What a (dis)pleasure to meet you ! // Ft Âme de Venin

Il y a des journées durant lesquelles la solitude est agréable. Aujourd'hui en fait partie. Le camp était paisible, alors tu t'es éclipsée pour te lancer dans une petite partie de chasse en solitaire. La journée est déjà bien avancée, et tu sais que les poissons seront nombreux à t'attendre gentiment dans la rivière. T'aurais pu emmener ton apprentie, elle n'est pas embêtante, et un entrainement à la pêche ne fait jamais de mal. Mais, tu as préféré la laisser un peu tranquille. Il faut lui occuper l'esprit et les pattes, mais la surmener ne servirait à rien. Alors que tu arpentes le territoire, quelques petits rongeurs s'enfuient à toute allure, mais tu n'y prête pas une grande attention. Ton dévolu s'est jeté sur la rivière, celle qui borde le territoire du Clan du Tonnerre. Vu la position du soleil, tu pourras te positionner sans mal pour que ton ombre ne porte pas sur l'eau. Ce sera un jeu d'enfant, et tu espères bien ramener autant de poissons que tu pourras en porter jusqu'au camp. Une brise fraiche ne tarde pas à t'indiquer que tu es proche de ton but. En ce moment, l'air est agréable, et tu aimes passer du temps à l'extérieur du camp. Bien sûr, c'est toujours avec un objectif utile. Soit la chasse, soit une patrouille. Quoi qu'il en soit, tes quatre pattes semblent pouvoir te porter n'importe où, en ce moment et c'est une sensation rafraichissante. Sans doute un effet secondaire de la saison des feuilles nouvelles, et tu ne t'en plaindras pas.

Une fois au bord de la rivière, tes pas se font plus léger, et tu tâches de ne pas trop montrer à tes futures proies que tu es là. Il serait bien dommage de leur gâcher la surprise. Ronronnant de contentement à la perspective de commencer à pêcher, tu commences à te positionner. Mais, une odeur étrange vient taquiner tes narines. C'est une odeur forte, désagréable et à la fois familière. Comme du gibier qui serait resté un peu trop longtemps au soleil, et qui rendrait malade le premier malheureux qui oserait y planter ses crocs. Donc... il ne peut s'agir que du Clan du Tonnerre. Et toi qui espérais être tranquille ! Tu te redresses pour laisser l'autre chat rentrer dans ton champ de vision, pour finalement découvrir la silhouette d'Âme de Venin. Cette chatte possède une réputation qui la précède, mais elle ne t'impressionne pas pour autant. Si elle ose s'approcher de trop, tu lui arracheras son oreille restante. Toutefois, il n'y a pas trop de risques ! Il faudrait qu'elle ose essayer de traverser la rivière, et tu doutes qu'elle s'embarque là dedans, même si ça pourrait être très amusant à regarder. « On devrait interdire à la puanteur du Clan du Tonnerre de traverser la frontière, c'est vraiment répugnant. » lances-tu en faisant mine de grimacer. C'est vrai, ça ! Même s'ils ne mettent pas une patte de ce côté de la rivière, leur odeur est si forte que l'on pourrait se tromper ! « Mais navrée, j'en oublie la politesse. Salutations, Âme de Venin. » reprends-tu sur un ton tout aussi provocateur. On peut dire qu'elle porte bien son nom, et c'est le seul « compliment » que tu voudras bien lui faire. S'il s'agissait d'une autre frontière, d'un autre clan, tu serais peut-être un peu moins désagréable. Mais voilà, tu ne portes pas le Clan du Tonnerre dans ton coeur. En plus, le souvenir de la mort d'Aube Douce, suite à son passage en ces lieux et en compagnie de vos voisins te laisse un goût encore plus amer que le parfum de l'autre chatte.

L'autre guerrière semble aussi en pleine partie de chasse, mes tes quelques paroles ont aisément suffit pour la faire lâcher sa proie, et se rapprocher du bord de l'eau. Comme d'habitude, les membres du Tonnerre sont aussi faciles à titiller que des chatons. Tu n'avais pas prévu une telle tournure des événements, mais après tout ça pourrait pimenter ta journée. Les patrouilles sont trop calmes, ces derniers temps. C'est presque comme si vos voisins étaient devenus invisibles. Du moins, jusqu'à maintenant... Et, tant que chacune reste de son côté de la frontière, il n'y a pas de raison que les choses s'enveniment de manière gênante. En plus, tu sens que ça risque d'être intéressant, car l'autre chatte ne perd pas de temps avant d'essayer de te hérisser les poils à son tour. Tu dois reconnaitre qu'elle a une bonne répartie, mais ça remarque t'amuse plus qu'autre chose. Ce n'est pas grave, si elle ne connait pas ton nom. Ce n'est pas nécessaire pour lui laisser un petit souvenir irritant comme il se doit. Qui sait, le mystère a parfois plus à offrir, dans certaines situations ! « Oh, je n'en attendais pas moins. Tu sais, on est déjà surpris quand vous retenez les noms de vos propres camarades. » réponds-tu donc avec sarcasme, la voyant s'asseoir sans discrétion au plus près de la rivière. Tu vois bien ce qu'elle essaie de faire. C'est même une bonne idée, du moins en théorie. Le nid de la rivière est large. Alors, Venin effraie les poissons de son côté, ce qui les envoie tout droit vers toi. Qui aurait cru que sa présence pourrait devenir utile ?

Ton regard perçant guette alors la surface de l'eau, avant de repérer un poisson qui cherche à éviter la tonnereuse. D'un coup de patte, tu l'éjectes en direction du sol, et l'achèves d'un coup de croc. Cette victoire est si satisfaisante, que ses provocations te paraissent moins cinglantes, même s'il y a une part de vérité. Avec la rivière gelée, vous avez dû revoir vos habitudes. La chasse n'est pas votre spécialité, pas autant que la pêche, et cette saison a mis à l'épreuve vos capacités d'adaptation. Le bout de ta queue s'agite avec une pointe d'irritation, mais tu ne lui donneras pas plus de satisfaction. Ton regard se porte sur le poisson que tu viens de tuer, avant de se diriger vers elle. « Et bien, si tu continues à m'aider ainsi, je devrais pouvoir remplumer mes camarades en moins d'une heure ! » S'il y a bien une chose qui t'amuse, c'est de retourner ses provocations contre elle. Bon, c'est toi qui a commencé cette petite joute verbale, mais là n'est pas la question ! Tout à coup, tu arbores une mine presque inquiète, qui est bien entendu totalement empreinte de cynisme. « Mais, il faut vous estimer heureux. Si à l'inverse, vos proies avaient disparu, vous auriez été incapables de pêcher pour survivre. » Et oui, il est bon de lui rappeler que même si vous n'êtes pas les plus doués pour la chasse, eux ne parviennent pas à pêcher du tout. La plupart du temps, ils refusent même de se mouiller une patte ! Si tu as appuyé sur un terme en particulier, c'est bien pour lui faire comprendre qu'au fond, le Clan du Tonnerre est simplement moins compétent que celui de la Rivière.

Même si l'autre chatte exagère sans nul doute, il est difficile de nier que le Clan de la Rivière est le mieux nourri des cinq. Toutefois, tu n'y vois pas de honte. Si vous mangez autant que possible en été, les complications de l'hiver vous paraissent moins terribles. Et au final, votre clan reste le plus fort. Votre style de vie ne nécessite pas une silhouette aussi fine et rapide que les guerriers du Clan du Vent, et vous vous y êtes habitués au fil des générations. Vos pattes musclées sont faites pour résister au courants, et vos pelages épais vous permettent de nager même lorsqu'il fait très froid. Et ça ne vous empêche pas de courir, de chasser d'autres proies. Tous les clans ne peuvent en dire autant. Tu suis son mouvement du regard, alors que la chatte du Tonnerre s'éloigne un peu de l'eau, et s'étire sur une zone ensoleillée de la berge. Mentalement, tu souris. Elle ne veut plus t'aider à pêcher, c'est bien dommage car c'était amusant, même si tu t'en sortiras aussi bien sans sa présence. Elle reprend la parole, prétextant que des chats aussi lourds ne peuvent effrayer grand monde, et tu hausses doucement les épaules. C'est un argument discutable, mais qu'importe. Tu doutes que Mélodie des Étoiles ait envie de faire peur à qui que ce soit. Vous êtes suffisamment confiants pour vaincre tous les ennemis qui en douteraient, y compris les membres arrogants du Clan du Tonnerre.

Finalement, Âme de Venin revient vers l'eau, plantant son regard perçant dans le tien. Cette fois, tu ne peux pas retenir un sourire. Non, sa remarque te fait même ronronner. Celle-là, c'est la meilleure ! S'il ne s'agissait pas des poissons, tu lui proposerais de te faire une petite démonstration de ses talents de pêcheuse. Là, elle ferait moins la maligne. Bon, en théorie rien ne dit que son clan n'a pas le droit de pêcher. tant qu'il reste de son côté, mais tu ne seras pas celle qui l'y encouragera. « Peut-être qu'il y en a, mais pas de votre côté de la frontière. » commences-tu en cherchant son regard, que tu soutiens quelques instants avant de distraitement venir donner quelques coups de langue aux poils de ta fourrure. « Sinon, tes camarades ne seraient pas aussi amaigris durant la mauvaise saison. » En tout cas, tu ne te souviens pas avoir déjà vu un guerrier du Clan du Tonnerre en train d'essayer de pêcher ici. Ça n'aurait pas été bien accueilli de toute façon, en plus de ne pas fonctionner. « Sauf si, pour vous, mourrir de faim représente une fierté ? Ou c'est un moyen d'effrayer vos ennemis ? » Tu reprends ses propos de tout à l'heure, rien que pour l'agacer. Car elle sait aussi bien que toi que pour intimider les autres clans, il y a de bien meilleures méthodes. « Je tremble de peur. » finis-tu tout en baillant, avant d'adopter une position allongée au sol. Âme de Venin t'amuse. Elle n'a pas une réaction typique des rixes de frontières. Elle veut avoir le dernier mot et ça te plait. Tu aimes aussi jouer à ce petit jeu, sans en avoir suffisamment l'occasion. « Tu dis que nous avons tord, mais tu ne peux pas le prouver. » Tu es plus tôt sûre de ce que tu avances, et ce pour les mêmes raisons évoquées un peu plus tôt. Si la tonnerreuse tente quoi que ce soit, tu ne doutes pas que ça sera distrayant.

Si Âme de Venin était l'une de tes camarades de tanière, t'aurais pas retenu un rire sincère suite à sa remarque. Or, il s'agit bien d'une guerrière adverse, alors tu te dois de faire preuve d'une mauvaise foi sans pareille. Tu ne sais pas quand cette « discussion » a dérivé, mais tu ne t'attendais clairement pas à l'entendre émettre un avis sur les silhouettes des autres. En tout cas, une chose est sûre, la mauvaise foi est une chose que vous avez en commun. Jamais la tonnereuse n'admettra les problèmes rencontrés par ses camarades durant la saison froide. Tout comme toi, guerrière de la Rivière, tu n'évoqueras jamais le moindre problème en sa présence. Les faiblesses, ça s'exploite. Certains essaient de se donner bonne conscience en prétendant le contraire, mais tu ne fais pas partie de ces chats là. Ton interlocutrice, de l'autre côté de la rivière, n'en a pas l'air non plus. « Dis moi, tu dois en passer du temps à observer les silhouettes des autres, pour te prendre pour une experte comme ça. » répliques-tu en affichant un sourire innocent, et en haussant légèrement les épaules. Tu l'imagines presque durant une Assemblée, à scruter tous les guerriers des autres clans pour les analyser, sans te douter qu'un beau jour, c'est toi qui chercherais son regard parmi les autres. Mais, pour revenir au sujet principal, s'ils sont tous aussi étranges que celle-ci, tu peux comprendre qu'ils n'aient pas besoin d'autre chose pour repousser les autres. Ça marche même certainement très bien avec le Clan de la Lune, ou le Clan du Vent. Seulement, ça n'a pas un aussi bon effet sur tes camarades et toi.

C'est cette conviction qui fait que ton regard ne cille pas, lorsqu'elle le croise en émettant une menace non déguisée. Pour qui se prend-elle, à parler comme ça ? C'est presque à croire qu'elle a déjà reçu ses neufs vies. Fort heureusement, cela n'est sûrement pas près de se produire. Toujours dans la provocation, la guerrière tigrée s'aventure dans l'eau —uniquement là où elle a pied, bien entendu, ce qui te fait hausser un sourcil. Elle se croit maline, encore une fois, mais il n'y a au fond rien de concret dans ses actions. Une partie de toi a même envie de profiter de ton avantage sur ce terrain pour l'attirer dans des eux plus profondes, et d'enfin voir si cette chatte a quoi que ce soit dans le ventre. Toutefois, elle fait rapidement demi-tour, t'éclaboussant au passage avant de tourner le dos à la rivière. « C'est ce qu'on dit en général, quand on est incapable de le faire. Bien que, on l'entend plutôt de la bouche d'apprentis d'habitude. » Tu secoues vivement la tête pour dégager les quelques gouttelettes restées sur tes poils suite à son geste. Mouiller un membre du Clan de la Rivière, quelle idée de génie ! « Alors, Nuage Venimeux, si tu estimes un jour qu'il suffira de changer les frontières, tu ne ressortiras pas de cette rivière entière. » Si tu uses de boutades depuis tout à l'heure, tu le penses réellement cette fois-ci. Plutôt te salir les pattes, que de les laisser en poser une sur votre côté de la rive. « Et ça, peut-être que ça me ferait plaisir. » Tu ne souhaites pas d'ennuis à ton clan, mais tu ne peux nier le plaisir ressenti à l'idée de planter tes griffes dans la fourrure d'un ennemi. « Mais bon, ça ne risque pas, puisque vous êtes naturellement fins et bien nourris en toutes saisons, n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu n'as rien de mieux à faire que d'être ici, loin de tes camarades ennuyeux. » Tu ne vas pas l’éclabousser en retour, puisqu'elle est déjà mouillée ça n'aurait pas d'intérêt. Mais, il y a une chose plus dérangeante et dégoûtante que tu peux faire. Plongeant une patte dans l'eau, tu la ressors avec une boule de vase logée entre tes griffes, que tu projettes ensuite en sa direction. Le code du guerrier n'a jamais interdit de jeter des choses au travers de la frontière, et c'est bien la première fois que tu exploites cette faille.

Tu ne t'étonneras plus de la mauvaise foi de la chatte face à toi. Mais, alors que t'as comparé son comportement à celui d'un apprenti, voilà qu'elle-même vient en rajouter en disant qu'un tel novice serait au final un incapable. Le calcul se fait vite dans ton esprit, et t'espères qu'il se fera aussi dans le sien. Au final, Âme de Venin vient de s'auto-insulter, et tu souris légèrement à cette simple pensée. À force de répliques et d'insultes, il faut croire qu'il est encore possible de s'y perdre. Elle reste malgré tout plutôt divertissante... enfin, pour une guerrière du Clan du Tonnerre. Tu réponds à ses menaces par la pareille, et comme s'il s'agissait d'un jeu de mimes, la chatte tigrée fait à son tour mine de ne pas en être inquiétée. C'est de bonne guerre, tu ne peux le nier. De toute façon, il est plutôt clair qu'il n'y aura pas d'échange de coups entre vous aujourd'hui. Ça n'en vaudrait pas la peine, et tu n'as jamais entamé un combat sans bonne raison. Peut-être qu'au cours d'une future bataille, vous pourrez discuter avec vos griffes, plutôt qu'avec des mots. Elle ne prend pas mal tes dernières paroles, mais puisqu'elle s'amuse à sourire ainsi, tu décides de lui faire un petit cadeau : de la vase.

C'est apparemment un bon plan pour faire rapidement disparaitre tout petit rictus, et, pendant quelques longues secondes de silence, tu te demandes si Âme de Venin ne va pas se jeter sur toi. Ce serait sans doute mérité, mais tu t'efforces de garder les griffes rentrées et la fourrure bien plate. Elle ne t'effraie pas particulièrement, et la rivière trône encore entre vous. En tout cas, la guerrière ne semble pas exploser de rage. Au contraire, pour ta plus grande surprise elle vient même étaler la vase sur son pelage, pour le recouvrir entièrement. C'est vraiment... inattendu. Tellement, que tu l'observes en silence, te demandant comment elle pourra se débarrasser de l'odeur ensuite. Ce n'est pas de la bouse, mais ça reste pire que de la boue normale. Elle te remercie finalement, prétendant que ça l'aiderait à chasser, et tu retiens un sourire en même temps que le bout de ta queue s'agite avec agacement. « Tout le plaisir est pour moi ! » lances-tu en la voyant disparaitre dans les feuillages. Une chose est sûre, ses camarades de tanière n'auront pas autant envie de la remercier une fois le soir venu. Tu vas enfin pouvoir pêcher en paix, et il est temps. Après tout, tu ne vas pas laisser une ennemie te distraire dans tes tâches. Peut-être que tu referas un tour par la frontière, pour lui demander des nouvelles de l'odeur. Au fond, tu sais qu'elle doit être folle de rage, mais il est peu probable qu'elle l'avoue un jour.