Rayons de miel et de soleil - ft. Nuage du Soleil

Rayons de miel et de soleil

Mouette Rieur ft. Nuage du Soleil

La guerre avait laissé ses traces, autant sur les corps que sur les esprits et Mouette Rieuse n’y échappait pas. Si son inébranlable sourire était resté, sa peau fut heurtée par les cicatrices signe d’un dur combat et son âme fut forcée d’évoluer, mise face à cette réalité trop violente. Le jeune avait appris que rien n’était éternel et que tout pouvait s’écrouler du jour au lendemain, sans qu’il ne puisse savoir comment y remédier. Dorénavant, il savait ce qu’il ressentait. Les siens étaient sa famille, Souvenir des Étoiles son pilier... il se devait de les protéger, de se donner corps et âme pour eux. Car ils le méritent, ils sont toute sa vie et il veut que tous vivent heureux sans perdre ceux qu’ils aiment pour de telles idioties. Il voulait se promettre qu’il ferait tout pour éviter à nouveau une atrocité similaire.

Le vent s’était rafraichi, emportant avec lui quelques feuilles orangées. Mouette Rieuse sortit de sa litière tôt ce matin. Il avait quelqu’un à voir. Nuage du Soleil, son nouvel apprenti. Particulièrement honoré et touché d’être son mentor il avait accueilli cette nouvelle avec beaucoup d’émotions. Le père du petit avait donné sa vie pour sauver son lieutenant, lors de la guerre, et le bicolore s’était promis de ne pas faire de son action une action vaine. Il devait le rendre fier, de là où il était. Vaillance Éternelle avait laissé derrière lui deux chatons orphelins, dont l’un d’eux était dorénavant sous l’aile bienveillante du lieutenant. Le guerrier se reconnaissait en ce tout jeune félin, même s’il n’avait pas un tel passé familial... Ils avaient ce même rayonnement, cette même bonne humeur et cette fougue qui le rend éblouissant.

Même si en tant qu’apprenti Mouette se savait un peu plus têtu et enfantin. Attrapant une proie pour la distribuer aux reines, le mâle attendit ensuite patiemment que le soleil se lève un peu plus, il était encore très tôt et Nuage du Soleil dû sûrement veiller tard comme lui avait pu le faire auparavant, trop excité par son baptême pour s’endormir. Le noir et blanc n’était pas spécialement stressé, en réalité il était plutôt heureux et pressé. Il prenait cela avec légèreté et ne doutait pas de lui-même en tant que mentor. Souvenir des Étoiles avait fait un excellent travail avec lui, alors il savait que son savoir sera transmis comme il se doit.

Il prenait ce travail d’autant plus à cœur sachant que Vaillance Éternelle croyait en lui, il ne devait pas le décevoir. Heureusement pour lui, le défunt avait un enfant particulièrement flamboyant. Il brillait, le novice. Il portait étonnamment bien son nom. Mouette Rieuse avait déjà remarqué avec quelle facilité le rouquin savait se démarquer et cela le faisait sourire d’avance. Ils allaient définitivement faire un beau duo, surtout une fois plus grands. Revenant à la réalité, il se lécha la patte et passa sa tête à travers la tanière des apprentis pour appeler le sien :

« Nuage du Soleil, on se retrouve à l’entrée du campement. Tu mangeras plus tard. »

Il fallait que le jeune prenne l’habitude de mettre son propre estomac au second plan, ceux des anciens et des reines sont plus importants, lui est encore bien assez vigoureux pour résister à quelques gargouillis. Le mâle fit rouler ses épaules et marcha en direction de la sortie. Si on l’observait bien, on pouvait remarquer les cicatrices de sa bataille lors de la guerre et ses muscles plus imposants. Bien qu’assez petit, il avait une bonne musculature dû à ses nombreux entraînements en solitaire.

Il se rappela l’un de ses entraînements avec Souvenir des Étoiles où il avait grimpé aux côtés de son frère sur un arbre et avait tenté de chasser un peu. Aujourd’hui, il n’avait pas prévu cela avec son apprenti, il préférait d’abord le laisser explorer les terres de la lune. Après tout, il n’a jamais été plus loin que le camp, ça sera déjà une sacrée découverte. Toutes les nouvelles odeurs, les frontières etc lui feront déjà emmagasiner beaucoup d’informations, ça risque de le fatiguer.

Et avec un peu de chance ils croiseront une petite musaraigne pour apaiser son appétit, s’il arrive à l’attraper lui-même ça n’en sera que plus gratifiant. Lorsque le roux arriva vers lui, Mouette Rieuse afficha un large sourire et se leva, le guidant d’un signe de queue vers la sortie.

« Alors, tu te sens comment ? »

Il se demanda comment le jeune pouvait bien appréhender cette première journée. Le lieutenant resta à ses côtés, plus massif et grand que lui il se surpris à se demander jusque quand ça sera le cas. Il tourna sa tête vers son cadet, lui offrant un de ses rictus si particulier, plongeant ses pupilles dans celles si expressives de Nuage du Soleil.

Mouette Rieuse allait tout faire pour faire de lui une bonne personne et un bon guerrier. Pour Vaillance Éternelle.

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NUAGE DU SOLEIL | Lune 1205

Ses pattes s’agitent, envoyant valser devant lui des brins de mousse. Il n’en a pas conscience, perdu dans un rêve étrange, pris au piège. Il a l’impression d’avoir perdu quelque chose, mais il ne sait quoi. Il cherche sans s’arrêter, il sait qu’il doit se dépêcher, mais ses pattes semblent s’enfoncer dans le sol comme dans de la boue collante. Il sombre, hurle, mais personne ne l’entend. Et il sait. Il sait que personne ne peut plus l’entendre, car il est seul.

C’est la voix de son mentor qui fini par le tirer du sommeil. Le rêve s’estompe, laissant derrière lui des bribes de souvenirs étranges que Soleil laisse s’estomper sans y penser. Il a mieux à faire que de rêvasser. Aujourd’hui est un grand jour ! Il s’étire, laissant un sourire éclairer son visage devant la silhouette de sa sœur endormie toute proche. Ils sont apprentis. Soleil ne ressent pas l’impatience des chatons qui ont attendu ce jour toute leur vie, ni la peur de ceux qui ne savent comment appréhender le changement. Non, il se sent simplement prêt à donner le meilleur de lui-même à présent qu’il a assez grandi pour pouvoir servir le clan.

Il s’extirpe de sous les branches des buissons qui abritent les guerriers et apprentis en vitesse après avoir souhaité une bonne journée à Nuage de Lune. Il espère qu’ils auront des entraînements en commun un jour, mais à priori ça ne sera pas le cas aujourd’hui. Il file se poster devant son mentor, freinant des quatre fers lorsqu’il arrive à sa hauteur près de la sortie, emporté par son élan, faisant s’envoler de la poussière.

« Ouups, pardon ! », fait-il après s’être immobilisé.

Il tente de se donner une apparence plus posée, lissant quelques poils sur son poitrail. Après tout, il ne voudrait pas faire mauvaise impression à Mouette Rieuse. Il est très fier d’être l’apprenti du lieutenant, et il espère pouvoir marcher dans ses pas pour devenir un guerrier aussi valeureux et apprécié que lui. Mais heureusement, le chat bicolore n’a pas l’air de se formaliser, les guidant simplement vers la sortie avec un sourire. Soleil le suivi, faisant attention à calquer son pas sur le sien pour ne pas se laisser distancer. Il se retenait de poser les questions qui lui brûlaient les lèvres. Où allaient-ils ? Qu’est-ce qu’ils allaient faire ? Mais il se félicita intérieurement de les avoir contenues, car Mouette Rieuse mena la discussion vers un autre sujet.

Comment se sentait-il ? Nuage du Soleil dû y réfléchir une seconde. Peu introspectif, il n’était pas dans ses habitudes d’avoir à décrire et extérioriser ses sentiments.

« Un peu survolté sûrement. Passer d’un coup à ne pouvoir se rendre utile qu’en emmenant de la mousse aux anciens, à pouvoir peut-être chasser pour le clan… ça fait quelque chose ! J’ai hâte d’apprendre à tes côtés. »

Il sourit à ces mots, avant de sentir gronder son ventre, ce qui le fait rire.

« Et un peu affamé aussi à priori », laisse il entendre dans son éclat de rire.

Il n’a pas de gêne à le dire, après tout il est naturel qu’il ait faim, il avait été tellement heureux de son baptême le soir précédent qu’il en avait oublié de manger. Mais surmonter sa faim est un devoir des guerriers et apprentis, et il le fera tout naturellement.

«Mais après l’effort le réconfort comme on dit ! En quoi va constituer l’effort aujourd’hui ?»

Il s’est enfin décidé à poser la question. Il se tourne vers son mentor, la curiosité brûlant dans ses yeux.

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Rayons de miel et de soleil

Mouette Rieur ft. Nuage du Soleil

Nuage du Soleil était une véritable boule électrique. Il était ce genre de félin qui brillait naturellement. Mouette Rieuse aussi, à dire vrai. Les deux mâles se ressemblent étrangement et le lieutenant avait l’étrange envie de faire du plus jeune un excellent guerrier, avant tout pour son Clan et son défunt père, mais aussi un peu pour sa propre fierté. Il y avait quelque chose chez le rouquin qui allait faire de lui une bonne personne, le Rieur le sentait. Ce jeune a des étoiles qui scintillent dans les yeux, s’en est presque déroutant. Mais il n’en reste pas moins un chaton tout juste promu et donc très en forme ! Le bicolore est rassuré de le voir plein d’entrain, il faut dire qu’il était lui-même pressé de cette première réelle rencontre entre eux. Un moment convivial et chaleureux qu’ils pouvaient partager.

Mouette Rieuse sourit face à la maladresse innocente de son apprenti, il le savait fier d’être le novice du lieutenant et cette idée le faisait rougir comme un enfant. Le blanc et noir restera toujours fidèle à lui-même, gêné des éloges qu’on puisse bien lui faire. Il dégagea cette idée de sa tête en écoutant la réponse de son cadet. Il rit de bon cœur, ce même rire clair et doux qui est à la source de son nom. Il aime la franchise naturelle du jeune, cela fait sa spécificité et son charme en quelque sorte. Nombreux sont ceux qui tentent de se cadrer et d’être les petits élèves parfaits, mais ce n’est pas son cas. Il ne semble ni superficiel ni hypocrite, du moins au premier abord.

La curiosité finit par l’étreindre et la question que le plus grand attendait finit par être prononcée. En quoi consistera l’entraînement d’aujourd’hui ? C’est certainement cette phrase que tous les apprentis ont prononcée. Il lui lança un regard en biais, plongeant un instant ses pupilles dans celles flamboyantes du plus petit. Plus tard, son regard sera certainement une de ses plus grandes qualités, il en est certain. Le plus âgé qui continuait de marcher sans soucis, connaissant par cœur les terres de son Clan, s’exclama avec une pointe d’amusement dans la voix :

« J’te propose de faire le tour du territoire pour commencer. Il faudra que tu puisses le connaître par cœur à la fin de ton entraînement. On va prendre notre temps pour que tu puisses assimiler toutes les nouvelles odeurs, d’accord ? On évitera simplement de trop s’approcher des frontières. »

Mouette Rieuse ne voulait pas se retrouver confronter à une patrouille adverse, même de loin. Il n’avait toujours pas digéré les événements passés. La guerre a laissé une terrible empreinte sur le cœur du lieutenant... De plus, pour une première sortie il valait mieux éviter les grabuges. Il reprit un visage plus doux et arqua un sourcil, l’air sarcastique :

« Et puis on pourra prendre de la mousse pour les Anciens en passant comme tu l’as si bien dit. »

Il pouffe, pas vraiment certain qu’ils le feront réellement. Mais après tout pourquoi pas ? Ça permettra au rouquin de se faire bien voir et d’éviter des corvées forcées s’il le fait de temps en temps sans qu’on le lui demande. Mouette espère qu’il deviendra un guerrier serviable, capable d’aider les membres de son Clan quand ils en ont besoin. A son âge il se rappelle avoir grogner de nombreuses fois, ne comprenant pas l’utilité de changer la litière d’autrui lorsqu’il aurait pu s’entraîner à la chasse, mais dorénavant il a conscience que l’entraînement n’est pas qu’une question de compétences, c’est aussi une transmission de valeurs et de perpétuer les traditions et l’histoire du Clan.

S’éloignant peu à peu de l’immense arbre qui prospérait au centre du campement, ils atteignirent la forêt de bouleaux. Déjà le cadet pouvait sentir de nouveaux arômes et voir de nouvelles choses. Avec nostalgie, Mouette Rieuse l’accompagna à travers les bois se dirigeant vers leur prochaine destination. Mais ils avaient encore de la route, peut-être un peu trop pour quelqu’un qui n’a jamais mis ses pattes en dehors du campement. Nuage du Soleil grandit vite et son mentor croit en lui, il s’habituera vite à tout cela. Longeant quelques buissons de bruyères, le plus grand l’emmena au pied d’un des grands arbres blancs.

« Ce sont des bouleaux, ces arbres. C’est pour ça que ce morceau du territoire se nomme la forêt de bouleaux, elle n’est constituée que de ces arbres. Alors si tu ne les vois plus, c’est que tu as changé d’endroit. Ils sont facilement reconnaissables par leur couleur et leurs troncs fins. C’est un bon endroit pour chasser, surtout tôt le matin ou à la tombée de la nuit. » Il lui sourit un peu. « Qui sait, peut-être qu’on croisera de quoi apaiser ton estomac. »

Soudain, le lieutenant se rendit compte que tout cela sonnait trop... studieux. En réalité, ça ne lui ressemblait pas. Il se savait plus sérieux depuis son ascension, mais il ne souhaitait pas l’être en privé. Surtout avec quelqu’un comme Nuage du Soleil qui semble être en pleine soif d’apprendre. Le bicolore souffla bruyamment, s’arrêta et le fixa un instant.

« Eh. Tu trouves pas ça un peu barbant ? J’ai une p’tite idée... et si c’était toi qui nous faisais visiter ? Tu peux explorer où tu veux, tu peux courir, sauter n’importe quoi ! Je te le dirais si on s’éloigne trop. Ou si tu as une envie particulière, je peux t’y guider ? J’te propose qu’aujourd’hui on s’amuse un peu ! » Il rit doucement et continua. « N’y prend pas trop goût non plus, on reviendra aux vieilles méthodes un jour ou l’autre, y’a rien de mieux pour apprendre rapidement. »

Mais il avoue que jouer en apprenant, c’est encore mieux. Il avait beau déjà avoir une trentaine de lunes il aimait toujours autant s’amuser, profiter de la rivière et du soleil, grimper aux arbres etc... Ce territoire était un gigantesque bac à sable pour lui. Il le connaissait comme sa poche, grâce aux entraînements, aux patrouilles mais surtout grâce à ses petites explorations personnelles. Peut-être Nuage du Soleil allait-il lui faire découvrir de nouveaux endroits ? Ça sera une bonne façon d’utiliser son flair, il se révélera peut-être en tant que bon pisteur ? L’aîné se posta aux côtés de son apprenti.

« Alors, où est-ce que ton museau va nous emmener Nuage du Soleil ? »

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Il a tenté de se contenir, mais il n’a pas fallu longtemps avant que l’impatience ne l’emporte et qu’il ne lève un regard plein d’impatience vers son mentor. La réponse ne le déçoit pas. Découvrir le territoire dans son intégralité ? Passer la journée à arpenter les terres de la lune, foulées par tant de ses camarades et ancêtres ? Il n’aurait pu rêver de mieux. Il est vrai que c’est étrange, cette enfance passée dans une clairière, à regarder chaque jours tous les membres du clan faire milles allées et venues par le passage qui permet de rejoindre la forêt. On connait l’existence d’un monde extérieur sans jamais y mettre la patte. Petit Soleil avait plus d’une fois questionné son père à ce sujet. A quel point les terres de la lune pouvaient elles dépasser en grandeur celle du camp ? Peut-être étaient elles quatre fois plus grandes ? Il avait ouvert de grands yeux impressionnés devant cette hypothèse. Vaillance Eternelle avait éclaté d’un rire affectueux. Aujourd’hui, Soleil se doutait que les terres étaient un peu plus grandes que seulement quatre fois la taille du camp, mais il n’avait aucune idée d’à quel point exactement.

Le souvenir s’est imposé à lui avec trop de violence pour qu’il ne le repousse simplement, une bulle amère enflant dans sa gorge. Il tente de contrôler ses émotions en respirant calmement et en gardant son sourire intacte. Il comprend qu’il n’est à priori pas le seul pour qui la guerre a laissé des traces, à la manière dont Mouette Rieuse évoque l’évitement des frontières. Il s’en étonne cependant un peu, il ne s’attendait pas à ce que le lieutenant du clan se montre aussi prudent dans leur propre territoire. Cela ne fait que renforcer sa conviction qu’il doit devenir fort et brave pour protéger leurs terres. Lui, il n’a pas peur des frontières. Il veut se tenir droit et fier dessus, et montrer à tous les autres clans que la Lune ne plie pas devant eux ! C’est ce qu’il aimerait dire à Mouette Rieuse, mais après tout il ne sait rien de ce à quoi a pu ressembler la guerre, et tient à éviter le sujet, l’idée même de ce sujet.

Le ton redevient vite plus léger alors que le lieutenant bicolore mentionne un possible ramassage de mousse. Soleil le suit brièvement en riant à son tour, tentant d’ignorer la douleur qui enserre toujours son cœur. Il redevient cependant vite plus sérieux. Pour lui qui s’était imaginé apprenant dès aujourd’hui les bases de la chasse, forcément la perspective de finir la journée par un ramassage de mousse n’est pas la plus réjouissante qui soit. Mais il s’agit d’une tâche qui doit être effectuée, et il tient à montrer à Mouette Rieuse qu’il est prêt à s’investir dans son apprentissage. Il hoche la tête d’un air obéissant.

Ils se sont éloignés de la clairière et du grand arbre déjà. Nuage du Soleil commence à découvrir de nouveaux arbres que ceux qui longent le camp. L’écorce de ceux-ci est blanche. Mouette Rieuse finit par s’arrêter au pied de l’un deux, et Soleil réalise qu’ils sont en fait entourés d’une multitude de ces arbres à présent. La forêt de bouleaux ! Il reconnait ce nom, il l’a déjà entendu, sans jamais avoir pu y associer une image. Un bon territoire de chasse, à priori, il compte bien retenir l’information. Mais soudainement, Mouette Rieuse s’interrompt dans le flot de nouveaux savoirs qu’il était en train de délivrer. Nuage du Soleil ne comprend d’abord pas, cherchant autour de lui en se tortillant tel un hibou pour regarder ce qui a pu attirer son attention, sans rien voir d’autre qu’un soleil pâle qui luit à travers les feuilles, ni n’entendre autre chose que le bruissement de la nature. Il reste donc inquisiteur, jusqu’à ce que Mouette Rieuse explique son idée, et quelle idée ! Soleil n’a jamais entendu parler d’un tel apprentissage, mais il ne peut empêcher sa queue de s’agiter tant il est heureux. Il ressemble sûrement à un chaton joueur à cet instant, mais tant pis. Il y a tant de directions vers lesquelles il pourrait aller !

« Eh bien, avec plaisir ! Je vais essayer de nous emmener quelque part d’intéressant promis. »

Il se tourne de tous les côtés, son regard croisant des arbres, des arbres et… encore des arbres. Jusqu’ou s’étendait donc la forêt de bouleaux ? Il était tenté de courir à l’aveugle dans une direction quelconque jusqu’à en sortir, mais Mouette Rieuse avait parlé d’utiliser son museau… Il se devait d’être un minimum sérieux, et tenta donc d’humer l’air.

Soleil connaissait de nombreuses odeurs. Il possédait une bonne mémoire de celles-ci, et savait reconnaître individuellement celle de tous les membres du clan, celles des proies fraiches, celle de la bile utilisée parfois sur le pelage des anciens (quelle horreur), celle du lait maternel, celle fraiche et piquante du matin, celle de la pluie, celle profonde de l’écorce trempée… Mais en humant l’air à cet instant, tant d’odeurs qu’il ne connaissait pas s’engouffrèrent dans son museau que la tête lui en tourna. Il était bien incapable de les discerner les unes des autres, elles formaient un tout confus et brouillon. Il était un peu déçu, et eu du mal à le cacher.

« Je ne sens rien… Ou alors trop de choses. Je ne saurais pas… »

Mais hors de question de s’avouer vaincu ! Il pouvait peut-être utiliser un autre sens. Il écouta avec grande attention la forêt. Le bruissement de celle-ci était lui aussi un mélange confus, mais quelque chose en ressortait. Un son très faible, presque chantant. Un son liquide. Soleil détala vers la source du bruit, sans se soucier de sa vitesse puisqu’il savait de toute manière que Mouette Rieuse pouvait le distancer en quelques enjambées. Il arriva bientôt devant un cours d’eau puissant. La rivière ! Il ne s’était pas imaginé quelque chose d’aussi… grand ? Impressionnant ? Peut-être était-ce à cause de la mauvaise saison, mais l’eau lui paraissait tel une entité incapable de l’anéantir entièrement s’il lui venait la mauvaise idée de s’aventurer en son sein. Il remarqua également plus loin une étrange chose. Il s’approcha. S’il ne se trompait pas, c’était du bois ? Comme un arbre, mais plat, et qui formait une courbe au-dessus de l’eau ? Cela ne ressemblait à rien de naturel qu’il n’ait jamais vu. Il se tourna vers Mouette Rieuse.

« Qu’est ce que c’est que ce tru- euh ça ? C’est le clan qui l’a fait ? Pour traverser ? Comment vous l’avez fait ? On peut aller dessus ? »

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Rayons de miel et de soleil

Mouette Rieur ft. Nuage du Soleil

Le regard impatient et éberlué de son apprenti face au monde ne manque pas de continuer à le faire sourire, secrètement nostalgique de la sensation qu’il doit ressentir actuellement. Tout cela était devenu si banal pour lui, mais il se rappelle que fut un jour où il était à sa place, excité d’arpenter le territoire et d’en savoir plus sur cette forêt. Mouette Rieuse sentit le petit s’agiter silencieusement, pour autant il ne le regarda pas, ne préférant pas le mettre mal à l’aise avec un regard appuyé ou une parole maladroite. Nuage du Soleil doit certainement avoir le cœur lourd, mais il est bien trop tôt pour les deux d’en parler, peut-être un jour. Ainsi il ne fit aucun commentaire, le laissant se gérer seul sans lui montrer qu’il avait plus ou moins compris ce qu’il lui arrivait. Il est encore trop jeune pour comprendre la profondeur des cicatrises laissées dans leur mémoire.

Face à la demande du lieutenant, le novice semble décontenancer, mais pas pour autant déçu, au contraire. Son entrain conforte Mouette Rieuse dans l’idée qu’il fera un apprenti idéal. Le guerrier veut lui permettre de vivre son enfance pleinement, sans le contraindre à devoir grandir trop vite. Il doit profiter de ces lunes-là, il n’y a rien de plus important que l’innocence enfantine et il veut qu’il puisse la garder encore un peu de temps avant de faire face à la réalité. Assis la queue enroulée entre les pattes, il l’observe se tourner dans tous les sens, un peu perdu. Ce n’était pas une tâche aisée que de se mouvoir dans un environnement complètement inconnu, mais il suffit de prendre confiance et cela viendra naturellement. Alors il le fixe sans sourciller, constatant sa mine déçue et son froncement de museau face à la tonne d’informations qu’il perçoit.

Le bicolore lui sourit simplement, comme pour lui dire qu’il pouvait prendre tout son temps et qu’il n’avait pas à s’en faire. Il voulait voir s’il était capable de se servir de tous ses sens, sa phrase sur le museau l’avait amené à penser à utiliser son flair, mais il doit comprendre de lui-même qu’il a à sa disposition plusieurs compétences. Et apparemment, l’apprenti semble avoir saisi cela puisque ses oreilles se mirent à frémirent et ses pattes à bouger vers la source de ses désirs. Ni une ni deux, Mouette Rieuse bondit en avant pour le suivre, heureux de voir le rouquin gambader de la sorte. Nuage du Soleil ne s’en rend peut-être pas encore compte, mais il n’y a rien de plus incroyable pour un chat sauvage que de courir dans la forêt et sentir le vent caresser leur pelage. Sans plus tarder ils se retrouvèrent face à la rivière, puissante et même un peu effrayante vu d’ici.

L’aîné lança un regard en biais à son novice, souriant face à sa joie. Il continua de le suivre lorsqu’il s’approcha du pont, affichant une trogne interloquée. Il est vrai que cette construction peut impressionner la première fois qu’on la voit. Il s’y était aventuré plusieurs fois, mais c’était toujours étrange de pouvoir observer d’en haut le cours d’eau dévalé. En tout cas, Nuage du Soleil marquait déjà un bon point, il ne s’est pas avoué vaincu et a su se débrouiller seul. C’est déjà très bien, surtout qu’il ne connaît rien à tout cela. Mouette Rieuse écouta sa question avec attention et lui fit signe de s’approcher pour qu’ils grimpent dessus tous les deux.

« C’est un pont, il permet de passer de notre territoire aux terres libres, on passe par ici pour se rendre au Cinq Rocs. Un peu plus loin, après les Cinq Rocs, ce sont les terres du Clan du Vent, beaucoup moins d’arbres y sont présents. Ils vivent sur une grande lande et se nourrissent principalement de lapins, par conséquent. » Il lança un regard au plus petit et répondit à la seconde partie de sa question. « Ce n’est pas nous qui l’avons construit, ce sont les Bipèdes. Mais ils n’y viennent pas, on ne sait pas trop pourquoi mais tout est abandonnés ici. »

Il continua de marcher, traversant le pont dans sa totalité pour atteindre l’autre bout du territoire. Il descendit un peu pour atteindre la rivière et s’abreuver de son eau fraîche.

« La rivière s’écoule jusqu’aux Cristaux de Lune, là où Souvenir des Étoiles a reçu ses neuf vies et où les guérisseurs communiquent avec le Clan des Étoiles. » Il posa une patte dans l’eau et éclaboussa doucement son apprenti. « Je t’y emmènerai un jour, à l’entrée des Cristaux de Lune. C’est un endroit splendide, même de l’extérieur. En attendant, viens boire un coup avant de repartir, on a encore de la marche devant nous. »

Il leva la tête en l’air, léchant ses babines pour faire tomber les gouttes d’eau coincées dans ses moustaches et pointa du museau un bâtiment visible de là où ils sont.

« Il y a encore des terres nous appartenant de ce côté, ensuite il nous faudra revenir dans la forêt de bouleaux pour voir le reste du territoire. »

Il marche un peu en direction du cottage abandonné, préférant mener le rythme puisqu’ils s’approchent de terres libres et des frontières avec le Clan du Vent. Même s’ils étaient encore loin de les avoirs atteintes. Sur le chemin, Mouette Rieuse décida de questionner un peu son novice :

« Alors, comment va Nuage de Lune ? Elle devait être pressée de commencer l’entraînement, elle aussi ! Nous pourrions faire des entraînements en commun avec Souvenir des Étoiles, ça te dit ? »

La sœur du rouquin était une petite tout à fait charmante, douce et gentille. Vaillance Éternelle avait vraiment des enfants extraordinaires. Le lieutenant avait vraiment envie qu’ils partagent certains de leurs entraînements, comme il l’avait fait avec Périple des Cieux auparavant. Et puis, les enfants seront sûrement fiers de passer du temps avec le chef et le lieutenant réunis. Cette idée le fait sourire. Avant, c’était lui qui était fan des lieutenants et des chefs, et maintenant le voilà devenu lieutenant... Sa persévérance et ses efforts ont fini par payer.

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Nuage du Soleil continuait à être intrigué par la structure de bois, s’avançant pour la flairer tout en écoutant la réponse de son mentor. Oui, assurément, il pouvait sentir aux effluves félines que de nombreux luneux passaient au-dessus. Il se redressa à la mention du Clan du Vent, hésitant un peu à continuer à s’avancer. A quelle point leurs terres étaient-elles proches d’ici ? Mais après tout, Mouette devait bien connaître à la perfection l’emplacement des frontières, et lui avait une autre question en tête.

« Quelle drôle d’idée de vivre sans arbres… et leur camp alors ? Comment se protègent-ils du froid et des prédateurs ? Tu l’as déjà vu, Mouette Rieuse ? »

C’est vrai, il avait du mal à imaginer ce que pourrait bien être un camp sans arbre magistral pour abriter le clan entre ses branches et racines. Ou alors, peut-être que tous les clans avaient chacun leur arbre à camp ? Il fut néanmoins distrait de ses pensées par la seconde partie de la réponse du lieutenant. Construit par… les bipèdes ? Il resta un instant pensif devant cette explication. Il avait bien sûr entendu parler des bipèdes, mais pas énormément. Depuis les dernières lunes, il avait surtout entendu parler de la guerre, des rixes de frontières, et en ce moment du froid et des problèmes de manque de gibier. Il devait creuser sa mémoire pour retrouver ce qu’il savait des bipèdes, ces étranges créatures qu’on disait sans poils et qui marchaient sur deux pattes. Ce n’était pas le genre de créatures qu’il aurait imaginé construire des choses en tous cas, et sûrement pas ce pont, qui semble si solide. Mais enfin, peu importe après tout, puisque cela servait à présent au clan. Il était plus avide de connaissances au sujet des autres clans, qu’il considérait beaucoup plus comme une source de danger pour les luneux qu’au sujet des bipèdes, qui se résumaient pour lui à des existences bien lointaines. Il suivit donc Mouette Rieuse qui était descendu vers le cours d’eau sans plus de questions, l’imitant pour laper la surface de l’eau. Cette sensation était bien plus agréable que de lécher les boules de mousses humides ! Sa bouche profitait d’une fraicheur nouvelle bien plus désaltérante, et il avalait goulument les gorgées d’eau de la rivière. Ce n’est que lorsque que le lieutenant l’aspergea d’un air taquin qu’il fini par se redresser, relevant son museau trempé pour suivre du regard les directions désignées par son mentor.

Ses oreilles se pointèrent aussitôt vers le sens de la rivière. Les cristaux de lune ? Soleil n’avait jamais été particulièrement intrigué par les étoiles, il savait leur présence et cela lui avait toujours suffit, sans qu’il n’y réfléchisse jamais plus que cela. Mais bien sûr, les choses avaient changé, et il ne put s’empêcher de se demander si d’autres chats que les guérisseurs pouvaient communiquer avec les étoiles, si les cristaux pouvaient faire revenir Vaillance Eternelle sur terre de quelque façon que ce soit.

« Les autres chats que le chef ou le guérisseur n’ont pas le droit d’entrer dedans ? »

Une question innocente qu’il n’a pas eu le temps de retenir. Mais au fond, on pourrait penser à de la simple curiosité, même s’il ne s’agit pas vraiment de cela, Soleil s’imaginant déjà gravir la côte menant aux cristaux pour rencontrer son père… jusqu’à ce qu’il repousse cette idée avec véhémence. Quelle faiblesse. Vaillance Eternelle serait déçu de le voir penser de la sorte. Il doit être fort et aller de l’avant. Il aimerait parfois se donner des claques mentales si c’était possible lorsque de tels excès de faiblesse le prenne. Alors il préfère sourire et se remettre à suivre Mouette Rieuse comme s’il n’avait posé aucune question, restant concentré pour ne pas se laisser distancer par le félin bicolore qui a repris les devants et les mène dans la forêt au pas. Nuage du Soleil a repris son rôle d’élève modèle, excité mais obéissant, accélérant parfois le pas pour aller renifler un objet de sa curiosité sans jamais s’éloigner beaucoup. Mouette Rieuse finit par reprendre la parole, et Nuage du Soleil lui redonne volontiers toute son attention à la mention de Nuage de Lune, ses yeux s’éclairants devant la proposition du lieutenant.

« Oh, ça serait vraiment génial des entraînements en duo !! »

Pour être honnête, le jeune chat n’était pas habitué à être séparé de sa sœur aussi longtemps, d’autant plus pour une expérience toute nouvelle. Il se sentait comme… séparé d’une partie de lui. S’il était amplement plongé dans le moment et qu’il l’appréciait, la présence rassurante de sa sœur à ses côtés lui manquait. Il lui tarder de la retrouver pour qu’ils partagent leurs journées respectives, et qu’un jour ils parcourent la forêt ensemble… Mais il se rendit compte qu’il s’était peut-être un peu emporté devant les paroles de son mentor. Il se racla la gorge.

« Hm, je veux dire, je suis sûr que ça nous apporterait à tous deux beaucoup de choses de s’entraîner ensemble, on pourrait se partager des techniques, ou en apprendre des spéciales qui se font à deux ! Je veux dire, on ne se ressemble pas vraiment, je suis sûr qu’on pourrait s’apporter beaucoup de choses l’un à l’autre. »

Il voulait montrer à Mouette Rieuse qu’il était très sérieux, pour ne pas risquer de perdre la chance de connaître un jour ces entraînements avec sa sœur.

« Et oui, elle est réservée du coup elle le montrait sûrement moins, mais je suis sûr qu’elle était aussi pressée de commencer l’entraînement ! Ils doivent sûrement être sortis aussi à cette heure là avec Souvenir des Etoiles… Je me demande quel genre de mentor il est. »

Il a murmuré la dernière phrase davantage pour lui-même que pour Mouette Rieuse, même si celui-ci a dû l’entendre. Il espère qu’il n’y verra pas un manque de respect pour le chef, Nuage du Soleil espère simplement que tout se passe bien.

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Rayons de miel et de soleil

Mouette Rieur ft. Nuage du Soleil

Nuage du Soleil flairait les alentours, curieux et intrigué par tout ce qui l’entourait. Mouette Rieuse, lui, se contentait de sourire en le guidant doucement. Cela ne servait à rien de se presser ils avaient du temps devant eux et il fallait que le novice puisse profiter de ce nouveau monde. Cette toute nouvelle expérience pouvait être un peu déstabilisante, alors il valait mieux prendre son temps pour tout emmagasiner correctement. Le guerrier réfléchit un instant à la question du plus jeune, c’est vrai que c’est assez troublant de s’imaginer un campement à la merci de tous. Il n’avait jamais vu le Clan du Vent de si près et n’a jamais vraiment cherché à questionner quelqu’un sur ça, mais... :

« Oh tu sais, ils doivent avoir leurs propres techniques ! Ils s’en sortent bien. Chaque Clan vit différemment en fonction de leurs terres, ils s'adaptent. »

Les différences entre les Clans seront une des prochaines leçons, pour le moment ce n’est pas tout à fait la priorité. Le Clan de la Rivière avec ses membres capables de nager, le Clan du Tonnerre avec des guerriers grimpant aux arbres, le Clan de l’Ombre avec des chats agiles et rusés qui sont de redoutables espions, le Clan du Vent avec des félins qui courent aussi vite que des lapins et évidemment le Clan de la Lune et sa proximité troublante avec le Clan des Étoiles. En songeant à cela, Mouette Rieuse se demanda s’il devait lui parler du Clan des défunts, est-ce vraiment son rôle ? Il devait se faire son propre avis. Mais après tout... il pouvait aussi lui exposer le sien, sans le forcer à croire en quoi que ce soit.

Et puis, peut-être était-il encore un peu trop jeune pour saisir toutes les subtilités de ce que les étoiles impliquent ? Le lieutenant ne se souvient pas avoir déjà douté de l’existence du Clan des Étoiles. Cependant, chaque personne à sa propre conception de ces guerriers ancestraux aux immenses pouvoirs. Certains les voient comme des guides, d’autres comme des héros, quelques personnes peuvent avoir peurs d’eux... Mais la plupart s’accordent pour dire qu’ils sont pacifistes et ils l’ont encore prouvé lors de la dernière guerre en y mettant brusquement fin. Tandis que le matou noir et blanc fixait son cadet, il fut un instant surpris de sa question. Si les autres ont le droit d’y entrer ?

« Je ne pense pas que ça soit interdit, mais ça serait plutôt maladroit. Je n’ai jamais connu personne d’autre qu’un guérisseur ou un chef qui y soit rentré en tout cas ! Mais ça doit sans doute exister, beaucoup de chats ont soif d’aventure donc ça ne serait pas étonnant. »

Et puis, ce n’est pas non plus un grand affront. Bien que cela soit un lieu sacré le Clan des Étoiles ne doit pas s’énerver tant que personne ne bafoue l’endroit... Les yeux ambrés du plus vieux longent la rivière, pensif. Il n’a jamais été plus loin que l’entrée des Cristaux, mais ce n’est pas non plus un souvenir agréable. C’était juste avant la guerre... Et c’est aussi à ce moment qu’il se rendit compte que chaque action peut avoir de graves conséquences, notamment grâce aux paroles de Feuille des Neiges. Tandis qu’ils continuèrent à avancer, Mouette Rieuse ne manqua pas de constater les yeux étincelants de son apprenti, apparemment très heureux de cette proposition. Il ne put s’empêcher d’afficher une mine joyeuse, visiblement tout autant pressé que le novice !

C’est vrai que de passer une journée ainsi avec Souvenir des Étoiles lui ferait grandement plaisir. Il pourrait lui montrer combien il a évolué et qu’il s’occupe bien de Nuage du Soleil. Le guerrier sait à quel point cela peut être amusant et réconfortant de faire des entraînements avec son frère ou sa sœur, lui qui l’a déjà fait par le passé avec Périple des Cieux et Balade Guerrière. Ce sont des bribes du passé qu’il est loin d’oublier, il les garde précieusement en tête pour se remémorer d’où il vient et à quel point il a aimé ces lunes-là. A nouveau il se re concentra sur son jeune novice qui tentait de reprendre contenance en se raclant la gorge, ce qui ne manqua pas de faire doucement pouffer son mentor.

Sa seconde réplique fit remuer les oreilles du guerrier. En effet, Nuage de Lune semblait un peu plus réservée et calme, elle semble être en quelque sorte l’ombre du soleil. Mais il ne doute aucunement qu’elle sera aussi talentueuse que son frère. Le murmure de l’apprenti traversa Mouette Rieuse qui sourit, nostalgique. Alors qu’ils s’approchent bientôt du grand bâtiment abandonné, il lui répond :

« Souvenir des Étoiles est sans aucun doute le meilleur mentor pour Nuage de Lune. Il est sympa, amical et essaye toujours de retirer le meilleur de ses élèves ! Il m’a toujours félicité, même lorsque je n’étais pas capable d’attraper une souris. Je pense qu’il est beaucoup plus souple et doux que je ne peux l’être. Il m’a tout apprit et je suis certain qu’il fera un excellent travail avec ta sœur. »

Il espérait pouvoir soulager la possible inquiétude du jeune. Il est vrai qu’on peut s’imaginer qu’un chef serait exigeant et strict, mais ce n’est absolument pas le cas de leur meneur et il lui semblait important de clarifier cela.

« Avant d’être vos mentors, nous sommes surtout du même Clan. Nous ferons tout notre possible pour faire de vous de redoutables félins que les autres Clans jalouseront eheh. Mais surtout, on sera toujours là pour vous, ne l’oubliez pas. Si vous avez le moindre souci on vous aidera. »

Il ne souhaitait pas que Nuage du Soleil le voie comme un lieutenant qui pourrait cafter au chef ou se vexer pour une petite remarque. Avant d’être lieutenant, il est un chat comme un autre et son rang ne veut pas dire qu’il doit se forcer à rester sérieux en tout temps. Il espère pouvoir lui prouver qu’ils sont comme une famille, qu’il ne cherchera pas à le punir ou à le rendre parfait. Il sait à quel point ça peut être douloureux de chercher à tout prix à atteindre la perfection...

« En tout cas j’ai trop hâte d’un entraînement commun ! J’en parlerai à Souvenir des Étoiles rapidement, promis. » Au final, il était tout autant excité que son cadet à cette idée ! « Tiens, nous sommes arrivés. Le cottage abandonné. C’est un bon endroit pour chasser une ou deux souris. Plus loin là-bas c’est le grand arbre aux chouettes ! C’est un bon indicateur pour la frontière, au-delà de ce chêne ce sont les terres du Clan du Vent et un peu plus sur notre gauche ce sont les Cinq Rocs. Suis-moi, nous allons nous rendre à la frontière puis nous reviendrons au cottage. »

Ainsi, ils arrivèrent au pied de l’énorme arbre et Mouette Rieuse montra à son novice la procédure pour renouveler un marquage en lui stipulant que c’était important de le faire dès que l’odeur commençait à se dissiper car cela permettait de montrer aux chats étrangers que c’est un territoire qui leur appartenait. Il laissa son apprenti le choix de participer au renouvellement et ils retournèrent au cottage pour emprunter à nouveau le pont.

« Il ne nous reste plus qu’un endroit à visiter. Nous allons repasser par la forêt de bouleaux pour ramasser un peu de mousse et... » Il jeta un regard taquin à Nuage du Soleil. « … on va essayer d’attraper ta première proie. »

Il se mit aux côtés du rouquin, le laissant mener la danse et les emmener vers le nord des terres.

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Spoiler:

Le jeune rouquin était resté un instant pensif quant à la réponse de son mentor sur les cristaux de lune. Soif d’aventure… C’était bien éloigné de la source de sa curiosité pour ce lieu. En réalité, s’il y réfléchissait d’avantage, il n’aurait pas envie d’y mettre les pattes. Il se demandait simplement, au fond de lui, si ce lieu n’était pas une sorte de passage entre le monde mortel et immortel, si jamais il ne serait pas le seul espoir de pouvoir un jour reparler avec son paternel. Mais d’un autre côté, l’idée de s’approcher ainsi des morts, de la mort, lui faisait glisser des frissons dans le dos, hérissant son pelage encore fin. Il secoua la tête, souhaitant écarter ses idées confuses. Le soleil brillait, les oiseaux chantait. Il n’allait tout de même pas passer sa première sortie d’apprentissage à penser à de si sombres choses ! Alors il se concentra volontiers sur le sujet de sa sœur de portée et du chef.

Souvenirs des Etoiles semblait toujours si occupé que Nuage du Soleil n’avait entrevu que peu de choses de lui. Un éclat de fourrure crème, une voix préoccupée, parfois riante aussi, mais ces détails en disaient bien peu de sa personnalité pour un si jeune chat peu observateur. Il était donc soulagé d’entendre l’opinion de Mouette Rieuse. Le lieutenant semblait être bien proche du chef, Nuage du Soleil cru même comprendre à ses paroles qu’il avait été son apprenti ? Imaginer celui qu’il avait toujours connu comme le lieutenant du clan à son âge, à gambader derrière Souvenirs des Etoiles lui semblait une vision étrange… et pourtant, pas si improbable. Après tout, Mouette Rieuse n’avait pas grand-chose des guerriers au regards durs et toujours tournés vers des pensées sérieuses. Son visage rieur semblait avoir gardé des traces d’enfance. Si le chef était encore plus doux et souple que lui, alors Nuage de la Lune ne pouvait être qu’entre de bonnes pattes. Cela rassurait Nuage du Soleil, et fit fleurir un sourire soulagé sur son museau, et le soulagement se transforma bientôt en joie au rappel de la promesse de l’entraînement en duo.

Au fil de la conversation, les arbres défilaient devant eux, et bientôt le paysage avait à nouveau changé, la forêt s’ouvrant autour d’une étrange structure ? Faite de pierres et de bois, elle offre un abri au creux de la forêt. L’apprenti retourne le mot inconnu, « cottage », dans sa tête pour tenter de s’en souvenir tout en se demandant s’il s’agit encore d’un vestige de bipèdes, sans néanmoins rester longtemps à se poser la question. Le mot « frontière » a bien vite fait d’accaparer à nouveau toute son attention, et le voilà qui repart à la poursuite de Mouette Rieuse, cherchant ce fameux arbre aux chouettes, bien décidé à se souvenir de son emplacement.

A présent qu’il était en dehors du camp depuis de longues minutes, le félin avait commencé à s’habituer aux odeurs inconnues qui avait envahies son museau délicat avec violence, et pouvait à présent en discerner quelques-unes des autres. Il ne sentit pas l’odeur des chats de la Lune, il la connaissait sûrement bien trop, son nez étant habitué à la sentir depuis sa naissance, mais il en sentit une autre, qui, si elle ne sentait pas mauvais en soi, criait à son instinct qu’elle était un avertissement. Ses poils se hérissèrent, et il sut qu’ils étaient arrivés sur la frontière. Il tenta de ne pas montrer à son mentor le trouble qui l’avait saisi, et se contenta de l’imiter maladroitement sans mot dire pour effectuer le marquage. Il s’en voulait de se montrer si sensible alors que marquer les frontières était une des tâches les plus nécessaires pour le clan à ses yeux. Il voulait s’appliquer pour le faire au mieux, et regarda avec attention les gestes de Mouette Rieuse en l’imitant. Mais il était également nerveux, et désireux de s’éloigner de l’endroit au plus vite. Il ne jeta qu’un œil rapide en direction des terres du vent, de la lande qui s’étendait à perte de vue, seuls les buissons offrant quelques abris des yeux inquisiteurs. Il se demanda si un guerrier venteux les observait en retour avant de se dépêcher de tourner le dos à la lande. Elle lui semblait froide et pleine de dangers.

La tension qui malmenait ses muscles ne se relâcha que lorsque qu’ils arrivèrent à nouveau en vue du cottage. Les paroles de Mouette Rieuse y furent aussi pour quelque chose. Sa première proie ! Cette phrase suffisait pour que ses poils ne se dressent plus de nervosité mais d’excitation, un peu plus et il en trépignerait. Avec un grand sourire, il se hâta de hocher la tête et de les mener lui-même à nouveau vers la forêt de bouleaux. Le sol était surtout recouvert d’herbes et de fleurs, il n’était donc pas sûr d’où il pourrait trouver de la mousse. Y avait-il un endroit stratégique qu’il ne connaissait pas ? Si le chat bicolore ne lui avait rien dit, c’est sûrement qu’il pouvait trouver par lui-même ! Peut-être au pied d’un des plus grands bouleaux… Enfin, il en trouva hein et se dépêcha d’aller jeter un œil entre les racines, laissant s’échapper une petite exclamation déçue.

« Oh… est-ce que… ça va être assez ? »

Si quelques touffes de mousse poussaient dans les nœuds des racines, cela ne pesait pas bien lourd. Il se hâta tout de même des les ramasser pour les réunir en un petit tas. Est-ce qu’il allait devoir chercher d’autres grands arbres ? Ou est-ce qu’il y avait un meilleur endroit pour trouver de la mousse ? Il commença à coincer sa trouvaille entre son menton et son poitrail, prêt à se remettre à la recherche de plus de mousse, mais se stoppa dans son mouvement. Une nouvelle odeur -animale, alléchante-, avait fait son apparition dans la palette de senteurs qui s’ouvraient peu à peu à son nez, presque dissimulée par l’odeur légère de la mousse, mais bien présente. Il mit un moment à trouver sa source, mais ses yeux finirent par se poser sur l’animal, une souris qui grignotait innocemment une graine trouvée sur le sol à quelques longueurs de queues de là. Nuage du Soleil la fixa pendant un long moment, émerveillé de sa présence si propre, n’osant pas souffler un seul mot. Il fini par lever un regard inquisiteur vers Mouette Rieuse, qu’était-il censé faire ?

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Rayons de miel et de soleil

Mouette Rieur ft. Nuage du Soleil

Vaillance Éternelle était le père d’un excellent fils, à l’avenir lumineux et au chemin plein de surprises. En le regardant, Mouette Rieuse sentait son cœur se serré, se sentant coupable de l’avoir privé de son géniteur. Il espérait en faire quelqu’un de bien, préserver cet enfant rayonnant. La guerre avait laissé des traces dans la poitrine du guerrier, et quelques cicatrices sur son corps, il redoutait que Nuage du Soleil doive y faire face, lui aussi. Avec un peu de chance, il vivra une enfance tout à fait banale et sans embûche. Le rouquin était très précieux aux yeux du lieutenant, plus qu’il ne l’aurait pensé. Alors, il était heureux de constater son trouble près des frontières, au moins il n’irait pas s’y aventurer, c’est une bonne chose. Il était encore trop tôt, les plaies n’étaient pas encore pansées, il valait mieux rester distant des autres Clans pour le moment. Il marcha en silence aux côtés de son apprenti tandis qu’il les guidait à nouveau à la forêt de bouleaux.

Il se débrouillait bien, il marchait à bonne allure et ne déconcentrait pas de sa tâche. En réalité, il y a déjà bien assez de mousse au campement, les autres novices ont fait le stock il y a peu, mais c’était important qu’il prenne l’habitude d’en ramener et de s’adapter à son environnement en faisant autre chose. Malgré son enthousiasme indéniable, il semblait tout de même être un jeune assez calme. Evidemment, il reste encore un chaton, trépidant d’excitation, mais il ne l’était pas autant que d’autres pouvaient l’être ou que Mouette l’avait lui-même été. Et dans un sens, ça le soulageait. Il aimait les élèves sérieux, en qui il pouvait avoir pleinement confiance. Il était encore tôt pour l’affirmer, mais le bicolore sentait tout de même que ce petit allait le rendre fier à de multiples reprises. Il le regarda rassembler les morceaux de mousse, en faisant un petit tas pour les caler sous son poitrail. Etant un peu plus grand que lui, il s’étira en avant pour gratter du bout des griffes la mousse accrochée aux écorces plus hautes et les ajouter.

« Ça suffira. Merci Nuage du Soleil, pense à le faire de temps en temps par toi-même, ça fera plaisir aux Reines et aux Anciens. Et crois-moi, il vaut mieux être apprécié des Anciens ! »

Il les savait cruel, quand ils avaient quelqu’un dans le collimateur. Il a subi leur courroux de nombreuses fois, lorsqu’il était trop grognon pour vouloir changer leurs litières ! Après quoi, ils le forçaient à leur enlever toutes leurs tiques avec de la bile de souris. Une expérience atroce qu’il ne souhaiterai même pas à son pire ennemi. Il longea quelques arbres et du bout de la queue désigna certains endroits, comme celui sous l’ombre des feuilles d’un grand arbre, où un autre dans le creux d’un rocher.

« Tu trouveras de la mousse là où il y a de l’ombre. Sur les rochers, sur les écorces d’arbres ou à leurs pieds. La mauvaise saison va arriver, ça sera plus compliqué pour en trouver, il faudra gratter la neige. »

Il continua de le guider à travers leurs terres, passant proche du campement pour se rendre vers les pierres levées. Mais avant de quitter la forêt, il ralentit l’allure. Ses sens étaient en alertes, il essayait de détecter un petit rongeur. Et apparemment, le Clan des Étoiles l’a entendu, parce qu’il aperçoit, dans un buisson de fougères, une petite souris plutôt grassouillette. Et il semblerait que son apprenti l’ait même détecté avant lui ! C’était un bon point, cela voulait dire qu’il avait de bons sens. Il vérifia la direction du vent et posa sa queue sur le dos de son apprenti pour lui montrer la position à adopter. Le poitrail contre le sol, les pattes légères, les oreilles tendues et l’arrière-train incliné. Il lui fit un petit sourire, accompagné d’un clin d’œil, et d’un signe de tête il l’invita à tenter de l’attraper.

Attraper une proie n’était jamais une chose facile. Le vent devait être pris en considération, le bruit des feuilles et des branches, la position de notre propre corps mais aussi de l’animal. Mais c’était un rituel presque instinctif, pour des prédateurs tels que les félins. Couché dans un coin, Mouette Rieuse observait attentivement la scène pour évaluer les compétences de son novice. Lui n’avait jamais été très bon à la chasse, mais il savait qu’il pourrait compter sur les précieux conseils de Forêt de Bambou au besoin. Attraper sa première proie est une émotion tout à fait extraordinaire et même si cela échoue ça restera un bon souvenir. Le début d’une longue histoire. Le lieutenant l’encouragea en silence, plantant ses yeux fendus sur le mulot qui ne se doutait de rien, trop concentré à grignoter sa graine.

La robe flamboyante du petit sera un bon camouflage en automne, mais avec le drap immaculé qui va bientôt recouvrir le territoire cela va être un peu plus compliqué. Ce sont des éléments à prendre en compte, pour un chasseur. En pensant à toutes ces éventualités, Mouette Rieuse se fit la réflexion qu’il avait beaucoup à lui apprendre et plutôt rapidement. Après tout, ça sera à lui de faire son évaluation finale et il saura se montrer intransigeant. Il n’était pas du genre à faire du favoritisme.

La souris tourna la tête dans le sens opposée, c’était le moment idéal pour bondir. Peut-être n’allait-t-il pas l’attraper directement, mais s’il a le réflexe de la poursuivre un peu, il avait alors toutes ses chances.

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Sa boule de mousse bien calée au creux de son cou, Nuage du Soleil avait gravement hoché la tête aux paroles de Mouette Rieuse. Il était bien décidé à réaliser à la perfection ses tâches d’apprenti, les corvées inclues, et se promis de bien penser à vérifier que les litières des reines et des anciens restent agréables de tous temps. Il avait donc écouté avec attentions les indications de son mentor sur où trouver la meilleure mousse, comment la ramasser etc. Il retint une grimace à l’idée de devoir ramasser de la mousse trempée de neige, il pressentait déjà que la motivation serait plus compliquée à trouver pour des excursions de ce type en hiver. Mais aujourd’hui, il faisait beau et chaud, alors ces préoccupations seraient pour plus tard !

Ils avaient donc repris leur marche, Nuage du Soleil tournant la tête en tous sens, attentifs aux bruits et odeurs qui se dévoilaient peu à peu à ses sens et essayant surtout de se repérer, quel trajet avaient-ils fait, où avaient-ils tourné, où étaient-ils par rapport au camp, aux frontières ? C’est à cet instant qu’il fut interrompu dans ces questionnements par l’odeur nouvelle et… animale ? qui lui titillait les narines. Après avoir repéré la petite souris, il s’était titanisé un instant, émerveillé et un peu perdu, après tout comme beaucoup d’autres apprentis il avait imaginé pendant longtemps sa première partie de chasse, mais voilà qu’il se retrouvait tout bloqué avec sa mousse, incapable de savoir quoi faire, comment bouger. Il craignait au moindre mouvement de voir la bête détaler et disparaître comme un mirage. Hors de question qu’il rate cette chance ainsi, alors il avait attendu les directives de son aîné bicolore.

Après avoir le plus silencieusement possible posé son butin mousseux sur le sol, sans même oser laisser échapper une respiration soulagée lorsque la souris avait tranquillement continué à chercher des graines entre les racines, il avait laissé Mouette Rieuse le placer, se pliant à ce qu’il lui avait invité à faire, pattes fléchies, corps ramassé. Il n’aurait su l’adapter lui même à l’exactitude, mais à présent qu’il était dans cette position, il sentait instinctivement qu’elle était celle du chasseur, il ressentait chacun des battement du sang à ses tempes, la tension dans ses muscles, il était prêt. Il y était, sa première proie, elle était là, à l’attendre. Il ne voyait plus Mouette Rieuse qui l’observait non loin, tendu vers son seul objectif, les yeux rivés vers la souris qui avait à présent trouvé une graine et était toute occupée à tenter de l’ouvrir. Le jeune félin n’avait pas d’autres pensées plus stratégique que ça, bien sûr il savait que la direction du vent où les vibrations au sol pouvait influencer l’issue de sa chasse mais il n’y pensa pas à cet instant, tout concentré qu’il était sur le moment présent. Dès que le petit rongeur se détourna un instant, il bondit, sentant que le moment propice était arrivé… pour atterrir bien un mètre plus loin de l’animal qui détala avec un glapissement aigu.

Un instant déconcerté de l’issue de ce saut qu’il avait pourtant effectué plein de confiance, le jeune rouquin n’était cependant absolument pas prêt à laisser filer ainsi l’animal. A peine eu t-il reprit ses esprits qu’il virevoltait dans la direction prise par le rongeur pour le poursuivre dans les fourrés. Il fini par rattraper la souris à l’aide de son flair qui lui permis cette fois qu’il avait eu le temps de la sentir de retrouver aisément la trace de l’animal terrifié. Tout en le poursuivant, il tentait à plusieurs reprise de lui sauter dessus pour le coincer entre ses pattes, mais celui-ci continuait à lui filer entre les griffes, l’apprenti ayant clairement du mal à évaluer précisément l’impact de ses assauts. Il apparaissait néanmoins que la souris se fatiguait bien plus vite que lui, ses fuites se faisant de moins en moins vives, ses esquives moins assurées. Et finalement, après de nombreux essais, Nuage du Soleil fini par la cueillir, sa patte bloquant le rongeur, un coup de griffe assuré mettant finalement un terme à cette course.

Il doit souffler un bon coup, presque essoufflé lui aussi de cet effort, la tête lui tournant un peu du fait de l’adrénaline de cette première chasse. Il se redresse finalement, victorieux, sa proie durement attrapée dans la gueule, son jeune corps peu habitué à un tel effort presque tremblant. Mais il peut revenir vers Mouette Rieuse la tête haute et la démarche fière, car après tout, c’est le résultat qui importe non ?

« Je… je l’ai eue ! Bon, c’était un peu long d’accord mais je ne m’avoue pas vaincu aussi facilement ! Je l’ai ratée plusieurs fois mais je ne l’ai pas perdue de vue. »

S’écrie t-il en sautant hors des fourrés pour rejoindre Mouette Rieuse, la longue poursuite l’ayant entraîné bien loin des racines de l’arbre où ils avaient repéré la souris. Il revient se planter devant le lieutenant, ne pouvant s’empêcher de fièrement mettre en valeur le rongeur qu’il tient du bout des crocs et dépose finalement devant le chat bicolore, sans plus se soucier de son pelage ébouriffé et de ses griffes sales.

« Comment vous faites après ? Je la porte jusqu’à ce qu’on rentre ? Ou on la cache ? J’ai vu de drôles de pierres en passant là bas, il y a quoi ? »

Il se retient de sautiller, seule sa queue battant l’air derrière lui trahissant son excitation nouvelle. L’apprenti roux fini par se forcer à se rasseoir, tentant de redevenir l’apprenti sérieux et mature qu’il aspire à être. Mais ce n’est pas simple. Les sons, les odeurs proches de lui, à présent qu’il a couru dans les fourrés, connu la brûlure des branches cinglantes sur son pelage, les jeux de lumières des arbres dans ses yeux, il a déjà l’impression que la forêt lui est devenue familière, il ne demande qu’à en voir plus.

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Rayons de miel et de soleil

Mouette Rieur ft. Nuage du Soleil

Le Rieur n’avait jamais été un chasseur d’élite, il était même plutôt le contraire. Maladroit et bruyant, il faisait peur aux proies et devait souvent leur courir après pour pouvoir espérer les atteindre, et même ainsi il arrivait à les laisser filer ! Il espérait pouvoir transmettre au moins les savoirs de base sur la chasse, il se disait qu’il demanderait sans doute de l’aide à Forêt de Bambou s’il rencontre plus de soucis que prévu. En attendant, il observait la posture de son apprenti qui venait tout juste de déposer ses butins au sol. Le rouquin s’était tétanisé, au départ un peu surpris par la présence d’un animal et par les propres réflexes de son corps de prédateur. Mouette Rieuse restait à l’écart, gardant tout de même un œil sur la situation pour pouvoir juger des capacités naissantes de son novice. Il adoptait une bonne posture, bien qu’il soit assez tendu. Mais c’était tout à fait normal. Même si le gibier fait la taille d’une patte, il semble toujours très intimidant pour un jeune chat. Le fait de chasser est crucial pour un félin clanique, cela prouve qu’il rejette la vie douillette de domestique. Le lieutenant savoura cet instant, cette petite seconde d’éternité. En observant ainsi Nuage du Soleil, il eut du baume au cœur et ne put s’empêcher de penser à Vaillance Éternelle qui avait peut-être posé cette souris sur leur chemin.

D’un coup, celui à la robe flamboyante bondit sur sa proie ! Mais il avait mal calculé la distance qui les séparaient, il se retrouvait maintenant à deux queues de renard de son objectif. Il aurait pu s’arrêter là, abandonner en voyant le petit animal gris dévaler à toute vitesse... Néanmoins, ce ne fut pas le cas, pour la plus grande joie du bicolore ! Le tout jeune novice semblait déterminer, il poursuivit sa proie sur plusieurs mètres, faisant preuve d’une belle accélération pour rattraper la créature. Il s’engouffrait dans les fourrés, là où Mouette Rieuse ne pouvait plus l’apercevoir. Il se demanda soudain jusqu’où il irait... Devait-il le poursuivre ? Non, il fallait lui faire confiance ! Ne pas le surprotéger. Et il avait bien raison, car quelques instants plus tard, après une course effrénée, Nuage du Soleil revint avec la souris coincée entre ses crocs, le poitrail bombé et un sourire gravé sur son visage enfantin. Par mimétisme et fierté, le lieutenant lui offrit un long rictus plein d’estime, véritablement heureux de le voir avoir réussi.

Ses yeux ambrés étaient posés sur son apprenti tandis que celui-ci criait sa victoire. Le Rieur porta bien son nom, car il s’amusa de cette explosion de joie et la partagea en lui offrant un petit coup d’épaule. Il l’observa, le pelage tout ébouriffé, les griffes salies... Le voilà en train de devenir petit à petit un véritable guerrier. Il fut étonné de le voir utiliser “vous” plutôt que “on”. Bien qu’il soit un apprenti, il restait un membre du Clan, un félin sauvage. Il n’était plus un chaton. Il accueilli son flot de questions avec un grand sourire, le voyant tenter de contenir toutes ses émotions. Sa queue fouettait l’air avec excitation et même assis il semblait être en train de bouger. L’expressivité de ses yeux noisette surpris le lieutenant lorsqu’un rayon de soleil lui permis de les détailler plus clairement. Mouette Rieuse se concentra sur ses questions. Pour lui, il était dorénavant devenu naturel d’enterrer ses proies, mais il était vrai que ce n’était pas une évidence. Il devait penser à tout, s’il ne le questionnait pas. Le petit mâle bicolore lui fit signe de prendre son butin, lui laissant l’occasion de tout faire par lui-même.

« D’abord, félicitation Nuage du Soleil ! Tu as été très bon, tu l’as poursuivi malgré l’échec ! Je suis fier de toi, c’est une belle première. » Il marqua une petite pause, toujours aussi souriant, et continua. « Nous enterrons nos proies pour éviter qu’un autre prédateur ne nous les vole, pour camoufler les odeurs. Creuse un petit trou dans le sol et poses-y-là. N’oublie pas de remercier le Clan des Étoiles de t’avoir permis de la trouver. Si tu en ressens le besoin, tu peux marquer un arbre non loin au cas où tu te perdrais en chemin. »

Il le laissa s’exécuter, menant à nouveau la marche. Il emprunta le même chemin que lui lors de sa petite course poursuite, s’engouffrant dans les hautes herbes jusqu’à apercevoir une large clairière où trônaient fièrement des rochers. Perdues au beau milieu de nulle part, ces pierres étaient levées, comme dotées de pattes. Elles n’étaient pas bien plus grandes que lui, il en profita pour sauter et s’y asseoir. Il gratta le lichen qui la recouvrait, dévoilant d’étranges symboles et invita Nuage du Soleil à s’approcher.

« Nous sommes aux pierres levées, c’est le dernier endroit que j’avais à te faire visiter. Nous ne savons pas d’où viennent ces pierres, ni ce que signifient ces symboles. Peut-être que c’est l’œuvre des Bipèdes, qui sait. »

Il descendit de son promontoire, laissant la place au novice. La lande était grande et particulièrement vide, il n’y avait pas grand-chose à apercevoir ici et il préférait réserver les frontières pour une patrouille, la guerre était encore trop fraîche pour y rôder seul. Mouette Rieuse ferma les yeux un instant, profitant de la brise qui balayait l’endroit, puis s’exclama à nouveau :

« Étant donné que tu as chassé, tu vas pouvoir offrir ta première proie aux Anciens, ensuite nous partagerons un repas, ça te dit ? » Il espérait ne pas se montrer trop envahissant... « Pour la prochaine fois, essaye d’abord de marcher à pas feutrer sur le sol pour te rapprocher de ta proie, il faut que tes pattes frôlent à peine la terre, car les rongeurs ressentent les vibrations du sol et ils ont une excellente ouïe ! »

Associant les paroles aux gestes, il lui se plaqua contre le sol, comme s’il avait aperçu un animal. La queue basse, les oreilles en avant, ses mouvements légers mais silencieux. Puis il fit mine de bondir sur un animal imaginaire et releva le menton vers lui, avec l’espoir qu’il soit assez clair.

« Nous allons nous consacrer sur la chasse en premier lieu, pour que tu puisses faire tes tâches d’apprenti. Puis d’ici peu nous verrons le combat. Est-ce que tu as des appréhensions ? Ou des questions ? Je peux m’adapter à toi si tu en ressens le besoin. » Il s’approcha du plus jeune. « Nous sommes une famille. Le Clan de la Lune entier est une grande famille, nous nous soutiendrons toujours. Au moindre doute, parle-moi en, d’accord ? »

Il voulait qu’une confiance aveugle puisse subsister entre eux. Il voulait faire de lui un chat idéal qui rendrait fier les étoiles. Le temps s’était déjà bien écoulé, il ne fallait pas qu’ils tardent à rentrer. De plus, une souris les attendait, enterrer dans le sol.

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Le jeune chat bombait le poitrail, ne pouvant cacher sa fierté alors que Mouette Rieuse le félicitait. Il avait réussi à rendre fier son mentor !! Il ne savait pas ce que avait le plus le goût de la victoire, entre ça et sa prise. Il en aurait presque oublié d’écouter les instructions du lieutenant, mais se reprit mentalement à temps, se contentant de piétiner pour contenir ses ronronnements qui étaient nés dans sa gorge.

Après une prière au clan des étoiles (est-ce que ces bêtes là y allaient aussi ? Il avait du mal à l’imaginer), il se mit au travail. Le sol printanier était encore meuble, mais enterrer sa proie lui parut bien plus compliqué qu’il ne s’y attendait, ses jeunes griffes encore fragiles souffrant de temps d’efforts d’un coup. Nuage du Soleil grimaça à l’idée de devoir faire cela dans le sol gelé hivernal. Les guerriers devaient avoir des griffes super puissantes ! Il allait devoir en prendre soin… Il tapota finalement avec satisfaction la terre retournée après avoir réussi à y faire disparaître la souris, puis la tête haute, parti déposer son odeur sur l’arbre le plus proche.

Voilà qui était une nouveauté plus agréable. Il se rendait compte à présent combien sa vie de guerrier était proche. Il pouvait marquer les arbres de son odeur et d’innombrables félins reconnaîtraient cela comme un marquage du Clan de la Lune. Il déposait enfin sa patte dans les empreintes de tous ceux passés auparavant. Il faisait partie du grand tout. La tête lui tournait presque. Il trottina rapidement près de Mouette Rieuse dès qu’il eu terminé, se laissant guider jusqu’aux pierres étranges qu’il avait aperçu un peu plus tôt. Il leva les yeux vers le lieutenant qui était rapidement grimpé sur une des structures qui parsemaient la clairière, observant sa silhouette pleine de prestance baignée par la lumière du soleil. Lui aussi il deviendrait un grand chat un jour. Il le rejoignit de quelques bonds, observant avec des yeux intrigués ce que lui montrait le chat bicolore. Tout cela était bien mystérieux. Et ces bipèdes encore… ils construisaient décidément beaucoup de choses. L’apprenti renifla, peu certain de ce qu’il devait en penser. Il ne savait si c’était de la curiosité ou de la méfiance qu’il fallait avoir envers ces bipèdes dont lui parlait tant Mouette Rieuse.

« Et vous en voyez souvent par ici ? De ces bipèdes. »

Il baissait des yeux innocents vers son mentor qui l’avait laissé seul sur le promontoire, descendu dans la lande d’un mouvement vif. Un vent frais s’était levé à présent que les arbres ne les protégeaient plus, Nuage du Soleil le sentait pour la première fois. Le guerrier reprenait bientôt la parole et l’apprenti roux sauta à son tour le rejoindre en contrebas. Offrir sa proie aux anciens… il hochait de la tête, tout guilleret de déjà pouvoir montrer au clan son utilité. Alors, ils allaient rentrer à présent ? En entendant la mention d’un repas, son ventre se mit instantanément à gargouiller. Le rouge lui monta aux joues alors qu’il se dandinait. Heureusement que Mouette Rieuse ne parut pas en tenir rigueur, lui montrant une nouvelle chose. Même si ce n’était pas conscient, Soleil lui fut très reconnaissant de cette distraction.

Il était temps de se reconcentrer à présent. Il observa avec attention le guerrier bicolore, ses muscles développés roulants sous sa fourrure, ses yeux perçants et déterminés, son corps souple, ses mouvements silencieux. Il avait dû avoir l’air bien pataud à côté de ça lui tout à l’heure. Il revoyait sa course effrénée dans la forêt. Un peu gêné, il tenta d’immortaliser cette image dans son esprit pour s’en rappeler.

Mouette Rieuse avait raison, rien n’était plus important que d’être capable d’apporter à manger au clan avant tout. Il n’y aurait pas de guerre dans le futur proche… n’est ce pas ? Ses capacités au combat pouvaient bien attendre. Plongé dans ses pensées, il avait à présent un air grave. Il n’en ressortit qu’en comprenant un peu tard que son mentor attendait une réponse.

« Aucune question ! Je vais faire de mon mieux, j’ai hâte de progresser pour pouvoir être un atout dans le clan. Promis, bientôt moi aussi je vais vous soutenir tous ! »

Mais à présent, il était l’heure de rentrer. Nuage du Soleil rejoignit l’orée de la forêt en quelques bonds. Une fois sous le couvert des arbres, il décidé d’en profiter pour essayer de mettre en application les conseils de Mouette Rieuse. Plaqué contre le sol, la queue bien droite… Mais c’était compliqué d’avancer comme ça, il ne se sentait pas du tout souple, tout ramassé sur lui même, même s’il était le plus concentré du monde ses pattes continuait à faire des bruissements sur le sol de la forêt.

Il ne sentit pas tout de suite les feuilles commencer à lui chatouiller les flans, c’est seulement lorsqu’il eut le nez sur une fleur qu’il s’arrêta. Tient, il y avait un bruit… un insecte ? Tout proche ? Tentant de ne pas s’affoler, le jeune chat s’extirpa brusquement du buisson brusquement. Mais c’est que ça le suivait ce truc jaune et noir, ça venait très près de ses yeux, mais il n’allait pas crier quand même la honte, non, quelques coups de pattes et il serait tranquille-aaaaah.

« AH- AAH ! »

Ouille. Des larmes de douleurs étaient apparues dans ses yeux. Le truc s’était posé sur son nez et une douleur intense l’avait traversé comme un choc électrique. et ça ne partait pas !

« Mouette euh désolé je- J’ai un problème… »

C’était pitoyable. Il serait rouge de honte, mais à présent c’était surtout son nez qui était rouge d’être en train de gonfler, et il avait du mal à voir à travers ses larmes retenues où était le lieutenant. Il avait envie de s’enterrer dans le sol.

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Rayons de miel et de soleil

Mouette Rieur ft. Nuage du Soleil

Difficile de rester de marbre face à ce petit rayon de soleil. Mouette Rieuse se sentit empli d’un grand sentiment de mélancolie. Il pouvait voir dans les pupilles de son novice son propre reflet. Il était exactement pareil. Le poitrail gonflé du plus jeune le fit sourire, il pouvait entendre quelques ronronnements amusés derrière lui. Il s’était déjà beaucoup attaché à son cadet. Il l’observa se débattre avec la terre avant d’enterrer proprement sa première prise. Il marqua soigneusement son territoire, comme si tout cela lui était tout à fait naturel. En le regardant faire, il avait la conviction qu’il deviendrait un excellent guerrier, au grand cœur et à l’âme glorieuse. Il espérait que son avenir serait aussi beau et illuminé que son présent. Ils continuèrent leur chemin, Nuage du Soleil reniflait ci et là, les yeux plein de couleurs, tandis que Mouette Rieuse restait aux aguets. Une confrontation avec un quelconque danger ne devait pas avoir lieu. Le plus jeune le questionna sur les Bipèdes. Lui-même n’en avait jamais vu, il savait qu’ils étaient plus présents lors de la saison des feuilles vertes.

« Les Bipèdes ne viennent pas près de notre territoire. Ils sont souvent plus proches de l’océan, ils y emmènent leurs petits lors de la saison des feuilles vertes pour s’y tremper. Je n’en ai moi-même jamais vu, mais on m’a toujours dit qu’il fallait s’en méfier, ils kidnappent souvent les chats seuls et les emmènent dans la ville, avec des chats domestiques. »

Un mode de vie qui n’avait rien à voir avec le leur, et qu’il ne comprenait pas. Comment pouvaient-ils se cantonner à rester enfermer, alors qu’il existait mille beautés en Valeemar ? La sensation du vent, le goût des proies fraîchement chassées, la fierté d’être un guerrier... Tout cela leur était parfaitement égal. Ils ne savaient même pas qu’ils existaient, généralement. Le Rieur n’avait jamais croisé un chat domestique, restant bien loin de la ville et de tout endroit où il pouvait se retrouver museau à museau avec un Bipède. Il fallait que son apprenti saisisse le danger, même s’il ne l’aperçoit pas. Ces terres entières sont le nid de beaucoup de danger pour eux. Ils sont peut-être les prédateurs des rongeurs, mais ils sont aussi les proies de bien des créatures.

Il afficha un large sourire face à la détermination du petit. Son apprentissage serait court, bientôt il sera peut-être plus grand que lui. Il le laissa marcher devant lui, explorer les alentours. Il posait sur lui un regard particulier, qu’il n’adressait à personne d’autre. Ses yeux transpiraient de tendresse. Était-ce le même regard que lui offrait Souvenir des Étoiles auparavant ? Il l’espérait. Il s’imaginait déjà la carrure musclée du rouquin. Le doré serait reconnaissable, on entendra parler de lui un jour, il en était certain. De plus, un esprit étoilé veillait sur ses pas. Il avait la chance d’avoir deux anges gardiens pour l’épauler. Mouette Rieuse ne laisserait pas le moindre malheur le toucher. Ni lui, ni sa sœur. Ils étaient une famille, maintenant.

Soudainement, l’odeur du stress lui parvint aux narines. Il pencha la tête sur le côté, ne sentant aucun arôme suspect. Pourtant, son protégé se débattait et criait pour se sortir de son embarras. Il arriva à sa hauteur, l’air tout penaud, les larmes aux yeux et le museau tout rouge. Le lieutenant fit une mine étonnée et se pencha vers lui pour le gratifier d’un coup de langue sur le front pour le rassurer.

« Je crois que tu as dérangé une abeille pendant son repas ! Ce sont des petits insectes qui volent, jaunes et noirs. Les abeilles mangent sur les fleurs, et quand elles se sentent en danger elles piquent. C’est un peu douloureux, mais tu ne risques rien, Hermine désinfectera ta plaie. Par contre, si tu sens que ça gonfle beaucoup il faut le dire ! »

Il se frotta un peu à lui pour le réconforter, lui assurant qu’il n’y avait aucune honte. D’un mouvement de la queue, il l’invita à le suivre un peu plus près du buisson d’où il s’était fait piquer.

« Tu vois, ce genre de nid sur la branche de l’arbre ? C’est le campement des abeilles, on appelle ça une ruche. Il ne faut pas s’y frotter, sinon c’est toute une centaine de piqures que tu risques d’avoir. »

Ils traversèrent à nouveau la forêt, jusqu’à ce que Mouette reconnût une feuille. De l’oseille ! Il avait appris ça de la guérisseuse lorsqu’il était apprenti, ça soignait pas mal de maux. Il arracha la feuille, la broya, et s’approcha de son novice.

« Tiens, c’est une feuille d’oseille, je vais la frotter un peu et normalement ça ne devrait plus te gratter. » Il se mit au travail, observant par la même occasion le corps de son apprenti. Il était encore un peu frêle, mais il semblait souple. « Il est important de connaître les créatures qui habitent ces terres, avec nous. Elles ont toutes une façon de survivre différentes, et certaines sont plus dangereuses que d’autres. Mais c’est tout un équilibre, chacun à sa place. »

Il lui sourit à nouveau, laissant tomber au sol la bouillie de feuille. Comme quoi, il avait eu bien raison de demander à Forêt de Bambou des cours sur les herbes médicinales ! Il pouvait au moins s’assurer que de petits bobos ne se transforment pas en de gros. A nouveau, ils se mirent en route.

« Si tu veux, on peut apprendre ensemble quelques petites choses sur l’art de guérir, ça peut toujours être utile. Et puis-. »

Il se tut. Devant eux, un bel écureuil se pavanait, ne se doutant pas de leur présence. Il se tapit au sol, murmurant à son camarade :

« Si tu as faim, fonce ! »

Il lui fit un petit clin d’œil d’encouragement.

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Si Nuage du Soleil avait connu bien trop tôt la perte d’un être cher qui l’avait laissé avec sa soeur dans un orphelinat complet, il n’avait jamais été exposé à la douleur, leur enfance se déroulant paisiblement à l’abris de la pouponnière surveillée par les membres du Clan de la Lune. Aussi était-il particulièrement surpris de cette première expérience, radicalement différente des coups de crocs ou de griffes ressentis par mégarde durant de simples jeux. Son museau le brûlait, et cela ne semblait jamais se terminer, comme si un feu invisible s’était engouffré dans ses narines. Il tentait de rester calme tandis que Mouette Rieuse observait son nez. Comment un insecte si petit pouvait-il faire si mal ?

Heureusement l’allure paisible, presque amusée du lieutenant l’aida vite à revenir à lui, il renifla pour sécher ses yeux et son museau humide, bien décidé à ne plus laisser transparaître la douleur. Si ce n’était pas grave, personne n’avait besoin d’être au courant, pas question de donner l’impression de souffrir ! En revenant de son premier entraînement en plus, non ce n’était pas vraiment ce qu’il avait prévu de raconter aux autres comme mésaventure, pas après toutes les choses intéressantes dont lui avait parlé le lieutenant.

Un peu en retrait, ses yeux noisettes détaillant avec méfiance les herbes autour de lui, il avança aux côtés du chat bicolore pour tendre la tête vers ce qu’il lui montrait, le campement des abeilles était bien étrange, il ressemblait à une sorte de gros fruit pendu à une grosse branche. Décidement, la forêt avait bien des secrets qu’il n’avait jamais imaginé à livrer. Comme cette feuille que Mouette Rieuse reconnu et se mit à réduire en bouillie pour la lui appliquer sur le museau. Un peu curieux et surtout très impressionné, l’apprenti roux suivait chacun de ses gestes du regard. Alors en plus d’être un guerrier apprécié de tous et d’avoir des responsabilités de lieutenant, son mentor possédait des connaissances médicinales ? Mais y avait-il quelque chose qu’il ne sache pas faire ? Soleil se sentait déjà très proche du chat, mais il avait aussi soudainement l’impression d’un énorme fossé entre eux, d’un retard qu’il devait à tout prix rattraper pour lui être égal. Mais il était plus que prêt à franchir ce fossé, et il savait que Mouette Rieuse l’accompagnerait dans ce saut.

Philosophant sur les sages paroles de son mentor, l’apprenti se passa la mixture de plante en silence avant de reprendre la route à ses côtés. Il acquiescait, oui lui aussi voulait être capable d’apporter son aide ainsi aux autres grâce au savoir des plantes ! Mais Mouette Rieuse s’était arrêté en pleine phrase, que se passait-il ? Il porta un regard interrogateur sur ce qui avait stoppé le chat noir et blanc, un sourire prenant place sur ses babines en devinant d’avance ce qui allait suivre. Une dernière chance pour s’essayer à nouveau à la chasse. Il ne sentait presque plus la piqûre d’abeille à présent, tout concentré sur l’animal au pelage court et flamboyant qui trottinait sur le sol de la forêt. Il savait qu’il n’y avait pas de temps à perdre, ils étaient arrivés tout près de l’animal sans qu’il ne les entendent mais il risquait de détaler à chaque seconde à présent. Il imita la position que lui avait montré Mouette Rieuse plus tôt, mais il de pouvait pas simplement sauter sur l’écureuil de là où il était, l’apprenti décida simplement de foncer, comme le lieutenant le lui avait suggéré après tout.

Il jaillit de la pénombre dans un éclair flamboyant, faisant voler autour de lui le tapis forestier. L’animal, paniqué, eu le réflexe de grimper à l’arbre le plus proche, instantanément suivi par l’apprenti qui fit néanmoins preuve de bien moins de dexterité pour grimper, tentant le plus vite possible de planter ses pattes dans l’écorce pour se hisser et recommencer, mais l’écureuil était bien vite passé d’une branche à l’autre, d’un arbre à l’autre. Il était loin à présent.

Nuage du Soleil resta un instant à suivre des yeux les cimes où le rongeur avait filé, puis réalisé soudainement sa hauteur, un petit rire nerveux franchissant son museau, il était quand même monté vite ! Tant bien que mal, il redescendit un peu jusqu’à être assez bas pour pouvoir se laisser retomber.

« Eh bien, je crois que le grand équilibre a parlé… l’heure de cet écureuil n’était pas encore arrivée. »

Fait-il, l’humour s’entendant dans sa voix tandis qu'il reprend patte sur la terre ferme. Il était déjà content d’avoir grimpé cet arbre sans même y réfléchir, assez fier de lui même en fait il bombait le poitrail. Il n’allait pas se fustiger de ne pas avoir attrapé cet animal, et il était certain que son mentor ne lui en voudrait pas non plus.

« C’est possible de grimper aussi vite qu’eux aux arbres ? Comment faites-vous pour les attraper ? »

Fit-il, ses yeux brillants dans l’attente d’une potentielle démonstration. Mais dans le même temps, un baillement vint le perturber, il se rendait à présent compte de sa fatigue, la journée avait été riche en enseignements, informations et émotions après tout. Une journée mémorable. Nuage du Soleil pensait à la souris enterrée, et à la récolte de mousse posée proprement à côté qui les attendait un peu plus loin, il voulait montrer à Mouette Rieuse qu’il s’en rappellait sans pour autant proposer de lui même de mettre fin à cette première journée d’apprentissage.

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Rayons de miel et de soleil

Mouette Rieur ft. Nuage du Soleil

Mouette Rieuse voyait son reflet en Nuage du Soleil. Il lui ressemblait beaucoup, quoiqu’un peu plus calme que lui au même âge. Mais ils avaient la même fougue dans le regard, le même état d’esprit. Cette envie de se dépasser, de faire mieux que ceux avant lui. Il y avait aussi cette peur de ne pas faire assez, de voir les lunes passer trop vite sans que rien n’évolue. Il avait pris longtemps avant de l’accepter. Parfois, il échouait. Il pouvait prendre bien des levers de soleil avant d’enfin accomplir ce qu’il voulait. Tout ne lui tombait pas tout cru dans le bec. Il y avait des heures d’entraînement, des larmes et de la sueur versées. Il ne passait pas un jour sans se dire qu’il fallait qu’il continue à s’améliorer, car n’importe qui pouvait le détrôner. Qu’il ne dût pas flancher, que les efforts étaient continuels et que c’était ça qui faisait la beauté et la force d’un lieutenant. Peut-être que cette vision était un peu trop élitiste, voire obsessionnelle. À vrai dire, il n’en savait rien. Il était encore trop jeune et trop peu expérimenté pour savoir ce qui était bon ou pas. Mais il faisait de son mieux, et quelque part, il estimait que c’était déjà bien !

La robe flamboyante de son apprenti n’était pas sans lui rappeler le feu. Synonyme de passion et d’ardeur. De danger et de protection. Il en était certain, le Clan des Étoiles guidait les pas de ce petit. Et il les remerciait, de ne pas les laisser seuls, lui et sa sœur. Ils avaient besoin, plus que jamais, de leurs Ancêtres. Eux seuls, grâce à leur omniscience, pouvaient comprendre et panser leurs plaies. Qu’importent les bouillies d’herbes qu’il tenterait de faire, il savait que certaines blessures étaient hors de la portée des vivants. Parfois, il fallait laisser les Étoiles s’en occuper. Mouette Rieuse l’observa se tapir au sol, se demandant quelle stratégie il allait pouvoir adopter face à un animal aussi fugace que l’écureuil. Sa position n’était pas parfaite, mais elle était de loin meilleure que la sienne la première fois ! Il maîtrisait son équilibre et ses membres se penchaient naturellement. Il était peut-être plus taillé pour le combat, à mieux y regarder. Mais il lui fallait attendre encore un peu. Il comptait s’y mettre rapidement au vu des dernières tensions, mais s’il pouvait éviter de le confronter dès aujourd’hui à cette réalité, c'était toujours ça de pris.

Le félin jaillit des hautes herbes, se mettant à poursuivre sa proie. Évidemment, le petit animal grimpa se réfugier aux arbres... Mais... Par le Clan des Étoiles ! Nuage du Soleil venait de grimper sans aucun souci à l’arbre pour poursuivre l’écureuil. Les yeux écarquillés de surprise, Mouette Rieuse ne put retenir un rire stupéfait, un grand sourire aux babines. Ce petit décidément était une sacrée bête ! Bientôt, son novice redescendit de l’arbre et le bicolore resta un instant bouche bée. Bon sang, il lui rappelait définitivement lui au même âge ! Il avait grimpé à un arbre, lors de son premier entraînement, même si lui avait tendance à tomber pour redescendre... Cela lui fit chaud au cœur de remarquer cette ressemblance. Il surprit le rouquin bâillé. Le lieutenant leva la tête... Oui, il était déjà tard, il était temps de rentrer, mais avant cela...

« Nuage du Soleil ! Tu ne t’en es même pas rendu compte, mais c’est incroyable ce que tu viens de faire ! Sincèrement, je n’ai jamais vu un apprenti grimper si vite et si haut sans avoir peur. Ça te servira à l’avenir, félicitations. »

Il lui lécha affectueusement l’oreille et fit un signe de queue pour qu’il le suive.

« Nous nous pencherons sur la grimpette au prochain entraînement. Nous en avons suffisamment vu pour aujourd’hui. Allons déterrer ta proie et la mousse et rentrons. »

Ils commencèrent à marcher, proche du camp le lieutenant s’exclama :

« C’était un très bon premier entraînement. Tu es un élève admirable, continu comme ça. Repose-toi bien ce soir, reprend des forces et surtout rappelle-toi des sensations de l’extérieur. »

Il posa son museau contre celui de son apprenti et le salua.

« Allez mon grand, va profiter de ton temps libre. Je viendrai vers toi pour le prochain entraînement. En attendant, tu peux être fier de toi. »

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