Who let the Mentorception out ? || Ft : Requiem du Silence & Écho des Vents

Requiem du Silence lécha son pelage entremêlé. C’était bien beau d’avoir les poils longs, ça servait durant la saison des neiges et dans les endroits venteux, mais c’était d’autant plus compliqué d’en prendre soin. La moindre petite sortie emmêlait la fourrure dans tous les sens, et c’était sans parler les diverses feuilles mortes et petit branchages qui s’y accrochaient telle une huître à son rocher. De ce fait, le guerrier avait la sensation de passer ses journée à se laver, encore plus que ce qu’il est d’ordinaire de faire. Inutile de préciser que la grande majorité du temps, il faisait sa toilette seul, dans son coin, comme aujourd’hui.
Il cracha avec un dégoût prononcé une petite boule de terre qui s’était agrippée là, et termina enfin sa toilette. Rasséréner, il bailla, en entreprit d’aller chercher une proie sur le tas de gibier qui se trouvait à quelques mètres. Le fumet du mulot fraîchement chassé lui mit l’eau à la bouche, et il ne se gêna pas pour en prendre un bien dodu. A bien y réfléchir, il n’avait pas encore mangé, aujourd’hui. En se levant, il n’avait pas eu faim, et avec ensuite filé directement à l’entraînement de son apprentie. Il avait passé une nuit excellente, et pour une fois qu’il était entièrement revigoré, il avait trouvé suffisamment d’énergie pour passer la matinée sans avoir besoin du moindre bout de viande. Mais désormais, après s’être débarrassé de toutes les saleté que la nature avait décidé de collectionner dans ses poils, son ventre gargouillait, et ce fut sans hésitation qu’il attaqua son repas.

Comme toujours, il se tenait à l’écart du groupe. Il ne comprenait pas trop comment l’on pouvait avoir des conversations animées autour d’un repas. Lui, il ne trouvait jamais de sujet intéressant. Du moins, aucun qu’il ne considérait comme tel. Les discussions futiles, très peu pour lui, il préférait ouvrir la bouche pour dire quelque chose d’utile, pas pour expliquer comment les fleurs poussent ou  à quel point cet arbre-ci et celui-là commençaient à se faire vieux.
« Requiem du Silence. » Il reconnut la voix qui avait prononcé son nom. Concentré sur sa nourriture, il n’avait pas vu son vieux mentor arriver, mais n’eu pas besoin de le voir pour savoir que c’était lui. Il releva la tête, écoutant la proposition de son interlocuteur. Le principe de la patrouille aux côtés du vétéran était une pensée suffisamment agréable pour qu’il hoche la tête. Il n’avait pas besoin de prononcer mot, Dent de Sabre compris. Il lui demanda, ou plutôt lui ordonna – on ne savait pas trop à ce stade – de s’enquérir d’Écho des Vents. L’idée n’était pas mauvaise, loin de là même. Les trois chats avaient des caractères très similaires et formaient une bonne équipe, bien qu’une équipe peu bavarde.

« Compris. » répondit-il simplement.

Il réalisa, quelque peu, avec humour, que le chat lui parlait toujours comme s’il était son apprenti, et que Requiem du Silence suivait ses directives de même. Il ne lui obéirait pas aveuglement, mais il accordait suffisamment de confiance en son ancien mentor pour savoir que celui-ci savait prendre de bonnes décisions. Et puis, il s’était déjà battu à ses côtés, et il accordait un grand respect à son aîné. Plus que cela, ils étaient aussi devenus amis, et même si le chat au poitrail blanc ne l’admettrait jamais, c’était agréable de savoir qu’il y avait quelqu’un sur qui il pouvait compter.

Il se mit donc en quête d’Écho des Vents, priant silencieusement le Clan des Étoiles que celui-ci ne soit pas occupé. Il n’avait pas vraiment envie de déclencher une interaction sociale avec qui ce soit d’autre, et si c’était pour passer du temps ensemble durant une patrouille, autant le faire avec des compagnons qu’il supportait.
C’est donc avec soulagement qu’il décela le pelage familier de son ancien apprenti, qui mangeait seul dans son coin lui aussi. Requiem s’en approcha tranquillement, mais d’un pas décidé. S’il n’avait pas été qui il est, cela aurait pu être d’un pas guilleret qu’il aurait approcher le matou, trop content de trouver le chat qu’il cherchait. Mais l’escadron étant fidèle à lui-même, il ne fit paraître son soulagement qu’avec la manière dont il aborda son interlocuteur.

« Écho des Vents. » miaula-t-il après s’être assis face à l’individu. « Dent de Sabre nous propose de l’accompagner pour la patrouille. Souhaites-tu venir ? »

Il espéra intérieurement une approbation, qui arriva pour son plus grand soulagement : il n’aurait pas à aborder un autre guerrier aujourd’hui. Il fit signe de la queue au guerrier de le suivre, comme il le faisait lorsque le chat était apprenti. Finalement, il n’était pas si différent de Dent de Sabre sur ce point.

« Nous voici. » dit-il au vieux vétéran en le rejoignant.

Il constata qu’ironiquement, ils étaient trois générations de mentor à apprenti. Au moins les trois se connaissaient suffisamment bien pour respecter les limites de chacun. Plus que tout par exemple, il n’y aurait pas de conversation inutile. Et rien ne pouvait faire plus plaisir à Requiem du Silence.  

Requiem du Silence se contenta de hocher la tête quand Dent de Sabre leur indiqua le trajet à prendre. Il n’avait pas besoin de dire quoi que ce soit, et l savait que son ancien mentor ne lui en voudrait pas. Il indiquait qu’il avait compris et cela était largement suffisant.

La troupe s’avança alors, dans le silence qui les caractérisaient tant. Au moins, l’absence du son de leurs voix aurait l’avantage de ne pas trop avertir le gibier. C’était souvent quelque chose que Requiem du Silence reprochait à d’autre de ses camarades. Il avait déjà exprimé le fait que le moindre petit miaulement réduisait considérablement les chances de ramener de la nourriture au camp, mais ses critiques ne le rendant pas très populaire, et n’ayant de toute façon aucun effet, il gardait désormais son avis pour lui. Pour cela aussi, il appréciait patrouiller aux côtés de ses deux compatriotes actuels. Non pas que la saison manquait de proie, mais il fallait avouer qu’en débusquer serait bien plus efficace dans le Silence.
Echo des Vents fini d’ailleurs par indiquer la présence d’une proie, et Requiem du Silence s’arrêta net, laissant tout le loisir à son ancien apprenti de démontrer ses talents de chasseur – dont il ne doutait déjà plus depuis longtemps – et attraper leur premier petit butin. Bien malgré lui, le chat au poitrail blanc ressentit une petite lueur de fierté, même s’il y avait plusieurs lunes qu’il n’était plus le mentor du jeune chasseur. Bien qu’il l’avait entraîné, Écho des Vents ne devaient pas ses talents qu’à lui, pour autant le grand mâle avait toujours cette sensation de satisfaction, dont il ne fit bien sûr aucun commentaire à voix faute, se contentant d’agiter les oreilles pour féliciter et remercier son camarade.

Sans un mot, leur groupe continua leur avancée. Requiem du Silence pris bien soin de remarquer le territoire qui les séparaient des terres adverses. Il ne détecta aucune odeur du Clan du Tonnerre de leur côté du terrain, et détermina simplement que leur patrouille devait être passée récemment. En arrivant à Valeemar, il avait eu du mal à s’habituer au fait que la frontière avec les chats du Tonnerre était si grande. A l’époque de Cerfblanc, l’affreux Chemin du Tonnerre était une limite plus difficilement franchissable, à présent un simple pas suffisait à entrer en territoire ennemi.

Ils finirent par arriver à la limite des Terres Libres. Là, Requiem du Silence se détendit un peu. Les odeurs de l’autre côté étaient diverses, chats de clans ou solitaires, qui s’entremêlaient les unes aux autres. L’Escadron de l’Ombre franchissait parfois lui-même cette limite invisible, pour s’isoler de ses camarades ou simplement faire ses régulières balades nocturnes.  
Cependant, alors qu’il commençait à se perdre dans ses réflexions, il se raidit. Une odeur, soudaine, lui était arrivée aux narines, et elle était bien plus proche que les autres, et surtout, bien plus récente.

« Je sens quelque chose » annonça-t-il, méfiant.

Il huma l’air, et par réflexe, le poil de son échine se dressa. L’odeur était forte, et elle était du mauvais côté de la frontière. De leur côté.

« Le Clan du Vent ! »

Il avait un peu haussé le ton, sans toutefois crier, mais dans le langage de Requiem, c’était comme un feulement. Il se redressa de toute sa hauteur, sur ses gardes. Il n’avait pas envie de se battre aujourd’hui, mais il était prêt à en découdre si besoin se faisait.

Et lui qui pensait faire une patrouille calme...