Un souffle de jeunesse | Ft. Nuage de Givre

Un souffle de jeunesse

Une douce brise chaude vint caresser le pelage hirsute de Masque de Jais, couché au centre du camp du Clan du Tonnerre. Les yeux plissés, il se délectait du commencement de la saison des feuilles nouvelles, du chant des oiseaux qui reprenait enfin après des lunes sans l’entendre, du ciel qui se dégageait finalement pour laisser le soleil lui apporter un peu de chaleur. La saison des neiges avait été particulièrement difficile pour l’ancien, son âge grandissait au même rythme effréné que ses douleurs, rendant la période du froid et de la famine toujours plus dure à supporter que celle d’avant.
Le mâle se leva doucement, étirant chacune de ses pattes une à une, faisant le dos rond pour tenter de réveiller son corps encore endormi. Le renouveau de la nature lui donnait une envie plus que pressante : celle d’aller chasser dans la forêt comme il l’avait fait tant de fois au cours de sa vie. Il n’en pouvait plus de rester cloitrer dans la tanière des anciens, de ne servir à rien à part manger le gibier que les guerriers rapportaient de leur expédition. Il était tant que Masque de Jais chasse son propre repas, si il y avait bien un avantage à être un ancien plein de douleur, c’était de pouvoir chasser son propre repas sans avoir à d’abord nourrir le clan, bien qu’il aurait voulu être encore assez en forme pour le faire.

Il franchit doucement la barrière végétale qui protégeait le lieu de vie du Clan du Tonnerre, allant au rythme que lui permettait ses pattes. De toute façon, ce n’était pas comme si il était pressé, il n’avait aucune raison d’aller vite, autant profiter.
L’ancien prit la direction du Lac de la Source, endroit qu’il chérissait particulièrement, lieu auquel il s’était tant de fois rendue aux côtés de sa défunte compagne. Une douce sensation le traversa au souvenir de sa belle et un léger sourire se dessina sur son visage alors qu’il avançait parmi les arbres.

Puis il se figea, le museau au vent, les oreilles aux aguets. S'il ne pouvait guère se fier à sa vue dorénavant, il prit automatiquement la position du chasseur. Guidé par l’expérience de ses nombreuses parties de chasse, Masque de Jais s’avança le plus discrètement qu’il le pouvait en direction du fumé de l'écureuil, qu’il ne parvenait pas à discerner correctement parmi les racines. Tentant de ravaler sa frustration de ne plus avoir les mêmes capacités de chasse qu’il possédait dans le temps, il s’élança en avant, griffes toutes sorties en direction du lieu où il entendait des petits grattement sur le sol.
Ses pattes atterrirent lourdement dans l’herbe, et la déception du vieux matou lui arracha un juron :

“Crotte de souris !”

Ft Nuage de Givre

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Petit Jais - Nuage de Jais - Masque de Jais

Nuage de Givre trottinait dans la forêt. Elle était partie chasser de bon matin, seule puisque son loir de mentor ne semblait pas près de se réveiller… Cela faisait environ une heure qu’elle traquait des proies, et elle avait déjà attrapé deux petites musaraignes et un jeune lapin. Son mentor serait fier d’elle lorsqu’elle rentrerait ! Cependant, sa dernière prise avait eu le temps de couiner, et avait sans doute fait fuir tous les animaux des environs. L’apprentie aux yeux verts changeait donc de coin et se dirigeait vers le Lac de la Source. Les proies commençaient à sortir de leurs terriers, mais elles étaient encore bien maigres. Même si le Clan ne souffrait pas de la faim en ce moment - c’était triste à dire, mais ils avaient d’ailleurs moins de bouches à nourrir depuis la disparition des chatons - Nuage de Givre rêvait des récits des anciens à propos des rongeurs si gras qu’ils faisaient la taille d’un novice et qu’ils ne pouvaient même plus courir. Elle avait hâte que ce soit la saison des feuilles vertes !

L’apprentie leva la truffe : il lui semblait sentir un fumet appétissant. Elle ralentit puis s’arrêta et entrouvrit la gueule pour mieux humer les alentours. Oui ! La petite chatte blanche aperçut la queue touffue d’un écureuil qui grignotait une noisette un peu plus loin. Elle se mit dans la position du chasseur, marchant le plus silencieusement possible et réprimant l’envie de foncer sur le rongeur : un tapis d’herbe sèche s’étendait entre sa proie et elle, elle serait trahie bien avant de l’atteindre.

La novice contourna soigneusement les arbres, mais un bruit sourd retentit, suivi d’un juron sonore. Elle aperçut alors l’écureuil qui détalait droit vers elle. Nuage de Givre bondit et acheva le petit animal d’un coup de dents. Sa prise dans la gueule, sa petite queue touffue dressée en signe de contentement, elle se dirigea vers le malchanceux qui lui avait donné sa prise bien malgré lui.

Elle constata avec surprise qu’il s’agissait de son grand-père, Masque de Jais. Le matou noir et blanc semblait assez désappointé de son échec. Il n’avait visiblement pas entendu sa petite-fille arriver. Nuage de Givre posa l’écureuil devant lui et s’exclama :
« Salut, Masque de Jais ! Je suis contente de te voir ! Cet écureuil m’a filé dans les pattes grâce à toi, alors il est pour toi ! Ça te dit qu’on chasse un peu ensemble ? Moi j’ai déjà trois prises, elles sont enterrées là-bas, je te les montrerai en revenant si tu veux ! »
La novice reprit son souffle et attendit la réponse de l’ancien avec curiosité.

P’tit bonus :

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Un souffle de jeunesse

Alors que Masque de Jais se redressait, les pattes douloureuses après le saut qu’il avait effectué, la frustration lui faisait dresser son échine sur son dos. Jamais il n’aurait loupé une proie aussi facile du temps où il était encore jeune, le matou pesta, vieillir était si frustrant. Alors qu’il s’apprêtait à repartir en direction du Lac de la Source, ses oreilles se tournèrent vers les frondes qui s’agitaient derrière lui. Il huma l’air, et détecta l’odeur du sang ainsi que celle d’un autre félin. Les fougères s’écartèrent sur le passage de Nuage de Givre qui s’approcha d’elle, l'écureuil pendait entre ses crocs. Nuage de Givre était une féline spéciale aux yeux de l’ancien, elle n’était pas n’importe quel chat du clan, non, elle était la chaire de sa chair. Effectivement, Nuage de Givre était la fille d'Écorce Abîmé, son fils à lui et Lueur du Crépuscule, ainsi que de Tempête d’Argent, issu de leurs deuxièmes portées. Les petits de son fils, Masque de Jais, les aimait plus que tout. Il n’avait jamais été aussi heureux que lorsqu’il avait appris que Tempête d’Argent attendait des petits, la deuxième fois il n’avait pas pu se retenir de pousser un cri d’excitation. Il adorait tous ses petits enfants, les chérissait du plus profond de son cœur et était extrêmement fière de chacun d’entre eux.

La jeune femelle s’avança vers lui et déposa l’écureuil tant convoité devant lui.

« Salut, Masque de Jais ! Je suis contente de te voir ! Cet écureuil m’a filé dans les pattes grâce à toi, alors il est pour toi ! Ça te dit qu’on chasse un peu ensemble ? Moi j’ai déjà trois prises, elles sont enterrées là-bas, je te les montrerai en revenant si tu veux ! »

Bien qu’au fond de lui, Masque de Jais était ravie jusqu’aux oreilles de voir sa petite-fille être douée en chasse, il ne pouvait pas s’empêcher de ressentir une pointe de jalousie. Il n’avait pas besoin de son aide pour chasser, il n’était pas encore un vieux papi incapable de faire quoi que ce soit, et bien qu’il était un ancien, il pouvait encore attraper ses écureuils tout seul ! il n’avait juste, pas eu de chance sur ce coup là.
Le matou noir et blanc bomba le torse, ignorant la joie de vivre de Nuage de Givre, il poussa un léger grognement pour signifier qu’il n’était pas ravi par la situation. Il avait prévu de se balader tranquillement, de chasser seul et de profiter du calme de la forêt. Pas qu’on l’aide à chasser en insinuant qu’il n’était plus en âge de pouvoir se nourrir seul.

« Merci Nuage de Givre, mais je peux encore attraper mon gibier tout seul ! Je suis encore très loin de rejoindre le Clan des Etoiles tu sais, je respire d’ailleurs toujours la jeunesse tu sais. »

Masque de Jais tourna la tête sur le côté, boudeur. Est-ce que la vieillesse ne me rendrait pas un tantinet susceptible ? Après tout, peut-être qu’elle voulait tout simplement passer du temps avec son papi.

Ft Nuage de Givre

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Petit Jais - Nuage de Jais - Masque de Jais

Dès que la petite chatte blanche finit sa phrase, le matou noir et blanc se redressa fièrement et clama :
« Merci Nuage de Givre, mais je peux encore attraper mon gibier tout seul ! »

L'apprentie retint difficilement un ronronnement attendri devant l'obstination de son grand-père : elle savait qu'il ne serait pas très bien accueilli. Elle adorait Masque de Jais, autant pour sa tendresse et sa douceur que pour son entêtement à convaincre son entourage qu'il était tout aussi frais que des dizaines de lunes auparavant.
L'ancien ajouta :
« Je suis encore très loin de rejoindre le Clan des Etoiles tu sais, je respire d’ailleurs toujours la jeunesse tu sais. »

Cette fois, le ronron avait bien failli sortir. La mention du Clan des Etoiles inquiétait quand même un peu Nuage de Givre : même si son grand-père affirmait le contraire, un jour viendrait où il rejoindrait le Clan des Etoiles, et alors... La novice frémit. Son cœur se serra à l'idée d'affronter un nouveau deuil. Elle n'avait presque pas connu son père, mais grâce à Masque de Jais elle n'avait jamais été trop triste : Ecorce Abîmée vivait à travers les histoires de l'ancien, permettant à Nuage de Givre de le connaître un peu par-delà la mort. Elle était fière du grand guerrier qu'il était - le meilleur de la forêt, selon son grand-père - et elle savait qu'il veillait toujours sur sa famille depuis les Etoiles. Mais si Masque de Jais partait à son tour ? Que ferait-elle ?

Nuage de Givre avait vraiment la meilleure famille au monde. Masque de Jais était le meilleur, ses sœurs aînées étaient géniales, surtout Reflet du Jour, et Nénuphar Nuageux et elle étaient presque inséparables. L'apprentie frissonna. Non, elle n'avait décidément aucune envie que cela change. Heureusement, tout le monde semblait en bonne santé pour l'instant ! Les pensées de la petite chatte aux yeux verts revinrent au vieux matou qui se tenait toujours bien droit devant elle dans une attitude butée. Mais Nuage de Givre le connaissait bien, elle savait comment s'y prendre avec lui. Elle redressa elle aussi la tête et déclara d'une voix solennelle :
« Masque de Jais, je sais que tu es toujours capable de chasser seul. Au contraire, si on chasse ensemble, tu pourras m'aider à améliorer mes techniques ? J'ai encore énormément à apprendre, je pense que ton expérience sera des plus utiles. Puis elle se précipita vers le matou noir et blanc. Allez, grand-père, aide moi s'te plaît ! » ronronna-t-elle en se frottant à lui.

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Un souffle de jeunesse

La petite femelle blanche se redressa et pris un air sérieux avant de répondre à l’ancien :

« Masque de Jais, je sais que tu es toujours capable de chasser seul. Au contraire, si on chasse ensemble, tu pourras m'aider à améliorer mes techniques ? J'ai encore énormément à apprendre, je pense que ton expérience sera des plus utiles. »

Masque de Jais sursauta légèrement lorsqu’il sentit le pelage de Nuage de Givre contre la sienne, il ne l’avait pas vu se rapprocher de lui, trop concentré à fixer la cime des arbres.

« Allez, grand-père, aide-moi s'te plaît ! »

Le cœur de Masque de Jais s’adoucit à la mention de “grand-père”. Le vieux matou avait toujours été un cœur tendre envers ses petites-filles, les avoir dans sa vie était une bénédiction, jamais il n'avait été aussi heureux que lorsque Écorce Abîmée et Tempête d’Argent lui avait annoncé la future arrivée des chatons. Alors, lorsqu’ils lui avaient annoncé la deuxième portée, l’ancien n’aurait jamais cru pouvoir ressentir autant de joie. Il avait chérie de tout son cœur chacun des petits que l’heureux couple avait donné la vie. Si la vieux de guerrier à la retraite pouvait parfois se montrer ennuyante, le chat noir et blanc ne l’avait jamais ressentie, toujours trop occupée à rendre visite à ses petits enfants, à leur raconter des histoire ou bien à aller se promener autour du camp de son clan. Il avait su tirer profit de son vénérable âge, et bien qu’il sentait les effets du temps sur son corps et son esprit, il était heureux.
Il tourna la tête vers Nuage de Givre, s'il ne pouvait plus distinguer correctement le monde qui l’entourait, il pouvait toujours sentir l’excitation et la joie de la petite femelle.

« Bon… Bon… J’imagine que je ne peux pas refuser un petit moment privilégié avec ma petite-fille préférée, je me trompe ? »

Masque de Jais sentait l’énergie de l’apprentie le contaminer, influent comme un souffle de jeunesse dans son corps, lui redonnant une vivacité qu’il n’avait pas ressentis depuis bien des lunes. Il laissa échapper un ronronnement sonore, savourant durant l’espace d’un instant ce précieux moment, avant de s’enfoncer dans la forêt à la recherche de gibier.

Ft Nuage de Givre

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Petit Jais - Nuage de Jais - Masque de Jais

Masque de Jais resta encore un instant le visage grognon, refusant visiblement de lâcher l'affaire par pure fierté. Puis, devant la bouille d'ange que lui faisait sa petite fille, il céda.

"Bon… Bon… J’imagine que je ne peux pas refuser un petit moment privilégié avec ma petite-fille préférée, je me trompe ?

- Ouaiiis ! lança Nuage de Givre en se mettant à lui courir autour. T'es le meilleur, papi ! Allez, viens, on y va ! Tu vas tout droit, et moi je fais le tour pour rabattre les proies sur toi, ça te va ?"

Le vieux chat lui sourit avec affection et la petite chatte sentit son cœur se réchauffer en se rendant compte encore une fois d'à quel point elle tenait à lui, et à tous les autres ! Tout ce qu'elle ressentait à cet instant était un profond amour qui l'enveloppait jusqu'à l'étourdir, supplantant tout le reste. Un peu étourdie par la force de ce sentiment, elle secoua la tête pour en chasser le brouillard. Oulà, se dit-elle. Je ne serais pas un peu en train de perdre la boule, là ?

Elle se ressaisit bien vite et recommença à sauter partout lorsque son grand-père se leva avec une souplesse et une aisance inhabituelle. Était-ce dû à l'énergie contagieuse de la chatonne aux poils blancs ? L'idée de pouvoir déteindre sur quelqu'un la séduisait et le ronronnement que laissa échapper Masque de Jais ne résonna que plus fort à ses oreilles. Ils marchèrent quelques pas flanc contre flanc jusqu'à s'enfoncer dans la forêt, puis la petite adressa un dernier clin d'œil à son aïeul avant de se faufiler entre les buissons pour le contourner.

Le ciel était radieux, l'air embaumait le printemps...
Le vie est belle.

HRP :

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