Vaillance Eternelle sent son cœur sombrer comme une pierre au creux de son ventre lorsque l’appel de Souvenir des Etoiles résonne. Blotti dans la pouponnière, deux boules de poils serrées aux creux de son corps, il tente de contenir l’odeur de son anxiété. Petite Lune et Petit Soleil ont joué pendant quelques heures durant la matinée, et à présent la famille partage un instant de tendresse, les deux petits commençants presque à somnoler dans les bras du guerrier. Petits… plus autant que ça. Vaillance Eternelle les observe d’un œil neuf, et son cœur se serre. Une vraie fourrure à remplacé le doux duvet des chatons, leurs pattes maladroites se sont faites assurées, et dans leurs yeux brûle la volonté de grandir et de devenir des membres du clan accomplis. Leur cérémonie d’apprentis est sûrement toute proche, au tourant de la guerre. Car celle-ci a bel et bien sonnée à présent.

Il entend les exclamations au dehors, les préparations. Mais le clan ne fait pas tonner les tambours de guerre. Il tente de semer les graines d’une paix nouvelle et prospère. Vaillance Eternelle se doit d’y participer, pour son clan, pour ses enfants. Il veut les voir grandir dans un monde meilleur, bien éloigné des dernières lunes qu’ont connues la vallée. Les dernières paroles de son propre père résonnent encore à ses oreilles. La vaillance est la valeur à laquelle il est toujours resté attaché, envers et contre tout. Il ne fuira pas aujourd’hui, il va affronter en face les combats et reviendra veiller sur ses précieux enfants. Après un dernier coup de langue passé sur leur crâne, un dernier regard, il fini par se lever à contre-cœur, non sans un sourire attendri en entendant dans son dos les grommellements endormis de Petit Soleil qui se plaint sans grande résistance de cette attaque affectueuse inattendue.

Il rejoint en contrebas Souvenir des Etoiles et Mouette Rieuse, qui déjà se tient prêt à le seconder. Ils forment un duo fort qui ont su unir le clan, se dit le vétéran en observant le groupe qui s’est formé autour d’eux. Lui aussi s’en est remis avec une confiance aveugle entre leurs pattes, et une fois encore il les suit sans remords.

L’arrivée sur le champ de bataille lui fait tourner la tête un instant. Les cris, les pleurs. Des souvenirs enfouis d’une bataille sombre contre des guerriers d’antan remontent pendant un instant. Mais il respire, se reprend. Les guerriers ici sont bien vivants, autant de victimes qui peuvent encore être épargnées. Il est encore temps de stopper ce désastre. Devant lui, Mûre des Bois et Vestale Céleste se sont déjà élancées, et la vision de ces deux guerrières valeureuses qui s’unissent face à la violence ne peut que lui redonner espoir.

Il se jette donc à son tour dans la tourmente, mais ne sait comment aider qui que ce soit. Au cœur des attroupements, ce n’est que le chaos qui l’accueille, et il est bien en peine de tenter de s’interposer entre les corps enlacés, griffes plantées et crocs claquants, tant de danses funèbres qui tournent autour de lui. Soudain, une vision furtive apparaît entre deux groupes qui passent devant lui en trébuchant. Là, au milieu des combats, un chat est à terre. Vaillance Eternelle reconnaît sans mal le lieutenant de l’Ombre, Dent de Sabre, qui veille comme un roc sur son clan depuis à présent bien des lunes. Il n’a aujourd’hui plus rien de ce fier chat, gisant au sol, une plaie béante ouverte sur sa gorge. Est-il… ? Vaillance Eternelle saute à ses côtés, et y découvre une vieille femelle qui semble désemparée, les yeux écarquillés, les côtes se soulevant à une vitesse alarmante. Tout dans son expression corporelle traduit la peur la plus vive, et l’envie de fuir, mais elle ne bouge pas.

Epine Fleurie a pansé la plaie de Dent de Sabre, et veille sur ses respirations, le cœur battant à tout rompre. Elle n’a pas voulu le bouger par peur d’aggraver son état, et s’est contentée de faire tout ce qui était en son pouvoir pour tenter d’interrompre le flot de sang. Mais l’apprenti qu’elle avait dépêché pour l’assister a fini par refiler vers les combats, et au fur et à mesure que les minutes passent, la violence a semblé s’intensifier, telle une bête furieuse qui piétine tout sur son passage. Epine ne compte plus le nombre de félin assoiffé de sang à qui elle a dû faire face avant qu’ils ne comprennent qu’ils doivent passer leur chemin, et elle a dû s’écarter in extremis de chats au corps à corps qui roulaient sans même voir où ils allaient. Et elle est seule, elle ne peut surveiller Dent de Sabre de tous les côtés à la fois. Et si quelqu’un venait exprès pour l’achever ? Elle serait incapable de les en empêcher.

Elle sursaute lorsqu’un grand mâle au pelage crème emmêlé surgit à ses côtés, et feule, mince tentative de dissuasion. Mais celui-ci lui fait bien vite comprendre qu’il vient en paix, lui propose son aide. Trop sonnée pour tenter de seulement comprendre, Epine Fleurie opine, remerciant presque le ciel pour cette aide inopinée. Enfin, ils peuvent prudemment transporter le lieutenant à l’abris.

Après avoir aidé la vieille guérisseuse, Vaillance Eternelle est revenu vers les combats. Il cherche des yeux les siens, cherchant à s’assurer qu’aucun luneux ne fait face à une situation trop dangereuse. Alors que quelques guerriers luneux s’étaient détachés du groupe, il avait semblé à Vaillance Eternelle qu’un noyau était resté assez soudé, Souvenirs des Etoiles et Mouette Rieuse étant resté l’un à côté de l’autre, Bambou en retrait près d’eux. Il tente alors de rechercher ce groupe, et fini par les repérer du coin de l’œil. Mais quelque chose cloche. Des tâches sombres maquillent le pelage clair de Souvenir des Etoiles, pourtant entouré de chats qui ne semblent pas lui vouloir de mal. Et Mouette Rieuse, pourquoi est-il à ce point en retrait ? Vaillance comprend trop tard, un éclat de lumière, un guerrier tapi dans un buisson non loin, qui bondit avec sauvagerie sur le lieutenant. Vaillance n’a pas le temps de réfléchir, il saute à son tour, veut tenter de plaquer l’assaillant au sol avant que les pattes meurtrières n'atteignent leur but.

Alors que le rouquin, attendait une réaction de la part du meneur de la Lune et son lieutenant, une scène se déroula trop vite pour que Matin puisse faire quoi que ce soit, et le sang éclaboussa sur la scène du crime, un corps s'abattit lourdement sur le sol, et un cris retentit au dessus du brouhaha, ses yeux fixèrent le corps inerte du jeune guerrier immaculé de sang. Vaillance Eternelle.

Il vit le regard lourd de douleur de Mouette Rieuse, aux premières loges sur la scène, puis le visage crispé du meneur, Souvenir des Etoiles qui était pétrifié sur place. Aucun son ne sorti de la gorge du matou, il était estomaqué, tant de violence. Depuis quand la guerre était-elle devenue si brutal ? Ou alors, Matin avait oublié car elle lui rappelait des souvenirs trop douloureux des précédentes batailles.

Aucun d'entre eux n'eut le temps d'accepter la dure réalité que déjà des bourres de poils s'envolaient autour d'eux, un autre guerrier du Clan de la Lune affrontait une guerrière bicolore, et cette fois c'est le meneur lui même qui s'interposa, malheureusement le coup infligé était lui aussi fatale, Matin Embrasé feula furieusement vers la guerrière, lui infligeant un violent coup de griffes sur son visage, laissant quatre plaies béantes ensanglantés, l'aveuglant, elle hurla de rage et s'éloigna d'eux.

Le lieutenant du Tonnerre se jeta contre le corps de Souvenir des Etoiles, combien de vies restaient-ils au meneur ? Après tout, son baptême était récent, il ne devait pas avoir tout perdu déjà ? Si ? Le rouquin lécha les plaies du matou crème, tentant de stopper l'hémorragie, il s'arracha ses propres poils sur son poitrail, n'ayant rien de plus efficace pour absorber le sang. "Allez Souvenir des Etoiles, ton clan a encore besoin de toi, tu ne peux pas mourir comme ça!" Sa voix rauque se faisait tremblante avec l'angoisse qui montait en lui.

Un éclair zébra le ciel, l'orage gronda, un bruit strident déchira les cris des combats, une ombre s'abattait au dessus des guerriers, et dans un bruit sourd, une masse énorme s'écrasa droit sur eux, sur son trajet, se trouvaient deux chattes, qui s'affrontaient vaillamment, leurs yeux animés par la rage, fixaient désormais leur triste destin s'abattre sur elles.

Les Etoiles avaient parlés.

Alors que Brume Argentée était au corps à corps avec un guerrier opposant, elle sursauta lorsque l'orage gronda, elle resta ébahit quand un tronc énorme, enflammé s'écrasa tout près d'elle, pile à l'endroit où se trouvait il y avait quelques secondes... Mélodie des Etoiles !

La guerrière argentée s'élança sans réfléchir vers les flammes, au même moment une pluie torrentielle et un vent violent se leva, tout s'obscurcit, le feu se calmait, mais les corps des deux meneuses étaient toujours ensevelies sous l'arbre tombé, elle regardait dans tout les sens, paniquée, à la recherche des deux chattes et elle aperçut enfin coincée entre deux branches du tronc, une fourrure rousse et blanche, les branches qui avait permis à la chatte de ne pas mourir complétement par le poids de l'arbre tenaient en équilibre sur le côté, mais la force du vent, et l'eau qui rendait le terrain glissant, n'allait pas tarder à tout faire s'effondrer. Malgré le danger imminent, Brume Argentée se jeta sur le corps de sa meneuse, et de toute ses forces, elle tira Mélodie des Etoiles, tentant de l'extirper des masses boueuses et feuillues, elle parvint presque à retirer entièrement la rouquine, mais une de ses pattes étaient coincés, la reine argentée creusa de toute ses forces, elle regardait d'un œil le tronc qui basculait timidement dans sa direction. Il ne restait pas beaucoup de temps avant que tout s'écroule. Elle aperçut un éclair de fourrure qui semblait faire la même chose qu'elle mais plus loin. Quelqu'un avait trouvé Etoile de Jais ? Elle n'avait pas le temps de s'y attarder, dans un dernier effort elle tira à nouveau de toute ses forces et dans un mouvement brusque, le corps de Mélodie des Etoiles se propulsa hors des feuilles, les deux chattes roulèrent deux queues de renards plus loin, Brume Argentée était essoufflée, mais elle devait le plus vite possible s'éloigner du grand arbre, elle traîna la meneuse dans la boue, leurs corps étaient trempés, leurs fourrures collaient leurs muscles, le sang et la boue se mélangeaient ne formant qu'une masse dégoulinante sur chaque guerrier.

L'Arbre s'effondra complétement, les branches cédèrent sous le poids du tronc, si un chat était resté dessous à ce moment là, alors, pas même un meneur avec neuf vies n'auraient pu y survivre.

Elle trouva enfin un abris sous les buissons, ou elle put reprendre son souffle, elle enroula son corps chaud par l'exercice, autour de celui de sa meneuse et lui lécha la tête frénétiquement, dans l'espoir de la ranimer. Le désespoir se lisait dans ses yeux, Brume Argentée n'avait même pas levé une fois les yeux aux alentours, elle était beaucoup trop concentrée sur sa meneuse qui semblait avoir perdu une vie.. Une seule ? Et si c'était la dernière ? Avec effroi, la guerrière redoubla d'effort dans ses coups de langues,  elle murmura à l'oreille de Mélodie des Etoiles ;

" S'il te plaît, reviens, reviens... La fière, Brume Argentée se sentait à présent démunis et minuscule, Mélodie des Etoiles, il faut que tu reviennes parmi nous, je t'en supplie ! Tu ne peux pas nous abandonner, pas comme ça ! "

Des larmes cristallines brillaient dans les yeux vairons de la guerrière argentée, elle hurla de détresse et appela un guérisseur à l'aide, par le Clan des Etoiles, s'il vous plaît ! Que quelqu'un me vienne en aide ! Elle savait que chacun étaient éparpillés à des endroits opposés à cause de la bataille, mais elle avait espoir que quelqu'un les avaient vus.

Les secondes passent, mais la fatigue ne la quitte pas. L’adrénaline coule dans son sang et alimente sa fureur. Une force nouvelle la pousse dans chacun de ses mouvements, la forçant à ne jamais s’arrêter, la dévorant entière. Mélodie des Etoiles rend coup pour coup face à Etoile de Jais qui se dresse pareillement devant elle. Leurs corps s’entrechoquent encore et encore dans une danse funèbre infinie qui les coupe du monde extérieur. La meneuse ne peut réfléchir à l’après, seul le présent existe, les griffes sorties, les crocs qui se plantent dans la chair, les muscles tendus, le sang qui gicle, la douleur, et le recommencement sans fin de cette ronde. L’issue, terrible, se dessine pourtant comme une évidence. Aucune d’entre elle ne ressortira indemne de ce combat.

Elle n’entend pas les premiers grondements du ciel. Les premiers éclairs qui déchirent la forêt éclairent son adversaire de lueur blanche qui la rende plus impressionnante encore, et Mélodie n’en détourne pas son regard. Et puis, il y a ce craquement impressionnant qui s’élève derrière elles. Mélodie voit dans le dos de la meneuse de l’ombre l’arbre, immense, comme jaillir de la terre et du ciel à la fois, comme propulsé par une patte divine, qui bascule. Ses yeux s’écarquillent. Il est trop tard.

Noirceur.

Elle est punie. C’est la première pensée qui lui vient alors qu’elle flotte dans un océan sans fin de vide. Tout l’a quitté. La colère, la fureur, la bravoure. Elle est une enfant peureuse. Une enfant désobéissante qu’on a envoyé au loin un instant pour s’en débarrasser. Une enfant punie par la solitude et l’obscurité. Ses doutes et ses peurs la heurte de plein fouet. Ils avaient longuement hanté ses nuits, et étaient restés dans l’ombre de ses journées. Et si elle se trompait en menant son clan au combat ? Et si elle les avait tous menés à la mort ? La réponse est aujourd’hui évidente, et le clan des Etoiles semble avoir mis un terme à son égoïsme, à sa stupidité, à son ignorance. Et si elle était condamnée à voguer pendant l’éternité dans cette noirceur sans fin ?

Sans qu’elle puisse comprendre comment, un paysage céleste apparaît soudainement devant elle. La meneuse reconnaît les plaines étoilées. Elle se souvient de son dernier passage ici, de la perte de sa première vie. Rien n’est comparable à ce qui s’est joué aujourd’hui. Elle-même est changée. Les yeux éperdus, elle cherche où les poser, quelqu’un à qui se raccrocher. Une foule de chats étoilés est réunie, mais seuls quelques-uns l’ont remarquée et se rapprochent d’elle.  Et Mélodie comprend avec horreur, en voyant des silhouettes familières, faites de chair et de sang encore quelques instants auparavant, que les guerriers d’antan sont occupés à accueillir les défunts.

La honte et les remords l’accable. Tous n’ont pas plusieurs vies à épuiser comme elle. Elle a tenté de se dire qu’il s’agit d’une marque de respect de la part de son clan et d’un cadeau du Clan des Etoiles, mais son cœur se déchire aujourd’hui. Elle n’est plus sûre de mériter cette chance.

« Vous- Vous pouvez me laisser. Je vais faire ça seule. »

Un murmure a franchi ses lèvres, adressé aux quelques visages familiers qui se pressaient autour d’elle. Elle échange un regard avec certains d’entre eux. L’heure n’est pas encore aux retrouvailles, et elle ne se sent pas la force d'affronter leurs paroles où regards. Ils comprennent, s’éloignent. Seuls deux restent à ses côtés. Œil de Lynx et Source Claire ont tous deux les yeux qui brillent de tristesse, et Mélodie sait que ce n’est pas seulement pour elle. Les Etoiles ont vu la bataille dans toute son horreur, assisté à chaque mort, connaissent le nom de chaque orphelin laissé sans père où mère dans les clans.

Elle-même se dirige jusqu’au point d’où son regard peut plonger jusqu’au bas. Les dernières secondes de la bataille furent si confuses. Elle veut comprendre. Ses parents la suivent sans mot dire, lui désignant le grand arbre foudroyé, tombé en plein sur le champ de bataille. Mélodie des Etoiles ne peut discerner son corps, mais elle le devine coincé en dessous.

Elle n’est à cet instant pas réellement dans son corps, mais cela ne l’empêche pas de ressentir soudainement jusque dans les tréfonds de son être un grand froid. Ses pattes qui ne sont que de pâles silhouettes lâchent soudainement, et la douleur s’empare d’elle, la projetant au sol et la faisant trembler. Elle gémit comme un chaton, des larmes perlant dans ses yeux. Elle peut sentir la mort étendre ses bras glacés au-dessus d’elle, la laissant vide et pantelante. Elle peut sentir malgré la confusion de son esprit une présence rassurante s’étendre à ses côtés et lui donner des coups de langue affectueux.
Cela devrait bientôt s’arrêter. Elle devrait pouvoir se relever et regagner le monde. Alors pourquoi les vagues de douleurs revenaient ? Pourquoi son cœur battait-il à tout rompre, comme sur le point de lâcher ? Pourquoi sentait-elle ainsi le sang battre à ses tempes ? Elle tourne un visage paniqué vers sa mère, mais c’est son père, Œil de Lynx qui prend la parole.

« Le pouvoir des Etoiles a des limites. Tu as perdu beaucoup de sang, et avec l’arbre… »

Source Claire semble désolée. Mélodie aimerait lui dire que ce n’est pas grave, que si son destin est de mourir ici, elle l’accepte. Qu’elle l’a mérité, peut-être. Que c’est pour le mieux. Mais devant l’immensité de la mort et la fragilité de la vie, elle se retrouve démunie et perdue. La panique la gagne. Elle aimerait implorer. Elle ne peut cependant que se rigidifiée, paralysée par la douleur, au bord de l’asphyxie lorsqu’une deuxième vie lui est arrachée.

« Chuut, c’est bientôt fini. Regarde, tu es en sûreté maintenant. »

Mélodie aimerait rester blottie contre sa mère encore un peu. Elle aimerait pouvoir redevenir un chaton, contre la sécurité de la fourrure maternelle. Mais déjà, sa conscience s’évapore, et les plaines étoilées s’évanouissent dans l’obscurité et la froideur.

Elle rouvre bientôt des yeux brillants de larmes, et une toux brûlante déchire sa gorge tandis que de l’air traverse ses poumons pour la première fois depuis plusieurs secondes, voire minutes. Elle a froid, mais une chaleur bienveillante l’entoure. Trop fatiguée pour même chercher à comprendre, Mélodie des Etoiles ne peut que se reposer contre sa sauveuse. Elle reconnaît malgré celle piquante du feu, celle métallique du sang, et celle apaisante de la pluie l'odeur de Brume Argentée. Elle tente de lui murmurer un remerciement, mais seul un soupir se fait entendre. Puis un éclair de lucidité lui revient. Les éclairs. L’arbre. Le feu. Elle tente de se redresser, capitule. Elle croasse, d’une voix abîmée par la cendre, la toux et la mort.

« Le-le clan- Est-ce que tout-tout le monde va bien ? Le- le feu… »

Elle tente d’articuler ses inquiétudes, mais elle sent son esprit hésiter à resombrer dans l’inconscience. Elle se sent lâche et coupable. Le clan des Etoiles ne l'a pas sauvée pour qu'elle soit un fardeau.

« Il-il faut rassembler tout le monde. Il est t-temps de rentrer- à la maison. »

Tout n'est pourtant pas si simple, et son cœur chavire à l'idée de ce qui devra être accompli avant cela. Il leur faudra compter les morts et porter les cadavres. La nuit risquera d'être bien longue, et ce pour tous les clans. Elle cherche du regard les autres chef. Il leur faudra établir les bases d'une paix durable et solide avant de se quitter à nouveau pour repartir chacun sur leurs chemins respectifs. Et... Etoile de Jais, où est-elle ? Chose impensable quelques instants auparavant, c'est l'inquiétude qui s'éprend de Mélodie au sujet de la meneuse de l'ombre à cet instant. Aucun Clan ne devrait avoir à perdre sa cheffe en cet instant.

Lorsque l'arbre chuta, Lune Givrée sortit de son état de choc dans lequel elle était depuis qu'elle avait affrontée Renard Polaire et lui avait fait perdre la vie, elle regarda, bouche-bé, l'immense tronc s'effondrait dans un bruit lourd, les yeux écarquillée, elle resta figée lorsqu'un deuxième éclair zébra le ciel, des cris fusaient dans tout les sens, et la jeune guerrière mit du temps à comprendre la situation.

Etoile de Jais était coincée sous l'arbre, l'arbre qui n'allait pas tarder à basculer complétement et qui la tuerait définitivement sur le coup, la guerrière grise s'élança en direction du lieu du drame, alertée par les hurlements des guerriers, lorsqu'elle arriva sur place, un matou massif du Clan du Vent feulait sur les quelques guerriers alentours, ordonnant aux autres d'agir pour la survie de leurs camarades qui étaient grièvement blessés, la scène qui s'offrit à elle, lui donna un haut le cœur, Mélodie des Etoiles semblait s'en être sortie même si elle avait perdu beaucoup de sang, et Lune se douta que celle-ci avait du perdre au moins une vie, plus loin deux corps gisaient sur le sol, elle reconnu celui du lieutenant du Clan de la Lune, et elle s'interrogea sur la présence des luneux sur le terrain de bataille, ils n'étaient pourtant pas concernés, avaient-ils essayés de cesser cette guerre ? Lune Givrée en était persuadée mais ceux-ci étaient arriver trop tard à en voir le désastre présent.

Près du matou blanc et noir, gisait le corp ébène de sa meneuse, Etoile de Jais, les larmes aux yeux Lune Givrée se jeta sur son corps, et tenta de suivre les instructions de l'herboriste du Clan du Vent, elle se sentait affreusement honteuse face à celui-ci, après tout, elle avait tuée un de ces camarades... Le savait-il ? Allait-il crachait sur la guerrière pommelée pour la mort de son camarade de Clan ? Elle l'ignorait, mais dans l'immédiat, la vie de sa meneuse était en jeu. Elle se concentra pour stopper l'hémorragie, elle avait envie de vomir tant le sang était inondait le pelage noir de jais de sa cheffe, il fallait qu'elle trouve d'autre toiles d'araignées.

Elle s'élança dans la forêt alentours, son visage fouettait par le vent et la pluie, elle chercha dans tout les recoins et fit une pelote de toiles qu'elle ramena en vitesse au près d'Etoile de Jais, qu'elle étala sur ses plaies, elle ne savait pas quoi faire d'autre, elle regardait désespérément en direction du venteux, en attente d'une nouvelle instruction, et se pencha vers sa meneuse pour lui murmurait quelque chose à l'oreille.

"- Etoile de Jais, si tu m'entends, il faut que tu reviennes à toi, il faut partir immédiatement, je sais que tu es vivante, tu ne peux pas mourir, pas maintenant, c'est trop tôt, le Clan a besoin de toi... "

HRP:

Sans réfléchir, sa vision centrée sur ses silhouettes, celle de Mouette Rieuse repliée sur elle même, en peine mais toujours refusant de riposter, et celle plus sombre de l’assaillant qui s’est élancé avec un élan meurtrier, Vaillance Eternelle a bondi, avec pour seule volonté de faire de son corps un bouclier. Il se sait fort et imposant. Il espère que sa présence pourra donner du répit à Mouette Rieuse. Et puis, si il peut permettre au lieutenant du Clan de la Lune de garder son intégrité entière, il se battra à sa place. Vaillance ne possède pas les grands idéaux de Souvenir des Etoiles. Il est simplement venu aujourd’hui en se promettant de protéger ses camarades du mieux qu’il le pourra. Et il sortira ses griffes pour se faire s’il le faut.

Il ne sent d’abord que le choc de l’assaut qui le fait rouler sur le côté sans aucun contrôle. Il pense avoir réussi à s’imposer, et le guerrier adverse ne semble pas revenir à l’assaut de suite. Comme s’il était… satisfait ? Vaillance, haletant, tente avec peine de se relever. Pourquoi sa vision semble t-elle si voilée, presque floue ? Il devrait déjà être debout, mais ses membres se sont dérobés sous sont poids. Il est retombé, ou peut-être ne s’est -il jamais relevé. Il ne sait plus. Ses poils sont trempés. Pourquoi ? D’où vient tout le sang ? Hagard, ses yeux tombent sur le corps bicolore, presque immaculé de Mouette Rieuse. Il semble aller bien, c’est le plus important. Vaillance Eternelle lui offre un sourire, content de le voir indemne.

« Reste avec moi ! Allez, tu ne tiens pas ton nom de nulle part hein ! Allez, s’il te plaît viens... »

Vaillance était pourtant bien là, il ne comprenait pas ce que le jeune lieutenant lui disait. Il ne comptait aller nul part. Le sol où il reposait lui semblait étrangement confortable. Sa tête y reposait lourdement, et il n’aurait su comment s’en relever. Il tenta de l’expliquer à Mouette Rieuse, qui semblait totalement paniqué, mais seul un gargouillis étrange sorti de sa gorge. Les battements de son cœur accélérèrent alors qu’une peur étrange et froide le saisissait. Tout était arrivé trop vite, trop tôt. Mais lentement, et inéluctablement, il comprenait. Le sang, c’était le sien. Le froid, c’était celui de la mort. La panique, le refus d’abord arrivèrent. Il se débattait, ses pattes bougeant à peine sur le sol, chaque sursaut de son corps faisant couler un flot de sang supplémentaire. Il cherchait Mouette Rieuse, n’importe qui des yeux, mais le jeune lieutenant ne se trouvait plus dans son champs de vision. Vaillance Eternelle tenta de l’appeler, mais il senti une secousse, on tentait de le tirer plus loin. Une douleur mortelle s’empara de son corps qui glissait sur le sol. Son cœur, qui battait à toute allure quelques secondes auparavant, semblait presque endormi. Il a le faible ressenti des présences de Mouette Rieuse et d’un autre félin à ses côtés, Souvenir des Etoiles ?

« Laissez… moi… ici… »

Il ne savait comment les mots avaient franchi le seuil de ses lèvres, mais il avait des choses à dire. A dire, et à faire. Il avait des repas à partager. Des embrassades à offrir, des services à rendre, des querelles non résolues. Des enfants à élever. Mais le temps lui manquait, la fin était là. Alors, plus calme depuis que son cœur avait cessé de battre comme un tambour, il rassemblait ce qu’il lui restait de force. Il sentait Mouette Rieuse tout proche. Il espérait qu’il entendrait son filet de voix.

« Petite Lune… Petit Soleil… Avec de braves modèles comme toi, comme Souvenir des Etoiles, je sais qu’ils ne grandiront pas comme des orphelins, mais comme des enfants de la Lune. Prenez soin d’eux…  »

Il pleure. Il n’a plus rien à offrir au monde que ses larmes. Prostré tout contre Mouette Rieuse, il accepte avec une gratitude infinie ce dernier contact. Il aimerait accepter la mort avec vaillance, comme son père attendait sûrement de lui, mais il ne peut se jeter éperdument vers les étoiles en laissant derrière lui ceux qu’il a de plus cher au monde. Mais elles dansaient devant ses yeux, ces astres nocturnes, plus proches que jamais. L’une d’elle brille davantage que toutes les autres. Elle descend se poser près de lui. Eclipse du Ciel pose doucement sa patte étoilée sur la sienne, gauche et molle, qui repose inerte sur le sol.

« Viens, il est temps. Je suis désolée… mais ne t’en fais pas. Nous veillerons sur eux depuis là haut. »

Elle dépose une léchouille affective sur sa joue, et il se rend compte qu’il ne git plus à terre. Un corps repose pourtant sous ses pattes, une carcasse vide au long pelage crème dont la couleur se laisse seulement soupçonnée tant elle est maculée d’un rouge sombre et de poussière. Quitter le monde des mortels lui semble presque simple à présent. Son corps étoilé est si léger. Il se penche un instant vers Mouette Rieuse. Il aimerait pouvoir le remercier, lui dire qu’il est heureux de l’avoir sauvé, malgré tout. Des souvenirs anciens et futurs défilent dans l’esprit de Vaillance Eternelle à présent, une sagesse toute nouvelle mais aussi si fragile face à l’immensité du monde dont il a une conscience toute nouvelle.  Il le sait à présent, il s’agissait de son destin de mourir ici, mais le jeune lieutenant a encore tellement à vivre aux côtés du clan, aux côtés de Soleil et de Lune.

Eclipse du Ciel et lui veillent un instant sur les combats qui s’apaisent, fourrure contre fourrure. Puis ils entameront le dernier voyage, comme beaucoup d’autres ce soir. L’heure des départs et des retrouvailles a sonnée.