EVENT- Mission 12

Mission 12

Appel du Loup

Dans d’autres circonstances, le Loup aurait traîné des pattes, grommelé, dormi jusqu’à la toute dernière minutes avant de se diriger lourdement vers le lieu du rendez-vous, bien décidé à montrer à tous à quel point tout ceci lui déplaisait au plus haut point. Dans d’autres circonstances. Mais le Loup n’avait plus de place dans son coeur pour la flemmardise, le manque de volonté, l’envie de se rebeller. Tout avait été avalé par la rage, celle de voir ces solitaires poser les pattes sur leurs terres en toute impunité, voler des vies et, ignominie suprême, leurs chatons. Il était devenu une machine prête à tuer, prête à voler, à trahir sans vergogne. Assômer Oeil Glacé, la traîner jusqu’à leur campement pour lui tirer des vers du museau, tout cela avait été effectué avec la volonté conscenscieuse de bien faire. Alors quelques jours plus tard, c’est avec la tête haute et l’envie d’en découdre une bonne fois pour toute avec ces solitaires qu’il rejoint la mission à laquelle il a été assigné, il s’agit d’inspecter minutieusement les recoins les plus sombres des marécages pour s’assurer que là ne se terrent pas les traîtres.

Au moins, cette mission se déroulant en territoire ombreux, il n’avait pas besoin de traverser contrées et monts pour s’y rendre. Il arriva sur la frontière près des cinq rocs en même temps qu’une guerrière aux senteurs familières marines, Légende Guerrière s’il se souvenait bien. L’ombreux qui les accueillait arborait un pelage tâcheté, il semblait très jeune, et c’était lui qui allait les guider super. Est-ce qu’il connaissait assez bien les terres, ce jeûnot à peine sorti du giron de sa mère qui se permettait un trait d’esprit en des temps si graves ?

« Oui oui, ravi de vous rencontrer aussi, tout ça tout ça. J’avoue que je préfèrerais qu’on se mette vite fait au travail plutôt que d’échanger des politesses, c’est quoi ces traces bizarres que vous avez vu ? »

Même en essayant de se montrer un minimum courtois, il ne savait pas vraiment faire dans la dentelle. Marqué par le temps, les pertes, le Loup était passé d’adolescent dramatique à un vétéran froid et bourru sans transition. Il fixait l’ombreux d’un regard glacé et sévère.

C’est sans grande conviction qu’Appel du Loup accorda son regard à la riveuse qui l’invectiva juste après qu’il ait prononcé quelques mots. Elle aussi avait l’air d’une jeunette, super il était de mission de garderie ou quoi ? En tous cas ce qui était sûr, c’est que le respect aux aînés ne faisait pas partie des enseignements dispensés au sein du clan de la rivière. Mais hormis une infime agitation de la queue, rien ne vint trahir son agacement, il se contenta de fixer la bicolore d’un regard torve jusqu’à ce qu’elle ne se détourne. Même si ses pattes le démangeaient (il était sûr qu’un bon coup sur le crâne ne lui ferait pas de mal), seuls les félins de la Horde méritaient de tâter ses griffes. Levant les yeux aux ciel, il emboita le pas aux deux autres, songeant qu’eux au moins avaient l’air de faire la paire.

Si il y avait quelque chose qu’il pouvait accorder à Légende Guerrière, c’est qu’il la rejoignait sur la question de l’odeur. Il grimaça alors qu’ils s’enfonçaient dans les sous-bois marécageux, la puanteur renforcée par l’humidité avait pris son museau sans qu’aucun filet d’air frais ne vienne alléger le supplice. Il fallait quand même être timbré pour vivre ici. Enfin, les riveux et leurs poissons n’avaient rien à dire à ce sujet, décidément lui était bien heureux d’être né au Tonnerre. Il n’avait pas de bol d’être tombés sur deux des guerriers des clans les plus puants mais bon, être avec un luneux aurait quand même été gênant, espèrons que ça passe vite se disait-il pour terminer ce train de pensées en fronçant le museau.

Bientôt le mâle tâcheté ralentit le pas et s’arrêta, indiquant que les traces se situaient au devant. Le Loup écouta ses paroles sans mots dire, les oreilles et yeux dardées vers les traces suspectes.

« Non, je donne ma parole que ça n’est pas un tonnerreux, on avait un peu mieux à faire que de partir à la chasse à la grenouille ces derniers temps. »

Grommelant ces mots, il s’avançait prudemment vers les traces, faisant attention à là où il mettait ses pattes et se pencha pour renifler au plus près les empreintes, c’est qu’il voulait quand même vérifier ses dires. Au cas où. A son plus grand soulagement, les traces n’avaient aucunement l’odeur d’un des siens, avec l’odeur tout autour du clan de l’ombre il n’arrivait rien à déceler du tout. Dubitatif, il releva les yeux, les promenant sur les plantes alentours. Si c’était un chat de la horde, peut-être y aurait-il d’autres indices, comme des baies de leur poison, des restes de proies… Mais il ne vit rien de concluant, pour le moment.

« Bon, ben on va pas rester plantés là toute la journée, on va voir où ça nous mène ? Y a quoi par là ? »

Fit-il, faisant un geste de la tête dans la direction où partaient les empreintes.

A priori il n’en fallait pas plus à la guerrière riveuse pour partir avec empressement vers la direction des empreintes, elle sautillait presque, elle se croyait en promenade de santé ou quoi ? Le Loup coula un oeil vers Tâche de Faon, pour une fois d’accord avec les mots qu’il venait de prononcer même si il aurait plutôt eu tendance à choisir le terme de stupidité plutôt que d’inconscience. Mais le temps manquait pour qu’il ne partage cette opinion de peu de valeur, il se contenta donc d’emboiter le pas au guerrier ombreux avec bien moins d’entrain que la riveuse, ses yeux méfiants épiant avec grande attention les ombres du marécage aux alentours.

Ils auraient dû retrouver la guerrière rapidement, elle ne devait tout de même pas s’être éloignée tant que ça si ? Mais plus ils s’enfonçaient à pas tâtonnants dans les terres ombreuses, plus l’évidence apparaissait : Légende Guerrière s’était évaporée. Malgré toutes les options qui semblaient probable, l’une d’elle se faisait de plus en plus menaçante. Un hordeux, des hordeux se trouvaient peut-être dans les parages.

Tâche du Faon se mit à appeler la féline bicolore à grands cris, ce qui n’était pas pour plaire au Loup. Ben oui, qu’il alerte tous les possibles ennemis de leur exacte position, une idée des plus brillante. Mais il leur fallait retrouver Légende Guerrière, alors pour une fois il resta silencieux, sur la défensive, ses mouvements de queue trahissant son agitation. Il n’avait pas grand chose à faire de la riveuse mais ils étaient partenaires de patrouille après tout, ils ne pouvaient pas repartir bredouille et avec un guerrier de moins.

Appel du Loup sentit au moment exact ou Tâche du Faon fut prit d’un haut le coeur l’immonde odeur. Se précipitant à ses côtés vers la source malodorante, il acquiesca lorsque l’ombreux décela une piste et s’y engagea, lui aussi avait senti la trace s’éloigner de ce côté. Il laissa toujours l’ombreux ouvrir la marche dans ce territoire qui était sien, lui marchait presque à reculons, surveillant leurs arrières. Lorsque la voix du chat tâcheté s’éleva devant lui, ses oreilles tressaillirent à peine sans qu’il ne tourne la tête vers lui. Qu’est ce que ça voulait dire ça ? L’ombreux ne savait pas se battre ?

« Bien entendu, j’attends depuis longtemps de goûter le sang de ces traîtres, comptes sur moi. », gronda t-il.

Il s’immobilisa soudainement, avisant une touffe de poils plus clairs dans un buisson d’épine juste à côté de leur passage. Celle-ci porte l’odeur distinctive aux effluves marines de Légende Guerrière. Mais surtout, en approchant sa truffe, c’est l’odeur du sang qu’a senti le matou, il ne s’en est pas aperçu avant mais un liquide sombre goutte des branches sur le sol humide.

« Je crois qu’on a notre réponse quant à la disparition de Légende Guerrière. » fit-il, pointant le sang sur les branches à son partenaire. L’avenir s’assombrissait, il lui semblait que chaque bruit, chaque point d’ombre cachait un ennemi prêt à leur sauter à la gorge dans le marais. Pourquoi n’avaient-il rien entendu ? A combien d’ennemis devraient-ils faire face ?

« Soit on arrive trop tard, et ils se seront débarassés de sa dépouille dans les parages. Autrement… peut-être qu’ils l’auront ramenée à leur camp ? »

Il ne s’était pas départi de son ton habituel, gardait leur objectif en vue. Dans les deux cas, il lui semblait qu’ils n’avaient qu’à continuer às suivre la trace, ils seraient fixés bien assez tôt.

Tandis qu’ils s’enfonçaient encore un peu dans l’ombre sur la trace sanguinolente de Légende Guerrière, un râle avait soudainement retentit non loin dans les fourrés. Appel du Loup n’aurait même pas vu le félin ennemi jaillir de la tourbe et se jeter sur Tâche de Faon s’il n’avait tourné la tête en direction de ce bruit. Le guerrier ombreux avait trébuché sous le poids de son rival, mais il s’était bientot relevé et les deux se faisaient face.

Sans plus réfléchir, le Loup se jeta également sur l’adversaire, tentant de son mieux de ne pas respirer l’odeur atroce de charogne qui empestait sa fourrure en le mordant violemment à l’épaule, tentant de le déséquilibrer pour l’immobiliser. A eux deux avec Faon, ils pouvaient tenter de le faire parler pour obtenir la localisation du camp des hordeux ! L’espace d’un court instant, le Loup était parvenu à prendre le dessus.

« Mords-lui les pattes ! »

Cria-t-il aux guerrier tâcheté, dans l’espoir d’handicaper assez leur adversaire pour qu’il ne risque pas de leur filer entre les griffes.