Enter the ninja || Ft: Appel du Loup

Un vent froid s’est mis à souffler dans la vallée, mais le soleil résiste et s’est levé avec une détermination ardente à briller ce matin-là. Appel du Loup apprécie cette douce chaleur qui vient caresser son pelage fin. Oui, il est réellement de bonne humeur en ce jour. Après les longues lunes passées dans la noirceur de la Marée Noire, la vague de maladies et de mort qui s’est abattue sur les clans, l’espoir semble à nouveau à portée de patte. Il y a quelques couchers de soleil, le Clan du Tonnerre enterrait encore un ancien qui n’avait su résister au mal sombre qui s’était abattu sur la mer. Le Loup est plus déterminé qui jamais à tout faire pour ne pas avoir à veiller sur un autre corps.

Qui l’aurait cru, Appel du Loup, levé à l’aube pour aller chercher des herbes médicinales ? Son domaine, ça a a toujours davantage été les griffes. Mais le vent tourne, et il a tour à tour endossé des rôles bien différents dans cette crise, à commencer par celui d’ambassadeur auprès du Clan de la Lune… Cela lui laisse un étrange goût doux-amer dans la gueule. Il sait pourquoi il a été désigné, descendant d’une longue lignée luneuse. Même lui en avait éprouvé de la fierté, et s’était imaginé renouer avec des racines lointaines. Qu’avait-il pensé ? Que rencontrer une arrière-grand-mère, une grand-mère pour la première fois résoudrait tous les problèmes de sa vie ? Il en ricanerait à présent. Une famille que l’on n’a jamais connue n’est pas une famille. Il a perdu un frère à la Lune. Mais lui fait partie du Clan du Tonnerre, et c’est ce Clan qu’il a aujourd’hui le devoir de servir, de protéger.  Il en est plus convaincu que jamais. Alors, le Loup a abandonné son rôle d’ambassadeur aux pattes d’un guerrier plus aguerri que lui au maniement des paroles diplomatiques, et a repris son simple rôle de guerrier, dont la mission aujourd’hui est de ramener le plus d’herbes médicinales possibles au camp. Nuage des Chouettes et Esprit du Renard sont encore bien occupés, et plusieurs chatons se trouvent encore pris de fièvre.

Il a choisi de se diriger sans attendre vers les Cinq Rocs. Les herbes médicinales commencent à se faire rares dans le territoire du clan, il se dit donc qu’il peut pousser ses recherches un peu plus loin. Il espère trouver ici, au pied des pierres, des pousses de germandrées, l’une des seules plantes qu’il sait à présent reconnaître, et qui aide efficacement à lutter contre la fièvre de ce qu’on dit. Et à présent… A présent quoi ? Il s’est perché sur un chêne qui borde la clairière sacrée. Alors qu’il s’approchait du lieu, une silhouette blanche s’est détachée entre les arbres et les rocs, et il a grimpé sans réfléchir. Les clans ne sont pourtant pas en confrontation ces temps-ci, il s’agit plutôt de l’inverse. Mais le Loup, d’un naturel prudent, a laissé son instinct le guider. De là où il est, il ne discerne pas clairement l’inconnu, ni ne peut capter à son odeur de quel clan il vient. Les odeurs de la dernière assemblée encore récente lui rendent la tâche impossible.

Il a patienté quelques instants, mais l’inconnu ne semble pas décidé à continuer son chemin. Et le Loup n’a pas toute sa journée. Faire la conversation, ce n’est pas trop son truc, mais si c’est le prix à payer pour le plan de germandrées qu’il aperçoit à quelques pas du félin blanc… Ainsi soit-il. Arrivé à cette conclusion, il saute donc prudemment de son perchoir. Le chat a le visage marqué d’une cicatrice et un étrange rictus sur la face, pas le genre de traits qu’on oublie, mais cela ne dit rien du tout au Loup. Un jeunot ? Il n’en a pourtant pas l’air. Mais au final, l’identité de l’individu n’intéresse que peu le guerrier du Tonnerre, tant qu’il peut faire sa récolte tranquille… Il adresse un signe de tête en guise de salutations à l’inconnu, s’apprête à se diriger vers la plante qui l’attend toujours sagement, se stoppe.

Quelque chose cloche. Tout de même, une odeur devrait identifier le matou à présent. Mais ni celle du Tonnerre, de la Rivière, de l’Ombre ou encore du Vent ne vienne marquer clairement son pelage. Appel du Loup plisse les yeux, face à un problème qu’il n’avait pas envisagé, puis se reprend. Pas la peine de commencer un conflit. Peut-être peut-il tenter la carte de la diplomatie ? Il a un peu d’entraînement après tout à présent.

« Tu n’es pas du coin toi… Je me trompe ? D’où viens-tu ? Et où vas-tu ? »

Un moyen détourné de s’assurer que l’autre n’est bien que de passage…

Spoiler:

Il jauge l’inconnu d’un œil attentif, le suivant du regard lorsqu’il se met à déambuler nonchalamment. Le Loup écoute les réponses sans mot dire, jaugeant le félin, tout en absorbant le flot d’informations inédites. La ville ? C’est un concept étrange et flou pour lui, ce mot que les clans utilisent parfois pour désigner le monde des bipèdes, né de la destruction de la nature. Les témoignages de ce qui a poussé les clans à quitter Valeemar avait fait frémir le jeune chat qu’il était, buvant les mots des anciens avec sidération. Loup avait perdu un monde à cause des villes, et avait grandi dans l’errance. Mais voilà qu’un chat sorti de nulle part lui apprenait qu’elles étaient vivables ? Mais ce que le Loup retient surtout, c’est qu’il y a à priori une ville près d’ici, près de la vallée choisie par les étoiles pour abriter les cinq clans. Risquent-ils encore une fois d’être délogés ? A cette idée, il doit se retenir de labourer nerveusement le sol de ses griffes.

A cet instant, il feigne encore l’intérêt distant de celui qui écoute sans vraiment se sentir concerné, car après tout, pourquoi les paroles de l’inconnu devraient-elles avoir une quelconque importance pour lui ? Du coin de l’œil, il zieute toujours la plante qu’il est venu chercher. Il aimerait pouvoir la récupérer et repartir d’où il vient après avoir montré le chemin au solitaire pour sortir des territoires sain et sauf. Ainsi, il ne peut empêcher son regard de le trahir, prenant un éclat méfiant lorsque le chat au pelage clair annonce posément qu’il compte s’installer dans le coin. Voilà, c’était certain. Il ne pouvait décidemment pas faire un pied en dehors des terres du Tonnerre sans rencontrer de problèmes. Pourtant, il n’en a vraiment pas besoin en ce moment. Il y a encore peu, il ne se serait pas fait prier pour sortir griffes et crocs et en faire voir une belle au solitaire un peu trop sûr de lui qui se trouve devant ses yeux. Mais aujourd’hui, il se contient. « L’air est agréable »… Le museau du Loup se retrousse en une grimace mi-figue mi-raisin. L’autre se croyait arrivé à une destination de vacances ? Il risquait d’être déçu, vu l’état médiocre de la plage et de tous les cours d’eau qui sillonnent Valeemar après la Marée Noire. Si l’épidémie de mal étrange amenée par la substance sombre a commencée à se calmer, les proies elles restent rares. Les clans n’ont sûrement pas besoin de bouches à nourrir avec lesquelles devoir partager le gibier en ce moment. Appel du Loup doit s’empêcher de cingler l’air de la queue par agacement et inquiétude à ces pensées.

Puis vient la question. Bien sûr, l’autre a remarqué. Il faudrait être sérieusement doté d’un odorat médiocre pour ne pas sentir la multitude de chat qui peuple les lieux, surtout au pied des dolmens sur lesquels se tiennent les assemblées claniques. Il reste un instant encore silencieux, réfléchissant prudemment à ce que l’autre a le droit de savoir. Après tout, lui n’a livré que peu d’informations sur lui-même, et le Loup ne sait pas vraiment sur quelle patte danser. Les paroles du matou l’ont laissé à la fois immensément curieux, mais surtout très méfiant. Il réfléchit aux différentes courses d’actions qui s’offrent à lui, mais aucune ne lui paraît avoir une issue idéale certaine dans laquelle le solitaire à l’allure étrange s’en irait tout simplement comme il était arrivé.

« Tu devines bien. Nous sommes cinq clans sur ces terres, à essayer de vivre en harmonie tout en nous protégeant les uns des autres. Tu as de la chance de te trouver en terre neutre pour le moment. La plupart des clans ne sont pas tendres avec les inconnus pris à chasser sur leurs terres. »

Il dit cela sur un ton désabusé, tentant l’air de rien de voir si l’intimidation peut faire réagir celui qui lui fait face, mais l’observe en fait d’un œil aiguisé.

« Mais qu’en est-il de toi ? Es-tu venu de… la ville seul ? Pourquoi l’avoir quittée ? »

Il pose la question sur un ton circonspect, toujours sceptique de ce que peut être « la ville », et comment on peut y vivre. Le Loup sait que quelques « domestiques », nourris par des bipèdes sont parfois dans les parages lors de la belle saison, mais le chat qui lui fait face ne semble pas avoir grand-chose en commun avec ces créatures aux poils lustrés, leurs muscles cachés par les rondeurs de leur corps bien nourri. Sous la curiosité bien réelle que montre cette question, il y a aussi bien sûr la volonté de s’assurer que l’autre ne sera pas un danger pour le clan. Un solitaire un peu trop fier va encore, toute une troupe, voilà qui serait fâcheux.

« Dois-je m'attendre à des problèmes si je recroise ta route sur... "tes" terres ? »

Il était là, le point de basculement, l’instant où la rencontre pouvait déraper. Appel du Loup se retint cependant de laisser un grognement s’échapper de sa gorge pour faire face au demi-sourire taquin du solitaire blanc. Il laissa simplement un reniflement d’avertissement s’échapper. Après tout, l’autre semblait poser la question en sachant qu’il dépassait les bornes. Restait simplement à savoir s’il comptait réellement se fier des frontières et du code des clans.

« Nous avons de nombreuses bouches à nourrir, et nous protégerons nos terres. N’y voit rien de personnel, mais si quiconque de mon clan te croise là où tu n’as pas à être, tu devras sans doute t’attendre à certains "problèmes ", oui. »

Le ton reste posé, presque un murmure, mais la menace est présente. Et le guerrier gris et blanc ne se départit plus à présent de son allure clairement défensive, suivant le chat décharné de ses yeux plissés, regard du prédateur. Banni ? Il n’a que faire de cette information qui le rassure plus qu’autre chose : s’il ne ment pas, le chat doit être arrivé dans les parages seul. Si besoin, le Clan du Tonnerre ne fera de lui qu’une bouchée. Il haussa un sourcil surpris suite aux questions du félin de la ville. Lui qui avait craché avec hargne un instant auparavant, le voilà qui adoptait le ton de la désinvolture, comme si leur conversation était un échange de courtoisie. Un bon acteur donc, et assez investi dans le jeu. Mais Appel du Loup n’était à cet instant pas dérangé d’y participer. Il était fier de son nom. C’était le nom d’un guerrier, d’un chasseur, d’un protecteur.

« Je suis Appel du Loup. Et toi, quel est ton nom ? J’aimerai savoir à qui j’ai affaire, bien qu’en toute honnêteté j’espère ne pas te recroiser souvent. »

Ou même jamais. Mais il tient aux derniers fils de sa bonne humeur inhabituelle de sa matinée pour éviter tout incident diplomatique.

« Pour ce qui est de chasser, je t’aviserai de partir vers le sud de la vallée, au-delà des falaises qui bordent la mer. Tu peux te ravitailler ici dans les terres libres, mais crois moi, personne ne sera ravi de croiser ta route. »

Surtout depuis les évènements récents, les empoisonnements et le dépérissement des proies. Le Loup a un instant été tenté de faire part de la Marée Noire au solitaire pour lui donner une autre bonne raison de s’écarter de la mer, mais il ne veut dévoiler aucune faiblesse et a finalement choisi de se taire. Il cherche le regard jaune de l’autre, le soutient. Il ne sait pourquoi, mais un fourmillement inconfortable chatouille son échine, un vieil instinct qui lui souffle que cette rencontre n’augure rien de bon.

« Au fait je crois que je préfèrerais moi-même t’accompagner vers un endroit plus sûr. Je garantirais ta sécurité en passant près des terres des autres clans, n’est-ce pas un bon marché ? »

Il a pris le ton de celui qui se propose de rendre service, mais son regard reste perçant, et il espère que le message est clair. Il ne s’agit pas vraiment d’une invitation.

« Je n'ai rien contre une agréable compagnie. Tu pourras m'en apprendre plus sur vos étranges coutumes et vos frontières. Cela m'évitera de causer trop de tort à ton clan ou à ceux d'autres félins, si je parviens à tout mémoriser bien entendu. »

Oh, le Loup n’a que faire de lui en apprendre plus sur les coutumes du clan. Il a déjà l’impression d’en avoir trop dit, et n’espère rien de plus que de ne plus avoir le matou blanc dans sa ligne de mire. Mais il ne veut pas non plus le laisser gambader librement dans le coin, alors après un dernier regard pour les germandrées qu’il convoitait, il invite Ninja à le suivre et à l’écouter.

Quel drôle de nom, Ninja d’ailleurs. Ces deux syllabes n’évoquent absolument rien au guerrier de la forêt. Il ne s’agit pas d’un nom de guerrier, ça ne veut rien dire. Quelle tristesse, de posséder un tel nom dépourvu de sens. Mais après tout, il ne serait pas étonné que celui qui le porte ne mérite un tel déshonneur.

« Si tu veux en savoir plus sur les frontières, dans notre dos, au delà de la rivière se trouvent les terres de mon clan. Ne t’avise jamais d’aller dans cette direction. Je ne pense pas que cela soit utile de t’en apprendre plus sur nos coutumes, contente toi de bien retenir les limites à ne pas franchir. » fait-il dans un grondement d’avertissement avant de commencer sa marche, le pas lourd. Il s’éloigne en direction de la frontière entre le clan du Vent et celui de la Lune. Après un instant de réflexion, la longer lui semble la manière la plus sage de ramener l’individu au plus loin des terres claniques. Et puis ainsi, il ne verra rien de celles du Tonnerre, ce qui reste la préoccupation principale du Loup.

Le silence est tombé tandis qu’ils laissent les cinq rocs derrière eux. Bientôt les arbres et les fougères se font plus éparses alors que la lande reprend bientôt ses droits. Appel du Loup est tout sauf à l’aise, lui qui est si habitué au couvert des feuillus, il ne sait plus où se mettre, craignant à tout instant de voir une patrouille venteuse débouler. Ses oreilles pivotent dans toutes les directions au moindre bruissement d’herbe ou coup de vent. Inconsciemment, il a baissé la voix.

« Nous longeons à présent les territoires de deux autres clans. Le territoire du Clan du Vent s’étend d’ici jusqu’au falaises à l’est, et celui de la Lune rejoint celui de l’Ombre au pied de la montagne et s’étend vers l’ouest. Nous n’avons pas vraiment le droit de nous trouver ici, alors hâtons nous. », fait-il, luttant contre le vent qui s’est levé. Il craint que leurs odeurs ne se propagent vite et réfléchi déjà à sa route de retour. Peut-être longera t-il la falaise pour rejoindre au plus vite les terres du Tonnerre…

« Pourquoi as-tu été banni ? »

Une simple question posée sur le ton de la conversation, mais elle lui brûlait en réalité la langue depuis de longues minutes. C’est que cette information l’a fait sourciller, le Loup. Si l’ancien groupe du solitaire ressemblait plus ou moins à un clan, les raisons qui peuvent justifier un exil peuvent être diverses, mais jamais de bon augure. Le Loup toise l’éborgné, cherchant un signe quelconque de sa félonie dans son attitude.

Son pas s’est fait rapide. Il y a de ces moments où le Loup aimerait pouvoir se dissoudre dans le vent, ne devenir qu’un murmure dans les buissons, se parer d’invisibilité. Mais avec son pelage clair et ses yeux de glace, il en est loin, et le solitaire décharné qui l’accompagne n’est pas de ceux qui passent inaperçus non plus. Il s’est presque mis à trottiner pour se hâter au plus vite. Ne pas se faire voir. Se débarrasser de l’inconnu le plus loin possible des terres du Tonnerre, et rentrer aussi vite. Une liste de tâches simples, des objectifs clairs. Et pourtant, une pointe de curiosité qui vient le distraire, et voilà qu’il n’a pas su retenir la question. Il a arrêté d’éviter le regard jaune, cette fois-ci, il le dévisage, se demandant quelle histoire se cache derrière ces yeux durs. Et il imagine les pires horreurs. Il en est certain, les griffes de l’inconnu sont tâchées de sang.

« J'ai été trahi. »

Un ton blessé, haineux aussi. Qui pourrait ouvrir une brèche à la compassion chez certain. Mais Appel du Loup se contente de soutenir le regard de Ninja, retenu par sa méfiance, par son intuition, par sa seule volonté d’en savoir plus sur lui pour mieux pouvoir s’en défendre. Il se contente d’attendre l’explication qui doit suivre, car s’il ne se trompe pas, sous ses abords de caïd, le solitaire blanchâtre n’est pas mécontent de l’attention qui règne sur sa personne. Mais finalement, il n’y a pas grand chose de plus qui tombe. “Celui qu’il considérait comme un frère”. Le Loup se retient de renifler un rire étouffé. Les trahisons viennent rarement de ceux dont on ne se soucie pas, lui même en a assez fait l’expérience pour le savoir. Désarçonné par ce point commun décelé avec celui qu’il considère déjà comme un ennemi, il détourne un instant le regard, se reconcentrant sur leur route, forçant Ninja à accélérer le pas pour se maintenir à son niveau.

« As-tu déjà été trompé de la sorte, le Loup ? »

Il a failli s’arrêter, s’est tourné vers Ninja avec les sourcils arqués, l’air de celui qui ne comprends pas. Il est presque offusqué de la question. Lui ne doit rien au solitaire, sûrement pas une bribe de son passé, de sa personne. Il préfère de loin être celui qui pose les questions. Il grogne en reprenant son pas pressé, sa queue battant l’air derrière lui, signe évident de son agacement qu’il ne cherche pas à cacher. C’est aussi qu’il n’aime pas se rappeler, encore moins qu’on lui rappelle. Trahison est peut-être un grand mot. Mais il connaît la solitude, le Loup, et plus que tout, l’abandon. Il en est encore amer. Mais il a appris le plus important depuis, à s’entourer de ceux qui restent, à protéger, à aimer presque.

« Nous ne connaissons sûrement pas les mêmes épreuves que tu as pu traverser, dans la vie de Clan. Nous bravons des dangers différents, et nous avons nos propres manières de nous protéger. Nos vies ont sûrement été bien différentes. C’est pour ça que je ne comprends pas ce que tu viens chercher ici. Tu ne vas rien y trouver. »

Appel du Loup a grommelé, peu entrain à mettre une quelconque once de volonté dans cette conversation, mais bien décidé à faire passer son message, au cas où que l’autre ait vraiment du mal à connecter deux neurones. A la manière dont il revint immédiatement à la charge, il se demanda si c’était le cas, mais avait plutôt tendance à y voir une véritable nonchalance provocatrice. Malgré sa furieuse envie de lui cracher au nez pour lui faire comprendre une bonne fois pour toute qu’il n’avait plus envie de le revoir dans les parages, terres libres ou non, le Loup se retint, d’une part parce qu’il n’avait aucune envie d’un combat ici et maintenant, de deux parce qu’il n’avait aucune idée d’où ils se trouvaient. Il pensait longer la frontière depuis un moment, mais un bosquet d’où sortait un grand arbre était apparu devant eux. Et l’odeur que le vent soulevait… était clairement luneuse. L’arbre au chouettes. Aussitôt eut-il réalisé son erreur qu’il s’aplatit au sol, le ventre contre la terre, tous ses sens en alerte.

« Baisse toi ! »

Il a sifflé au solitaire blanc, espérant que l’urgence dans sa voix aura son effet. Si le bosquet leur permettra peut-être d’obtenir un meilleur abris, le territoire de la Lune est particulièrement surveillé par leurs sentinelles, ce qui n’en fait pas le meilleur terrain pour une visite inopinée. Appel du Loup se demande déjà si son sang à moitié luneux pourrait le tirer d’affaires s’ils étaient découverts. Mais comment expliquer la présence du félin pour le moins suspect à ses côtés ? Non, il préférerait vraiment éviter ça. Lentement, il fait signe au chat blanc de reculer pour tenter de revenir dans un terrain moins miné. Il souffle seulement lorsqu’il estime être revenu dans un espace plus tranquille.

« Beaucoup te diraient sans doutes que oui, ces terres existent. Je ne suis pas de cet avis. Cet endroit a été choisi par le Clan des Etoiles pour les cinq clans, les frontières et la répartition des territoires nous protègent et nous permettent de vivre en harmonie. Il n’y a guère de place pour les étrangers dans cet équilibre, même sur les terres dites "libres". »

Il décide de passer sous silence la petite voix qui lui souffle que cet équilibre est sûrement plus instable qu’il aimerait le croire. Combien de temps les clans ont-ils encore avant que les tensions ne les montent les uns contre les autres ?

« J’espère que tu comprends avec tout ça le risque que je prends pour t’emmener en sûreté. Rappelles toi de cette dette envers moi et mon clan. »

Et assures toi de ne pas nous attirer des ennuis.

Il avait fait une erreur grossière, de débutant. Il s’en rendait compte à présent. Rendu nerveux par les tensions, il avait préféré la diplomatie et voilà qu’il courrait à présent aux côtés d’un parfait inconnu sur des terres qui l’étaient aussi. Pire encore, il avait failli bafouer une frontière. Ses poils sont hérissés sur son dos, son souffle est court à présent, il s’en veut de s’être laissé aller de la sorte. Il n’a plus qu’une chose en tête : mettre un terme à cette entrevue, rentrer chez lui.

Le Loup a espéré que le conversation tournerait court. Ses dernières paroles n’attendaient pas de réponse. Aussi, il est tenté un instant de faire comme s’il n’entendait pas le rire de l’autre et ses mots. Il n’avait pas totalement tort, mais cela fini de convaincre le Loup qu’il aurait mieux fait de simplement le chasser à coups de griffes et de crocs. Il grogne, un râlement de gorge menaçant. Il s’est arrêté, ses yeux fixant froidement Ninja.

« Mon chemin s’arrête ici. Le tien continue. Nous n’étions pas sur un cimetière tout à l’heure, mais sur les terres d’un autre clan, alors ne t’y aventures pas. Ou fait le à tes risques et périls, ça ne sera pas mon affaire. Je te conseille plutôt de continuer à marcher dos à la mer et à la lande, parallèlement à la chaîne de montagne. »

Il le toise, se demandant un instant ce qu’il ferait si l’autre ne repart pas gentiment. “je m'en souviendrais, n'aie crainte.” Ces dernières paroles résonnaient étrangement aux oreilles du guerrier, comme une menace, un mauvais augure. Les griffes d’Appel du Loup sont sorties à présent, depuis quand ? Il ne le sait pas. Attaquer n’est toujours pas la bonne chose à faire, il le sait. Mais c’est que ça le démange quand même.