Les beaux jours reviendront [PV Plwi]

Les beaux jours reviendront.
Souvenirs des  Étoiles & Nuage de Lune
Lune 1205


Courir, accélérer, sauter, ralentir, souffler … reprendre la course. Nuage de Lune courait aussi vite que ses muscles le permettaient. Enivrée par la beauté du paysage, elle n’avait aucune notion du temps. Le soleil brillait haut dans le ciel, ses rayons irradiaient la vallée de lumière. Tout semblait chatoyer de façon presque surnaturelle. Les arbres aux branches recouvertes de neige scintillaient. L’herbe semblait démesurément grande, couchée par le souffle glacée du vent et parsemée de flocons. Les buissons étaient vêtus de ce même blanc éclatant, et les flaques d’eau étincelaient de beauté, reflétant la luminosité du jour. Le ciel était d’un bleu pâle, sans nuages.
Le fumet d’une proie attira alors son attention, l’interrompant dans sa course effrénée. Elle reconnut l’odeur caractéristique du campagnol. Elle se lécha les babines avec délectation, impatiente de planter ses crocs dans la chair délicate du rongeur. Son estomac criait famine. Où était la proie ? Elle tourna dans tous les sens, cherchant la proie avec impatience, mais était incapable de la trouver. Le parfum subtil qui lui chatouillait les narines semblait venir de partout et de nulle part. Et soudainement, une voix lointaine semblant l’appeler lui fit renoncer à son repas. Cette voix … « Vaillance Éternelle ? … Papa ? » Aucune réponse. Elle appela en vain, criant à s’en faire mal, usant ses petits poumons, manquant presque d’air pour respirer. Aucune réponse. Cette voix grave, douce et pourtant assurée, profondément réconfortante … Elle aurait voulu l’entendre encore. Juste une fois de plus. Le silence qui l’entourait désormais lui perça le cœur.

Nuage de Lune s’éveilla en sursaut. Quel rêve perturbant ... et pourtant le fumet de la proie n’avait pas disparu. Se remettant rapidement de ses émotions, la novice réalisa qu’un campagnol était déposé juste devant elle, n’attendant que d’être englouti. Elle leva les yeux et reconnut son chef et mentor, Souvenir des Étoiles. Ah oui, l’entraînement! Son tout premier entraînement ! Que faisait-elle encore à dormir alors que son chef lui donnait de son précieux temps pour assurer sa formation ? Elle fixa le mâle crème. L’expression sur son visage était encourageante, bienveillante. Que venait-il de lui dire ? Elle n’était pas encore bien réveillée.

« Mais avant ça, il te faut prendre des forces. Retrouve-moi à l'entrée du camp une fois que tu auras mangé. »

Elle acquiesça timidement et entama son repas. Tout en mastiquant, elle se demanda encore pourquoi il avait choisi de devenir son mentor. Au fond d’elle, la jeune chatte ébène se sentait coupable. Le temps qu’il passait à l’entraîner était du temps qu’il aurait pu dédier au bien-être du clan. Elle n'avait pas le choix de toute façon, et elle était déterminée à prouver que son temps serait récompensé. L’idée de s’entraîner la remplissait d’énergie. Elle était prête à tous les efforts pour ne pas décevoir son mentor.

Elle engloutit le campagnol en quelques bouchées, savourant la sensation de bien-être que procure un estomac rempli. Bien décidée à être efficace dans son apprentissage, elle s’ébroua et chassa ses doutes. Elle jeta un dernier regard autour d’elle. Tous les autres apprentis étaient déjà partis. Elle avait déjà hâte de raconter sa journée à Nuage du Soleil. Guillerette, elle bondit hors de la tanière et rejoignit Souvenir des Étoiles à l’entrée du camp.

« Je suis prête » dit-elle d’une voix calme.

Elle suivit alors son mentor. Elle était curieuse, quelle partie du territoire allait-elle découvrir aujourd'hui ? Par quels fondamentaux allaient-ils commencer ? Elle était à la fois impressionnée et pleine d’entrain, et plus ils s’enfonçaient dans le territoire de la Lune, plus l’apprentie peinait à contenir son excitation.

Les beaux jours reviendront.
Nuage de Lune & Souvenir des Étoiles
Lune 1205


Alors que Nuage de Lune suivait son mentor, elle ne put s’empêcher de le détailler. Son pelage crème brillait sous les rayons matinaux du soleil. Ses grandes pattes conféraient à sa démarche une allure particulière mais ce n’était en rien étrange, il avait une certaine prestance.

« Dis-moi, Nuage de Lune, qu'est-ce que tu avais le plus hâte d'apprendre au cours de ton entraînement ? »

Ses grands yeux ambrés étaient doux, chaleureux, sa voix était paisible et rassurante. Lune - qui était pourtant de nature timide - sentait d’ores et déjà que les sessions d’entraînements seraient pour elle un refuge où elle pourrait confier ses doutes à plus sage qu’elle.

Tout en marchant, elle commença alors à réfléchir à la question. En vérité, il ne s’agissait pas tellement de ce qu’elle avait le plus hâte d’apprendre, car curieuse comme elle était, à peu près tout était attrayant. Non, il s’agissait plus de ce qu’elle redoutait … Le combat. Elle n’avait pas spécialement peur de se battre, mais elle sentait déjà qu’elle n’aimait pas vraiment ça et elle angoissait à l’idée d’être mauvaise. Mais elle ne pouvait décemment pas répondre ça ; une réponse aussi négative à une question pourtant tellement encourageante ! En y réfléchissant de façon un peu plus poussée, elle avait hâte d’apprendre à chasser. Elle trouvait toutes les différentes techniques dont elle avait entendu parlé tellement impressionnantes ! Oui, voilà quelque chose qui la faisait frémir d’impatience, mettre en pratique ses connaissances pour contribuer à nourrir tous les membres du clan. Cela rendrait fier son père, pour sûr.

« Et bien, probablement la chasse je crois ! »

Elle ne dit rien de plus car elle ne voyait pas vraiment ce qu'elle aurait pu dire d'autre. Elle avait du mal à formuler avec les bons mots ce qui était pourtant si clair dans ses pensées. Mais tout dans son attitude trahissait son impatience de commencer. Le port de tête haut, les yeux pétillants et la mine ravie, elle se forçait à ne pas marcher plus vite que Souvenir des Étoiles pour ne pas le dépasser malgré l’envie débordante de courir partout et de sauter de joie.

« Et toi, qu’est-ce que tu avais le plus hâte de m’apprendre ? »

… Elle en avait d’autres des questions stupides comme ça ? Gênée, elle regarda droit devant elle pour cacher son malaise et éviter de croiser le regard ambré du mâle crème.

Les beaux jours reviendront.
Souvenir des Étoiles & Nuage de Lune
Lune 1205


Heureusement que Souvenir des Étoiles ne lui avait pas tenu rigueur de la stupidité de sa question. Nuage de Lune promenait son regard autour d’elle, tandis que son mentor lui répondait. Elle était déjà convaincue qu’il avait raison lorsqu’il disait que l’apprentissage est un moment merveilleux. Ils n’avaient même pas encore commencé qu’elle frémissait déjà à l’idée de tout ce qu’elle allait découvrir ! Et que dire du fait que le chef préfère la chasse au combat ? La jeune novice était aux anges ! Bien sûr, elle voulait être une bonne guerrière pour son clan, mais elle ne voulait pas se battre. Enfin, c’est surtout qu’elle ne supportait pas l’idée que des chats puissent mettre leur vie en danger pour des querelles claniques. Mais bon, sans doute valait-il mieux taire cela pour l’instant. D’un côté, elle sentait qu’elle pouvait s’ouvrir à son mentor mais de l’autre, comment dire au chef du clan que l’on avait des réticences à combattre pour défendre les siens ?

« Même si... Je ne suis pas pressé qu'il y ait une autre b-bataille. »

… À ces mots, Lune repensa à son cauchemar. Elle doutait fortement que le vide qu’avait laissé son père dans sa vie soit un jour comblé, mais elle savait - étrangement - qu’elle saurait trouver la force de vivre avec. Après tout, elle était loin d’être seule. C’était pour cela d’ailleurs qu’elle non plus n’était pas pressée que le clan de la Lune livre d’autres batailles. Elle ne supporterait pas de perdre ses amis ou son frère. Surtout pas son frère, d’ailleurs.

Souvenir des Étoiles évoqua la possibilité de lui apprendre le pistage, et la petite femelle ne put cacher son enthousiasme ! Ses yeux brillèrent et elle hocha vigoureusement la tête pour confirmer que cela lui plairait grandement. C’était marrant, à ce propos, d’entendre le meneur mentionner son passé de Sentinelle. Lune n’avait pas de réel souvenir d’Étoile de Nuit ; après tout, elle n’avait que trois lunes lorsque Souvenir des Étoiles avait été choisi pour être son successeur. Dans sa tête, il était assez ardu d’imaginer le mâle crème autrement qu’à la tête du clan. Soudain, ce dernier ralentit l’allure avant de plonger son regard dans les yeux pâles de son apprentie.

« Nuage de Lune... Je veux que tu saches aussi que... Un mentor n'est pas seulement là pour t'enseigner à devenir un guerrier. C'est un adulte qui doit pouvoir te conseiller et auquel tu peux te confier si tu as des soucis même en dehors des entraînements. »

Lune inclina légèrement la tête. Elle appréciait le climat de confiance que tentait d’instaurer son professeur. Cela dit, elle n’avait rien de particulier à confier. Certes elle avait des réticences à se battre, mais au-delà de ça, tout allait plutôt bien. Évidemment que son père lui manquait, mais c’était la vie après tout. Sa mort appartenait au passé, et Lune souhaitait plus que tout vivre dans le présent. Vaillance Éternelle veillerait toujours sur elle depuis la Toison Argentée, et pour l’heure, cela suffisait à l’apaiser. C’est ce qu’elle se disait pour se rassurer, en tout cas. Une question, toutefois, trottait dans son esprit.

« Est-ce que .. Est-ce que tu étais proche de mon père ? »

Les beaux jours reviendront.
Souvenir des Étoiles & Nuage de Lune
Lune 1205


« J'aurais aimé dire oui. »

Nuage de Lune observa attentivement Souvenir des Étoiles. Elle n’aurait pas su décrire exactement ce que semblait ressentir le meneur. Elle savait seulement que la lueur de son regard avait changé, s’était transformée en quelque chose de plus sombre, de plus triste. Il regardait la cime des arbres mais semblait y voir bien plus qu’il n’y paraissait.

Lune fut émue d’entendre son mentor expliquer qu’il avait toujours été en retrait par rapport aux autres. Elle était absolument similaire à lui sur ce point. Peu bavarde, peu encline à se mettre en avant. C’était rassurant quelque part, de savoir que même avec ce genre de personnalité plus discrète, il était possible de se retrouver à la tête d’un clan. Non pas que Lune ait la moindre ambition de se retrouver cheffe un jour, surtout pas ! Mais c’était là une preuve évidente que la valeur d’un chat était quelque chose de bien plus complexe que de prime abord. Elle n’avait pas besoin d’être à l’aise, elle n’avait pas besoin d’être une grande oratrice ou très sociable pour être utile à son clan. Voilà qui lui mettait du baume au cœur.

« Mais... J'admirais Vaillance Éternelle. Il était tout ce que je n'étais pas, fidèle à son nom. Et il avait vécu en plus une vie solitaire difficile avant de rejoindre la Lune. »

Oui, c’est vrai qu’il y avait cela aussi. Lune avait parfois tendance à l’oublier, tant son père était un membre emblématique du clan. Cela dit, elle était persuadée que c’était aussi ce passé qui avait fait de lui le guerrier qu’il était. Même s’il était né et avait grandi au sein du clan, les lunes qu’il avait passées en errance avaient été suffisamment longues pour influencer durablement son être. À son retour, il était plein de gratitude, de reconnaissance. Pas dans le sens où il se sentait désolé d’être là, ou que chacune de ses actions servait à payer une dette, mais plutôt dans celui où il avait pleinement conscience de la chance qu’il avait d’appartenir à un clan, qu’il comprenait pleinement la signification de vivre selon un code, que chacune de ses actions se mesurait toujours en conséquences. C’est parce qu’il avait côtoyé la mort très tôt qu’il appréciait à sa juste valeur la vie. C’est parce que les étoiles avaient un jour été voilées qu’il ne se lassait jamais de leur éclat. Nuage de Lune n’avait que de l’admiration pour son défunt père, et elle espérait un jour être aussi valeureuse que lui.

Souvenir des Étoiles lui demanda alors ce dont elle se rappelait de Vaillance Éternelle. La jeune femelle garda le silence un instant. De sa vie de guerrier, elle ne savait vraiment que ce que d’autres lui avaient conté. De sa vie de père, elle n’était pas capable d’extraire un souvenir précis de sa mémoire.

« Je me souviens de sa tendresse. Elle était partout. Dans son regard, dans ses gestes, dans ses paroles. Il nous aimait tellement, Soleil et moi. »

Des larmes perlèrent à ses paupières. C’était étrange ; elle s’était senti si bien tout au long de cette conversation, pourquoi craquait-elle maintenant ? L’amour de Vaillance était partout. Il aimait profondément son clan, ses terres, ses amis, sa compagne, ses enfants … Sa vie, bien que guidée par la vaillance, avait aussi et peut-être surtout, été guidée par l’amour. Cette idée était à la fois si belle et si forte, que la jeune novice ne pouvait empêcher ses larmes de couler. Mais ce n’était pas là des pleurs emplis de tristesse. Il n’y avait que cette beauté, cet amour qui était partout. Elle releva des yeux farouchement déterminés vers son mentor.

« Cela prendra sûrement du temps, mais un jour, je serai comme lui. Et ça commence dès aujourd’hui, avec cet entraînement. »