Not in the mood |Ghost

Cela faisait maintenant deux lunes que Nuage de la Tigresse était officiellement une hargneuse apprentie du clan de l'ombre. Deux lunes qu'elle a passé aux côtés de Dent de Sabre, son lieutenant et mentor. Et pour le coup, les entraînements étaient satisfaisants. Pour prouver à tous et toutes que les femelles sont bien égales voire supérieures aux mâles elle se donnait corps et âme dans son apprentissage et en faisait voir de toutes les couleurs à son enseignant qui -bien malgré lui- devait supporter les caprices de la demoiselle. La petite avait très rapidement mûrie, mais avait toujours garder sa couronne de diamants sur le crâne. Elle ne perdait pas le nord et était très fière d'être la fille d'Ardeur des Braises et la soeur de Nuage de Ronce, Nuage Libre et Nuage Céleste. La portée avait toujours leur sublime titre de "Terreurs de l'Ombre" et ça semblait les amuser grandement.

Le caractère de la belle écaille-de-tortue s'était d'autant plus affirmé avec le temps. Elle devenait une splendide oratrice à l'intelligence très surprenante. Sa force physique était un atout majeur et elle sait que ça allait lui servir en ces temps de guerre... La petite -qui n'était franchement plus si petite que ça- était d'autant plus têtue qu'auparavant et sa langue tranchante ne semblait jamais être à court d'idées pour recaler ceux se pensant supérieurs à elle. Le gros matou massif qu'est son mentor a aussi pu observer aisément que la petiote était une minette avec un sang froid légendaire qui savait réfléchir et qui avait une âme de guerrière. Par ailleurs, la tigresse portait bien son nom. Élancée, fine, gracieuse, mais imposante et charismatique elle allait dépasser la plupart de ses congénères. En bref, elle avait toutes les qualités requises pour être une combattante hors pairs si l'on oubli quelques temps son arrogance et son insolence.

Les temps sont obscurs. Le ciel gronde à Valeemar. Les murmures s'élèvent. Une alliance avec le clan du tonnerre... elle n'est franchement pas d'accord avec ça. Nuage de la Tigresse est méfiante, très méfiante, elle ne fait confiance à rien ni personne si ce n'est sa famille. Néanmoins, elle a conscience que pour survivre à cette guerre qui menace d'éclater sous peu elle n'aura guère d'autres choix que de s'allier à une autre tribu. Toutes ces tensions l'excite un peu. La fougue de la jeunesse, sans doute. Elle ne comprenait pas encore à quel point la guerre pouvait être destructrice et dangereuse. Aujourd'hui, d'ailleurs, dans l'optique d'une bataille il fallait avoir des provisions. Ainsi elle fut envoyé avec une patrouille pour aller chercher de la nourriture.

Car en effet, plus aucun apprenti ne se baladait seul. C'était devenu trop dangereux. La novice était donc sortie du camp avec pour objectif de ramener du gibier. Elle n'était pas mauvaise à la chasse alors cela ne devrait pas être très compliqué. Cependant, c'était sans compter sur le fait que les proies avaient désertés leur territoire. S'aventurer en terres libres seraient envisageables, mais il ne valait mieux pas s'éloigner de trop... La petite patrouille dériva donc de sa trajectoire initiale pour aller sur des terres neutres où cette fois-ci ils trouvèrent de quoi les nourrirent. Mais l'apprentie, elle, n'avait encore rien attrapé et cela n'avait de cesse de l'énerver. Sa fierté en prenait un coup.

Alors, voyez vous, lorsqu'elle trouva vit au loin le phare elle se dit que c'était le meilleur moyen d'attraper un nombre conséquent de souris ! Jetant quelques regards autour d'elle, elle prétexta avoir une piste et couru sans attendre pour rejoindre le grand bâtiment. S'engouffrant à l'intérieur, elle chassa quelques petits rongeurs et fini par tomber sur le jackpot. Une grosse souris. Assez grosse pour nourrir toute la pouponnière ! Le corps à plat au sol, la queue bien levée, les oreilles hautes, elle s'approcha en silence de sa proie et bondit d'un coup... mais quelque chose la freina dans sa chasse. Ou plutôt quelqu'un. Elle entra violemment en collision avec un autre chat et poussa un grognement puissant. La souris, évidemment, en profita pour se faire la malle.

Le pelage gonflé, la rendant encore plus massive qu'elle ne l'était déjà, la femelle transperça de son regard bleuté l'inconnue face à elle. Une femme. Du clan du vent. Donc une ennemie. Les babines retroussées. Le cri de cette foutue apprentie venteuse ne fit qu'augmenter la colère en Nuage de la Tigresse qui était bien déçue de ne pas pouvoir mettre la patte sur une telle proie ! S'avançant d'un pas, intimidante, elle cracha au visage de l'autre :



La calico s'avança encore plus proche, l'air menaçante, et gonfla la poitrine en toisant de toute sa hauteur la minette. Elle la prenait de haut, oui. Et sa voix glaciale contrastait drastiquement avec son calme.



Il ne vaut mieux pas pour toi.

Ce qui l'empêche de l'attaquer ? Dent de Sabre et Ardeur des Braises. Elle sait combien les remontrances du premier peuvent être ennuyeuses, mais elle redoute surtout la colère de sa mère si elle venait à apprendre qu'elle a défié une venteuse. Ainsi elle reste bien sage, Nuage de la Tigresse. Et apparemment la blanche devant elle agit de la même façon puisque l'arôme de la frustration surpasse celle de l'agacement. Mais la calico est bien vicieuse et elle se dit que si c'est celle en face qui l'attaque en premier ça ne sera que de la légitime défense... Un sourire provocateur se dessina sur son joli visage triangulaire tandis qu'elle ne cilla même pas lorsque l'autre se rapprocha d'un pas. La tension était telle que n'importe qui ferait immédiatement demi-tour. Un rien pouvait faire s'écrouler le château de cartes. Si dorénavant l'attitude de la femelle tricolore s'était calmée, elle restait stoïque et loin d'être prête à partir. Elle estime qu'elle mérite des excuses et l'apprentie les aura, peu importe ce qu'elle doit faire pour cela.

La tigresse jouait de sa corpulence. Sa carrure était naturellement musclée -sans doute un héritage de son géniteur- et sa taille elle aussi était impressionnante au vu de son âge. Néanmoins celle en face ne se débrouillait pas si mal. Elle était plus courte sur pattes que l'ombreuse, mais elle était corpulente. Au premier coup d'oeil Nuage de la Tigresse ne peut pas estimer si cela est dû à de la graisse, des muscles ou simplement naturel. Si auparavant la calico semblait colérique, dorénavant elle est bien plus calme et glaciale. C'est ainsi qu'elle agit, contrairement à ses frères. Elle préfère directement dire ce qu'elle pense plutôt que de se montrer hypocrite et frapper par derrière. La novice continuait de toiser son adversaire tandis que celle-ci déblatérait. Pas très touchée par ces quelques paroles, la belle se contenta de souffler du museau, amusée par toute cette mascarade.

Car ça n'était rien de plus qu'un concours de provocation, mais la princesse ne voulait pas prendre part à cela. Elle s'estime comme étant haut dessus de tous ces enfantillages. Elle ne la laisserait pas partir comme si de rien n'était. Elle allait se servir de la même technique qu'elle : les mots. Des mots plus tranchants que des griffes, au moins Dent de Sabre ne pourra jamais le lui reprocher il sait à quel point elle peut se montrer acerbe et simplement méchante. Elle ne cherchait pas à faire le bien, ni le mal, elle ne faisait que défendre son avis et actuellement son avis c'est qu'elle est entièrement supérieure à cette vermine et que celle-ci doit le comprendre. Le narcissisme de ses frères à définitivement fini par l'atteindre. Alors quand l'autre veut se retourner, Nuage de la Tigresse s'assied, lèche sa patte avec arrogance et lance à haute voix.



La jeune continua de s'approcher, n'étant plus qu'à quelques queues de souris de la femelle. Elle leva la patte, la déposa sur son épaule et prit une moue faussement compatissante tout en murmurant.



Elle sourit, bien consciente qu'aucun véritable et humble guerrier sur tout Valeemar ne ferait une telle chose face à un.e ennemi.e. Prête à esquiver un coup, elle est positionnée de telle sorte à devancer son homologue en cas d'attaque. Et à son humble avis cela ne devrait pas tarder à arriver.



Elle cracha le fameux "Maîtresse de la Parole", pleine de dégoût pour ce titre ridicule. Elle n'avait aucunement peur des représailles. Quoiqu'il advienne la guerre éclatera, alors autant accélérer les choses au lieu d'attendre que la saison froide arrive. Ainsi, la calico lui offrit un splendide rictus, prête à lui refaire la figure.