Buisson ardent [PV Ronce ~]

Lorsque l'aventure l'appelle, elle y répond. C'est un des défauts de Nuage de Fraise. Toujours à aller au devant des ennuis et de l'inconnu. Mais elle s'en fiche. Elle n'a pas perdu de sa candeur et de sa curiosité de quand elle était chaton, au grand dam de sa mère et de sa tante. Mûre des Bois et Douceur Irisée sont assez sérieuses et sages, contrairement à la jeune novice qui découvre un peu plus le monde extérieur depuis qu'elle a eu son baptême et son nouveau nom, qu'elle porte avec grande fierté. Elle en avait rêvé, il faut dire. De partir de la pouponnière et d'apprendre à être une véritable guerrière. Heureusement que Forêt de Bambou, sa mentor, est là pour canaliser toute son énergie ; car la petite en a à revendre. Très active et joueuse, elle tarde parfois à se lever le matin mais dès qu'elle est bien réveillée, impossible de l'arrêter. Et elle prend toujours la première opportunité pour sortir du camp ; comme là où elle a demandé à sa professeure si elle pouvait chasser par elle-même pour voir ses progrès. Alors dès qu'elle a eu son accord, la chatte calico n'a pas hésité. Elle s'est engouffrée par la sortie et a filé comme une flèche à travers les bois, sans vraiment faire attention à ce qui l'entourait. Une fois au milieu de la forêt du territoire de la Lune, cependant, elle se stabilisa un peu. Nuage de Fraise rêve après tout de rejoindre le groupe des Chasseurs quand elle sera plus âgée, alors elle fait de son mieux pour briller dans ce domaine. Heureusement, elle y arrive plutôt bien, quand elle est concentrée. Mais ce n'est pas toujours le cas, alors heureusement que Bambou est là pour veiller au grain.

D'ailleurs, se dit-elle, si elle veut impressionner son mentor et le reste du Clan, elle va devoir prouver qu'elle peut rapporter des prises même quand il n'y a personne autour pour l'aider à se focaliser sur la chasse. Elle tente de se rappeler des enseignements de son aînée. Levant la truffe en l'air, elle ferme les yeux pour se focaliser sur les odeurs et les sons. Elle doit attendre plusieurs minutes pour qu'une présence interpelle ses sens, mais un battement d'ailes attire finalement son attention. Cherchant dans son champ de vision l'oiseau qui pourrait faire un beau butin, elle plisse les yeux pour mieux apercevoir la forme du volatile.
Là ! J'le vois !
Victorieuse, elle affiche un sourire triomphant et se lèche déjà les babines en imaginant la chair chaude et juteuse du rouge-gorge dans sa gueule. Ne voulant plus perdre de temps, Nuage de Fraise se prépare en bandant ses muscles avant de sauter sur la branche la plus basse d'un arbre à côté d'elle pour ensuite grimper en quelques secondes à sa plus haute, à la hauteur de l'oiseau qui est sur la branche à trois longueurs de queues de chat de là où elle se trouve. Un sourire fier aux babines, Nuage de Fraise attend le moment propice puis bondit finalement sur le moineau. Mais ce dernier lui échappe de peu.
Crotte de souris ! Mais je n'ai pas dit mon dernier mot. Je vais l'avoir, celui-là !

Elle n'a en effet pas dit son dernier mot. Ne se laissant pas abattre, elle n'hésite pas à poursuivre l'oiseau en sautant de branche en branche, décidée à ne pas le perdre de vue. Heureusement pour Nuage de Fraise, l'une des rares qualités qu'elle possède se trouve être son talent pour grimper aux arbres et son sens de l'équilibre, quand elle le veut vraiment. Et là, elle le veut absolument ! Alors plus de temps à perdre. Elle passe d'arbre en arbre et traverse le territoire ainsi, jouant sur son endurance pour maintenant le rythme du rouge-gorge qui continue de lui filer entre les pattes, allant même la faire jusqu'à traverser la rivière pour atteindre le territoire de l'Ombre. Mais la femelle tricolore est trop obnubilée par sa proie pour s'en apercevoir. Jusqu'à ce que, enfin, l'oisillon se pose de nouveau, à une branche plus basse cette fois-ci. Nuage de Fraise attend le moment parfait, agitant ses pattes pour être sûre de ne pas tomber à ce moment-là.
Maintenant !
Elle saute finalement sur l'animal à plumes. Mais au même moment, un bruit fait décamper l'oiseau et elle finit par chuter dans le vide. Poussant un hoquet de stupeur, son corps retombe non pas sur le sol où elle aurait pu se rattraper sur ses pattes mais dans un buisson de ronces qui lui arrache un petit cri de douleur.

« Aïe ! »

Les épines qui rentrent dans son pelage, c'est une sensation dont elle se serait bien passée. Et dire qu'elle était toute proche de capturer ce piaf... Elle se dit encore qu'elle a peut-être ses chances de reprendre sa poursuite mais la voilà coincée dans ce maudit buisson.
Aïeuh ! Mais ça fait mal !
Et Fraise étant ce qu'elle est, elle se débat comme un beau diable pour se sortir de cette cage de ronces qui ne font que se serrer d'autant plus autour d'elle à chaque mouvement brusque qu'elle fait. Et les mouvements brusques... Fraise en est la spécialiste.
Clan des Etoiles, à l'aide !

Sa patience l'aurait sans doute aidé à se sortir de cette situation plus facilement. Mais elle ne peut s'empêcher de bouger, resserrant les ronces de plus en plus autour d'elle. Son envie de sortir de ce buisson n'est pas assez fort pour le moment pour risquer de continuer à avoir mal. Heureusement, avec surprise, elle entend une voix l'atteindre. Son appel à l'aise silencieux a dû être reconnu par ses ancêtres. Aussitôt, elle retrouve espoir. Quelqu'un va la sortir de là. Nuage de Fraise est soulagée, le gentil chat ne la laissera pas tomber. Elle n'arrive pas bien à le voir, à cause de toutes ces ronces, mais elle finit par l'écouter et obéir, s'arrêtant, pour une fois, de bouger dans tous les sens et d'aggraver son cas. En effet, quand elle est plus calme, les épines lui rentrent bien moins dans la fourrure. Son sauveur fait soulever doucement et intelligemment le buisson pour qu'elle puisse passer en-dessous. Si elle meurt d'envie de filer dans la maigre embouchure qui s'offre désormais à elle, l'autre matou la met en garde de ne pas être trop brusque. Et il a raison. Alors, encore une fois, elle l'écoute religieusement et prend son mal en patience. En se couchant le plus possible en sol, elle avance lentement mais sûrement. Bientôt, enfin, elle est hors de danger.

« Aaaah ! Enfin ! »

Dit-elle en se redressant dès qu'elle n'est plus sous le buisson. Elle étire ses pattes, secoue sa tête, et se lèche brièvement le pelage quand elle voit sa fourrure en bataille. Il faut qu'elle soit présentable face à son libérateur ! En parlant de lui, la Luneuse tourne sa tête en sa direction. C'est un jeune chat, qui doit n'être pas loin de son âge, avec un pelage tout noir et de beaux yeux bleus très clairs. La chatte calico lui offre un sourire éclatant et reconnaissant.

« Merci beaucoup ! Tu m'as sauvé de ce maudit buisson ! Je crois que je serais restée coincée des lunes entières si tu ne m'avais pas sorti de là ! »

'Des lunes entières' ou plutôt plusieurs minutes, mais la fille de Mûre aime beaucoup exagérer.

« J'm'appelle Nuage de Fraise et je viens de la Lune ! Je ne crois pas être sur mon territoire, en revanche... Je ne reconnais rien du tout. Quelle histoire bête, n'empêche ! Je suivais un oiseau et puis paf ! J'suis tombée ! C'est pas d'chance... Mais promis, je m'en sors plutôt bien, d'habitude, à la chasse ! »

Nuage de Fraise croit reconnaître l'odeur de l'Ombre, mais elle n'est pas sûre. Alors la voilà qui bavarde, qui bavarde, et qui parle encore d'elle. Curieuse, elle laisse ses yeux verts se balader autour avec une étincelle d'excitation. Mais elle aimerait bien mettre un nom sur le mâle qui est venu à son secours.

« Au fait, comment tu t'appelles ? Je crois pas t'avoir déjà vu... »

En même temps, Nuage de Fraise n'a pas vu grand monde, elle n'est même encore jamais allée à une Assemblée. Et pourtant, comme elle en rêve ! Elle est persuadé que ce noiraud y est déjà venu, lui... Vu comme il est haut sur patte, peut-être qu'il est déjà même guerrier ?

Elle papillonne des yeux, souriant d'un air curieux et étonné en entendant qu'il s'agit également d'un apprenti.
Un novice de l'Ombre ! Ça alors...
Nuage de Ronces... Un nom qui coïncide drôlement avec sa situation qui fut pour le moins... épineuse. Faisant onduler sa queue, elle observe le jeune mâle avec son regard vert pétillant. Comme c'est excitant, se dit-elle. Elle n'a jamais rencontré un membre du Clan de l'Ombre, et encore moins quelqu'un d'à peu près son âge. Mais ça ne l'intrigue que davantage, et elle a déjà des tas de questions à lui poser ; car elle considère cette rencontre comme une aubaine pour en savoir plus sur leurs voisins. Après tout, ils partagent une frontière, et se trouvent tous les deux à côté de la caverne aux cristaux. Nuage de Fraise voudrait utiliser cette opportunité pour savoir si les ragots à l'encontre des Ombreux sont vrais. Même si la Lune ne prend parti pour aucun Clan durant la guerre, la Luneuse reste fascinée par le monde qui l'entoure et notamment les autres territoires. La curiosité est un vilain défaut, comme on lui a souvent répété, mais ça n'a jamais empêché Nuage de Fraise de plonger dans l'inconnu pour y vivre des aventures. Surtout que... Ce Nuage de Ronces semble bien sympathique. Ou du moins, il ne lui a pas été hostile, alors qu'on décrit les membres de son Clan comme ayant un cœur de pierre et étant antipathiques avec les étrangers. Mais comme elle le pensait, ce ne sont que des rumeurs. Il lui demande même si elle est blessée.
Il a l'air gentil.
Pour toute réponse, elle secoue la tête afin de le rassurer. Elle a eu plus de peur que de mal avec sa chute, mais ce fut de courte durée, et heureusement, grâce à lui, elle n'avait pas souffert davantage. Car si elle avait dû sortir de ce buisson seule, ça aurait été une histoire très peu amusante. Laissant le nouveau venu l'inspecter, comme si c'était un guérisseur, elle cligne des yeux à sa remarque, ne s'étant pas rendu compte qu'elle avait encore quelques épines accrochées à sa fourrure.

« Oh ? Ah bon ? Où ça ? »

Elle tourne la tête pour découvrir, effectivement, que quelques ronces se sont agrippés à son pelage. Si elle arrive à en enlever sans aucune difficulté, le reste est un peu plus compliqué. Elle a beau être mince et souple, il y a des endroits peu aisés à atteindre, notamment le dos. Sans beaucoup de gêne, elle reporte son attention sur le noiraud au regard clair.

« Hmm... C'est plus difficile de les enlever que ce que je pensais. Dis, tu crois que tu pourrais m'aider ? Ça t'est déjà arrivé, ce genre de choses ? C'est pour ça qu'on t'appelle Nuage de Ronces ? »

Espiègle et plutôt fouineuse, la chatte calico ne veut pas mal faire et n'a aucune mauvaise intention. Elle ne sait juste pas tenir sa langue et croit, même si elle ne le connaît pas, que cet apprenti va continuer de l'aider malgré le fait qu'ils soient de Clans différents. À ses yeux, puisqu'il n'a pas montré de signe d'hostilité, il n'y a aucune raison pour qu'il le soit avec elle plus tard. Sans doute qu'elle en profite un peu pour abuser et lui demander son aide. Toute seule, elle sait qu'elle n'y arrivera pas. Alors elle en profite pour engager la conversation, l'air de rien, aussi bavarde qu'une pie.

« Au fait, t'es plutôt sympa, toi. Est-ce que t'es le seul à être comme ça ? Vous êtes plutôt gentils, finalement, à l'Ombre ? On raconte beaucoup de choses sur votre Clan, notamment que vous portez bien votre nom. Mais moi, j'suis sûre que ce sont des bobards ! J'avais très envie de rencontrer quelqu'un de l'Ombre, moi ! »

Dit-elle en se léchant le poitrail pendant que l'autre l'aide un peu. Si elle ne fait pas grandement attention à son apparence d'ordinaire, elle a bien remarqué qu'elle était peu présentable et qu'elle pouvait quand même se passer un coup de langue afin de chasser quelques poils rebelles par-ci par-là. C'est qu'elle ne doit pas avoir l'air fine, devant Nuage de Ronces, à être aussi maladroite et le pelage en désordre.

Un ronronnement amical lui échappe, satisfaite d'être tombée sur quelqu'un qui ne la taillera pas en pièces simplement parce qu'elle a un peu dépassé les frontières. Il faut dire qu'à la Lune ils sont généralement un peu plus ouverts que les autres, sans pour autant être plus vulnérables. Nuage de Fraise a toujours aimé ce concept-là de la Lune ; elle juge que si tous les Clans faisaient pareil, il y aurait moins de violence à Valeemar. Mais bon, elle n'a pas la science infuse, non plus. Nuage de Ronces accepte en tout cas de répondre à ses questions malgré son flot de paroles dérisoire. On lui a déjà reproché sa capacité à bavarder de manière continue sans faire de pause, mais elle ne peut s'en empêcher. Elle a besoin de s'exprimer, de dire ce qu'elle ressent, d'établir un contact que ce soit verbal ou physique. En parlant de contact, Nuage de Fraise ne se calme vraiment que lorsque l'autre commence à retirer délicatement les épines qui se sont mêlés à son pelage. Même si c'est un travail ardu, le novice de l'Ombre fait attention et la femelle se surprend même à frissonner. Elle le remercie ensuite avant de cligner des yeux, amusée par ses propos. Apparemment, on ne lui a pas beaucoup dit qu'il était aimable. Elle aimerait bien que les rumeurs à propos du Clan des marécages soient fausses, mais le concerné ne fait que confirmer ce qu'on a déjà pu lui dire.
Quel dommage, se dit-elle. Elle aurait préféré vérifier le contraire. Enfin... En quelque sorte, elle vient de le faire. Après tout, comme il le dit, si quelqu'un d'autre l'avait trouvé, elle ne s'en serait pas aussi bien sortie. Mais la preuve que les Ombreux peuvent être sympathiques ! En effet, il ne doit peut-être pas être le seul à ne pas se jeter tout de suite sur les étrangers. Du moins, elle aimerait s'en convaincre. Elle s'estime d'abord chanceuse d'être tombée sur lui plutôt qu'un autre de ses camarades. Elle ne peut toutefois qu'afficher une mine déçue lorsqu'il lui indique qu'il faut qu'elle reparte et qu'il en expose également les raisons.

« Oh... Je comprends... D'accord. »

Elle ne peut rien faire contre la guerre, après tout. Il est normal que les autres Clans soient à cran. En même temps, elle ne peut pas trop se figurer elle-même comment ça doit être, puisque la Lune reste encore en retrait par rapport à la situation. Ce n'est pas plus mal en soit, mais du coup leurs voisins doivent être, en effet, assez tendus et sur leurs gardes.

« Dommage, j'aurais bien voulu en savoir un peu plus sur ton Clan et ton territoire. Comment est Etoile de Jais ? Et Dent de Sabre ? Est-ce que vous vous entraînez dès l'âge de quatre lunes ? »

Fidèle à elle-même et à sa curiosité, cela ne l'empêche pas pour autant de suivre l'apprenti aux yeux bleus sur le chemin des frontières.

« D'ailleurs, si les autres sont pas sympas, comment ça se fait que tu le sois, toi ? Tu n'as pourtant pas l'air de quelqu'un de méchant ou de sanguinaire ! »

Elle a encore tellement de questions à lui poser ! Enfin... Il ne faut pas que ça le dérange, non plus. Fraise remercie toutefois le Clan des Etoiles de lui avoir envoyé Ronces et pas un autre. Elle aurait vraiment été mal, si elle avait dû affronter un féroce Ombreux.

Héhé oui, je sais beaucoup de choses, moi !
Elle ronronne de satisfaction, flattée qu'on le lui fasse remarquer. Elle a en effet eu vent par ses camarades plus âgés des noms des autres chefs et lieutenants, même si elle ne les a encore jamais vus ; elle n'a pas encore eu le loisir de prendre part à une Assemblée, à son grand dam. Elle lâche un petit 'waouw' admiratif quand il lui parle du voyage. Ce sont des chats qui ont vécu beaucoup de choses, se dit-elle alors.
Oh, il a des frères et sœurs ! Comme moi !
Cela doit être impressionnant, d'être l'apprenti.e de quelqu'un d'aussi important. C'est le lot de Luciole Nuageuse à la Lune, mais c'est surtout parce que le pauvre avait perdu sa mentor. Au moins, elle est soulagée d'apprendre que ce qu'on dit sur la façon des Ombreux de s'entraîner n'est qu'un mensonge. Elle trouvait également ça bien jeune, pour devenir novice, même si elle avait rêvé de le devenir le plus tôt possible lorsqu'elle était encore à la pouponnière. En dépit de son excitation qui n'a pas changé depuis qu'elle a été promue, allant de pair avec sa hâte d'être guerrière, elle aurait sans doute profité encore un peu de ses années d'insouciance si elle s'était rendue compte avant que retirer les tics des anciens n'était pas de tout repos, finalement. Mais on lui avait toujours dit qu'il fallait bien quelqu'un pour le faire, alors elle ne se plaint jamais.
De nouveau, Nuage de Fraise lâche un ronronnement, plus fort cette fois-ci. Comme elle est contente qu'on lui parle de sa gentillesse ! C'est un trait qu'on lui a toujours prêté et qu'elle porte fièrement ; car elle pense que tout le monde mérite au moins un peu de compassion dans sa vie.

« Oooh c'est vrai ? Tu veux bien me montrer ? Chouette alors ! »

Elle se dandine sur place, impatiente d'en découvrir davantage. Elle prie le Clan des Etoiles qu'on ne les découvre pas car elle désire en savoir plus sur les coutumes de leurs voisins. Elles ne sont peut-être pas si différentes des leurs, mais rien que les zones qui entourent leur camp ont une part d'étrangeté qui la fascine, et elle trouve que Nuage de Ronces est bien sympa de lui faire une petite visite. Un autre chat aurait probablement été plus méfiant, croyant à une embuscade... Mais pas Nuage de Fraise. Elle est bien trop curieuse et naïve pour son propre bien. Alors elle a de la chance que cet apprenti de l'Ombre ne veule pas lui faire d'entourloupe.
Le laissant la guider à l'endroit promis, ses yeux verts pétillent en découvrant les formes saugrenues des branches qui correspondent à la description que le noiraud lui en a fait. Mais c'est loin d'effrayer la Luneuse qui ne demandait que ça.

« Waaahou ! Trop cool ! Ils ont vraiment une drôle de forme ! »

Elle suit du regard leurs troncs tordus qui s'arrêtent à des branchages épais et fournis, rappelant à Nuage de Fraise l'apparence des saules pleureurs ; sauf que ces arbres-là sont un peu plus petits mais possèdent bien des feuilles, avec au bout des baies rouges. Alors la femelle tricolore n'hésite pas avant de sauter sur la souche, se mettant à grimper comme un écureuil. Elle atteint un trou formé dans l'un des arbres, appelant un quelconque animal qui se terrerait à l'intérieur.

« Héhoooo ! »

Son appel résonne dans le creux mais aucune réponse ne lui parvient. Ce n'est pas grave pour Fraise, elle rit quand même, allant plus haut pour toucher les feuilles tombantes qui la dissimulent aux yeux du reste du monde. Cela ferait une bonne cachette, se dit-elle.

« Comme votre territoire est amusant ! Vous ne devez jamais vous ennuyer, au moins. »

On lui avait surtout raconté que les territoires de l'Ombre étaient inquiétants et qu'un membre de l'Escadron pouvait s'y cacher à tous moments pour fondre sur les étrangers. Mais en y regardant de plus près, il n'y a pas grand chose d'effrayant, en fin de compte.

« On a pas d'arbres aussi bizarres, chez nous. Y'a bien notre vieux chêne, mais... Il n'a rien de spécial. Il est juste très grand. Et euh... Très ancien, aussi. »

Elle aime les territoires de la Lune, bien sûr, car il est très familier. Mais c'est autre chose. Fraise est avide de découvertes alors elle ne peut qu'admirer les différences qu'elle trouve dans les lieux qu'elle ne connaît pas.

« Non, je ne suis jamais monté tout en haut. Mais... J'aimerais bien un jour. Pas que je m'ennuie chez moi, mais il y a tellement à voir dans les territoires voisins ! »

Son regard se porte vers ce qu'elle peut apercevoir depuis son perchoir. Lorsqu'on lui parle du grand voyage, ça la fait rêver. Elle aurait adoré voyager aux côtés de ses compagnons et découvrir de nouveaux paysages. Jamais elle ne s'imagine partir pour visiter des contrées inconnues, cependant, même si elle a déjà entendu par des anciens que des chats étaient partis ainsi, en tant que voyageurs à la recherche de nouveaux horizons. Nuage de Fraise peut les comprendre. Toutefois, elle est tant attachée à la Lune que cela lui convient d'y demeurer. Elle était juste curieuse de ce qui pouvait se trouver chez les autres Clans.
Redescendant de l'arbre pour se poser gracieusement près de Nuage de Ronces, elle l'écoute avec étonnement parler de son rapport à la lune.

« Je ne sais pas si elle est plus proche du sol chez nous, mais... Elle a l'air, en tout cas, ouais... »

Elle ne le dira pas, mais elle apprécie que l'apprenti noir lui pose des questions sur son propre Clan. Si la calico n'a pas passé énormément de nuit sur les autres territoires, elle ne peut pas affirmer de source sûre que la lune semble plus loin ailleurs. Mais on lui a parlé depuis toujours de cette proximité avec l'astre blanc. Alors elle a fini par y croire. Elle redevient enthousiaste en parlant davantage de chez elle.

« Tu sais, dans notre camp, les tanières elles sont toutes disposées dans les creux d'un arbre immense ! Lorsqu'on grimpe tout en haut, la lune paraît plus grosse. On croirait vraiment pouvoir la toucher du bout de la patte. »

Elle n'est pas parvenue au sommet du vieux chêne, mais elle a réussi à se faufiler tout en haut de l'arbre qui sert de campement à la Lune. C'était durant une nuit de pleine lune où la moitié du Clan était partie à l'Assemblée. Elle en avait profité pour observer la pleine lune brillante entourée de ses étoiles. Et si elle avait tendu la patte en sachant qu'elle ne pourrait pas l'attraper, elle a eu la sensation, juste pour cette fois, qu'elle avait une chance d'y parvenir tant elle se sentait proche de ce rond dont ils portent le nom.

« Je sais pas si on a réellement une connexion avec elle, en vérité. Mais moi aussi, quand je la regarde... Elle m'apaise. »

Même quand elle n'est que peu visible, Fraise a l'impression qu'elle lui donne de la force. Elle sent le Clan des Etoiles veiller sur eux, même si elle n'a jamais eu le loisir de les apercevoir en rêve. Elle ignorait que les membres des autres Clans pouvaient avoir ce sentiment ; mais après tout, ça n'est pas réservé qu'à la Lune. Tout le monde peut admirer ce berceau de lueur lorsqu'il s'élève dans le ciel.

« Tu es à l'Ombre... Mais tu voudrais te rapprocher de la lumière ? »

Son corps vibre sous son ronronnement amusé, ne s'étant pas attendu à ce qu'un apprenti du Clan de l'Ombre en vienne à avoir une admiration pour la reine de la nuit. Nuage de Fraise n'a jamais envié les Ombreux, en un sens. Elle est très contente de là où elle est née. Sa place est dans la lumière, après tout, pas dans les ténèbres qu'elle laisse derrière ; même si l'un ne peut vivre sans l'autre.

Il est vrai, la lumière ne peut vivre sans ombre et inversement. L'équilibre entre le bien et le mal, le soleil et la lune, les étoiles et les ténèbres... Ou les fraises et les ronces. Mais Nuage de Fraise ne pense pas que Nuage de Ronces puisse être comparé à ce côté-là de la balance. Ne peuvent-ils pas être tous deux des lumières ? Cela l'interroge. Et l'autre apprenti a l'air d'en être un peu troublé aussi. Oh, Nuage de Fraise aurait tant voulu que Nuage de Ronces soit né au Clan de la Lune ! Elle aurait gagné un chouette ami de Clan. Que c'est nul les frontières, se dit-elle. S'il aime la lune, lui aussi, il est né sur le mauvais territoire. La femelle tricolore est sûre qu'il adorerait les leurs.
Il n'est pas fils unique ! Je me demande bien à quoi ressemble son frère et ses sœurs... Ils doivent être aussi gentils que lui !
Trottinant aux côtés de l'Ombreux jusqu'à la frontière -mais pas trop rapidement quand même-, elle se plaît à imaginer comment peut être la famille du noiraud.

« Moi j'ai un frère, et il s'appelle Nuage de Fruit ! Il est gentil, mais entre nous, c'est moi la plus mignonne ! »

Nuage de Fraise n'a pas trop de scrupules pour ce genre de pensées, même pour se comparer à un membre de sa famille. Pour elle, c'est une évidence : c'est la plus adorable apprentie de la Lune, peut-être même voire de la forêt entière, et elle a grand plaisir à le clamer face à son nouvel ami. Mais les frontières se rapprochent, et il faudra bien que chacun rentre de son côté. En traversant la sienne pour rejoindre son territoire, la jeune calico n'oublie pas d'offrir un dernier sourire éclatant à Nuage de Ronces.

« Merci d'avoir été mon guide aujourd'hui. Moi aussi, un jour, je te ferai visiter nos territoires. »

Une promesse qu'elle ne devrait pas tenir ; mais sur le moment, elle se fiche pas mal des rivalités entre les différents Clans, ne voyant pas ce qu'ils faisaient de mal à s'échanger d'innocentes paroles. Un peu soucieuse tout de même qu'on puisse les découvrir, Nuage de Fraise, en croyant entendre et sentir une patrouille de l'Ombre arriver, se retourne pour disparaître dans les fourrés, non en avoir jeté un dernier regard curieux et intéressé vers l'autre novice auquel elle penser encore avant de dormir, se demandant quand est-ce qu'elle aurait le loisir de le revoir.