surprise, elle ne saurait pas vraiment quoi répondre à cette tentative de percer l'abcès, Ivresse était tout aussi pudique qu'elle quand à ses émotions, mais elle savait qu'elle devait prendre cette opportunité, des occasions comme celle-ci ne se reproduiraient pas plusieurs fois, leur famille était quelque peu déchiré par énormément de rancœur et de colère. Et personne ne parvenait à communiquer convenablement, la seule qui flottait au dessus de toute cette tragédie, était certainement sa sœur Nuage de Feu, qui vivait avec la naïveté et la gaieté dont elle était reine, du moins à ses yeux. C'était un côté d'elle qui pouvait l'agacer parfois, mais qu'elle admirait énormément, si Ivresse pouvait être capable de voltiger comme elle le faisait au dessus des traumatismes qu'elles avaient vécu, elle savait que le poids de sa vie serait moins écrasant.

« Tu as sans doute raison. Elle marqua un longue pause et le silence s'éternisa jusqu'à ce qu'elle puisse ajouter, un sourire peiné sur son visage. Mais si je parvenais à parler plus, ça ne serait pas pour dire des choses très gaie, alors je présume que je préfère me taire. »

Et voilà, voilà pourquoi elle n'aimait pas s'exprimer. Rien, lorsqu'il s'agissait de parler d'elle ou des choses qui se passaient dans sa tête, n'étaient positive, et elle était bien incapable de faire autrement, la dépression qui l'encombrait, pénétrait tellement jusqu'à l'essence de son âme, qu'elle ne savait même pas si elle avait pu ressentir autre chose un jour dans sa vie, et c'était pour ça qu'elle aimait tant ses entrainements en compagnie de Nuit Polaire, elles lui permettaient de penser à autre chose que son regret irrépressible d'être en vie. Et puis un craquement sourd vint perturber la bulle dans laquelle flottait les deux femelles et Nuit Polaire prit aussitôt sa position de chasseur, Ivresse l'imita aussitôt, les sens en alerte et bientôt, la femelle immaculé rampa de quelques pas en direction de l'animal tandis qu'Ivresse resta immobile, attendant ses instructions.

« Prends-là discrètement à revers, je vais tâcher de l'effrayer dans ta direction. »

L'apprentie s'exécuta aussitôt, de toute la discrétion dont elle était capable, elle s'affaissa au sol et se dirigea sur le côté droit du petit animal, tout en prenant soin d'émettra aucun son. Ses pas effleuraient à peine le sol lorsqu'elle se déplaçait et sa respiration se ralentissait au fur et à mesure qu'elle tentait d'espacer les battements de son cœur. Bientôt, elle fut dans la position parfaite pour accueillir le rongeur, et lorsque Nuit Polaire le constata, celle-ci fit ce qu'elle avait à faire pour effrayer la souris dans la direction de la jeune apprentie. Prête plus que jamais, Ivresse attendit patiemment le moment opportun, et lorsque la petite chose fut à sa hauteur, elle plongea sur elle, et l'emprisonnant entre ses griffes, ses mouvements graciles et précis lui permirent d'abattre sa proie en un coup de crocs stratégique. Et, tout comme lorsqu'elle avait ôté la vie de l'hermine, ses yeux s'embuèrent de larmes, et elle maudissait sa sensibilité exagérée. Mais c'est avec un peu de fierté qu'elle posa sa proie aux pattes de sa mentore, les yeux encore brillant et humide mais fiers.