Nouveaux rangs, nouvelles responsabilités [Sentinelle & Cœur de Pluie]

Nouveaux rangs, nouvelles responsabilités.
Sentinelle des Nuages & Cœur de Pluie
Lune 1209


Cœur de Pluie marchait depuis un moment déjà. Il avait quitté le camp à l’aube. Depuis qu’il avait été nommé lieutenant - tout récemment - sa tête ne voulait tout simplement pas se taire. Alors, ce matin-là, il avait décidé de renouer avec une vieille habitude : errer sans but sur le territoire de l’Ombre pour faire le vide. C’est quelque chose qu’il n’avait pas fait depuis la guerre. En fait, il n’en avait pas eu le temps. Il faut dire qu’avec tout ce qui lui était arrivé, il avait été bien occupé. Déjà, il avait passé un temps fou à la pouponnière, à s’occuper de Petite Tortue. Sa petite protégée serait bientôt apprentie, dans une lune ou deux probablement. Il se demandait quel serait son nouveau nom. Nuage de la Tortue, Tortue Nuageuse, Tortue des Nuages … ? Elle avait bien grandi et s’était complètement habituée à la vie au sein du clan. Tortue … ma fille. Cette pensée l’émût.

Et puis, il y avait eu les événements avec Lune Givrée, la jolie guerrière au pelage perle. Il se revoyait encore près d’elle, dans l’urgence de la tempête, creusant aussi vite qu’il le pouvait pour se glisser sous ce taillis qui leur avait sauvé la vie.
Son cœur tambourina dans sa poitrine, au souvenir de sa nomination. Lorsqu’Étoile de Jais l’avait choisi, lui parmi tous les guerriers si méritants, alors qu’il se sentait incapable du moindre mouvement, la surprise et le stress lui ayant coupé le souffle, il avait croisé les yeux verts d’eau de sa belle. Et c’est l’amour et la fierté qu’il y lu qui lui permirent de s’avancer, serein. C’était amusant de voir qu’il pensait à elle alors qu’il traversait le champ de fougères, là où il l’avait surprise en train de scruter la Toison Argentée quelque lunes plus tôt. Il soupira doucement.
Non, ce n’est pas qu’il n’avait pas eu le temps d’errer pour s’abandonner à ses accès mélancoliques, c’est qu’il n’en avait pas eu besoin.

Et alors que tout semblait aller en s'améliorant, que ses sombres tête-à-tête avec lui-même semblaient n'être plus que de lointains souvenirs, il avait fallu qu’il change de rang. Cela l'avait rendu anxieux, terriblement anxieux. Il l’était déjà lorsqu’il avait été nommé escadron. Il manquait cruellement d'assurance, il avait peur de décevoir leur meneuse alors qu’elle lui accordait sa confiance. Mais dans l’Escadron, ils étaient plusieurs. Il pouvait compter sur les autres, il s’inscrivait dans un groupe, certes réduit, mais soudé. Lieutenant, c’était une tout autre histoire. Il se sentait seul avec le poids de ses nouvelles responsabilités. Il se promit d’aller rendre une petite visite à Dent de Sabre pour lui demander conseil. Oui, le vétéran l’aiderait sûrement à aborder les choses sous un meilleur angle.

Le vent lui apporta alors l’odeur du clan du Tonnerre. Il se stoppa net, tous les sens en éveil avant de se détendre. Il était arrivé à la frontière, rien de plus normal. Il était tellement absorbé par ses pensées qu’il n'avait même pas fait attention à où il allait. Bon, puisqu’il était là, autant remplir ses devoirs de guerrier. Il renouvela le marquage du territoire, puis longea la frontière. Il était attentif mais ne s’attendait pas non plus à beaucoup d’action. L’Ombre et le Tonnerre étaient alliés aux dernières nouvelles, il n’y avait pas grand-chose à craindre. Il remonta la frontière en direction de l’Arbre Fendu. Il arriva à une petite clairière. Toute cette neige à perte de vue éveillait en lui un profond sentiment de manque. Il décida de faire une pause. Ses pattes ne le portaient plus, tremblantes sous le poids des souvenirs. Cette robe blanche que revêtait le sol, c'était celle que portait sa défunte mentor.  

Il avait entendu des rumeurs. Des chats disaient avoir senti d’étranges présences dans la vallée. Certains affirmaient même les avoir vus … Les guerriers des étoiles. Pluie ne savait pas quoi en penser mais il se rappelait nettement avoir aperçu le chaton mort-né de Lune Givrée. Il avait mis ça sur le compte de la fatigue et du stress, bien que la jeune reine l’ai vu également. Mais avec toutes ses rumeurs, il doutait à présent de la vraie nature de cette vision. Y avait-il une infime chance pour qu’il croise Neige Éternelle ? Alors que sa confiance en lui se dérobait, il avait besoin du regard bleu de la guerrière pour le rassurer. Il balaya la petite clairière du regard. Personne. Une colère froide, inhabituelle, gronda en lui.

« Où es-tu, hein ? Où est-ce que tu te caches ? Tu ne veux pas te montrer ? Quoi, je n’ai pas le droit de voir un guerrier du clan des étoiles, moi ? Je ne mérite pas un signe ? »

Il se sentait ridicule. Pourquoi est-ce qu’il n’était pas capable de faire son deuil comme tout le monde ? Elle n’était plus là, il devait finir par l’accepter. La mort faisait partie intégrante de la vie, même quand elle arrivait trop tôt. Il se mit à sangloter doucement. Qu'attendait-il au juste ? Crier le nom de la guerrière jusqu'à la faire apparaître par magie ? Abattu, il s’étendit dans la neige, recouvrant son museau de ses pattes avant. La gorge nouée et les yeux plein de larmes, il évacuait le trop plein d’émotions qu’il avait accumulé depuis bien trop longtemps.

« Neige Éternelle, je … j’ai besoin de toi. Je me sens complètement perdu. Lieutenant, ce n’est pas un rang pour moi, je n’ai pas la carrure pour … je ne m’en sens pas capable. Aide-moi je t’en prie, donne moi juste un signe que je suis à ma place, que je ne suis pas un imposteur, je ferai n’importe quoi … »

Cœur de Pluie dialoguait avec le vent. Étoile de Jais était-elle au courant qu’elle venait de nommer lieutenant un chat qui parlait tout seul, pleurnichant là où un guerrier digne de ce nom se sentirait honoré ? Des bruits de pas le sortirent de son introspection. D’un mouvement vif, il se redressa, les muscles tendus et le sens en alerte. Il se retourna et aperçut une femelle du clan du Tonnerre. Il ne l’avait jamais vu aux assemblées, ou alors il n'avait pas été assez attentif.  

« Bonjour ! »

Son ton était amical, joyeux. Le félin tigré resta interdit un instant. Il ne répondit pas et se contenta de la fixer en silence, affichant une expression entre étonnement et consternation. Il ne s’attendait pas à croiser quelqu’un. Puis, se rendant compte de son impolitesse, il décida de se présenter et d’engager la conversation. Après tout, ils étaient chacun de leur côté de la frontière, et puis, ça lui changerait les idées.

« Bonjour ! Je suis Cœur de Pluie, esca … euh … lieutenant du clan de l’Ombre. Je ne crois pas t’avoir déjà croisé. Qui es-tu ? »

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Cœur de Pluie fixait son interlocutrice.  Elle s’assit calmement avant de lui répondre.

« Je me nomme Sentinelle des Nuages. »

Quoi ?! Une apprentie ? Non mais, elle faisait presque sa taille ! Le guerrier fut déstabilisé un court instant. Il détailla la jeune chatte. Elle était très imposante avec ses larges épaules et son épaisse fourrure. Ses pattes étaient aussi grandes que les siennes. Avec de l’entraînement, elle deviendrait une guerrière à la force redoutable. Pluie plongea ses yeux dans les siens. Son physique impressionnant était trompeur, certes, mais la lueur qui dansait au fond de son regard ne mentait pas. Dans ses prunelles ambrées se reflétait une volonté de découvrir le monde, le frisson des premières fois, l’excitation face aux nouvelles choses. Son visage était toujours celui d’une enfant. Elle ne devait pas être apprentie depuis très longtemps.

« C'est parce que tu es lieutenant que tu es triste ? »

Sa question le sortit de sa contemplation pour le ramener à la réalité. Comment savait-elle qu’il était triste ? Il était donc si transparent que ça ? Une goutte d'eau salée coula sur ses moustaches. Il comprit que ses larmes étaient toujours visibles, même s’il ne pleurait plus. Il maudit ses yeux humides puis se racla la gorge, s’assit dans la même position que la novice puis se passa un coup de langue sur le poitrail pour se donner un peu de contenance.

Il s’apprêtait à lui répondre, mais il ne savait pas vraiment quoi. Que dire en fait ? Qu’il était incapable d’apprécier l’honneur que sa chef lui faisait à sa juste valeur ? Qu’il était trop sensible et manquait affreusement de confiance en lui, ce qui le paralysait pour prendre des décisions importantes ? Qu’il paniquait facilement à l’idée de devoir donner des directives ? Ou encore qu’il était incapable de faire le deuil de son mentor après trente-cinq lunes ?!

Trente-cinq lunes, déjà ?

Le lieutenant fut pris de vertige. S’il n’était pas assis, il en serait sûrement tombé. Tant de temps passé à se morfondre, à ressasser en boucles les mêmes événements, les même pensées noires. À côté de quoi était-il passé ? Sa jeunesse de guerrier, l'insouciance supposée l'accompagner ... Il était grand temps qu’il laisse ce qui était révolu derrière lui et qu’il se reprenne en main.

« Être lieutenant est un grand honneur, mais c’est aussi beaucoup de responsabilités. C’est tout aussi effrayant qu’exaltant, mais ce n’est pas ce qui me rend triste. En fait, je ne suis pas vraiment sûr mais je crois que je suis triste parce que ... parce que je n'ai pas été assez insouciant lorsque je pouvais l'être. Et je n'en aurai peut-être plus jamais l'occasion.»

La pauvre novice ne devait pas être bien avancée. Il esquissa un petit sourire et adopta un ton plus enjoué.

« Alors dis-moi, ton baptême est tout récent ? »

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Lune 1209


Le guerrier tigré lisait l’incompréhension de l’apprentie sur son visage. Qu’est-ce qui lui avait pris de se lancer dans pareille explication face à un chaton ? Un chaton immense, certes, mais un chaton quand même.

Elle ne semblait pas vouloir répondre à sa question, se contentant de l’observer en silence. Remarque, elle n’avait peut-être pas envie de parler de son baptême avec un chat d’un autre clan. Et lui, que faisait-il ici à essayer de miner le moral d’une novice ? Il était temps de rentrer. Alors qu’il s’apprêtait à lui dire au revoir et lui souhaiter bon courage pour son entraînement, quelque chose d’inattendu se produisit. Sentinelle des Nuages se leva, et s’approcha de lui. Une de ses pattes antérieures transgressa la frontière. Il tiqua, ses muscles se tendirent par réflexe, même s’il se doutait qu’il n’avait rien à craindre. Et alors qu’il s’apprêtait à lui demander une explication, elle plaça son museau contre son épaule, dans un geste qui se voulait réconfortant. Il était presque sûr que le coup de tête qu’elle lui avait mis au passage n’était pas volontaire.

Pluie resta interdit un instant. Il ne savait ni quoi dire, ni quoi faire. La femelle crème se rassit de son côté de la frontière, visiblement aussi perturbée que lui. Au fond, le lieutenant était touché de cette petite attention.

« Cela fait quelques jours que je suis apprentie ! »

Elle arracha un sourire sincère à Cœur de Pluie. Il devait bien reconnaître que son enthousiasme était contagieux.

« Tu veux jouer avec moi ? »

Quoi ?  Sa voix, pleine d’engouement, trahissant une excitation qui n’existe qu’à cet âge là, ne manquait pas non plus de sérieux. C’était une vraie proposition. Il s’imagina rapidement qu’un guerrier de l’Ombre ou du Tonnerre - ou pire, une patrouille complète - les surprenne ; le lieutenant de l’Ombre en train de s’amuser joyeusement à la frontière avec une apprentie d’un autre clan … Ce n'était pas sérieux. Il s’apprêtait à décliner, mais aucun son ne quitta sa gorge. Les prunelles de la jeune tonnerreuse pétillaient de vie. Elle était tellement sincère dans sa démarche et revêtait une telle innocence qu’il n’eut pas le cœur de lui dire non. Parce qu’après tout, pourquoi pas ? Ils ne faisaient rien de mal.

Il se leva et s’ébroua. Les yeux brillant de malice, il pencha légèrement la tête sur le côté sans la quitter des yeux.

« D’accord, je veux bien jouer, mais tu dois me promettre que l’on pourra rester chacun sur notre territoire. Alors, quelles sont les règles ? »

Nouveaux rangs, nouvelles responsabilités Sentinelle des Nuages & Cœur de Pluie Yayy !

Une fois de plus et comme entre chacune de leur phrase, le silence reprit sa place. Le lieutenant de l'Ombre semblait hésitant mais la détermination du chaton, elle, ne flanchait pas.

« Steuplait ! » Miaula-t'elle avec de grands yeux suppliants.

Cœur de Pluie semblait avoir pris sa décision puisqu'il se leva et se secoua pour chasser la neige encore dans l'emprise de son pelage. Pour le plus grand bonheur de la jeune apprentie, le guerrier cendré se mis en position de jeu à son tour.

« D’accord, je veux bien jouer, mais tu dois me promettre que l’on pourra rester chacun sur notre territoire. Alors, quelles sont les règles ? »

Son grand sourire s'étira sur son visage. Elle était tellement heureuse qu'il accepte !
Alors, Sentinelle des Nuages regarda autour d'elle ce qui pouvait faire l'objet  d'un jeu sans que la frontière ne soit transgressée. Le paysage partiellement blanc ne lui offrait pas grand chose.. Mais l'un des arbres sur les terres du Tonnerre avait des racines si hautes et apparentes qu'une parti du tronc formait une sorte d'abri pour la mousse qui poussait sur l'écorce. Le regard doré du chaton fit un aller retour de la frontière à la mousse puis elle se leva d'un mouvement vif.

« D'accord, je te promet qu'on n'aura pas besoin de transgresser la frontière pendant qu'on joue ! » Miaula-t'elle joyeusement alors qu'elle lui tournait le dos pour se diriger vers l'arbre sur son propre territoire.

Et les promesses, c'était important ! Il fallait toujours s'en tenir à ses paroles !
La femelle crème arracha la mousse à son écorce pour former plusieurs petites boules compactes et bien rondes. Une fois qu'elle eut fini de réaliser de jolies sphères, Sentinelle balaya les alentours du regard à nouveau et se dirigea entre deux feuillus de son territoire assez proches l'un de l'autre. D'un coup de patte, elle envoya l'une des boules de mousse vers Cœur de Pluie puis désigna deux conifères tout aussi proches entre eux d'un mouvement de tête. Seuls deux mètres les séparaient à cet endroit.

« Le but ça va être d'envoyer les balles de mousse entre nos deux arbres respectifs ! Et chaque fois qu'il y en a une qui traverse la ligne, » Commença-t'elle en traçant une ligne reliant les deux arbres à l'aide de ses griffes; « Ca nous fait un point ! Celui qui a le plus de points gagne et on peut récupérer les boules de mousse qui sont derrière la ligne pour les renvoyer, faudra juste compter dans nos têtes »

Sa queue s'agitait avec impatience alors qu'elle revenait près du tas de boules de mousse qu'elle avait fait. D'habitude, les chatons ne jouaient avec une seule.. Mais si il y en avait plein, ce serait plus difficile et plus amusant !
Derrière elle, sa queue s'agitait nerveusement de gauche à droite. Elle était impatiente de pouvoir jouer !

« Prêt ?! » Miaula-t'elle avec malice.

Et dès que son accord fut donner, l'apprentie envoya les boules de mousse sur le territoire de l'Ombre à pleine vitesse, les mettant toute en jeu avant qu'il ne soit trop capable de les lui renvoyer.
Ainsi, leur jeu débuta.

HRP:

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Le sourire qu’afficha Sentinelle des Nuages lorsqu’il accepta de jouer mit du baume au cœur du guerrier.

« D'accord, je te promet qu'on n'aura pas besoin de transgresser la frontière pendant qu'on joue ! »

Il se demandait ce qu’elle pouvait bien avoir en tête. Une course semblait être l’option la plus probable, une épreuve de vitesse en longeant la frontière, ce devait être possible. Ou un jeu de devinettes peut-être ? Il paniqua un peu à cette idée, il ne connaissait aucune devinette, il n’était pas sûr de pouvoir répondre, et il se sentait bien incapable d’en inventer. Alors que la novice lui tournait le dos pour se rendre près d’un arbre, il cogita à toute vitesse. Bon, une bonne devinette, vite … C’est quand même pas possible d’avoir aussi peu d’imagination !

Il pensa alors à son frère, Hiver Ensoleillé. C’était lui, le grand expert en jeu. Il avait toujours le mot pour rire, l’air malicieux et un sourire contagieux. Les devinettes, c’était sûrement ce qu’il préférait. Bon sang, avec toutes celles qu’il lui avait faites, quand ils n’étaient encore que chatons mais surtout pendant leur apprentissage, il allait bien s’en rappeler au moins une !

La femelle crème revint près de lui et lui envoya une boule de mousse d’un coup de patte. Il la réceptionna sans difficulté, puis la fixa un instant, peu sûr de comprendre. Qu’est-ce qu’il avait manqué ? Il releva les yeux pour les poser sur l’apprentie qui lui expliqua alors les règles du jeu. Un jeu d’adresse ? Le lieutenant poussa un soupir de soulagement. Voilà qui relevait déjà plus de ses capacités ! Ainsi, il éviterait peut-être de se ridiculiser.  

Il étudia rapidement le terrain. Les arbres étaient à distance égale. Les boules de mousse n’étant pas imbibées d’eau, elles étaient certes légères mais peu évidentes à manipuler avec précision. Il détailla son adversaire. Ses coups seraient probablement puissants, les balles seraient donc rapides. Pluie savait qu’il ne gagnerait pas en misant sur sa force, il devait donc répondre aux attaques en étant le plus précis possible.

Sentinelle des Nuages semblait trépigner d’impatience à l’idée de jouer. Quand avait-il perdu cette vigueur, cet enthousiasme enfantin ? L’avait-il jamais eu ?

« Prêt ?! »

Ce n’était pas le moment de penser à ça. Il prit appui sur ses pattes postérieures et hocha la tête pour signifier qu’il était prêt. La jeune tonnerreuse envoya alors toutes les boules qu’elle pouvait. Pluie bondit. Il avait une stratégie en tête. Il mit en jeu celle qu’elle lui avait envoyé un peu plus tôt, ne la lançant pas très fort pour qu’elle atterrisse juste aux pattes de la novice. Sur les trois premières boules qui arrivèrent sur son territoire, il amorti les deux premières, pour qu’elles arrivent avec très peu de vitesse jusque sur le territoire du Tonnerre et qu’elles soient donc plus dures à renvoyer. Il laissa volontairement passer la troisième ; il ne s’agissait pas de ne pas prendre de buts, il s’agissait simplement d’en marquer plus que son adversaire.

De toutes ses forces, dans un geste vif et précis, il frappa la quatrième boule qui passa sous le nez de l’apprentie et traversa la ligne entre les deux feuillus. Fier de lui, il fut pourtant déstabilisé quand il vit un grand nombre de boules revenir vers lui. Il avait peut-être sous-estimé son opposante …

« Tu es douée, je dois bien le reconnaître ! »

Nouveaux Rangs, nouvelles responsabilités Sentinelle des Nuages & Cœur de Pluie J'ai gagnéééééé !

Contrairement à son aîné, Sentinelle des Nuages s'amusait à renvoyer les balles de mousses de mouvement vifs et puissants, le forçant à devoir toutes les arrêter s'il ne voulait pas que l'une d'elle finisse entre ses deux conifères ! Enfin.. A la différence du lieutenant, l'apprentie était obligée de courir partout : Devant, derrière, à droite,  à gauche.. Les lancés du félin gris étaient précis et réfléchis, tout l'opposé du grand chaton !

« Tu es douée, je dois bien le reconnaître ! »

« T'es pas mal non plus ! » Rétorqua-t'elle en pouffant de rire.

Sentinelle rayonnait de joie à son commentaire. Elle riait aux éclats, continuant de bondir partout pour essayer de rattraper toutes les balles que lui envoyait Cœur de Pluie.
Toutefois, l'apprentie d'Étoile Embrasée était bien loin d'être stupide et sa manière de jouer changea radicalement pour parfaitement imiter celle du lieutenant. Toujours en rigolant, elle réussit à marquer pas mal de points d'un coup, profitant de ce court instant ou elle avait pu le déstabiliser !
Leur jeu continua un certain temps jusqu'à ce que toutes les balles finissent dans un camp ou dans l'autre à l'exception d'une. Sentinelle se jeta dessus pour la réceptionner et roula plus ou moins volontairement dans la neige, mordillant et griffant la balle comme un chaton. Allongée sur le dos, elle renvoya doucement la balle au félin de l'Ombre sans grande conviction, reprenant son souffle. Elle eut un petit rire alors qu'elle le regardait en levant la tête, le voyant de ce fait inversé.

« Je crois que j'ai deux points de plus ! J'ai gagné ! »

L'apprentie se releva d'un bond pour lui faire face, toujours avec ce grand sourire rayonnant de joie. Dans le fond, elle se fichait totalement de perdre ou de gagner. Elle était juste heureuse d'avoir pu partager ce moment avec lui et du fait qu'il ne soit désormais plus triste.
Et puis.. Elle doutait qu'avec ses piètres compétences de chaton, elle puisse faire le poids contre le prestigieux lieutenant. Mais elle se fichait aussi du fait qu'il la laisse gagner. L'important était de s'amuser alors elle se prêta au jeu !

« Mais rien de plus normale pour la future meilleur guerrière de tous les clans ! » S'exclama-t'elle avant de pouffer de rire, ne prenant pas ses paroles au sérieux. Le fait que ce soit son objectif ne la rendait nullement arrogante et, pour l'heure, elle n'était qu'un gros chaton et elle le savait pertinemment.

Sentinelle jeta alors un regard en direction de la rivière Delta d'où elle venait. Une autre idée lui vint alors en tête: Étoile Embrasée lui avait déjà expliqué qu'ils devaient longer la frontière de l'Ombre pour se rendre aux cinq rocs.. Alors qui de mieux placer que leur lieutenant de leurs voisins pour faire le trajet avec elle et l'emmener découvrir cet endroit en l'absence du meneur de son clan !
Ses prunelles dorées se posèrent de nouveau sur Cœur de Pluie, ses yeux trahissant son excitation et sa hâte à l'idée qu'elle venait d'avoir.

« Oh, tu voudrais bien me montrer le chemin pour aller aux cinq rocs ?! Steuplait ! » Demanda-t'elle avec ce même regard suppliant alors qu'elle n'avait même pas encore pleinement repris son souffle.

Hrp:

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« T'es pas mal non plus ! »

Sentinelle des Nuages paraissait vraiment s’amuser. Son rire résonnait autour d’eux, au milieu des éclats de poudreuse et des boules de mousse virevoltantes. Elle sautait et courait dans tous les sens. L’innocence de sa joie était profondément touchante, elle s’enroulait peu à peu autour du cœur du guerrier gris, l’enveloppait d’un bonheur enfantin, beau dans sa simplicité.

En fait, Cœur de Pluie devait reconnaître qu’il s’amusait vraiment, lui qui était pourtant réticent à l’idée. Et alors qu’il sentait qu’il devenait de plus en plus à l’aise à leur jeu, il retint la plupart des coups stratégiques qui aurait pu lui donner la victoire. Il n’en laissa rien paraître, continuant à faire courir la novice dans tous les sens en alternant les amortis et les coups puissants. Il n’avait aucun intérêt à gagner face à une si jeune apprentie. Alors que toutes les boules avaient été expédiées dans un camp ou dans l’autre, et que l’énergie du jeu commençait à décliner, une dernière s’attardait entre eux. Il vit la femelle crème bander ses muscles pour bondir. Il savait qu’il aurait pu la prendre de vitesse, mais il n’en fit rien. Elle se jeta sur la balle et s’affala dans la neige, roulant et riant, avant de finalement lui renvoyer la balle d’un geste lent, marquant la fin de leur partie.

« Je crois que j'ai deux points de plus ! J'ai gagné ! Mais rien de plus normal pour la future meilleure guerrière de tous les clans ! »

Il rit doucement, l’humour dans la voix du chaton ne lui laissant pas de doute quant à comment interpréter ses paroles. Effectivement, Sentinelle des Nuages avait gagné. Le lieutenant ne s’en formalisa pas. En acceptant de jouer et en la laissant le vaincre, il avait gagné un moment d’insouciance, et pour lui, c'était d'une valeur inestimable. Au fond, il était reconnaissant à la jeune féline de lui avoir offert ça. La journée avançait. Il allait bientôt devoir prendre congé de la tonnerreuse, même s’il aurait volontiers prolongé cet instant.

« Oh, tu voudrais bien me montrer le chemin pour aller aux cinq rocs ?! Steuplait ! »

Pluie resta interdit. Il sentait bien que c’était une demande sérieuse, et cela semblait lui tenir à cœur. Toutefois, ils avaient déjà pris des risques en jouant ; il était plus sage qu'ils rentrent chacun chez eux.

« Écoute, petite, je ne sais pas si c’est une bonne idée. » Elle le fixait de ses grands yeux dorés. « C’est à ton mentor de faire ce trajet avec toi, c’est un moment que tu regretteras de ne pas avoir partagé avec lui sinon … » Elle ne dit rien et continua à le supplier du regard. Une lueur de dépit dansait dans ses prunelles enfantines. Son grand sourire n’était plus qu’un souvenir, ayant laissé place à une moue déçue. « Non, ne ... Ne me fais pas ces yeux-là … » Voir toute cette peine dans ses yeux d’ordinaire rieurs était un véritable crève-cœur. « Bon d’accord, d’accord! » Il poussa un petit soupir, plus amusé qu’agacé. « Chacun de son côté de la frontière, et la discrétion est de mise. En route. »

Il commença à longer la frontière en direction des Cinq Rocs. Il avait du mal à garder une expression sérieuse en considérant l'enthousiasme débordant de Sentinelle. Il fit taire ses doutes. À sa connaissance, il n’enfreignait pas le code du guerrier, du moment que cela ne devenait pas une habitude …

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Cœur de Pluie avait à peine eu le temps d’énoncer sa consigne que Sentinelle des Nuages s’était déjà précipitée en direction de la rivière. Il devait bien reconnaître qu’il était soulagé de la voir à nouveau pleine d’entrain. Ils se déplaçaient à une allure soutenue, rythme imposée par la novice, ce qui convenait parfaitement à Pluie. Ce qui lui convenait moins, par contre, c’était le bruit hallucinant qu’elle produisait naturellement. Toujours en train de courir, de s’exclamer … C’était presque à croire qu’elle choisissait avec soin les endroits où la neige était plus de la glace que de la poudreuse pour pouvoir la faire craquer !

J’imagine que pour la discrétion, on repassera …

Alors qu’ils continuaient de progresser vers la frontière, l’apprentie l’interrogea. D’abord réservé et peu enclin à s’ouvrir, il compris face au déluge de questions qu’il n’allait pas s’en sortir si facilement. Alors, petit à petit, il se mit à répondre. Au fur et à mesure qu’il parlait, il fut surpris de la facilité déconcertante avec laquelle il se confiait à la jeune femelle. Et alors il raconta.

Il lui décrit ses lunes d’apprentissage aux côtés de Neige Éternelle ; elle qui lui avait appris à se battre, certes, mais surtout à compenser ses lacunes au combat par ses talents de chasseur. Et bien que chaque membre du clan contribue à l’évolution des novices, c’était la guerrière au pelage immaculé qui avait appris à Pluie à chasser, à se fondre dans le décor, à devenir moins bruyant que son environnement. C’était elle qui lui avait enseigné le pistage, son domaine de prédilection, ce qu’il préférait par-dessus tout. À chaque fois qu’il se retrouvait à suivre une piste, lorsqu’il s’abandonnait complètement à ses sens et à son instinct, elle était près de lui.

Sur sa lancée, il raconta également cette journée d’entraînement avec Dent de Sabre qui l’avait tant marqué. La novice au pelage crème avait probablement entendu parler du vétéran dont les qualités étaient vantées bien au-delà des frontières de l’Ombre. Il lui conta sa surprise, sa capture d’un lézard en pleine évaluation, leur jeu de questions-réponses, comment il avait terminé le museau dans la vase … Il essaya d’appuyer sur l’importance de profiter de son entraînement, de comprendre la chance que l’on avait, en tant que novice, de grandir et d’évoluer auprès de guerriers et de chasseurs si talentueux. Le tigré fut impressionné lorsque Sentinelle lui révéla l’identité de son - ou plutôt de ses - mentors. Le chef, et le fils du chef, rien que ça ! Raison de plus pour ne perdre aucune miette de leurs précieux enseignements.

Il ne parla que très brièvement des félins de l’Ombre. Il décrit surtout les valeurs fondamentales qui définissaient son clan ; la force, la loyauté, le dépassement de soi. Il ne s’étendit pas plus, ne pouvant décemment pas donner trop de détails même s’il savait que la novice ne pensait pas à mal en posant ces questions, simplement curieuse de tout découvrir. Il espérait donc que cette réponse la satisferait.

Il lui conta aussi les terres de Cerfblanc. Il décrivit le territoire que l’Ombre avait là-bas, là où Pluie était né, avait grandi et reçu son nom de guerrier. Il parla des endroits où son frère et lui, encore nommés Nuage Ensoleillé et Nuage de Pluie, allaient régulièrement jouer et chasser ensemble. Sa voix se teinta de nostalgie. Il aimait profondément Valeemar, mais évoquer Cerfblanc était toujours quelque chose de douloureux.

Pour ce qui était du grand voyage, il lui décrivit tout d’abord la surprise qui l’avait étreint lorsqu’il comprit que les clans devaient quitter leurs terres ancestrales. Puis ce fut l’angoisse, l’appréhension grandissante de la suite des événements. Pluie était alors guerrier depuis tout juste trois lunes lorsque le voyage débuta. Il raconta alors à la jeune apprentie comment il l’avait vécu. Il ne lui donna pas la version générale du voyage qu’elle avait sûrement déjà entendue chez les anciens. Non, il lui offrit quelque chose de moins grandiose, mais bien plus intime. Il narra comment son frère et lui se relayaient pour porter des chatons et chasser ; comment ils avaient dû soutenir leur mère, Bouton de lys, pour l’aider à marcher dans ses derniers instants. S’il était admis qu’elle était morte à un âge avancé, il ne fallait pas oublier qu’elle était surtout affaiblie par la fatigue et une mauvaise alimentation dues aux conditions du voyage. Sans cela, elle aurait probablement eu le droit à d’autres belles lunes de vie. Enfin, belles … En y réfléchissant bien, Bouton de Lys avait grandi avec la menace de la Meute, vécue l’Apocalypse, puis la guerre contre les Étoiles Noires, la perte de l'accès à la Pierre de Lune ; elle avait assisté à la destruction progressive de la forêt où elle avait passé sa vie. Bien plus que d’épuisement, ou de malnutrition, Pluie était persuadé que sa mère était morte de chagrin. Quitter Cerfblanc fut un trop grand déchirement. Au moins était-elle partie paisiblement, par une nuit claire où la Toison Argentée était bien visible, entourée de ses deux fils.

Le matou gris ne s’étendit pas plus, il avait peur d’ennuyer son interlocutrice avec ses histoires morbides. Il garda pour lui la mort de Neige Éternelle. Il avait évoqué la douleur de sa perte à Lune Givrée, mais il ne s’était pas épanché. Son cœur se serrait rien que d’y penser. Il se souvenait avec précision de leur dernière soirée ensemble, alors que la maladie la tuait lentement. La couleur pourpre du ciel dégagé, la poudreuse qui couvrait le sol, les arbres nus et l’odeur de la guerrière qui flottait autour de lui, aucun détail ne manquait dans le souvenir qu’il avait de ce triste tableau. Ils étaient entourés d’autres félins, de l’Ombre et d’autres clans, et pourtant ils étaient seuls. L’expression sur son visage ce soir-là … Ça suffit! Arrête de ruminer le passé, idiot. C’est ce qu’elle te dirait. Concentre-toi sur le présent. Profite de chaque instant.

Il s’ébroua doucement. Ils ne tarderaient plus à arriver en vue de la rivière. Et Sentinelle des Nuages, à la curiosité visiblement insatiable, lui posa d’autres questions auxquelles il fut heureux de répondre. Il ne mentionna que très brièvement les autres clans, se contentant de décrire factuellement les systèmes hiérarchiques, les valeurs généralement attribuées et les compétences mises en avant. Déjà, parce qu’en réalité il n’en pensait rien de spécial. Il n’y avait que l’Ombre qui importait à ses yeux. S’il fallait se battre, il se battait pour défendre son clan, ses membres et leur honneur, et certainement pas par animosité envers les autres. Et s’il considérait que tous les chats étaient égaux, et que chaque tribu méritait du respect, il n’en demeurait pas moins qu’il ne pouvait pas s’empêcher de faire passer sa famille avant les autres. Ensuite, il ne voulait tout simplement pas influencer l’opinion d’une apprentie d'un autre clan.

Lorsqu’ils arrivèrent aux abords de la rivière, la novice crème ralentit et laissa le lieutenant prendre la tête de la marche pour la guider. Une pomme de pin, nouvelle cible de l’attention de Sentinelle, fut transformée en balle le temps d’un instant. Elle l’envoya valser vers le guerrier qui la réceptionna, joueur. L’odeur du pin était ténue, mais toujours présente. Pluie aimait beaucoup cette senteur. Il sourit encore face à la joyeuseté débordante de la jeune femelle. Décidément, elle ne s’arrête jamais.

« On arrive bientôt ? Et c'est comment les Assemblées ? Tu y as souvent été ? »

Comme depuis le début de leur escapade, les questions arrivaient dans tous les sens, et il n’avait même pas eu le temps de répondre à la première que deux autres étaient déjà posées. Il la rassura, ils étaient presque arrivés. Le regard de la novice se perdit vers les terres de l’Ombre, et le lieutenant se demanda ce qu’elle pouvait bien fixer avec autant d’intensité. Alors qu’ils empruntaient le petit pont qui les menait en terre libre, Pluie parla de son expérience des Assemblées. Il n’en avait vécues qu’une ou deux en tant qu’apprenti, et en tant que guerrier, il y allait lorsqu’il était choisi mais il n’avait jamais spécialement demandé à y assister. Avec son nouveau rôle, il savait que sa présence y serait désormais systématique. Ils arrivèrent enfin aux Cinq Rocs, ces majestueuses pierres dressées sur la lande. Sous une épaisse couche de neige, elles semblaient presque prisonnières du temps. Le mâle gris laissa un peu de temps à sa comparse pour admirer les alentours, avant de lui expliquer le déroulement complet d’une Assemblée.

« Et voilà, tu en sais un peu plus qu’à ton réveil désormais. Un jour, ou plutôt une nuit, nous nous croiserons sûrement lors d’une Assemblée, qui sait ? »

Il avait parlé d’un ton taquin, mais il ne laissait pas planer le doute. Ils allaient devoir se quitter sous peu. Et pourtant, qu’est-ce qu’il aurait aimé profiter d’un autre moment d’insouciance aux côtés de cette jeune novice si pleine de vie ! Il baissa les yeux pour ne pas avoir à affronter son regard après son adieu déguisé. Puis il se reprit, et réalisa que s'il l'avait emmenée jusqu'ici, elle n'était peut-être pas capable de retrouver elle-même le chemin du retour. Aussi, il prit sur lui de la raccompagner jusqu'à la limite de son territoire.

Arrivés à la frontière du Tonnerre, il la salua et lui souhaita bien du courage pour la suite de son entraînement. Il la regarda un instant, s'enfoncer dans les sous-bois du Tonnerre, toute guillerette. Puis le lieutenant de l'Ombre prit le chemin du retour, le menant au cœur de la pinède.

[fin du rp]