Little one when you play - Petit Alizé

Little one when you play ...
Âme de Venin & Petit Alizé
Lune 1211


Roulé en boule devant la pouponnière, Petit Alizé boudait. Il en avait marre d’entendre Boule Incandescente se pavaner. Et puis, il ne voulait jamais jouer aux jeux qu’il proposait d’abord ! Et pourquoi donc ? Comme si jouer à la guerre était plus intéressant que de poursuivre les abeilles ! Enfin, cela lui avait miné le moral ; “stupide”, “ennuyant”, voilà comment Ink et Brise qualifiaient ses loisirs. Et il n’avait pas envie d’aller voir Zéphyr alors qu’il était énervé. Non, il préférait rester seul. Alors qu’il ruminait en pensé, le visage enfoui dans ses pattes avant, une voix le fit sursauter.

« Bonjour. Tu ne joues pas avec ton frère et tes sœurs ? »

Alizé se redressa d’un bond. Il s’agissait d'Âme de Venin, leur lieutenant. C’était une femelle grise et blanche, rayée de noir, avec des yeux jaunes. Mais ce n’était pas ce que remarqua en premier le chaton, qui levait le museau et dressait les oreilles d’un air interrogateur. Il lui manquait toute son oreille droite, et son visage était plein de vilaines cicatrices. Perdu dans sa contemplation, il se rappela de justesse qu’elle lui avait posé une question. Petit Alizé, bien que dans son monde, avait toujours pris à cœur de respecter ce que lui avait appris ses parents. Ne pas aller embêter les guerriers, dire “s’il vous plaît” et “merci” lorsqu’il demandait une histoire aux anciens, répondre quand on lui posait une question. Il savait qu’il devait respecter les apprentis, les guerriers, et surtout le lieutenant !

« Non, je n'en ai pas envie. On doit toujours jouer à leurs jeux, jamais aux miens, et parfois ils se moquent de moi. » Il marqua une pause, puis secoua la tête. « Est-ce que .. hm .. est-ce que tu veux bien me raconter ce qui est arrivé à ton oreille ?  »

À vrai dire, il ne savait pas vraiment s’il avait le droit de poser la question, mais cela l’intriguait trop. Il s’assit, les épaules droites et l’œil brillant, un sourire innocent fixé sur son visage bicolore.

Little one when you play.
Âme de Venin & Petit Alizé
Lune 1211


Petit Alizé fixait Âme de Venin de ses grands yeux bleus. Attentivement, il l’écouta raconter l’histoire de cette oreille qui lui manquait. Une expression hallucinée se dessina petit à petit sur son visage enfantin. Un guerrier de l’Ombre ? Vraiment méchant ? Cela faisait froid dans le dos. Un frisson lui parcourut l’échine. Il essaya de ne pas trop se représenter mentalement l’image de ce guerrier, car il ne voulait pas faire des cauchemars … Mais c’était plus fort que lui. Devant ses yeux dansaient des images, mettant en scène un félin démesurément grand, avec de longs crocs et de longues griffes, bien trop grandes pour un chat, et bien trop acérées. Brr … Et puis d’abord, pourquoi est-ce que ce vilain était sur le territoire du Tonnerre ? Peut-être qu’il n’y avait plus de nourriture chez eux ? Enfin, ce n’était pas une raison pour arracher l’oreille de quelqu’un.

« Certains n’aiment pas trop avoir des cicatrices, mais moi je trouve que ça montre la bravoure d’un guerrier. »

Le chaton ne savait pas trop ce qu’était la bravoure. Enfin, il avait déjà entendu ce mot, mais il n’était pas tant sûr de ce que cela pouvait bien vouloir dire. Ce qu’il comprenait, c’est qu’il fallait se battre, et ça, il n’aimait pas trop. Les autres, ils voulaient toujours jouer au combat, quel ennui ! On risquait de se faire mal en plus. Et en même temps, cela semblait important, non ? L’impressionnante guerrière venait plus ou moins de dire que se faire mal était une bonne chose. Il avait envie qu’elle l’aime bien. Il avait peur, tellement peur d’être rejeté. Alors, lorsqu’elle reprit la parole, la teneur de ses propos était inespérée.

« Tu voudrais que je joue avec toi ? Promis, c’est toi qui décide à quoi on joue. »

Le petit mâle arrondit ses yeux de surprise. C’était bien la première fois qu’on lui disait de but en blanc qu’il pouvait choisir le jeu. Aussi, il ne put se retenir de trépigner de joie, pétrissant le sol de ses petites pattes avec vigueur. Il adressa un grand sourire à son aînée, dévoilant ses minuscules crocs.

« Trop bien ! T’es la plus gentille ! »

Mille idées fusaient dans son esprit en même temps ! Il pouvait choisir tout ce qu’il voulait ? Oh non, mais comment allait-il se décider ? Les possibilités étaient bien trop nombreuses ! Le bonheur céda un instant la place à la panique, mais cette angoisse passagère fut rapidement balayée par une idée. Il avait trouvé.

« On peut jouer à la chasse aux insectes ? C’est mon préféré ! Les autres, ils disent que c’est ennuyeux mais c’est un jeu qui fait réfléchir. C’est ce que maman dit en tout cas. Il faut trouver trois insectes différents avant l’autre ! Attention, je suis super fort tu vas voir ! »

Sur ces mots, il bondit en direction de la lisière du camp, là où il était certain de pouvoir trouver quelques merveilles. Il n’avait pas pris en compte le fait que la lieutenante pouvait avoir des questions, ni le fait qu’il ne lui avait pas précisé qu’il s’agissait juste d’observation et non pas de tuer les insectes pour les ramener. Enfin, la guerrière n’allait pas tuer les insectes, si ? Non, aucune chance. Elle était trop gentille pour ça. Tout sourire, ses préoccupations dissipées, le chaton adopta sa meilleure position d’observation. Qui sait, avec un peu de chance, il trouverait un papillon !