EVENT- Mission 10

Mission 10

Sur la piste

Rayon de Soleil, avec Périple des Cieux et Ivresse des Nuages, lune 1212

Le soleil avait continué briller jour après jour, comme pour les narguer du malheur qui avait assombri leurs coeurs. Certains été plus touchés que d’autres, mais tous se sentaient concernés par le malheur qui s’était abattu sur les clans. Rayon de Soleil avait patrouillé sans relâche, jour après jour, il n’avait pas effectué ses devoirs de sentinelles pour protéger les frontières des autres clans cette fois mais pour essayer de retrouver un passage, une trace, n’importe quel indice permettant de savoir où se trouvaient les solitaires. Les premiers jours, ses blessures de la batille contre le clan du Tonnerre lui avaient rendues la tâche difficile, ses balafres ne cessaient de se rouvrir. Il n’avait pas eu le droit de rejoindre une patrouille inter-clanique de suite pour aller au delà du territoire luneux.

Mais ce jour était finalement arrivé, il était parti ce matin là accompagné de Périple des Cieux. Les deux rouquins devaient se rendre jusqu’aux terres riveuses pour y rejoindre une guerrière de ce clan et remonter vers la plage et les terres des bipèdes. Si le jeune guerrier avait promis de laisser le ressentiment derrière lui pour un temps, il devait s’avouer soulagé de ne pas avoir à faire à des tonnerreux. Bientôt ils avaient laissés le versant luneux de la montagne derrière eux et pouvait voir la rivière sinueuse s’enfoncer dans les terres riveuses. Le lieu du rendez-vous ne devait plus être très loin.

Rayon de Soleil avait prévu de laisser Périple des Cieux, de loin son aîné, prendre la parole en premier. Mais en voyant la féline qui les attendaient sur la berge, il ne pu s’empêcher de souffler, sentant son coeur bondir dans sa cage toracique.

« Ivresse des Nuages ! »

Voilà quelqu’un qu’il ne s’attendait pas à revoir dans ces conditions, mais cela ne lui déplaisait pas. Enfin, il était quand même heureux d’avoir seulement murmuré cette exclamation, hors de question que l’intéressée ne l’entende, il pouvait même espérer que Périple des Cieux serait passé à côté. Il tente de se départir de son sourire trop enthousiaste tandis qu’il l’a salue, déjà parce qu’il n’oublie pas que c’est juste une connaissance, attention lui ne va pas se laisser embarquer dans des histoires comme sa soeur, et aussi parce que l’heure est assez grave après tout.

« Salut, je ne sais pas si tu te rappelles de moi - on s’est déjà croisés sur une frontière, fait-il avec un regard en coin pour expliquer à Périple des Cieux, prenant soin d'épargner les détails et reprenant de manière plus diplomate à l'attention de la riveuse, je suis Rayon de Soleil, et voilà Périple des Nuages, est-ce que c'est loin d'ici ce coin à bipède ? »

Il supposait que d’ici, ils devaient se laisser guider le long de la rivière pour rejoindre la côte.

Lorsque le soleil avait baigné la Vallée de ses rayons dorés, pour couvrir entière, la forêt de son halo chaleureux, Ivresse des Nuages avait frémit, lasse & fatiguée. Hier encore, elle n'avait pas fermée l'oeil de la nuit, agitée par des songes cauchemardesques ou ses cris habituels se mêlaient cette fois-ci à ceux des chatons disparus, et elle s'était éveillée plusieurs fois en sursaut, tremblante et fiévreuse de sueurs froides, l'estomac noué et l'esprit embrumé des images effrayantes qui l'avaient happés dans ses pires craintes.

Lorsqu'elle avait enfin osée quitté son nid, pour affronter le monde désormais chamboulé des précédents événements, Ivresse avait pleurée. Si l'idée de se dire que le monde était désormais à son image, c'est à dire ; excessivement triste et accablé de désespoir, elle ne l'enchantait pas le moins du monde. Pas plus lorsqu'elle réalisait tous ce que cela impliquait. Flocon de Neige était toujours aux portes de la mort, son déclin acheminait sa route dans un état végétatif où l'on ne savait point si elle reviendrait un jour parmi les siens. Pendant ce temps, Brume Argentée semblait agitée et dispersée, sa tante tentait tant bien que mal de garder la face, mais quiconque n'était pas assez stupide pour ne pas le voir, perçait à jour rapidement le subterfuge, et celui de son incapacité à gérer la situation actuelle. Ivresse savait pertinemment qu'au fond, Brume Argentée se plongeait dans cet état nerveux & impulsif pour éloigner les remords qui l'accablaient. C'était maintenant, qu'elle réalisait très certainement qu'il était peut-être trop tard pour dire les choses qu'elle aurait voulu dire à sa mère, et que si Flocon de Neige ne rouvrait jamais les yeux, alors la femelle argentée serait forcée de vivre éternellement avec des regrets qu'elle enterrerait elle même dans sa propre tombe. Alors, lorsque Mélodie des Étoiles avait annoncée la mise en place de missions inter-clanique pour retrouver les chatons disparus, que tout naturellement, Ivresse des Nuages avait glissée à sa tante, d'un ton léger et encourageant ; "c'est toi qui devrait rester au chevet de Flocon de Neige, c'est aussi toi qui devrait lui parler à son réveil, je suis persuadée qu'elle sera ravie de te voir." La reine argentée l'avait lorgné de haut en bas, un peu trop fière pour admettre qu'elle était soulagée, mais le fond de ses pupilles vairons, trahissaient non sans peine toute la douleur et la reconnaissante qu'elle éprouvait à ce moment, et Ivresse ne s'était pas attardée au soupir exagérée qu'avait soufflé Brume Argentée comme seul réponse à ses paroles.

Puis, les missions avait été assignées à chacun, et Ivresse avait ouvert les yeux grands lorsque son nom était apparut parmi les participants. Que sa soeur et son autre tante en fasse partie, n'avait rien de surprenant pour la femelle rouge, mais que sa propre personne soit désignée pour les recherches, ça c'était tout autre chose. Déjà, parce que Ivresse n'était pas la chatte la plus causante et dévouée aux premiers abords, non pas qu'elle était indifférente aux devoirs de Clan, mais plutôt parce qu'elle était tellement effacée et solitaire la plupart du temps, qu'elle était presque étonnée lorsqu'elle se rendait compte qu'elle existait bel & bien aux yeux des autres.

Mélodie des Étoiles, l'avait mandaté avec une patrouille composé de deux autres luneux, Périple des Nuages et... Rayon de Soleil. Si ça c'était une surprise ! Le souvenir du jeune mâle roux au sourire éclatant rayonnait encore bien trop présent dans son esprit et leurs échanges timide mais sincère avait embaumé son coeur de légèreté. La jeune femelle n'oserait jamais l'avouer à quiconque, mais les vestiges de cette journée avaient flottés plus d'une fois dans son esprit, déjà parce que celle-ci aurait pu être sa dernière, elle n'oubliait pas, ce pourquoi elle s'était rendu si près des terres du Clan de la Lune, ainsi le jeune mâle de par sa présence réconfortante et son naturel optimisme, lui avait peut-être réellement sauvé la vie. Encore aujourd'hui la femelle rousse ne savait pas si elle aurait eu le courage, ou la lâcheté selon les points de vu de certains, de sauter du haut de cette falaise pour s'ôter la vie, et pourtant, Rayon de Soleil lui avait fait éviter un probable drame, et pour ça, elle savait qu'elle devrait un jour le remercier. Aurait-elle un jour le courage de lui dire ce qu'elle s'apprêtait véritablement à faire ce jour là ? Ou le savait-il déjà quelque part ? Une inconnu qui fixait le vide désespérément, ne présageait, généralement rien de bon.

Pourtant, malgré la situation actuelle dans laquelle se retrouvait les cinq Clans de Valeemar, Ivresse des Nuages ressentait moins de poids sur ses épaules à l'idée de partager cette mission en compagnie du jeune mâle, et elle se disait que peut-être même que son acolyte, Périple des Cieux pouvait également être d'agréable compagnie. Elle fut la première arrivée sur le lieu de rendez-vous, à demi entre les terres riveuses et les prémices des terres des bipèdes, et rapidement, l'environnement stressant du Territoire des Bipèdes ne mit pas longtemps à balayer ses bonnes résolutions et l'angoisse grimpa en pique, des frissons électrique frappait toute son échine jusqu'au bout de ses pattes et elle se dit qu'il était peut-être plus sage pour elle de rentrer, surtout qu'elle n'était pas très loin. Elle ne serait d'aucune utilité si une crise d'angoisse l'envahissait maintenant, et l'idée d'être un poids pour la mission lui était tellement insupportable, qu'elle préférait être inutile au camp plutôt qu'au milieu de nul part entourée d'inconnus qui la jugerait probablement de par son rang inférieur et son incapacité à gérer la situation. Après tout, Ivresse était la seule apprentie du groupe et la seule qui ne faisait pas partie de leur Clan à eux, les deux matous seraient à coup sûr plus efficaces sans elle. Et pendant qu'elle se montait le crâne de suppositions sinueuses et que ses idées noires reprenaient le dessus, deux silhouettes se détachèrent dans l'horizon, et bientôt, elle reconnut non sans mal la fourrure rousse et le sourire rayonnant du jeune mâle, accompagné de son comparse tout aussi roux affichant quand à lui une frimousse timide et renfrogné. Rayon de Soleil fut le premier à prendre la parole, et comme fidèle à son nom, ses mots réchauffèrent un peu le coeur d'Ivresse qui était en alerte.

« Salut, je ne sais pas si tu te rappelles de moi - on s’est déjà croisés sur une frontière, il lança un regard entendu à son comparse, sûrement pour le rassurer que leurs échanges avait été purement cordial et sans accrocs, puis son attention revint à la jeune femelle, je suis Rayon de Soleil, et voilà Périple des Nuages, est-ce que c'est loin d'ici ce coin à bipède ? »

Ivresse papillonna des yeux, incapable sur le moment de dire quoi que ce soit, elle ne savait pas vraiment par quoi commencer, une partie d'elle mourrait d'envie de le remercier d'avoir été là ce jour parce quelque part, il lui avait sauvé la vie, une autre partie lui disait de se taire parce qu'elle allait se faire passer pour folle et les deux félins allaient la regarder de travers tout le long de la mission alors elle se contenta de murmurer.

« Ou.. Oui je me souviens de toi, elle réalisa qu'elle parlait vraiment très faiblement et ajouta un peu de ton à sa voix, Bonjour à vous deux, je suis Ivresse des Nuages, elle se présentait surtout à son autre interlocuteur qui lui ne savait pas qui elle était, et non, nous ne sommes pas très loin, on peut déjà apercevoir les structures où ils posent leurs étranges toiles durant la Saison des Feuilles Vertes, par contre, leurs territoires est tellement vaste qu'on ne parvient pas à en voir le bout, il y a même des chats domestiques et des chats errants par là-bas... Peut-être que si on les interroge on pourrait trouver des indices sur où se trouve la Horde ? »

Comme à son habitude, Ivresse n'était pas vraiment à l'aise à l'idée de prendre des initiatives ou de proposer des marches à suivre, son manque de confiance en elle la poussait toujours à se réfugier dans l'approbation des autres mais lorsqu'elle croisait les regards chaleureux et amicaux de Rayon de Soleil, ses murs de doutes s'écroulaient quelque peu et elle avait envie de lui accorder sa confiance, ne serait-ce que pour cette fois. De toute façon, les deux félins ne seraient pas amenés à se revoir autrement que durant les Assemblées, alors elle pouvait bien profiter du confort que lui procurait la présence du jeune félin, même si ça pouvait paraître quelque peu égoïste, la jeune apprentie n'avait tellement jamais de répit pour elle même, que l'idée de se laisser aller un peu à un nouveau mode de fonctionnement ne lui déplaisait pas, alors elle esquissa simplement un sourire timide au félin roux et glissa une oeillade amical à son camarade.

Lorsqu'il s'était réveillé au petit matin, il n'aurait jamais pu croire à ce qu'il s'était passé. Il avait fait partie des guerriers devant garder le camp. il devait les protéger.
Mais face au danger, il avait tremblé.

Jamais il ne s'était senti si faible.

Comment avait-il pu aller se reposer lorsque le danger rode dans les feuillages ? Comment avait-il pu se défiler lorsqu'il avait aperçu seulement de petites silhouettes dans la nuit ?
Pourquoi n'avait-il pas deviné que c'était un enlèvement ?

Il aurait dû aller voir. C'est ce qu'il se répète en boucle depuis le drame. Des regrets le tourmentent, c'est indéniable.
Mais à présent, il a peur.
Peur de tomber sur des solitaires, peur de devoir se battre. Peur de devoir retrouver les chatons.

Il était un bien piètre guerrier comparé à son frère.
La nuit dernière, il n'avait rien fait, alors que les autres étaient sur le chemin de la guerre.

Enfin, la voix Rayon de Soleil le sortit de ses pensées.

Lui au moins avait eu le courage de se battre.

« Salut, je ne sais pas si tu te rappelles de moi - on s’est déjà croisés sur une frontière, je suis Rayon de Soleil, et voilà Périple des Cieux, est-ce que c'est loin d'ici ce coin à bipède ? »

En face dès deux mâle, la présumée Ivresse des Nuages se tenait là. Le mâle ne pouvait s'empêcher de penser qu'alors même que de multiples Lunes d'expérience les séparaient, il ne valait guère mieux qu'elle. Elle lui semblait plus courageuse et forte en tout point. Et rien que cette propre pensée le fit blemir.
Et si ils rencontraient des solitaires ? Allait-il se défiler comme il l'a fait ?

« Bonjour à vous deux, je suis Ivresse des Nuages. »

Le mâle roux toujours dans ses pensées ne lui répondit que d'un timide signe de tête.

« Et non, nous ne sommes pas très loin, on peut déjà apercevoir les structures où ils posent leurs étranges toiles durant la Saison des Feuilles Vertes, par contre, leurs territoires est tellement vaste qu'on ne parvient pas à en voir le bout, il y a même des chats domestiques et des chats errants par là-bas... Peut-être que si on les interroge on pourrait trouver des indices sur où se trouve la Horde ? »

Comme à son habitude, la Sentinelle restait en retrait. La jeune apprentie connaissait bien mieux le territoire ; elle devrai donc être la plus enclin à les guider.

« P-pourquoi pas oui... - sa voix était si basse qu'il avait crains qu'on ne l'entende pas. Il a donc repris, d'un ton se voulant plus ferme - J-je propose que l'on te suive I-ivresse des Nuages.»

Un échec cuisant. Au lieu de paraître ferme et assurée, sa voix avait été tremblotante, et bien pittoresque. On aurait cru que le mâle s'était coincé une souris dans le gosier !

Alors, il détourna la tête, gêné par cette nouvelle ridiculisation. Actuellement il n'avait qu'une envie ; que le groupe se mette à marcher et que personne ne relève ce petit moment de gêne.

Les yeux du guerriers papillonaient, allant se poser sur la rivière, sur les étranges habitations de bipèdes désignées par Ivresse au loin, mais inlassablement surtout ils revenaient se poser sur elle, elle avait parlé d’une voix faible et une part de lui même s’inquiéta, est-ce qu’elle était malade ? Lui était-il arrivé quelque chose depuis leur dernière entrevue ? Ou est-ce que c’était la perspective de cette mission à trois qui la mettait mal à l’aise ? Non- pire encore, est-ce que c’était sa présence à lui qu’elle ne voyait pas d’un bon oeil ? Ces questionnements inhabituels lui firent passer comme une sueur froide dans le dos dont il chercha à se débarasser rapidement en s’ébrouant. Durant ce temps, Périple des Nuages s’était également présenté, sa voix peut-être plus faible encore que celle de la riveuse. Rayon de Soleil lui adressa un sourire rassurant, comme pour lui dire “tu vois, on est comme toi”.

Les deux luneux emboitèrent ainsi le pas derrière la femelle du clan de la rivière, ils devaient longer durant de longues minutes le cours d’eau avant de finalement s’en séparer pour bifurquer vers le pan de terres investi par les bipèdes. Rayon de Soleil, par respect, tentait de ne pas laisser trop ses yeux traîner sur les terres riveuses mais il ne pouvait s’empêcher de se montrer curieux de comment vivait ce clan, Ivresse avait peut-être un coin de pêche favori par ici, avait reçu son premier entraînement au combat là bas... Faisant quelques bonds, il remonta à la hauteur d’Ivresse des Nuages pour marcher à ses côtés.

« Nous n’avons jamais à faire aux bipèdes dans notre clan, vous en croisez souvent vous ? Il ne vous causent pas trop de soucis ? »

Fit-il d’un air jovial, il cherchait à détendre l’atmosphère, lui même se tenait sur ses gardes, l’optique de devoir croiser et interroger des solitaires ne l’enthousiasmait guère mais il ne tenait pas à montrer qu’il se tenait sur le qui-vive.

Soudainement alors qu’ils venaient de quitter les terres riveuses, bifurquant en et laissant derrière eux la rivière couler vers la mer, une étrange odeur vint piquer les narines du rouquin, une odeur nauséeuse qui failli le faire tirer au coeur, il ne lui fallut pas longtemps pour trouver la provenance d’une odeur si forte, les restes d’un poisson avaient été abandonnés à la merci du soleil et des vents sur une pierre plate depuis au moins plusieurs jours il semblait, les mouches s’agglutinaient dessus. Grimaçant sans pouvoir cacher son dégoût, Rayon de Soleil restait interdit devant.

« Qu’est ce que vous en pensez ? Ca ne serait pas un des tiens qui aurait fait ça si ? »

Fait-il en se tournant vers la riveuse, mais aucun félin en âge de chasser doté d’un cerveau ne laisserait ainsi des restes à l’air libre si proche de ses propres terres, c’était la manière la plus sûre d’attirer un prédateur.

Lorsque le deuxième félin qui lui été inconnu ouvrit la gueule pour se présenter, elle l'entendit à peine tant il parlait faiblement, elle eu un sourire en coin qui s'étira sur son visage, finalement, elle n'était pas la seule à avoir du mal à s'exprimer avec autrui, c'était un peu réconfortant quelque part. Elle tenta de paraître rassurante afin que Périple des Cieux ne se sente pas mal à l'aise en sa présence, mais elle savait que son visage était triste et terne et que le matou y trouverait peu de consolation. Alors, elle se contenta de marcher, et accéléra un peu le pas afin de laisser les deux matous entre eux, elle n'avait pas envie d'être intrusive et elle avait bien conscience que sa présence n'était pas forcément la bienvenue, même si les deux autres n'en montraient rien.

Le paysage qui défilait sous ses yeux la semait d'angoisse, elle n'aimait vraiment ça. Être loin de chez elle, et plus elle s'éloignait, plus le bruit assourdissant des torrents s'éteignait. Pour ne laisser que le sifflement du vent. Ces terres où vivaient les bipèdes ressemblaient davantage aux terres des chats du Vent, le terrain était vaste et dépeuplés d'arbres, il n'y avait que la présence des étranges toiles. Le bon côté était  que l'hiver venant de s'achever, l'endroit ne regorgeait pas encore de bipèdes comme en été. Alors, Ivresse soupira un peu, tentant de défaire toutes les questions qui lui embrumaient l'esprit et l'empêcher de se détendre complètement. Elle n'avait pas envie de trop penser aujourd'hui, une mission importante reposait sur elle et les autres, et si elle ne faisait pas attention, elle pourrait manquer dans indices primordial. Bientôt, les trois félins passèrent par un chemin qui les rapprocha davantage du Clan de la Rivière, et Ivresse se détendit un peu, s'engouffrer sur les terres des bipèdes n'avait rien de bon, il valait mieux détourner leur camp par les terres riveuses, et au moins ici, elle se sentirait plus en sécurité et à l'aise. Elle leur montra une voie plus sure, ou il fallait grimper par des roches pour remonter le torrent au sens inversé, puis ils arriveraient sur des terres plus reculés de bipèdes, plus loin, là-bas vivaient les chats errants et les solitaires.

Soudain une présence la fit sursauter, elle n'avait pas remarquée que Rayon de Soleil s'était approchée d'elle, elle sentit l'embarras lui piquer sous la fourrure, elle perdait un peu ses moyens en présence du rouquin.

« Nous n’avons jamais à faire aux bipèdes dans notre clan, vous en croisez souvent vous ? Il ne vous causent pas trop de soucis ? »

Ses yeux papillonnèrent et elle ouvrit la gueule pour répondre immédiatement mais les mots lui manquaient, alors elle réfléchissait à la meilleure façon d'aborder sa question.

« Non.. Là où est notre camp, n'est pas accessible pour les Bipèdes, ils préfèrent se rendre où il y a le Lac Salé, de l'autre côté de leur camp à eux, donc ils laissent la rivière tranquille, ainsi que la forêt. Mais il arrive que certains pêcheurs remontent par ici et viennent s'installer pour la journée nous voler notre poisson. On peut pas y faire grand chose alors on se contente de les éviter. »

Son regard croisa celui de Rayon de Soleil, et Ivresse sentit des frissons lui montaient le long de l'échine, ses yeux s'agrandirent et elle détourna aussitôt son regard du jeune mâle, elle se sentait idiote et immature en sa présence, elle ne savait pas pourquoi, mais pleins d'émotions l'envahissaient, elle n'avait pas l'habitude de ressentir quoi que ce soit, le vide étant son fardeau constant. Mais lorsque Rayon de Soleil était dans son périmètre alentours, elle le sentait rayonnant autour d'elle, presque écrasant de par sa spontanéité et bonne humeur perpétuelle. Comment ce félin faisait-il pour sourire toujours autant ? Comment faisait-il pour se sentir vibrant de vie quotidiennement ? Elle en était bien incapable.

Alors, elle n'osa pas lui retourner la question, comment c'était au Clan de la Lune alors si il n'y avait aucun bipèdes ? Avait-il d'autres genre de prédateurs ? Elle se perdit à nouveau dans ses pensées tandis que le jeune mâle cheminait toujours à ses côtés, elle tenta d'ignorer les battements nerveux de son cœur et les tremblements dans ses pattes, elle tenta d'ignorer ses envies irrépressibles de fuir également et se concentra sur la ligne invisible qui stagnait à l'horizon, peut-être qu'à force de fixer un point précis, un aïeux du Clan des Etoiles se présenterait à elle ? Mais elle n'eut pas besoin d'une tel illusion car bientôt une odeur forte familière et nauséabonde de poisson vint frapper les sens olfactif des trois félins. Le nez d'Ivresse se fronça, elle qui avait pourtant l'habitude de sentir ce genre  d'odeurs elle devait bien reconnaître que jamais les félins de la Rivière ne permettait qu'un stade de décomposition aussi avancé atteigne les portes de leur camp. Ce poisson était ici depuis un moment, et au vu de la peau visqueuse qui ne faisait qu'une à présent avec la surface dur de la pierre, il avait du attendre ici depuis plusieurs jours.

« Qu’est ce que vous en pensez ? Ca ne serait pas un des tiens qui aurait fait ça si ? »

Ivresse observa longuement la chair en décomposition.

« Impossible, même si le poisson abonde en cette période, nos valeurs nous empêche formellement de gaspiller de la nourriture et puis surtout parce qu'elle peut attirer des prédateurs. Elle renifla sur un périmètre plus éloigné. Ca ne peut pas être un bipède non plus, il leur arrivent de pêcher puis de laisser les restes des entrailles derrière eux, mais là, on voit clairement que le poisson est entier, et surtout les marques de crocs laissent présager que c'est un chat, et non pas l'œuvre d'un chien ou d'un renard. Le plus étrange c'est que laisser les poisson à vu sur un rocher est une méthode qu'on utilise quand on pêche en groupe pour entasser toute nos proies avant de repartir au camp.. C'est une méthode que seul un félin du Clan de la Rivière est au courant... »

Peut-être un piège ? Les sens en alerte, elle fouilla aux alentours, il y avait deux possibilité à ce que ce poisson soit là, soit un félin qui n'avait pas eu le temps de finir son butin s'était enfui en laissant ses restes derrière lui, soit.. Bingo ! A l'intérieur des entrailles, entre deux chairs décomposés, étaient posés quelques baies ténébreuses. Des belladones. Il n'y avait plus de doute à avoir, le chat qui avait laissé ça là n'était personne d'autre que Elixir de Belladone en personne, en posant le poisson ainsi, elle avait du tenter de faire entrer du poison dans le Clan afin de les berner, ou alors c'était simplement un avertissement. Il n'y avait qu'elle pour pouvoir être au courant des anciennes traditions du Clan de la Rivière, après tout sa mère avait été des leurs.

« Ici, des baies. Il n'y que Elixir de Belladone pour faire ça... Mais pourquoi ? Ca ne me plaît pas, mais on devrait peut-être trouver des solitaires pour en apprendre davantage. »

Elle leur indiqua une route à prendre qui s'engouffrait plus loin entre la forêt et le camp des bipèdes. Ils allaient devoir longer un peu les terres du Clan du Tonnerre, mais au vu du contexte actuel, ça n'avait plus beaucoup d'importance. Avant de partir, elle enterra profondément le piège mortel qu'avait laissé la meneuse de La Horde, personne ne s'amuserait à manger un poisson dans un tel état de décomposition, mais par sécurité, Ivresse préférait s'en débarrasser. Ils continuèrent la route un moment, désirant s'isolée, elle préférait rester au devant de la patrouille afin de les guider, c'était la bonne excuse pour leur laisser de l'espace, et puis, au bout d'un moment, elle se dit que peut-être qu'au contraire, à tout faire pour s'exclure du groupe, les autres allaient penser qu'elle n'avait pas envie de patrouiller avec eux, elle ralentit sa démarche jusqu'à arrivée à hauteur de Rayon de Soleil, qui étrangement la mettait à l'aise et mal à l'aise en même temps, par ailleurs, elle saurait incapable d'expliquer le pourquoi du comment.

« Et sinon... Ca va rien de casser après l'affrontement contre le Clan du Tonnerre ? »

Ivresse des Nuages avait entendu parler de ce fameux conflit qui avait éclaté entre les deux Clans et curieusement, la première pensée qui l'avait frappé en l'apprenant, était : est-ce que Rayon de Soleil est indemne ? A leur arrivés ici, elle l'avait examinée avec précaution, il présentait en effet quelques entailles, et elles paraissaient assez douloureuses, pauvre Rayon de Soleil.. Des larmes lui montèrent aux yeux, ah non hein pas maintenant ! S'écria-t-elle intérieurement. Elle maudissait son hypersensibilité, même Nuit Polaire avait été surprise de la voir pleurer lorsqu'elle partait en chasse et qu'Ivresse devait ôter une vie. Elle en avait assez de tout ressentir trop fort lorsqu'elle n'était pas coincée dans une dimension où elle ne ressentait que le vide. Sa vie était semée d'ascenseurs émotionnelle constant, et ça l'épuisait énormément. Elle aurait préférée ressembler davantage à sa sœur, Nuage de Feu était pleine de vie et saisissait toujours le moment présent avec beaucoup d'enthousiasme, il lui arrivait même de se demander si il arrivait à sa sœur de ressentir la peur ? Quand à elle même, elle était terrorisée en permanence.