Hey Nate, how's life ? / ft Mouette Rieuse

Comme à son habitude, le lieutenant de la Lune semblait irradier la joie de vivre. D’un autre côté, cela te rassurait un peu : au moins, il ne semblait pas être venu te voir pour te tirer les oreilles. A son approche, tu as tenté de répondre de manière aussi convaincante que possible à son air enjoué : tu espérais le convaincre que tout allait bien, et ainsi éviter de potentielles questions personnelles qui pourraient t’embarrasser…

Après l’avoir salué d’un hochement de tête respectueux, le félin bicolore t’a vite exposé l’objet de sa venue, ce qui t’a légèrement décontenancé, il faut bien le dire. De tous les membres du Clan, tu pensais vraiment que Mouette Rieuse aurait été le dernier félin à venir te voir pour passer du temps avec lui. Il fallait bien avouer que tu n’étais pas celui que l’on venait voir en premier lorsque quelqu’un cherchait un compère avec qui discuter, alors, que le félin le plus extraverti du Clan vienne te voir pour « se vider l’esprit », selon sa propre expression, il y avait de quoi te surprendre, oui.
Mais finalement, l’idée n’était pas pour te déplaire : tu ne souhaitais pas vraiment l’avouer à voix haute, Hiver, mais toi aussi, tu avais grandement besoin de te vider la tête. Et puis, si on leur demandait, tous les membres du Clan se seraient accordés sans peine pour dire que la compagnie de Mouette Rieuse était loin d’être déplaisante. Alors, passé le petit moment d’étonnement, tu as répondu :

« Oh, eh bien… Je n’ai rien de prévu, alors avec plaisir. Guide-moi où tu souhaites aller, et je te suivrai. »

Le lieutenant n’était pas venu les pattes vides : après tout, autant partir à l’aventure l’estomac rempli ! Tu as pris un croc de la proie que le félin bicolore venait d’apporter, puis, d’un bref coup d’œil, tu l’as observé. Bien évidemment, son sourire était toujours là. Quoi qu’il se passe, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, rien ni personne ne semblait parvenir à ébranler la gaieté du félin noir et blanc. Être sans arrêt souriant, et enjoué, au lieu de se faire pourrir la vie par ses propres idées noires : Quelle chance… Mais comment fait-il ? songeais-tu…

Le sujet de la prochaine Assemblée, qui arrivait à grands pas désormais, est vite arrivé au cœur de la discussion, et le lieutenant t’a rapidement fait part de son appréhension. Et à ce sujet, le matou avait quelques craintes… particulières. Tout en t’imaginant la scène, tu n’as pas pu t’empêcher de sourire : A ta connaissance, cela n’était encore jamais arrivé que quelqu’un chute du haut des Cinq Rocs, mais étant donné l’embarras qu’une telle situation pouvait provoquer, tu ne souhaitais ça à personne, et encore moins à ton propre lieutenant. Par politesse, tu as tenté d’apaiser les craintes du félin du mieux que tu pouvais, avec une pointe d’humour :

« Ne t’en fais pas : si tu sens que tu perds l’équilibre, préviens-nous, et on se réunira tous pour amortir ta chute. On ne pourra peut-être pas t’éviter la honte ou le ridicule si tu chutes, mais ça sera toujours ça de pris si tu ne te casses rien en tombant. »

Assez fier de ta plaisanterie, tu as repris, cette fois d’un ton plus sérieux :

« Je pense surtout que tu devrais rester fidèle à toi-même. J’imagine que si Souvenir des Etoiles t’a choisi, c’est pour tes qualités qui te sont propres, et pas pour celles d’un autre. »

Si le ton que tu employais était plus sérieux, il restait tout de même assez posé : déjà en temps normal tu ne te serais jamais permis de faire la morale à ton lieutenant, alors tu n’allais quand même pas le faire juste sous ses yeux. Tu cherchais plutôt à lui insuffler toute la confiance que tu plaçais en lui, comme pour éteindre les quelques doutes qui pourrait poindre dans son esprit. Mouette Rieuse est un excellent lieutenant, ça, tu en es persuadé, et avec lui et Souvenir des Etoiles aux commandes, il n’y avait aucune raison pour que l’assemblée se passe mal pour la Lune.

Mouette Rieuse a fini par t’imiter, en prenant un croc dans la proie qu’il avait apportée, puis a continué la conversation. L’Assemblée semblait, en toute logique, être au centre de ses préoccupations, mais surtout, le félin bicolore semblait craindre maintenant de s’être laissé emporter par son enthousiasme. Mais qu’il se rassure : si les membres du Clan que tu portais dans ton cœur pouvait se compter sur les doigts de ta patte, le lieutenant en avait toujours fait partie. Dire que tu appréciais son éternel optimisme et son habituelle bonne humeur aurait été un euphémisme : Certains jours, tu te demandais franchement ce qui pouvait bien le motiver à toujours garder le sourire sur son visage. Tu as tenté de le rassurer :

« Pourquoi est-ce que tu m’ennuierais ? Je parais donc si antipathique que ça ? »

Hm. Tu ne pensais pas à mal lorsque les mots étaient sortis de ta bouche, mais à présent, tu craignais un peu que le lieutenant n’interprète mal tes propos, et ne croie que tu cherchais à le provoquer. Pour désamorcer au plus vite tout risque éventuel de conflit – ce que tu ne souhaitais vraiment pas voir arriver – , tu as rebondi sur la suite de son discours :

« Oui, j’espère pouvoir assister à la prochaine Assemblée aussi. Et ne le prends surtout pas mal, mais à choisir, je préfère une Assemblée où tout le monde te voit chuter du rocher et en rit plutôt qu’une nouvelle Assemblée qui se transforme en bataille générale. »

Tes dernières paroles étaient empreintes de sincérité : si tu ne rechignais jamais à défendre ton Clan face à ceux qui souhaitaient le déstabiliser ou le détruire, la guerre avait épuisé tout le monde, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique, et tu n’avais pas échappé à la règle. Pour le moment, tu aspirais à autre chose que de te battre contre le premier venu, et tu espérais profiter de la paix au maximum. Mais combien de temps cette paix durera-elle ? L’inquiétude commençait à revenir dans ton esprit, et tu en as fait part au félin bicolore, avec un peu d’hésitation :

« Parfois, j’ai… J’ai bien peur que cette Grande Guerre ne soit pas la dernière, malheureusement. »

Ce qu’il y avait de bien à converser avec Mouette Rieuse, c’est que rien ni personne ne semblait pouvoir l’ennuyer. Encore mieux, tu avais visiblement réussi à faire rire franchement le lieutenant avec ton trait d’humour sur la prochaine Assemblée : en voilà au moins un dans le Clan qui ne te trouverait pas sinistre. Alors que tu finissais tes dernières paroles, tu as pu apercevoir du coin de l’œil que son regard était à présent fixé vers le ciel. Mais en un instant, il reprit la parole, en t’adressant une expression emplie de tendresse.

Franchement, celui qui se dirait ennuyé par ta présence mériterait de rester à bouder dans son coin, mourrais-tu d’envie de répondre à ton lieutenant. Pour toi, il faudrait être un bien triste personnage pour ne pas apprécier la joie de vivre et la bonhomie naturelle du félin bicolore. Mais tu n’as rien dit, préférant écouter ses paroles. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces dernières te faisaient de l’effet. Rarement quelqu’un s’était montré aussi élogieux à ton égard, Hiver, et le fait que ces louanges proviennent de quelqu’un d’aussi important que Mouette Rieuse te réchauffait le cœur. Tu avais un peu de mal a dissimuler ton émotion, mais pour ne pas paraitre impoli, tu as adressé un sourire légèrement timide à Mouette Rieuse, en guise de remerciement.

Mais l’émotion fut vite chassée par le sérieux que reprenait la conversation. Toujours en silence, tu demeurais attentif et acquiesçais à l’écoute des paroles du lieutenant. S’il se voulait rassurant, ses paroles restaient tout de même réalistes : la Grande Guerre avait apporté avec elle son lot de ressentiment et de tensions, et celles-ci ne seraient certainement pas balayées d’un revers de la patte.
D’un mouvement de la queue, le bicolore t’a invité à le suivre. Tu l’as suivi, alors qu’il continuait son discours. Son discours empreint de fatalisme t’attristait un peu : il devait pourtant bien exister d’autres moyens pour que les Clans résolvent leurs soucis autrement qu’en guerroyant les uns contre les autres. Mais malheureusement, certains étaient bien trop attirés par l’odeur du sang pour parvenir à une résolution pacifique. Le bicolore donnait des coups de patte dans la poudreuse au sol : le connaissant, cette situation ne devait sûrement que très peu l’enchanter. Mais le fait que certains membres importants d’autres Clans, comme l’était Soir d’Orage, regrettent cette situation également te rassurait un peu, paradoxalement. Tu te disais qu’au moins, tout le monde à Valeemar n’avait vraisemblablement pas cédé à la fièvre de la guerre à outrance…

D’ailleurs, le lieutenant abordait désormais directement la situation, cette fois-ci du point de vue de ton Clan. Selon lui, la décision d’intervenir avait émané de Souvenir des Etoiles lui-même, ce qui te surprenait. Connaissant son caractère, le meneur crème avait dû tout essayer pour ne pas en arriver là, pensais-tu... Mais selon toi, ni lui, ni Mouette Rieuse ne devaient se sentir désolés de cette décision. La Guerre avait fait rage dans toute la forêt, et ne pas intervenir n’aurait, à tes yeux, pas garanti une issue favorable pour le Clan de la Lune, bien au contraire. C’est pourquoi, après avoir été silencieux pendant un long moment, tu as profité d’un moment de silence à la fin des paroles du lieutenants pour réagir :

- « Il n’y a bien que les fous pour prendre du plaisir à faire la guerre. Connaissant Souvenir des Etoiles, je me doute qu’il n’a pas dû prendre cette décision de gaieté de cœur. Mais à mon avis, ce choix-là était nécessaire. Combattre ne m’enchante pas non plus, mais lorsque la survie ou l’avenir du Clan se trouve menacé, nous nous devons de réagir et de lui venir en aide. Je ne vous en voudrais jamais d’avoir fait ce choix, à lui comme à toi. Je ne peux qu’imaginer à quel point cela a dû être difficile pour vous. »

Mouette Rieuse semblait néanmoins vouloir finir son discours sur une note d’espoir, ce qui te rassurait un peu, et te redonnait le sourire. Avec un félin comme lui pour épauler Souvenir des Etoiles, tu étais très loin d’être inquiet. Le bicolore avait prouvé sans peine qu’il avait l’étoffe d’un grand félin, et lorsque le malheureux jour où Souvenir des Etoiles sera contraint de quitter ce monde de manière définitive surviendra, Mouette Rieuse avait très largement les qualités requises pour lui succéder.
Le félin bicolore s’était d’ailleurs rapproché de toi, afin de t’offrir une accolade et des dernières paroles emplies de bienveillance et de sincérité. Bien que tu n’aies pas l’habitude des grandes effusions dans ce genre, tu as accueilli avec plaisir cette accolade, et tout en fixant brièvement ton regard au sein des prunelles ambrées du lieutenant, tu as voulu l’imiter, en lui offrant une expression similaire :

- « Je le sais. Je veux… Je veux que tu saches que j’ai une pleine confiance en toi, Mouette Rieuse. Tu pourras toujours compter sur moi. Je te le promets. »

Le bicolore reprit, et la conversation reprit un ton un peu plus léger… Ou presque. Le lieutenant souhaitait maintenant évoquer le cas de la dernière arrivante au sein du Clan, et une chose était sûre, vos relations avaient été électriques dès son arrivée. Même si vous aviez finalement réussi à vous réconcilier et à revenir sur des relations plus cordiales, vous n’étiez pas passé loin d’en venir aux pattes, et ce à plusieurs reprises. C’est pourquoi l’évocation de son nom par le félin bicolore t’avait soutiré un bref rire nerveux. Que lui répondre, à présent ?
Tu as songé que la grande déclaration que tu venais de lui faire ne vaudrait pas grand-chose si tu t’empressais de lui mentir ou de lui cacher la vérité quelques instants après. C’est pourquoi après un instant de réflexion, tu as réagi, en essayant d’être le plus sincère possible :

- « Hum… Eh bien, je dois avouer que l’arrivée d’Œil Glacé n’a pas été de tout repos. Le moins qu’on puisse dire, c’est que nous n’étions pas les meilleurs amis du monde. Mais les choses ont changé maintenant. On a réussi à en discuter, et notre relation s’est immédiatement améliorée. On ne sera peut-être jamais meilleurs amis, mais on arrive à se parler et à cohabiter : c’est l’essentiel. »

Tu repensais aux débuts de la chatte noire au sein du Clan : ah ça, on pouvait dire que cela avait été mouvementé. A ses débuts, c’est à peine si elle réussissait à supporter la présence d’un mâle à moins d’une longueur de queue d’elle. Mais désormais, l’ancienne domestique semblait réussir à cohabiter avec tout le monde au sein du Clan. Elle ne faisait peut-être pas l’unanimité, mais c’était déjà un beau progrès.

« Le fait que je n’étais pas vraiment partisan de sa venue chez nous a sûrement dû avoir de l’influence dans nos premiers échanges. Mais maintenant… Je crois qu’on pourra compter sur elle pour défendre le Clan. Si elle y met autant d’ardeur que lorsqu’elle se disputait avec un mâle à son arrivée, nos ennemis ont du souci à se faire ! »

Tu souriais, fier de ta petite plaisanterie. Tu as conclu :

- « Je dois t’admettre que j’ai sincèrement douté de la décision de Souvenir des Etoiles à son arrivée. Mais finalement… Le temps m’a donné tort. Et j’imagine que lui aussi. »

Cette dernière phrase avait éveillé une réflexion en toi. Si tu demeurais loyal et fidèle au meneur du Clan de la Lune, certaines de ses décisions restaient pour toi assez énigmatiques. Mouette Rieuse devait sûrement mieux le comprendre que le reste du Clan. C’est pourquoi, de manière plus curieuse, tu as décidé d’interroger le lieutenant.

- « Comme tu es son lieutenant, tu dois sûrement mieux le comprendre que nous tous. T’est-il déjà arrivé… de douter de lui ? »

Par le Clan des Etoiles. Tu craignais désormais que les mots n’aient très largement dépassé ta pensée. Tu ne voulais surtout pas que le bicolore s’imagine que tu étais en train de questionner la légitimité du meneur crème. Non, c’était la dernière chose que tu voulais. Tu avais beaucoup trop de respect pour lui. Tu as rajouté, la voix un peu plus affolée :

- « Je ne veux pas dire que c’est un mauvais chef ! Souvenir des Etoiles est quelqu’un pour qui j’ai énormément de respect et de loyauté, crois-moi. Mais parfois, j’ai… J’ai l’impression que… que j’ai bien du mal à comprendre sa façon de penser. »