Épine
Lune 1210

Les ombres s’étendent sur le camp. Epine se hâte, organisant des herbes dans un coin de sa clairière, claudiquant jusqu’à la réserve de mousse pour la vérifier, pestant parce qu’elle n’est pas assez remplie, que font donc les apprentis, et bon sang pourquoi est-ce que aucune boule de mousse gorgée d’eau n’a encore était amenée aux reines ? Elle hèle un apprenti qui traverse le camp la tête haute avec un écureuil dans la gueule, tout fier d’avoir terminé sa journée et de pouvoir s’en aller déguster un repas dans la chaleur des buissons. Le pauvre s’aplatit presque au sol devant l’urgence dans la voix de la vieille guérisseuse avant de déguerpir vers la source une boule de mousse dans la gueule, écureuil abandonné au sol. Elle n’en a que faire, elle aussi est pressée, elle n’a pas le temps, pourquoi la journée est-elle passée si vite ? Elle balaye une dernière fois le camp du regard, et si elle oubliait quelque chose ? Et si il y avait une cérémonie dont elle n’avait pas conscience, si elle devait faire une offrande, si… Peu importe, il faut se hâter à présent. Elle laisse enfin la clairière de pierres moussues derrière elle.

Le sang qui coule dans ses veines semble presque s’être transformé en peur liquide, pas la peur qui vous donne envie de fuir mais celle qui vous fait accélérer le cœur et suer à grosse gouttes. La vérité, c’est qu’elle a peur de faire une erreur. Le Clan de l’Ombre l’a acceptée en tant que membre à part entière et en tant que guérisseuse, mais qu’en est-il de ses semblables ? L’accepteront ils, elle, la vieille solitaire, en remplacement d’Hymne des Ombres ? Sera t-elle vraiment digne de partager leurs secrets ? L’idée même de participer à une cérémonie dont elle ne sait rien la fait trembler. Et leur foutu clan des Etoiles… Elle tait la panique qui fait balancer son cœur. On lui avait dit qu’elle allait les rencontrer, elle qui n’a jamais rien vu d’autre des étoiles que des scintillements dans le firmament. Des éclats froids et lointains.

Mais il est trop tard. Elle fera semblant. Elle a su longtemps le faire. Il suffit qu’elle se drape de sa froideur, la tête haute et le regard digne. Elle trompera leurs yeux ou les forcera à se détourner. Elle se répète leurs noms, pour avoir le dessus. Chant d’Espoir de la Rivière. Ombre des Chouettes du Tonnerre. Rose Délicate du Vent. Hermine des Nuages de la Lune. Elle marche comme pour se préparer à une bataille, et ils seront ses adversaires.

La demi-lune brille au dessus de la montagne. Epine est heureuse que le chemin soit pour elle le plus court, il lui semble déjà bien long tandis qu’elle grimpe sur le sentier, ses vieux coussinets engourdis par le temps se heurtant parfois sur les graviers qu’elle fait dévaler derrière elle. Elle se demande combien d’entre eux l’ont vue soigner les guerriers ombreux durant la guerre. L’attendent-ils de patte ferme eux aussi ? Oh, comme elle regrette ce temps de tumulte qui avait mené aux interruptions des réunions mensuelles à présent. Mais elle arrive, le bruit de la cascade se déversant dans ses oreilles, et derrière, l’entrée de la grotte. Elle espère être la première arrivée, ou est-ce que ces stupides apprentis l’auront trop ralentis… et voilà, non, d’autres se tiennent déjà là. Elle aimerait au moins ne pas paraître essoufflée ou fragile, mais l’âge est de ces ennemis qui ne connaissent pas de défaite, et la montée n’est pas clémente pour les vieux os. Alors elle se redresse pour paraître bien grande et faire oublier ses tremblements, faisant face aux deux chats. Celui qui est encore debout, le plus jeune des deux est facilement reconnaissable.

« Ombre des Chouettes, Salutations. »

Fait t-elle, se retournant de suite vers le deuxième qui, bien que venant du vent, n’est manifestement pas Rose Délicate. Un éclat de panique se fait pour Epine. Pourquoi n’est-elle pas au courant ? Est-ce qu’elle a raté quelque chose ? Elle se reprend, le saluant également d’un signe de la tête pour cacher son trouble avant de se présenter, inconsciente de son air renfrogné à son égard, mécontente que les choses ne se passent déjà pas comme prévues.

« Je suis Epine la nouvelle guérisseuse du Clan de l’Ombre. J’espère que l’hiver n’est pas trop rude pour vos clans. »

Elle se tient droite, avec un petit regard en coin pour le matou gris qui a pris ses aises au sol, on lui avait pourtant présenté les réunions de guérisseurs comme quelque chose de très sérieux.

Une brise glaciale pénétra à l'intérieur de l'antre humide dans laquelle se reposait Nuage de l'Ephémère, elle renifla, contrariée par ce temps qu'elle jugeait désastreux : la neige, le froid, qui amenait d'autres sujets bien plus sinistres comme la faim, la maladie, voir la mort, les pires ennemis d'un guérisseur. Bien sûr, Fée n'était même pas officiellement apprentie guérisseuse, mais elle caressait timidement ce destin, non sans doutes. Elle passa sa patte sur son museau en tremblotant, c'était définitif, elle ne parviendrait pas à trouver le sommeil. Une part d'elle même se disait que c'était à cause des températures négatives, mais une autre lui disait, lorsqu'elle osait regarder les cieux qui affichaient fièrement un sourire astral d'une nuit presque sans étoiles, c'était la Demi-Lune ce soir.

Alors oui, elle avait beaucoup cogitée, sur où était sa place ? Une apprentie guerrière, une apprentie guérisseuse, finalement, elle n'en savait rien, alors que le jour, elle enchaînait les entraînements pour devenir une fière chasseuse et combattante, la nuit, elle soulevait des nuages de poussières à force de creuser le sol à la recherche de graines, de remèdes ou encore de baies. Elle emmagasinait tellement d'informations, que lorsqu'elle parvenait à rejoindre les bras de Morphée, pour quelques heures à peine, elle rêvait de feuille de soucis, de menthe aquatique ou encore de recette de cataplasme ou comment fabriquer une attèle, en bref, elle ne savait même plus qui elle était réellement, et avait repoussée toujours plus toutes ces questions qui l'assaillaient autrefois, quelle est ma destinée ?

Dans ce rythme effrénée, elle s'était perdu elle même, son seul objectif était de trouver un moment de repos, elle avait délaissée beaucoup de ses amis car manque de temps, quand à sa relation avec son frère, était devenue complétement platonique, eux qui étaient si proches autrefois, se saluaient désormais comme deux étrangers.

Et alors que ce soir était enfin sa chance de se reposer, puisqu'au vu de cette nuit si spéciale où les ancêtres se rapprochaient des guérisseurs, Feuille de Neige n'était pas disponible pour un apprentissage nocturne, Fée aurait pu saisir sa chance et dormir profondément. Mais une question de cessait de lui tarauder l'esprit : et si c'était ce soir qu'elle aurait la réponse à toutes ses questions ? Après tout, en allant à la rencontre de ses aïeux, elle saurait finalement si sa destinée était celle d'une guerrière ou d'une guérisseuse. Eux seuls pourraient lui répondre.

Elle se tourna et s'allongea sur le dos, en fixant le plafond naturel où perçait légèrement la lumière de la lune à travers les feuillages et brindilles qui le couvraient. Elle soupira longuement, un gémissement résonna, s'en suivit d'un long râle désapprobateur, et les apprentis se répondaient entre eux dans leurs profond sommeil. Elle esquissa un sourire amusée en observant ce phénomène. C'était donc ça l'essence même d'un Clan, des membres unis jusqu'à dans leurs songes. Son regard s'adoucit, c'est pour ça que je dois devenir guérisseuse, pour pouvoir veiller sur chacun d'entre eux. Puis une expression triste vint voiler ses iris couleur or lorsque ses yeux se posèrent sur un couple de guerriers endormis qui se blottissaient l'un contre l'autre. Je n'aurais jamais droit à ça si je deviens guérisseuse.

Elle repoussa ces pensées envahissantes et s'étira de tout son long avant de s'extirper de la tanière où dormaient apprentis & guerriers. Un mouvement attira son attention, et elle reconnut Hermine des Nuages qui s'expliquait avec un guerrier sur la démarche à suivre en cas de bobo potentiel ou autre, Fée tendit l'oreille, elle savait déjà toutes ces choses basiques de soin d'urgence mais ce qui l'intéressait, c'était ce qui allait suivre. Son départ pour les Cristaux de Lune. Une pointe d'excitation la fit frissonner, ça faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas fait quelque chose hors routine, et l'idée de suivre la jeune guérisseuse lui semblait très plaisante. Elle remua des moustaches tandis qu'une lueur malicieuse brillait dans ses pupilles dorés, elle prit le chemin familier que prenaient tout les chats allant faire leurs besoins, d'un air détachée et innocent, lorsqu'elle passa devant les deux qui discutaient et ne remarquèrent même pas sa présence. D'autant plus que le guerrier en question semblait faire un effort phénoménal pour connecter tout ses neurones afin d'assimiler les enseignements de la jeune guérisseuse.

Fée s'esclaffa intérieurement, pour elle, les enseignements étaient devenus si naturelles qu'elle se souvenait à peine de la difficulté qu'elle avait pu rencontrer à ses débuts. En l'occurrence, le guerrier devait simplement retenir qu'en cas de saignement il fallait se munir de toiles d'araignée afin de stopper l'écoulement, et des graines de pavots en cas de douleur. Le strict nécessaire, mais pour un chat qui n'y connaissait rien en remèdes et autre, la tâche pouvait s'avérer difficile.

Lorsqu'Hermine des Nuages eut terminée, elle salua respectueusement le guerrier qui semblait complétement perdu et continuait à marmonner en boucle les directives de la jeune femelle. Puis, elle plongea dans la forêt dense et ténébreuse, Fée sur ses pas, la suivait à distance, tout en tachant de rester la plus discrète possible, elle espérait que la jeune chatte ne se rendrait pas compte de sa supercherie, après tout, Fée suivait aussi un entraînement de guerrier, elle était donc censée savoir se dissimuler à la perfection. Enfin, oui, "censée" puisqu'au bout d'un moment, la guérisseuse se stoppa net dans sa démarche et tendit l'oreille, au même instant, Fée se recroquevilla de tout son long sur le sol en priant le Clan des Etoiles de lui attribuer le don de l'invisibilité durant quelques minutes, mais ceux ci n'exaucèrent pas ses prières puisque la Guérisseuse brisa le silence de la nuit calme.

" - Tu comptes me suivre jusqu’à quand avec cette discrétion légendaire Nuage de l'Ephémère ? La femelle marqua une longue pause, et Fée aurait voulu disparaître à cet instant, Allez sors de ta cachette et accompagne moi comme il se doit, on a pas encore décidés de recruter des hérissons bruyants dans le Clan que je saches."

L'apprentie tricolore soupira avant de s'extirper du buisson où elle se dissimulait jusqu'à présent, elle avança, hésitante vers son aînée et abordait un sourire plus que gêné.

" - Ah ah ah.. Tu m'as repérée, bravo, elle piétinait le sol honteuse, je.. j'arrivais pas à dormir alors que je me suis mise à te suivre. Feignant l'ignorance, elle ajouta, tu vas où comme ça au milieu de la nuit ? "

Elle échangèrent rapidement, et la guérisseuse lui proposa de se joindre à elle durant son périple, Fée accepta avec joie, tentant de dissimuler son excitation du mieux qu'elle put. Dans ses échanges avec Hermine, elle eut le sentiment que la femelle lui cachait quelque chose, et plusieurs questions lui trottèrent à l'esprit. Et si Feuille des Neiges lui avait parlé de leurs petit arrangement & de leurs rencontres nocturnes ? Ca ne serait pas choquant qu'elle l'ait tenu au courant, mais si c'était le cas, alors pourquoi Hermine gardait le secret ? Fée fixa un moment la guérisseuse dans l'espoir de déchiffrer son expression énigmatique, mais elle renonça rapidement, peu à peu elle approchèrent du lieu de rendez-vous, et elle se sentait de plus en plus intimidée. Qu'allait dire les autres ? Après tout ça n'était pas interdit d'avoir des accompagnants, mais ils restaient assez rares. Et si certains se rendaient compte de sa supercherie et perçaient son secret au grand jour ? Alors, elle ne pourra plus reculer et serait obliger de prendre une vraie décision.

Peu à peu, les premières odeurs vinrent titiller ses narines dans ce lieu humide et froid, elle reconnut les odeurs de tout les autres Clans. Elles étaient donc les dernières à manquer à l'appel. Lorsqu'elles arrivèrent à leurs hauteur, Fée détailla chacun de ses camarades, de l'imposant Saule Pleureur, au tremblotant Ombre des Chouettes, sans oublier la téméraire Epine Fleurie, elle n'était même pas au courant que celle-ci avait prit la place de guérisseuse au sein du Clan de l'Ombre bien qu'elle ait entendu des brides d'histoires comme quoi celle-ci était intervenue pendant la bataille, et sans oublier le célèbre Chant d'Espoir qui avec son histoire d'amour plus que surprenante avec le jeune guérisseur tachetée du Tonnerre, avait semé la zizanie dans les Clans.

Tout ces chats, étaient chacun des piliers pour leur propre Clan, en dépit des drames récent, Fée ne pouvait qu'admirer ses congénères qui avaient eu le courage de remplir leurs tâches et d'assumer leurs postes malgré tout les sacrifices que cela impliquaient. Qui dans son cas, Fée était bien incapable de prendre une telle décision, avec de telles responsabilités. Elle salua ses camarades timidement, dans une révérence presque minable, elle n'avait pas sa place ici, alors elle ferait au sorte d'être la plus transparente possible ce soir, en espérant qu'aucun de ses chats découvriraient ses véritables intentions ou pire encore, son lourd secret.

La nuit est tombée à présent, enfin. Epine s’en est habillée, comme d’un manteau réconfortant. Elle aimerait s’y dissimuler totalement, devenir une vraie guerrière du clan de l’Ombre, que seuls ses yeux perçants ne divulguent sa présence, que son corps maigre et apeuré disparaisse. Mais elle n’est pas une guerrière ombreuse, ne le sera jamais. Elle ne connaît pas les secrets de la nuit aussi bien qu’eux. Elle souhaite seulement les aider de son mieux. Alors elle continue à faire face, ses muscles noueux raides d’anxiété sous son pelage, son regard incapable de se fixer paisiblement, son souffle court, qu’elle tente de maitriser.

« O-On se débrouille m-malgré l'hiver, e-et vou-... »

La réponse du plus jeune, mais aussi le plus expérimenté des guérisseurs déjà présents est coupée courte par une nouvelle arrivée, au soulagement de l’ancienne. Elle se retourne elle aussi vers l’arrivant qui apporte avec lui des odeurs marines. Chant d’Espoir de la Rivière. Il s’adressait à elle et au matou du clan du vent, et Epine dû faire un effort pour se rappeler pourquoi. Chant d’Espoir et Ombre des Chouettes. Deux noms qu’elle avait déjà entendus ensemble, pas dans les bouches les plus élogieuses. Peut-être… Peut-être que c’était une bonne chose pour elle. Si ces deux là pouvaient concentrer toute l’attention… Mais pour le moment, leurs regards semblaient fuyants, ils ne s’étaient même pas adressés la parole. Voilà qui d’une certaine manière n’était pas beaucoup plus discret, mais face au silence ambiant elle fut bien obligée de se présenter à nouveau au félin noir et blanc dont les salutations attendaient une réponse.

Enfin, des pas se firent entendre. La dernière arrivée, Hermine Ailée…arrivait accompagnée. Une apprentie, comprit aussitôt Epine. Quelle chance. Il lui tardait également de transmettre son savoir, pour laisser sa place à un ombreux plus jeune et plus méritant qu’elle. Quelqu’un qui ne serait pas un usurpateur. Mais elle devait se montrer patiente, aujourd’hui elle devait jouer son rôle à la perfection. Elle salua les deux luneuses dans une parfaite imitation des paroles d’Ombre des Chouettes avant d’acquiescer à sa proposition d’une voix sans appel. Il lui tardait d’en finir.

« La nuit est froide, ne perdons pas de temps. Allons-y. »

Elle se débrouilla habilement pour laisser un guérisseur passer dans la grotte juste devant elle, le temps de se déplier lentement, de se redresser, de s’étirer le dos avant de mettre une patte devant l’autre. Hors de question d’être la première à l’intérieur alors qu’elle allait devoir les prendre tous et toutes comme modèle. Hors de question de tourner le dos à ses ennemis. Elle s’engouffre finalement dans l’étroit couloir, ses oreilles submergées par le fracas de la cascade puis par le silence de la caverne. Seuls les bruissements des autres félins à ses côtés se font entendre, comme si tout dans le monde sauf eux s’était éteint. Elle lutte contre la panique qui pointe son nez, jusqu’à ressortir dans une cavité plus grande, et… lumineuse ? Un souffle d’admiration, furtif mais réel lui échappe.

Elle se fait observatrice à présent. Lorsque les autres s’agenouilleront près des cristaux, le museau posé tout contre dans un seul geste comme pour une chorégraphie bien ordonnée, elle s’y octroiera sa place. Elle écoutera le rythme de leurs respirations ralentir. Elle attendra, infiniment seule, son corps froid contre la pierre glacée, son cœur battant la chamade.

Demi-lune





Toute la journée, la jeune chatte argentée à tanner Saul Pleureur pour l'accompagner à la réunion des guérisseurs. C'est vrai quoi, elle a presque l'âge ! Faut vraiment être coincé pour pas la laisser venir ! Pffff bien sûr, il avait dit nom ! C'est rageant !

Et la voilà qui flâne dans le camp, cherchant un truc à faire. Les autres chatons sont chez les anciens pour des histoires, mais elle elle veut y aller ! C'est pas juste ! Rhhooo et puis j'irai un point c'est tout ! Se dit-elle. N'attendant pas plus longtemps, Givre fonce dans l'Antre du Guerrisseur. Personne. Tant mieux. Elle file se cacher au fond de la tanière. Elle s'aplati, le ventre au sol. Ses oreilles s'agitent, guettant l'arriver du matou. RAS. La senteure des plantes lui chatouille le nez, cela l'apaise. Tellement qu'elle fini par s'endormir.

Crch crch... D'un coup, elle se lève, faisant tomber des plantes en même temps. L'argenté fonce en dehors : le Camp s'endort petit à petit et Saul Pleureur n'est plus là ! Elle est arrivée trop tard ! Bon, elle n'a plus qu'à attendre son retour... Justement, son père se couche un peu à l'écart. Normalement, elle devrait aller dans la pouponnière mais là-bas elle ne pourra pas voir le Guerrisseur revenir ! C'est donc comme ça qu'elle se retrouve cacher derrière la masse de poil tigré de Chant du Lion, qui n'a pas remarqué sa fille, sûrement épuisé par sa journée.



Ft les Guerrisseurs plus Libre

Lune 1211

Hrp:

Peu à peu l'atmosphère se détendit un peu, et Nuage de l'Ephémère se sentit un peu plus à l'aise, même si elle pouvait sentir la tension palpable entre les deux guérisseurs du Clan de la Rivière et du Tonnerre, ainsi que leurs malaises qui planaient entre eux tous. La jeune apprentie réalisa que tout le monde la prenait pour la novice d'Hermine Ailée et elle ne sentit pas insultée à cette supposition, bien au contraire, elle ressentit comme une pointe de fierté. Pourtant, ce n'était pas le cas, elle était l'apprentie de Mouette Rieuse, le fier lieutenant du Clan, et elle se devait d'être fidèle à son rang. Alors, hésitante, elle osa cassée le silence.

" - Bonjour, je suis Nuage de l'Ephémère. Je.. Je suis juste venue accompagnée Hermine Ailée, je suis l'apprentie de Mouette Rieuse et mon baptême approche à grand pas. "

Peut-être que les autres goberait son mensonge qui en été un à moitié, bien sûr, il arrivait que les apprentis accompagnent les guérisseurs, fut un temps c'était même un passage obligatoire avant d'être nominée, mais à présent c'était facultatif, donc ça n'était pas impossible que Fée ait réellement accompagnée la guérisseuse durant son assemblée avec les autres. Elle se fit petite, toujours très intimidée par le reste du monde autour et lorsque la soigneuse de l'Ombre donna l'ordre à tout le monde d'entrer dans la grotte, Fée frissonna. Elle les observa s'engouffrer dans l'immense trou noir béant, et fit mine de monter la garde.

Les minutes passèrent, et la brise glacial de renforça, Fée tenta d'hérisser sa fourrure afin d'avoir moins froid, mais le vent soufflait fort et elle tremblait en claquant des crocs. Bientôt se fut la peur qui la faisait sursauter, à chaque bruits au loin, elle se recroquevillait davantage, et bientôt, elle fila à l'intérieur de la grotte, abandonnant son poste de garde pour pénétrait à l'intérieur de la bouche du monde, derrière la cascade d'eau.

A l'intérieur, il ne faisait pas moins froid, c'était plus humide, mais au moins le vent avait disparut, le sol dur glacé ses coussinets, et bientôt, elle ne vit plus rien. L'obscurité totale recouvra tout ses sens, et elle tenta d'humer l'air à la recherche de ses camarades, mais l'humidité présente était tellement prenante qu'elle couvrait tout le reste. Alors, la tricolore se dit qu'il ne lui restait plus qu'un sens, et elle redressa ses oreilles, au loin, elle entendit des bruits de gouttes, et bientôt, une lumière aveuglante la surprise. Et le spectacle qu'elle vit, la laissa bouche-bée, tout les guérisseurs semblaient en transe, comme endormis autours de cristaux blanc, brillants, voir même éclatant de pureté. Elle fut émerveillée et s'approcha doucement, avant de s'allonger contre Hermine Ailée. Elle l'imita et posa son museau contre la paroi rocheuse, et soudain, un tourbillon d'images colorés s'écoulait devant ses yeux et elle se retrouva dans une combe, avec un petit lac, et des étoiles partout dans le ciel, comme dans le reflet de l'eau. Elle observait autour d'elle et se retrouva face à un matou qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Celui-ci affichait un sourire réconfortant, et sa présence imposait quelque chose d'énigmatique, le même sentiment qu'elle ressentait face à Feuille des Neiges.

" - Bonjour, je m'appelle Branche de Chêne, il y a fort fort longtemps, j'étais guérisseur au Clan de la Lune, et aujourd'hui, je suis chargée de te donner un oracle. Ecoute bien jeune apprentie, parce qu'un jour, tu seras les ailes d'un papillon immense chargées de recouvrir et protéger ton Clan. "

Les yeux de Nuage de l'Ephémère s'écarquillèrent, qu'est-ce que cela voulait dire ? Un papillon géant ? Des ailes protectrices ? Ca n'avait absolument aucun sens, elle grimaça, confuse, était-elle destinée à devenir chef de Clan ? Elle s'imagina dans ce rôle et eut la nausée, non ce genre de responsabilités c'était très peu pour elle, pourtant, qui d'autre qu'un chef, était chargé de protéger un Clan ? Un lieutenant, oui enfin qui disait devenir lieutenant, disait devenir chef, à moins qu'elle périsse avant ou soit rétrogradé.. Sinon, il restait le guérisseur, qui protégeait le Clan à sa façon, avec son savoir et ses remède. Et c'était cette dernière possibilité qui lui semblait le plus plausible au vu de son parcours, pourtant elle voulait plus de réponses, plus de détails, elle jeta un regard affolé au guérisseur brun puis ouvrit la bouche pour le supplier de lui en dire plus, mais le matou commençait à disparaître.

" - Non s'il te plaît ne pars pas ! Je dois en savoir plus ! Dit moi ce que ça veut dire, je t'en supplie, ne pars pas ! "

Mais c'était trop tard, le matou brun avait déjà disparut et Fée se retrouvait à nouveau seule avec elle même, réveillée par la brusquerie de la situation, elle sentait encore la chaleur du camp des Etoiles, mais peu à peu le froid et l'humidité vint s'engouffrait dans sa fourrure, et elle se sentit étouffée à l'étroit. Frustrée, contrariée, voir même en colère, elle rebroussa chemin vers la sortie une fois dehors, elle poussa un cris rageux et griffa le sol nerveusement. Ce vieux chat ne l'avait aidé en rien du tout ! Elle était venue chercher des réponses, et elle repartait avec encore plus de questions et d'interrogations. Elle allait être comme le papillon immense qui recouvre et protège son Clan de ses ailes. Qu'est-ce que ça pouvait bien dire bon sang, ça n'avait strictement aucun sens ! Etait-elle destinée à devenir à chef de Clan ? Ca voudrait dire que Souvenir des Etoiles et Mouette Rieuse allait mourir et elle refusait cette possibilité ! Non, non ça voulait dire autre chose, peut-être qu'elle serait l'élue d'une prophétie ? Elle était terrifiée à cette idée, Fée n'avait rien de courageux, c'était juste une apprentie normale qui voulait faire ses taches comme on le lui demandait, sans broncher. Elle n'espérait pas un future grandiose, à la limite, elle se voyait faire sa vie avec Nuage de Lune, qu'elle ait des chatons et puis qu'elle soit heureuse. Mais si son destin était de devenir Guérisseuse ? Alors elle ne pourrait pas y échapper et devrait renoncer à tout ces beaux projets futures qu'elle s'était dessinée dans sa tête.

La guérisseuse du clan de l’Ombre est entrée dans la grotte en dernier, découvrant avec stupéfaction le lieu surréaliste. Une autre plus croyante ne se serait pas arrêté aux cristaux et se serait davantage estomaquée devant les fantômes habitant la caverne. Mais Epine y reste sourde et aveugle. Les murmures qui lui frôlent les oreilles s’y transforment en écho de bruit d’eau, sûrement venant de la cascade. Les scintillements des corps étoilés ne sont rien de plus que des reflets de lumière lunaire, projetée en éclat sur les rochers. Son regard fuyant ne s’y fixe pas, préférant se concentrer sur les autres guérisseurs pour imiter leurs gestes. Comme eux, bientôt elle s’allonge contre la pierre froide, son museau placé contre un roc.

Le sommeil semble cueillir instantanément les autres, si elle en croit le bruit de leurs respirations qui s’apaisent. Elle même ne peut s’empêcher de résister. Elle sent pourtant sa conscience vaciller elle aussi, c’est étrange, vu l’état de stress dans lequel elle est. Peut-être est-ce ces pierres qui ont des propriétés étranges ? Mais l’idée de s’endormir dans un lieu inconnu, entourée d’inconnus lui déplaît tellement que de longues et froides minutes s’écoulent avant qu’elle ne finisse par lâcher prise.

Epine ne rêve pas. Ou plutôt, ne rêve plus. Beaucoup plus jeune, comme tous les autres, elle a rêvé. Mais très vite les songes ont déserté son sommeil. Celui-ci se fait léger, ses oreilles ne cessant jamais d’écouter, ses muscles toujours prêts à se mettre en mouvement. Elle croit d’abord, en ouvrant les yeux, que cette fois-ci n’aura pas dérogé à la règle. Mais tout est noir et silencieux, peut-être importe vers où elle tourne ses yeux et ses oreilles. Bientôt, une étrange lumière filtre au bout de ce qui semble être un tunnel de noirceur. Mais Epine ne peut s’avancer vers cette lumière. La matière autour d’elle semble la retenir, être infranchissable. Elle ne peut que se contenter d’attendre, durant un temps qui lui paraît infini, quelqu’un ou quelque chose.

C’est une silhouette bientôt, qui se profile. Malgré l’obscurité, Epine peut détailler de plus en plus clairement le chat qui s’approche, comme si une lumière infinie venait du fond même de son être. Le chaton, plutôt. Le coeur de la guérisseuse sursaute, feint de s’arrêter. Elle connaît ce chaton. Elle n’a fait que l’apercevoir, l’espace d’un instant, mais les motif de son pelage semblable en tous points au sien, elle les reconnaîtraient entre mille. Elle a pourtant essayer d’oublier. Elle l’a nettoyée, cette fille qui jamais n’aura vécu. Lui a offert une sépulture digne. Et s’en est allée avec celle qui vivait, car il le fallait. Car la vie n’attend pas les morts. Et pour sauver Ardeur, sa fille chérie, il avait fallu avancer… Alors… pourquoi…

Elle se sent incapable du moindre mouvement, de la moindre parole devant l’apparition. Comme pétrifiée. Elle ne peut qu’ouvrir des yeux terrifiés lorsque le chaton murmure des paroles.

« Maman… »

Elle aurait reculé si ses pattes en étaient capables. Elle ne sait même pas comment elle tient debout. Ce n’est pas elle, ce n’est pas possible. Ce chaton n’existe pas, c’est ce qu’elle se dit sans rien pouvoir faire d’autre que tenter de s’en persuader. Elle aurait crié, hurlé pour que ça s’arrête. Mais elle est réduite au silence, elle n’est qu’une paire d’yeux et d’oreilles. Et la voix, minuscule et aigue, une voix de chaton qui n’a jamais grandi, reprend.

« Ils vont nous emmener… On m’a dit de te dire… Ils vont nous emmener… »

Mais elle ne peut écouter. Elle se sent mourir. Elle refuse de tout son être cette vision, cet enfant qu’elle s’est battue pour oublier. Elle doit rassembler toutes ses forces pour murmurer, de la peur et de la rancune dans la voix.

« Je ne sais pas qui tu es ! Tu ne devrais pas être là, moi non plus. J’étais… j’étais… »

Le périple dans la nuit. La cascade. Les autres guérisseurs. La grotte, les cristaux. Elle n’a pas le temps de faire le lien, à l’instant même ou tout lui revient, elle est comme tirée en arrière. Le tunnel défile à toute allure, le chaton s’éloignant à une vitesse vertigineuse.

Son pelage est trempé de sueur, son coeur bat la chamade, son souffle est erratique lorsqu’elle s’éveille, on pourrait la croire rescapée d’une noyade. Elle serait bien incapable de dire ce qui l’a mise dans cet état, seules de la peur, de la colère, une tristesse immense qui l’engourdit toute entière règne dans son esprit. Et une certitude. Il faut qu’elle sorte de cette grotte au plus vite. Elle n’attend pas les autres qui s’éveillent encore, ne sent pas une bille rouler sous ses pattes. Une baie de belladone plantée par une griffe qui roule dans un coin sombre de la caverne, invisible même aux yeux les plus observateurs.