Ce que dit le code du guerrier | ft. Hiver Eternel

Sale temps pour sortir son museau du camp, pensais-tu alors que le rythme de la marche commençait à s’accélérer.
Exceptionnellement, les patrouilles étant déjà bien fournies aujourd’hui, tu avais été assigné à la chasse. Ca n’était ni un de tes points forts, ni une de tes activités favorites, mais avec un de tes camarades en renfort, peut-être serais-tu moins mauvais dans l’exercice. De toute façon, tu allais bientôt le découvrir.

Le camarade en question était Terre Brûlée. Plus vieux, et sûrement plus expérimenté que toi, le félin à la fourrure brune avait presque naturellement pris la tête du groupe. Soit. Ca n’était pas toi qui allais te mettre à le supplier de te laisser prendre les commandes du petit groupe : tu n’avais jamais été ce genre d’apprenti qui voulait sans arrêt être le chef de tout et son contraire, et ce n’était sûrement pas aujourd’hui que ça allait commencer. Ca lui allait sûrement très bien comme ça, et cela te convenait très bien comme ça également.

Le vent soufflait d’une rare violence lors de votre passage dans la forêt de bouleaux, et les branches des arbres au-dessus de vos têtes s’entrechoquaient dans un vacarme assez inquiétant. Tu avançais en suivant du mieux que tu pouvais Terre Brûlée, ton épais pelage ballotté par les courants d’air, et avec la sérieuse impression qu’il n’en faudrait pas beaucoup plus pour que tu ne finisses par t’envoler. A l’image de ton compagnon, tu pressais le pas, bien décidé à quitter cette forêt changée en tornade.

A votre arrivée aux Pierres Levées, qui constituaient votre destination, tu avais senti que la pluie était tombée récemment, ce qui n’avait rien d’étonnant au vu du temps exécrable que vous veniez de braver dans la forêt. Terre Brûlée s’était directement dirigé vers le centre du cercle formé par les pierres, et s’était tout de suite mis en alerte.

Il a senti quelque chose.

De ton point de vue, tu avais simplement assisté au plongeon aussi soudain que brutal du félin à la fourrure brune. Après un court moment de flottement, tu avais pu voir ton camarade, triomphant, se rapprocher avec sa prise, avant qu’il n’enterre cette même prise au pied d’une des pierres. Le guerrier était revenu auprès de toi la mine radieuse… et non glisser une remarque aussi acerbe que déshonorante pour sa propre sœur.

Intérieurement, tu avais poussé un long soupir.

Du peu que tu l’avais côtoyé, Terre Brûlée ne te paraissait pas être un si mauvais bougre : En réalité, tu aurais sûrement été ravi de chasser en compagnie d’un guerrier aussi persévérant et ambitieux que lui, s’il n’était pas rongé par cette manie aussi curieuse qu’agaçante de trouver n’importe quel prétexte pour faire passer sa sœur pour une bonne à rien. Tu avais beau ne pas connaitre… euh…ah oui, Muse des Forêts : tu avais beau ne pas bien la connaître, tu doutais fortement qu’elle soit aussi mauvaise dans tous les domaines. Et les petites piques de son frère commençaient doucement à te sortir par les yeux.
Au diable, la diplomatie, tu avais décidé d’aborder le problème de façon frontale, presque en rentrant dans son jeu :

- « Je suis très étonné Terre Brûlée. J’ai beau ne pas être de nature sociable, je n’avais jamais remarqué que ta sœur était lourdement handicapée à ce point. La pauvre, une vie comme ça ne doit pas être simple au quotidien… »

Pas un mot pour sa prise. Tu avais envie de crever l’abcès. Le ton avait bien changé quand tu as formulé ta deuxième phrase :

- « Sérieusement, qu’est-ce que ça t’apporte, de la rabaisser sans arrêt ? Je te promets que je souhaiterais presque qu’un oiseau ne vienne m’arracher les oreilles, si ça pouvait m’épargner tes remarques puériles. »

Ouch. Ca ne lui plairait sûrement pas. Pas du tout, même. Mais il était probablement grand temps que Terre Brûlée soit confronté à la réalité. Il n’y a que la vérité qui blesse, après tout…

- « Tu es un grand guerrier, Terre Brûlée, je n’en doute pas. Mais tu serais encore plus grand, si tu te décidais à apprendre l’humilité. »

Avec vos âges respectifs, tu n’avais pas franchement envie de tourner la discussion en leçon de morale sur le Code du guerrier, et tout ce qu’il sous-entend. Mais s’il s’agit de la seule solution pour que Terre Brûlée apprenne à respecter sa sœur… alors ainsi soit-il.