Fuite en famille [Ame de Venin / Petit Taipan / Petite Coronelle]

Le Serpent était encore jeune, à peine sortir de sa coquille. Pourtant, il avait déjà un puissant venin à cracher. Il déambulait maladroitement dans son royaume, au côté de la Princesse. Et pour le moment, cela lui convenait parfaitement. Ses pattes disproportionnées avaient bien du mal à trouver leur équilibre, mais à part ça il s’en sortait très bien pour un nouveau-né. Enfin, ça aurait été le cas sans l’existence d’un parasite : Petit Gris. Leur “grand-frère”. Pff, il n’était même pas grand en plus. Petit Taïpan se moquait bien de lui et de tous les autres chatons, peut-être à l’exception de Petit Feu... Ses deux yeux, qui n’étaient ouverts que depuis peu, fixaient la silhouette sombre de l’aîné qui tentait de les fuir. Mais il ne comptait pas le laisser faire si facilement ! Il se lança à sa poursuite, bien décidé à l’embêter, mordillant l’oreille de sa sœur pour la forcer à le suivre. Bientôt, les voilà dehors, à clopiner difficilement. Le soleil lui faisait mal aux yeux, mais il ne perdait pas sa cible de vue. Petit Gris n’était pas très rapide de toute façon. Avec un petit sourire sournois, le Serpent s’apprêtait à lui bondir dessus lorsqu’une énorme touffe de poils lui barra le chemin.

Argh. Ça sera pour la prochaine fois. Leur tante, Âme de Venin, protégeait de sa queue le chaton tout en se penchant vers eux, poussant un ronronnement affectif. Petit Taïpan se faisait encore plus grand qu’il ne l’était -étant déjà d’une taille conséquente pour son âge, ce qui, en somme, était porteur de bonne augure-, tentant d’apercevoir une partie de la tête de Petit Gris, en vain. Alors, il s’assied calmement, lançant un regard en biais à sa sœur. Mh. Ce qu’ils cherchaient ? Étaient-ils obligés de lui dire la vérité ? Clairement pas. Ses deux prunelles vairons se posèrent l’endroit où se cachait leur demi-frère, tandis qu’il haussa mollement des épaules.



Il ricana, espiègle. Léchant sa patte, entre chacun de ses doigts, se donnant un air innocent et détaché. Il n’était qu’un petit chaton voulant s’amuser après tout.



Eheh, c’était le plan parfait. C’était sûr qu’elle allait s’attendrir et il pourrait en profiter pour faire des croches pattes à Petit Gris dans son dos ! Il papillonnait des yeux, commençant doucement à perfectionner son art de la manipulation affective. Vilain petit chaton que l’on avait mis au monde, on ne pouvait se douter que ces caprices enfantins finiraient par ancrer de sombres habitudes qui, petit à petit, feront naître une violence sans pareille.