Are you done already ? (Aloe Vera)

Pour ne pas changer, Aloe Vera s’est levée tard aujourd’hui. Tentant d’ignorer les bruits de la vie qui commence avant dix heures du mat’, elle a réussi à se reposer jusqu’à ce que le soleil soit haut dans le ciel. Non sans avoir passé de nombreux coups de langue sur sa jolie fourrure pour que personne ne puisse la voir toute ébouriffée, la calico s’est étirée de long en large avec un petit ronronnement plus semblable à un roucoulement de contentement qu’à des vrais ronrons. Mais la détente ne fut que brève ; en ouvrant les yeux après ce petit instant tranquillou pipou, la guerrière s’est rendue compte de la luminosité des environs, et de l’heure tardive qu’il devait donc être. Pas un problème en temps normal, me direz-vous, mais aujourd’hui ça en représente un - et un gros. En effet, la calico vient de se rappeler de la demande de la veille. Une demande passée par Nuit Polaire, la lieutenante du Clan, qui lui avait demandé de garnir la pile de poissons avant la fin de la matinée. Mince, mince, MINCE ! panique-t-elle dans sa p’tite tête tricolore (ce serait bien trop la honte de le faire à voix haute) avant de déguerpir vers un cours d’eau lui semblant assez proche pour faire les allers retours sans perdre plus de temps qu’elle en a déjà perdu. Mais non seulement elle ne peut pas remonter le temps, elle ne peut visiblement pas non plus se dédoubler… dommage.

C’est donc la tête basse qu’Aloe Vera rentre au camp, mouillée - ce qu’elle déteste par dessus tout - et bredouille. Sur la « pile » de poissons trônent trois petites têtes pas bien épaisses, qui semblent se battre en duel pour obtenir la première place sur le podium du plus riquiqui. Y jetant un dernier regard dédaigneux, la guerrière finit par retourner près des tanières pour effectuer sa cent milliardième toilette de la journée - mais elle est justifiée celle-là, quand même ! - en priant pour que la lieutenante ait oublié qui était en charge de nourrir le camp aujourd’hui. Sauf qu’elle est pas bête, la lieutenante. Sursautant au haussement de voix de la grande blanche, Aloe Vera se rapproche comme demandé. Ça sent le roussi… pense-t-elle tandis qu’elle arrive à la hauteur - enfin, façon de parler - de la lieutenante.

« Désolée, Nuit Polaire. C’est que… je viens tout juste de finir mon apprentissage, et j’essaie encore de trouver mes repères. Mon père et ma mère n’ont jamais vraiment pu être là pour m’apprendre en dehors des heures d’entraînement… »

Allez, bim. La carte des parents décédayyy. Qu’est-ce qu’elle va pouvoir répondre à ça ? Bien sûr, Aloe Vera ne tenterait jamais de manquer de respect à ses supérieurs, même si son ego lui fait avoir du mal avec l’autorité. C’est juste qu’elle ne veut pas être humiliée par sa flemme quotidienne de se lever avant huit heures.

Aloe Vera ne peut s’empêcher de tiquer aux paroles acérées de Nuit Polaire. Elle ne s’attendait pas à ce que la situation puisse se retourner contre elle, et pourtant nous y voilà. Comme un réflexe face à cette petite pique concernant ses parents, la guerrière ne peut s’empêcher de lever une moustache inconsciemment, visiblement touchée. Elle a beau eu s’en servir d’excuse sans qu’il n’y ait spécifiquement de lien entre le décès de ses parents et son manque de conditionnement pour la pêche, il ne lui était pas passé par la tête que la lieutenante puisse avoir une répartie aussi osée à ses paroles. Son tempérament d’enfer, aggravé lorsque l’on touche à son ego, l’empêche de s’abstenir des paroles qui suivent.

« Je suis certaine qu’ils ne le prendraient pas mal. Ils savent très bien qu’ils ont rejoint le Clan des Étoiles juste après mon sevrage. Je ne vois donc pas où ils trouveraient des reproches dans mes paroles, seulement le regret d’un départ trop vite arrivé. »

De bien belles paroles, montrant que la jeune n’a pas tiré que du négatif de son ego surdimensionné, mais aussi une certaine éloquence qu’on ne peut pas lui retirer. Le pire dans tout ça, c’est que ses paroles sont sincères, là, tout de suite ; Nuit Polaire a vraiment piqué là où ça fait mal. Pas cool.

Il semblerait pourtant que le pire reste à venir. Après avoir conclu sa première attaque, la lieutenante introduit une petite menace dans la conversation. Rien de bien dangereux, et quelque chose que sa position lui permet de faire, mais aux oreilles de la tricolore, c’est une insulte directe et intense. Dans tout ça, on a tendance à oublier que cette corvée de pêche est son ennemie depuis si longtemps à cause du retard qu’elle a pris en nage dans son apprentissage. Bien sûr, la raison était toujours très puérile - son pelage, blablabla - mais il en reste qu’Aloe Vera a de réelles lacunes en la matière. Et ce sont ces lacunes qu’elle souhaite cacher aux yeux de tous, de peur qu’une honte intense s’empare d’elle et que son ego soit à nouveau touché si cela se savait. La chasse, elle excelle et n’aurait pas de problème à s’en occuper - à part peut-être se lever tôt… - mais la pêche, elle y avait techniquement toujours échappé jusqu’ici, et la nouvelle lieutenante a l’air de s’en être rendue compte.

« Je peux me rattraper en partant à la chasse aux rongeurs ou aux oiseaux dès maintenant. »

Toute trace de l’insolence de la jeunette a disparu, laissant place à de la résignation, le regard baissé. Entre le souvenir de ses parents disparus et le rappel qu’elle ne vaut pas les autres guerriers en matière de pêche, ce n’est pas une journée super sympa pour la calico. Pour autant, elle préférerait essayer de noyer un poisson avec les quatre pattes dans l’eau plutôt que d’avouer sa faiblesse.

Nuit Polaire semble avoir remarqué le réel usage du sujet des parents d’Aloe Vera. Elle semble aussi avoir vu la façon dont elle a tenté de se faire assigner une autre mission. C’est pour cela que les deux fois où la lieutenante prend la parole, c’est pour lui rappeler ses devoirs en tant que guerrière : être forte psychologiquement, et faire ce qu’on lui dit pour le bien de son Clan. Le mentor de la calico n’a jamais vraiment pris le temps de lui expliquer les cycles de prédation, quand pêcher, quand chasser, car à chaque fois qu’il ne lui demandait pas quelque chose de physique et qu’il lui proposait d’apprendre quelques leçons, elle se mettait à bouder à coups de « C’EST CHIANT ! » et il n’insistait jamais vraiment bien plus. Visiblement, cela ne fonctionnera pas sur Nuit Polaire… c’est donc presque à reculons qu’Aloe Vera suit la belle blanche, tentant de faire l’effort de ne pas faire traîner sa patte. Et si Nuit Polaire se rendait compte qu’elle ne sait pas pêcher correctement ? Et si elle annulait son baptême, et la faisait redescendre au rang d’apprentie ? Tout le monde se moquerait d’elle ! Cela ne peut pas arriver. Il faut qu’elle fasse de son mieux aujourd’hui pour lui montrer qu’elle est capable de faire des efforts. C’est à cette réalisation que son pas traînant se change en regard déterminé, et qu’elle se met à trotter pour rattraper la lieutenante. « J’arrive ! » lance-t-elle entre deux foulées. Quand la réputation de la belle tricolore est en jeu, elle n’hésite pas à se donner à fond. C’est ça que son mentor n’a jamais réussi à parfaire pendant son apprentissage : la cerner, et lui dire les mots qui piquent pour la faire se surpasser. En y pensant, elle n’a jamais eu ce genre de figure dans sa vie.

Aux mots de la lieutenante d’ivoire, Aloe Vera se crispe. Il est même presque certain que sa frustration soit physiquement visible, puisque les poils de son échine se sont redressés instinctivement et ses griffes se sont brièvement plantées dans le sol meuble des environs. Un… plongeon ? pense la calico avec horreur. Bien sûr, elle avait compris que c’était vers la rivière que les deux femelles se dirigeaient, mais maintenant qu’elle est face au problème, obligée de s’y confronter sérieusement.

Sans vraiment attendre une quelconque protestation ou un moment de doutes, Nuit Polaire plonge tête la première, avec une aisance remarquable. Aloe Vera reste quelques instants de plus sur la berge, à regarder l’ivoirienne se mouvoir dans l’eau froide. Avec un peu de réflexion, elle peut se rendre compte que la lieutenante et elle partagent la même densité de poils, mais que la première ne semble pas s’en voir dérangée pour pêcher. Pourtant, sa fourrure est loin d’être négligée. La calico en ferait-elle peut-être un peu trop..? Naaaaan, vraiment dix toilettes par jour c’est le strict minimum.

Aloe Vera voit bien que le moment est arrivé - enfin, elle dirait plus que son heure est venue, mais chacun son truc - de faire le grand plongeon, elle aussi. Elle a déjà pris quelques minutes de retard à contempler son sort funeste, il ne faudrait pas que la lieutenante s’en rende compte et mette en action ses menaces de retour au statut d’apprentie. Alors après une grande inspiration digne des plus grands films Catlywoodiens, la jeune guerrière s’engouffre elle aussi dans l’eau froide, considérablement moins aisément que la lieutenante. Elle repère une truite assez dodue pour servir de trophée, et se met à la suivre. Les deux femelles ne se croisent pas, semblant avoir instinctivement départagé le terrain de chasse en deux. C’est pour cela qu’Aloe n’a pas vraiment l’œil sur l’avancée de sa supérieure, ne pouvant pas jauger de son avance ou de son retard. La demande intéressée de la lieutenante sur l’avancement de son élève du jour lui passe assez littéralement au dessus de la tête, car cette dernière est immergée et trop pleine de pensées meurtrières face à ce poisson farouche. Après avoir zigzagué pendant de nombreuses minutes, avoir pris de nombreuses inspirations désespérées et tourneboulé à coups d’allers retours saccadés, la guerrière finit enfin par venir à bout de sa proie, l’achevant d’un coup de crocs sans même attendre d’être hors de l’eau. Alors que sa petite tête émerge de la rivière, elle voit la lieutenante se tenant bien droite face à elle sur la rive, ayant visiblement terminé sa première tâche depuis un moment. Il semblerait que l’ivoirienne ait eu pas moins de dix minutes pour analyser le long labeur de sa cadette.

Se rendant compte de son retard, Aloe Vera s’extirpe de l’eau en vitesse, posant son prix bien mérité - et pas si petit que ça ! - à côté du beau poisson de Nuit Polaire. Il est évident qu’elle a pris bien trop de temps pour se procurer cette proie. Il n’y a pas de doute possible : le manque de compétence en pêche saute maintenant aux yeux. La calico baisse les yeux, vaincue ; il ne sert à rien de tenter de se justifier auprès d’une supérieure qui a tout vu se produire devant ses yeux.

Aloe Vera manque de justesse de laisser échapper un grognement de frustration. Plus facile à dire qu’à faire ! pense-t-elle, les yeux toujours fixés sur le sol aussi fermement que des griffes se planteraient dans le sable dur des rives océaniques. La tricolore tuerait son mentor là, tout de suite, si elle le pouvait. Bien sûr, la faute est plus qu’à moitié partagée par elle-même, et par son comportement insupportable tout durant son apprentissage, mais diriez-vous qu’Aloe est connue pour son objectivité et sa capacité à se remettre en question ? Non, pas vraiment. C’est pour cela qu’elle essaie de concentrer sa haine sur l’incompétence de son mentor, et de la laisser la motiver à attraper un autre poisson en tentant de suivre les conseils de la lieutenante. Après tout, il est évident que la jeune guerrière ne donne que des résultats satisfaisants quand elle est attaquée et menacée par la honte.

C’est donc assez immédiatement - mais non pas sans tressaillir de dégoût en pensant à son beau pelage collé à sa peau encore une fois - que la belle s’engouffre à nouveau dans l’eau agitée, repérant immédiatement un poisson un peu moins imposant que le précédent, mais bien plus dodu. Y’aura de quoi bouffer, là-dessus ! pense-t-elle, pour la première fois motivée par l’activité - bien qu’elle ne le reconnaisse évidemment jamais, grâce à sa meilleure amie la fierté mal placée. Plus rapidement que la fois précédente, Aloe Vera identifie le sens du courant et s’en sert pour se propulser vers l’avant. Aussi stupide que cela puisse paraître, elle n’y a jamais pensé - et son mentor n’a jamais eu le courage de forcer la femelle après un « je préfère qu’on aille chasser » très catégorique. Évidemment toujours avec une maladresse assez évidente - elle n’est pas Wonder Catman non plus ! - la calico se lance aux trousses de sa proie qui, à défaut de pouvoir hurler à l’aide, se trémousse dans tous les sens pour tenter de la distancer. Pas aujourd’hui, la poiscaille ! pense-t-elle avec un sourire narquois, oubliant un instant le fait qu’elle soit sous l’eau, liquide froid et visqueux qu’elle a toute sa vie détesté. Après tout, son instinct de pêcheuse doit bien être caché quelque part dans son ADN, non ? Il suffit juste de savoir où le chercher.

En prenant une ultime inspiration - cette fois-ci en profitant d’une propulsion dans la bonne direction plutôt que d’un battement de pattes paniqué - la femelle s’engouffre de nouveau dans le froid de l’eau et, d’un coup de patte armé de griffes, envoie bouler l’écailleux sur une des parois rocailleuses de la rivière, l’assommant presque immédiatement. Avant qu’il ne puisse lui échapper à nouveau, Aloe Vera achève le poisson d’un coup de crocs bien placé et remonte à la surface pour montrer son deuxième trophée à la lieutenante. Un sentiment de fierté et d’envie d’être à la hauteur des espérances de Nuit Polaire la surprend, mais elle l’efface d’un remuement de moustaches.

« Qu’en penses-tu ? » demande-t-elle, faisant bien attention de ne pas laisser transparaître une certaine anticipation dans sa voix.

Le sourire satisfait ayant teinté les babines tricolores de la jeune guerrière après le compliment de Nuit Polaire se dissipe aussitôt que la question de la lieutenante parvient à ses oreilles. Aloe Vera n’est pas stupide, elle savait très bien que l’interrogation s’imposerait à un moment où un autre, mais ne s’attendait pas à ce que ce soit si soudain. La surprise ressentie après la question se fait d’ailleurs très évidente, car elle s’est manifestée par un petit sursaut, rien que ça. Quand la tricolore doit se plaindre pour se sortir d’une situation embêtante ou faire ressentir de la pitié à des fins manipulatrices, la calico est au rendez-vous et même aux premières loges. Mais lorsqu’il s’agit de reconnaître ses vraies faiblesses, surtout quand celles-ci sont absentes des apprentis eux-mêmes, Aloe Vera refuse catégoriquement.

Presque inconsciemment, la jeune guerrière se retrouve à jauger la situation. À peser le pour et le contre. À considérer de dire la vérité, plutôt que de se fermer catégoriquement à la sincérité. D’un côté, il y a le fait de se mettre à nu. D’avouer ses faiblesses, de faire ce qui serait l’équivalent d’exposer la fragile peau fine de son ventre à un ennemi dans un combat effréné. De l’autre, il y a le fait qu’elle ne parle pas à un pair. Elle parle à la lieutenante, et une lieutenante très perspicace, qui plus est. La façon dont les remontrances d’une heure plus tôt se sont transformées en un entraînement digne d’un apprenti de huit lunes prouve bien que Nuit Polaire en sait déjà bien assez. Qu’elle a déjà attesté intérieurement d’un déficit, d’un problème qui s’est produit entre son baptême d’apprentie et celui de guerrière, et qui n’a jamais été arrangé. Aloe Vera ne se tirerait jamais de cette situation en mentant, elle en est certaine. Alors, bien que ces mots semblent lui arracher le rugueux de sa langue, et avec cela la dépourvoir de sa fierté, la calico en est certaine : la seule solution pour ne pas acquérir la particule « Nuage » dans son nom à nouveau.

« J’ai juste pris du retard dans mon apprentissage au niveau de la pêche. Nous ne nous y sommes pas vraiment attardés, mon mentor et moi. Mais je suis consciente qu’il me faille y remédier. » dit-elle, le regard toujours ancré au sol malgré la façon dont la lieutenante tente de l’accrocher au sien.

Dans cette phrase, deux choses s’opposent : le fait qu’Aloe refuse d’avouer que le « retard » est en réalité une « inaptitude » totale - ce qui n’est pas étonnant - et le fait que plutôt que de tout blâmer sur son mentor, elle décide de se rendre à moitié responsable du problème - ce qui est extrêmement étonnant. Nuit Polaire ne peut pas dire que la guerrière ne fasse pas d’efforts. Mais si elle veut une lamentation totalement objective et une explication en détails de comment la calico a fait caprice sur caprice pour refuser catégoriquement de faire plouf dans l’eau avec son mentor, là ce n’est tout simplement pas réaliste. Il va falloir qu’elle se contente de cette mini révélation… pour l’instant.  

Le mot "incompétence" résonne dans les oreilles de la guerrière comme un tintamarre assourdissant. C'est la première fois que quelqu'un lui tient tête, lui dit les choses comme elles sont, fait preuve de ardeur dans ses paroles. Ses parents n'ont pas eu le temps de la laisser grandir pour se rendre compte de ses tares, et puis même si ça avait été le cas, il est certain qu'ils n'auraient rien dit, qu'ils auraient tout laisser couler. Ses pairs, s'ils lui font parfois part de sa chiantise, n'ont pas de grande valeur argumentative à ses yeux : elle se respecte plus elle qu'elle ne les respecte eux, alors il aurait été compliqué qu'elle prenne tout au mot et qu'elle effectue un changement sur cette base. La lieutenante, bien que nouvelle à ce poste, représente déjà bien plus d'autorité que Saumon Fumé ou ses camarades n'ont jamais bénéficié à ses yeux. Elle ne s'est jamais réellement entretenue avec Mélodie des Étoiles, donc ne pourrait pas témoigner de n'avoir pas su lui tenir tête, mais il faut reconnaître que ça aurait très sûrement été le cas aussi.

Tout cela pour dire qu'au moment où les remontrances de Nuit Polaire s'accumulent, Aloe Vera s'affaisse légèrement, comme si les mots de la lieutenante représentaient de véritables poids s'accumulant sur le dos tricolore de la femelle. Fidèle à elle-même, elle ne pense pas mériter ça, elle pense être victime du système, elle pense ne pas pouvoir contrôler où elle est née et le fait que l'eau ne soit pas son amie à elle. Bien sûr, elle n'est pas assez stupide pour dire ça en face à Nuit Polaire ; même si c'est extrêmement compliqué pour elle, il lui arrive de savoir courber l'échine quand ça peut l'arranger. C'est le cas aujourd'hui devant l'ivoirienne qui lui construit tout un plan de remise à niveau qu'elle compte respecter sous la menace qu'on l'appelle "Nuage de l'Aloe" de nouveau, mais sans réelle envie. Elle ne commencera pas à apprécier l'eau du jour au lendemain, après tout.

« C'est noté. Je ferai les efforts nécessaires. Puis, à l'annonce de sessions d'observation avec des mentors et apprentis, son regard s'accroche au sol de nouveau avant de se lever, avec une inquiétude qui n'a cette fois-ci rien d'une pièce de théâtre : Tu ne vas pas leur dire que c'est parce que je suis en retard, si..? »

Car oui, s'il était évident pour la lieutenante qu'elle ne révélerait pas la véritable raison - humiliante - d'Aloe Vera lors des entraînements des autres, elle ne l'a pas dit à voix haute, et la jeune guerrière a besoin de s'en assurer pour bien dormir la nuit.

La réponse de la lieutenante rassure son élève du jour, qui laisse échapper un long soupir de soulagement. Au moment où ce dernier franchis la barrière de ses babines, Aloe Vera reprend contenance, se redressant pour atteindre une belle stature bien droite, son poil en train de sécher au vent. C'est d'ailleurs lorsqu'elle se dit qu'il serait bien dommage de devoir refaire plouf alors que sa fourrure commence à s'en remettre que Nuit Polaire lève les yeux vers le ciel, annonçant la fin de la session de pêche. Un sourire soulagé se dessine sur les babines rosées de la guerrière - sourire que l'ivoirienne ne pourra pas remarquer, puisqu'il se trouve dans son dos et qu'Aloe prend bien soin de l'effacer avant que son aînée ne se retourne.

Tandis que Nuit Polaire commence à se diriger vers le tas de proies pour rentrer à la maison, elle décide de laisser la chance à sa cadette d'attraper encore plus de poissons. Aloe Vera avait commencé à la suivre, persuadée qu'il était l'heure de rentrer pour tout le monde, mais s'est stoppée net aux dernières paroles de la blanche. Il est difficile pour la calico de cacher sa déception, elle qui pensait déjà à se tanquer dans sa tanière, se toiletter pendant trois quarts d'heures et se rouler en boule avant de s'endormir en ronronnant. Elle tente cependant de reprendre une expression déterminée bien assez vite, de sorte à ne pas se voir assigner une punition immédiate, et se retourne pour longer de nouveau la rivière. « Je vais rester un peu », dit-elle les yeux fixés sur l'étendue froide et mouvementée pour se donner du courage. Avant que la lieutenante puisse dire quoi que ce soit, Aloe Vera plonge la tête la première, et se lance de nouveau dans une partie de pêche effrénée, cette fois sans avoir besoin de cacher sa grimace de dégoût sous l'eau.


C'est deux heures plus tard - pas moins ! Surprenant, non ? - que la guerrière tricolore rentre au camp, exténuée, trempée, et portant... deux poissons dans sa gueule. Ils sont assez dodus, certes, mais deux poissons en deux heures, ça n'a rien de bien glorieux. Embarrassée, la femelle les pose au milieu du camp, sur le tas de proies qui ne contient à cette heure-ci plus que des p'tites sardines qui n'ont intéressé personne. Trop gênée par son petit butin et l'état dans lequel son pelage doit sûrement être après tant de barbotage - elle n'a même pas envie de vérifier -, Aloe Vera n'attend pas que quelqu'un la remarque. Elle se dirige vers sa tanière, pour une fois sans espérer de reconnaissance ou de félicitations pour ses efforts - ce qui est déjà un très bon départ - et part s'y cacher les oreilles basses. Elle a de longues heures de toilette devant elle, et apparemment il va falloir se lever tôt demain pour tout recommencer !

HRP : c'est bon pour moi j'ai pas mentionné ta fifille si jamais tu voulais pas faire une autre réponse, mais je t'ai laissé l'occasion d'expliquer sa réaction quand (si) elle voit aloe rentrer de la pêche. on peut en relancer un quand tu veux, c'était vraiment trop cool!