Le cri du coeur. [PV Nuage de Chouette]

~ Le Cri du Coeur ~

Nuage de Chouette ¤ Griffe d'Ebène

Le soleil était haut dans le ciel.
Une brise légère soufflait entre les arbres.

Griffe d’Ebène était partie à l’aube pour patrouiller au sud du territoire. Elle avait longé les Cinq Rocs avec nostalgie, repensant à Cerfblanc. Pas de tristesse pour autant, depuis qu’ils étaient arrivés à Valeemar, elle avait l’impression que c’était la première fois qu’ils vivaient en paix.

Ebène continua de longer la frontière de leur territoire, le long de celui du clan du Tonnerre. Tout se passait bien et elle en était ravie, elle ne voulait surtout pas que son moment de quiétude soit troublé par une intrusion.

Elle repensa à Cerfblanc. A l’époque, elle avait aussi intégré les Escadrons, mais leurs missions n’étaient pas les mêmes. Elle avait dû espionner les clans adverses certes, mais aussi : son propre clan.
Elle détestait l’idée de douter à ce point des siens, et elle n’avait intégré les Escadrons que pour donner une interprétation adoucie des agissements des uns et des autres. Hors de question que leur chef punisse les membres de son clan par paranoïa. Le plus important était de rester soudé dans cette période difficile.
Aujourd’hui, elle appréciait d’être revenue dans les escadrons, cela lui permettait de participer au maintien de la paix, en agissant avec diplomatie lors des rencontres frontalières. Les limites des territoires étant récentes, une erreur était vite arrivée, cela ne signifiait pas forcément une invasion.

Ebène rata un battement. Un lapin venait de lui passer devant le museau dans une course affolée depuis les terres du Tonnerre.
Passée la surprise, elle se remit à respirer, pensant que ce lapin était maintenant sur leur territoire et qu’il nourrirait leur clan. Il allait beaucoup trop vite pour qu’elle puisse le rattraper, et elle devait continuer sa patrouille.
Mais une odeur la dérangea. Le lapin empestait la peur, ce qui n’était, en soit, pas anormal, mais il emportait aussi une autre odeur avec lui. Une odeur qu’elle n’avait que rarement sentie et qui n’était pas de bon augure.

Un Bipède.

Sur la défensive, elle essaya d’analyser la situation. Un bipède dans la forêt, c’était très dangereux. Mais s’ils étaient plusieurs, la panique serait générale, bien plus d’animaux fuiraient, les clans se préviendraient entre eux, et ils seraient sûrement déjà au courant.
Levant le nez pour sentir une éventuelle piste, elle poursuivit sa réflexion. Un bipède seul devait seulement être de passage, ou perdu. Ce n’était pas une grande victoire mais c’était mieux que rien.
Un chat expérimenté ne risquait pas grand-chose dans cette situation. Impossible d’être surpris par un bipède, facile de se cacher, de grimper dans un arbre pour être hors d’atteinte ou de fuir. Il fallait seulement éviter que le bipède se rapproche du camp. Les chatons, les malades, les apprentis seraient en danger.
Les apprentis. Dans cette situation, un apprenti pouvait se faire surprendre s’il ne connaissait pas cette odeur. Les apprentis ne sortaient jamais seuls en principe, mais avec les manques d’effectif et la paix récente, certains s’aventuraient seul dans les terres.

Griffe d’Ebène devait vérifier qu’il n’y avait pas d’intrusion et retourner rapidement au camp pour prévenir de la présence du bipède.
Elle allait s’élancer quand elle entendit un cri. Un chat était en danger, elle ressentait la panique dans sa voix, et la jeunesse. L’humain avait dû s’en prendre à un jeune chat.

Ebène ne pouvait pas ignorer cet appel, il l’a prenait au ventre, comme si sa cicatrice était à nouveau une plaie béante.
N’écoutant que son cœur, oubliant la frontière, sa mission et le code du guerrier. Oubliant son contrôle habituel et la logique qui voudrait qu’elle aille prévenir son clan plutôt que d’aider un autre clan.

Elle s’élança. Dans le Territoire du clan du Tonnerre.

De temps en temps, Nuage de Chouette avait vraiment l'impression de ne servir qu'à réapprovisionner les réserves d'herbe médicinale. Il était actuellement à la recherche de bardane, laissant Esprit du Renard au camp. Le guérisseur sortait rarement avec son apprenti, préférant lui apprendre tout dans son antre et en lui indiquant simplement où il pourrait trouver les plantes manquantes.

C'était assez différent de la relation qu'il pouvait observer entre les apprentis guerriers et leurs mentors et il se demandait si c'était la même chose pour tous les guérisseurs. Tous les guérisseurs étaient aussi distants avec leurs apprentis ou c'était simplement Esprit du Renard ? Le chat avait longtemps été solitaire avant de revenir dans les clans, cela était peut-être une explication.

Sortant de ses pensées, le jeune chat se reconcentra sur sa recherche. S'il trouvait rapidement de la bardane, il pourrait peut-être avoir des conseils sur la meilleure façon de soigner les infections dû aux échardes. Après sa rencontre avec Dent de Sabre, le jeune apprenti avait vraiment envie d'en savoir, histoire de s'assurer qu'il n'avait pas fait n'importe quoi.

Concentré dans sa recherche, il ne faisait pas attention aux alentours. Il était sur son territoire, assez loin de la frontière pour ne pas être en danger direct et une patrouille était passé il y a peu, assurant qu'il n'y avait pas de prédateur dangereux. Alors pourquoi aurait-il dû faire attention aux alentours ?

Un craquement et une exclamation fit soudainement sursauter le jeune chat. Se tournant, il se retrouva face à une vision terrifiante. Un bipède. Il y avait un bipède à une longueur de queue. Par le clan des Etoiles, dans quoi il s'était fourré ?!

Nuage de Chouette ne bougeait pas. Il n'arrivait pas à bouger. Il était totalement terrifié face à ce bipède, le premier qu'il voyait. Et le bipède continuait de s'approcher de lui en parlant dans son étrange langue. Tremblant de toutes ses pattes, l'apprenti ne put rien faire. Soudainement, l'humain approcha ses grosses pattes pleines de doigts de lui, essayant de l'attraper et son cri partit tout seul.

« AU SECOUUUUURS !!! »

Pitié, que quelqu'un entende son cri et vienne l'aider. Qu'un autre chat vienne l'aider parce qu'il ne savait vraiment pas quoi faire, il était toujours figé de peur et le bipède était sur le point de le saisir. Quelle honte pour un chat de clan d’être figé de peur, la fourrure gonflée de terreur et tremblant comme une feuille. Mais que quelqu’un l’aide, vite.

Submergée par la peur, Ébène volait au-dessus des herbes et des racines, aucun obstacle ne l'arrêterait ni ne la ralentirait. L'origine du cri n'était pas tout près de la frontière mais elle se dirigea sans peine dans ce territoire inconnu, comme guidée.
Elle réfléchirait plus tard à ce moment, ne pouvant déterminer si son instinct avait été juste ou si le Clan des Etoiles avait décidé de la pousser dans la bonne direction. Le cri avait continué de raisonner dans ses oreilles jusqu'à ce qu'elle tombe sur cette vision d'horreur.

Le bipède s'apprêtait à se saisir d'un jeune chat pétrifié par la peur. Sans réfléchir davantage, Griffe d’Ébène feula violemment pour attirer l'attention du géant, le temps de l'atteindre. Il avait interrompu son geste in extremis, la guerrière avala les derniers mètres et bondit avec tout l'élan de sa course folle.

Elle percuta la tête du bipède qui ne s'était pas totalement redressé, toutes griffes dehors et les lui planta dans le visage sans scrupule.  

Elle n'avait pas vu beaucoup de bipèdes, et jamais d'aussi près. Ils s'enfonçaient très peu dans les territoires des clans, sûrement perdus loin de leur environnement douillet et bruyant. Ils étaient facile à éviter mais tellement grands qu'aucun chat des forêts n'était assez fou pour en affronter un volontairement.
Mais les dernières lunes avant le Voyage vers Valeemar, les rencontres avec les bipèdes avaient augmentées, causant quelques altercations qui n'avaient pas forcément bien finies. Ébène n'en avait pas été témoin, mais plusieurs chats avaient été blessés et il y avait même eu des morts dans les clans.

Tant pis. Elle prenait le risque, comme tout guerrier qui part au combat.
Le bipède réagit avec violence, et Ébène n'aurait pas pu esquiver même si elle en avait eu envie. D'un coup de sa patte gigantesque, il la projeta à terre, à quelques mètres de lui en poussant un cri effroyable. Tous les chats sur plusieurs lieues devaient l'avoir entendu.
Elle atterrit sur le côté, un peu amortie par les feuillages naissants de la saison des feuilles vertes. Le souffle coupé, elle resta abasourdie sur le sol, les oreilles sifflantes. Du regard, elle chercha le jeune chat dont elle avait à peine vu la fourrure grise, la tête lui tournait.

Elle se redressa un peu, fébrile, ne voyant pas le petit, mais ses yeux furent attirés par le bipède qui s'était muni d'un bâton et tenait son visage sanglant. Il semblait continuer de rager, mais les sons lui parvenaient déformés.
Si le jeune chat était parti, tout allait bien. Le bipède allait sûrement s'approcher d'elle pour se venger, mais le petit était sauf. Elle baissa les yeux sur ses pattes, elle avait cassé quelques-unes de ses griffes qui saignaient. Elle n'y était pas allée de patte morte.

Elle arriverait peut-être à s'enfuir, il lui fallait seulement reprendre son souffle pour courir. Et vite.

Un chat avait répondu à son appel à l'aide. Le soulagement déferla en Nuage de Chouette un instant, avant de se rendre compte qu'il n'était pas sauvé pour autant. Il ne connaissait pas le chat qui venait de lui éviter une capture par un bipède mais cela lui importait peu pour l'instant. Sa sauveuse avait sauté sur le visage du bipède, le griffant de toutes ses forces.

Soudainement, l'apprenti put reprendre contrôle de ses pattes et s'éloigna immédiatement du combat. La fourrure gonflée de terreur, il se réfugia sous un buisson en tremblant. Il devait rentrer, retourner au camp et prévenir tout le monde qu'un bipède était sur le territoire ! Il allait se cacher dans l'antre du guérisseur et ne plus y bouger tant que l'humain était encore présent.

Pourtant ce chat l'avait sauvé. Il ne pouvait pas l'abandonner alors qu'elle l'avait aidé... Mais rien que l'idée de retourner affronter l'humain le faisait trembler. Peut-être qu'il y avait une patrouille pas loin, quelqu'un qui pourrait l'aider pour lui ? Nuage de Chouette essayait vraiment d'être courageux et de suivre les conseils de Dent de Sabre mais il y avait des moments où il ne pouvait vraiment pas y arriver.

L'apprenti guérisseur s'extirpa de son abri et chercha un bruit ou une odeur prouvant qu'il y avait quelqu'un non loin pour l'aider. Il trouva rapidement le passage de Nuage de Pavot et si l'apprenti ne l'aimait pas, ce n'était pas le problème du moment.

« N-Nuage de P-Pavot j'ai b-besoin de ton aide ! I-Il y a un b-bipède sur le territoire et un c-chat e-est en danger, v-vient m'aider !!
- Et bien entendu c'est le froussard qui va chercher de l'aide parce qu'il sait pas se débrouiller seul ! Heureusement que je suis là. »

Heureusement qu'il n'avait pas été difficile à convaincre, Nuage de Chouette ne savait vraiment pas ce qu'il aurait fait. Les deux apprentis se mirent à courir en direction du combat et arrivèrent juste à temps. La femelle qui l'avait aidé était en mauvaise posture, au sol et étourdie. Nuage de Pavot n'hésita pas un instant avant de se précipiter sur le bipède pour détourner son attention.

De son côté, l'apprenti guérisseur se rapprocha de la blessée. Elle n'avait pas de blessure évidente mais avec l'humain il fallait absolument la mettre en sécurité. Nuage de Chouette commença alors à la tirer vers un buisson épineux, assez bas et épais pour que le bipède ne puisse pas les atteindre. Les cris de douleur du bipède étaient perçant et il finit par prendre la fuite, laissant les deux apprentis sous le buisson avec l'étrangère.

« Le clan de l'Ombre ! Tu me fais venir et risquer mes griffes pour un chat d'un autre clan !
- M-mais elle m'a sauvé la v-vie contre le bipède ! s'exclama Chouette avant de se concentrer sur la blessée. V-vous allez bien, vous avez mal quelque part ?
- Et moi tu ne demandes même pas comment je vais ? On voit bien où va ta loyauté.
- T-tu es blessé ?
-Non, répondit-il en léchant ses griffes abîmées par le combat.
- B-bah laisse m-moi m’occuper d’elle a-alors ! »

HRP:

Griffe d'Ebène restait sonnée, incapable de prendre la fuite, elle tentait de se relever en vain, le souffle coupé par la chute. Le bipède s'approchait dangereusement, enragé par ses blessures, il lui ferait sûrement bien pire, inconscient qu'il était de l'intrusion qu'il avait commis. En gémissant elle essayait de s'éloigner en rampant plus ou moins, mais pas assez vite.

Soudain, un chat sorti de nul part détourna l'attention du bipède, et le jeune chat qu'elle avait sauvé apparut près d'elle et commença à la traîner. Elle essaya de l'aider quelque peu, récupérant à peine un peu de son souffle. Ils arrivèrent sous un buisson épineux, bonne idée. Le bipède s'éloigna, abandonnant le combat contre le deuxième chat qu'Ebène vit les rejoindre sous le buisson.
Il était beaucoup plus jeune que ce qu'elle avait d'abord cru, bien téméraire pour un apprenti de s'attaquer sans peur à un bipède de cette taille. Elle en fut impressionnée et inquiétée à la fois, son instinct maternel prenant le pas sur son esprit guerrier.
Quand à lui, il eut plutôt l'air outré d'avoir risqué sa vie pour un chat d'un autre clan, ce qui n'étonna malheureusement pas la guerrière. Ils étaient jeunes et n'avaient probablement pas vécus le Voyage lors duquel les clans s'étaient beaucoup rapprochés. Depuis cet événement, les relations entre les clans semblaient plus paisibles et un peu plus souples, mais les frontières revenaient peu à peu, et nés dans le nouveau territoire, les plus jeunes n'étaient pas affectés pareil par les rapprochements.
Quoiqu'il en soit, Ebène ne regrettait pas d'être venue, et elle l'aurait fait à Cerfblanc également. La vie d'un jeune chat est toujours plus importante qu'une ligne invisible. Elle ne releva donc pas la remarque du jeune guerrier, et sourit avec reconnaissance au chat qu'elle avait secouru.

"J'ai encore, un peu de mal à respirer, mais ça va aller merci."

La féline arrive à se redresser un peu, pour montrer qu'elle n'avait rien de grave et regarder en face ses deux sauveurs.

"Vous avez été très courageux pour de jeunes chats, tu as eu raison d'aller chercher de l'aide, ç'aurait été de la folie de s'attaquer seul à un bipède."

Se tournant vers l'apprenti guerrier, elle poursuivit :

"Je comprend ton ressentiment, les frontières sont importantes pour maintenir la paix entre nos clans, mais je pense qu'elles peuvent être traversées sans autorisation en cas de danger exceptionnel, comme celui-ci. La vie est plus importante que les clans. Je suis prête à être jugée par votre chef pour cette transgression si vous le décidez, mais il serait préférable de d'abord prévenir nos clans de la présence de ce bipède. Vous devriez rentrer à votre camp, je vais faire de même, et si votre chef juge que je dois me soumettre à une punition, je viendrai sans faire d'histoire. Qu'en pensez-vous?"

Griffe d'Ebène se faufila hors du buisson en guettant les alentours, pas de trace du bipède hurlant. Elle arrivait de nouveau à respirer normalement, mais elle aurait sûrement quelques douleurs aux côtes les prochains jours.
Cependant, ses griffes lui faisaient mal. Cela faisait un moment qu'elle ne les avait pas cassées ainsi, au point de saigner à la base de plusieurs d'entre elles. Chaque pas serait douloureux pour rentrer au camp, et sa présence sur le territoire du Tonnerre ne pourrait absolument pas passer inaperçue en laissant du sang à chaque foulée. Mais il fallait bien qu'elle prévienne les siens, et il avait fallu qu'elle vienne secourir ce chat alors, aucun regret à avoir, elle allait serrer les dents.

La guerrière se retourna vers les deux apprentis, attendant qu'ils lui donnent leur réponse quand à la marche à suivre qu'ils adopteraient la concernant. Malgré leurs statuts, elle était prête à les obéir, pour qu'il n'y ait pas de problème entre les clans. La paix était si importante, elle voulait à tout prix que cela continue.

Cette journée avait pourtant si bien commencé...

L'apprenti guérisseur fut rassuré d'apprendre que la guerrière n'avait presque rien, il s'en serait voulu si elle avait été blessée par sa faute. Il était peut-être trop anxieux mais il ne voulait surtout pas que ses erreurs affectent d'autre chats. Un peu inquiet tout de même, Nuage de Chouette chercha du regard s'il n'y avait pas quelques graines de pavot qu'il pouvait dénicher. Il ne voulait surtout pas qu'elle souffre par sa faute !

Le fait d'avoir sauvé un chat d'un autre clan ne dérangeait pas spécialement l'apprenti-guérisseur, son devoir était d'aider les autres qu'importe l'origine après tout. Qu'elle vienne du clan de l'ombre n'était pas un problème, encore moins sachant que la guerrière lui avait sauvé la vie. Il ignorait ce que le bipède lui aurait fait s'il avait réussi à l'avoir mais il ne tenait absolument pas à le savoir.

Nuage de Chouette ne s'attendait à pas recevoir des compliments sur son courage. Lui courageux ? Cela paraissait impossible pour lui, surtout en sachant qu'il avait fui le combat. Le reniflement dédaigneux de Nuage de Pavot lui confirmait qu'il n'était pas le seul à en être étonné. Mais peut être qu'elle avait raison, il était tout de même revenu malgré sa frayeur pour l'aider.

Quant à la tirade que la guerrière offrit à Nuage de Pavot, l'apprenti guérisseur était parfaitement d'accord avec elle. Sans son aide, il ne serait certainement plus dans la forêt et la vie des autres chats étaient plus importante que des frontières. Cela ne semblait absolument pas satisfaire l'autre apprenti mais il n'y fit pas attention, il avait plus important à faire.

Sortant du buisson, Nuage de Chouette fit quelques pas jusqu'à trouver des graines de pavot. Une chance qu'il en pousse sur cette partie du territoire ! Il en récupéra suffisamment avant de les poser devant la guerrière. Vu l'état de ses griffes, elles devaient être douloureuses et il voulait la remercier pour son sauvetage. Et s'il fit tomber quelques graines à côté de Nuage de Pavot, au cas où il en ait besoin, il fit comme si de rien était.

« T-tenez, ça apaisera la douleur de vos griffes... Merci p-pour m'avoir sauver j-je ne sais pas ce que j'aurais fait sans v-vous. »

La suggestion de la guerrière tournait dans son esprit. Il ne voulait pas qu'elle soit punie pour l'avoir aidé, c'était injuste ! Mais il était vrai qu'elle avait transgressée les règles des clans. Il ignorait totalement comment réagir et pour une fois espérait que Nuage de Pavot prenne les commandes... Et qu’il ne soit juste pas une cervelle de souris. Décidant de couper le silence qui s'était installé, Nuage de Chouette décida de faire les présentations.

« J-je suis Nuage de Chouette, apprenti guérisseur et lui c'est...
- Nuage de Pavot, futur guerrier qui empêchera toute intrusion sur le territoire ! interrompit l'apprenti avant de parler plus calmement. Je vais prévenir le clan de la présence d'un bipède dans les environs et je reviendrais certainement avec une patrouille. Si tu es encore là à notre retour attend toi à avoir des problèmes. »

L'instant d'après il était parti. Etonné de la réaction de l'apprenti, Nuage de Chouette mit quelques instants avant de comprendre ce que cela voulait dire. Il ne parlerait pas de la guerrière au clan en remerciement pour son aide. Tant qu'elle quittait le territoire rapidement, il n'y aura aucune répercussion de ses actes. Peut être que Nuage de Pavot était moins une cervelle de souris insensible qu’il ne le pensait ?

« J-je suppose que cela veut dire que je dois vous r-raccompagner à la frontière... V-vous avez besoin d'aide p-pour marcher ? »

Griffe d'Ebène attendait sa sentence patiemment. Le jeune chat était reconnaissant et visiblement décidé à la soigner. Ses pattes saignaient et quelques graines de pavot seraient les bienvenues. Elle accepta avec un sourire de gratitude et comprit mieux sa réaction. Un apprenti-guérisseur. Soigner est leur vocation, et ils ont plus l'habitude de traverser les frontières, ils sont respectés de tous et leur mentalité en est forcément affecté.

Le deuxième serait bien sûr un guerrier, mais la féline fut surprise par sa décision. Tout n'était donc pas perdu. La nouvelle génération pouvait être raisonnable. Il lui donnait l'occasion de partir, tout en l'avertissant de quitter rapidement leurs terres. Elle hocha la tête pour le remercier et le regarda s'éloigner. Il ferait sûrement un bon guerrier.
Se tournant vers le dénommé Nuage de Chouette, elle vit l'étincelle de compréhension s'illuminer dans ses yeux. Lui aussi arrivait à la même conclusion, et il se proposa même de l'accompagner à la frontière.

"Je peux marcher seule merci, mais je veux bien un peu de compagnie. Je ne connais pas vos terres après tout. Et je ne voudrais pas que l'on retombe sur ce bipède. D'autant que même en tant que guérisseur, c'est ton devoir de raccompagner à la frontière un guerrier ennemi"

Ils entamèrent le trajet, la guerrière posant en douceur ses pattes pour limiter la douleur. Le pavot ferait bientôt effet, mais en attendant elle laissait de petites tâches de sang sur son chemin. Rien de bien inhabituel pour elle cependant, elle avait passé son enfance et les grosses batailles à casser et perdre ses griffes, au grand désarroi de ses parents et de leur guérisseur qui ne se l'expliquait pas. Cette fragilité faisait partie d'elle.
Elle masquait au mieux ses grimaces de douleur quand une de ses griffes endolories butait sur une racine, ou qu'une herbe se faufilait au mauvais endroit. Le guérisseur ne manquerait pas de voir sa douleur, et elle ne voulait pas l'affecter davantage, il avait l'air assez sensible, et l'avait déjà aidé bien plus que nécessaire.

"Ne t'inquiète pas pour moi, je vais m'en remettre. Tu as été très courageux, j'insiste mais c'est vrai. Rare sont les chats qui croisent un bipède, et la plupart détalent simplement. Encore merci."

Ils approchaient de la frontière, la guerrière pouvait sentir l'odeur de son clan.

"Tu as de bonnes qualités, je suis sûre que tu feras un bon guérisseur. Tu peux être fier de toi, et si tu as besoin de quoi que ce soit, d'une escorte pour traverser le clan de l'ombre, ou d'une blessée pour t'entraîner, tu pourras compter sur moi. Les guérisseurs sont au-dessus de nous."

Ils atteignirent la frontière invisible, et Griffe d'Ebène la traversa avec un petit soupir. Il lui faudrait maintenant expliquer à son clan ce qu'il s'était passé, justifier ses actions et espérer que les deux petits qui étaient venus à son secours et l'avaient couvert, n'auraient pas d'ennuis.
Elle se tourna vers Nuage de Chouette.

"ça va aller? Tu te sens de rentrer seul? Je peux attendre ici que la patrouille de ton clan approche si tu veux."

La guerrière lui assura qu'elle pouvait marcher seule, malgré ses griffes brisées. Nuage de Chouette n'osa pas faire de réflexion, ne voulant pas remettre en doute sa parole. Comme l'avait fait remarquer Griffe d’Ébène, c'était son devoir de la ramener à la frontière et il allait essayer de le faire au mieux. Même s'il n'avait aucune idée de comment réagir face à cette situation.

Il était guérisseur, il n'était pas entraîné à gérer les chats des autres clans ! Il savait trouver des plantes et aider les autres chats lui, rien de plus. Et si elle changeait d'avis et décidait soudainement de l'attaquer ? C'était improbable, surtout en sachant qu'elle avait risqué ses griffes pour lui mais sait-on jamais. Oui, bon peut être qu'il s'inquiétait trop là, ils avançaient tranquillement vers la frontière et aucun problème à l'horizon.

Les grimaces de douleur de l'autre félin l’inquiétaient mais il n'y avait rien à faire après tout. Il fallait simplement attendre que les graines de pavot fassent effet. Elle devait avoir remarqué son inquiétude parce qu'elle lui assura que tout allait bien. De plus, la chatte le félicita encore, trouvant son courage admirable. Nuage de Chouette ne savait absolument pas comment réagir face à de tel compliments et agitait ses moustaches, embarrassé.

« J-je... M-Merci ? répondit le jeune chat en hésitant sur la réponse à faire. »

Ils approchaient de la frontière quand Griffe d'Ebène le complimenta à nouveau, sur ses talents de guérisseur cette fois. Et il avait moins de mal à accepter ces compliments par rapport aux précédents, ce n'était pas son courage -non existent- mais ses vraies capacités qui étaient félicitée. Même s'il ne savait pas vraiment comment recevoir de tel compliments, il était fier de lui. Et visiblement, il s'était fait une alliée en cas de besoin !

« N-N'hésitez pas à passer voir votre guérisseuse en rentrant, j'espère q-qu'elle pourra faire quelque chose pour vos griffes... »

Ils finirent par arriver à la frontière et la guerrière la traversa immédiatement. Elle avait raison, moins elle restait sur un territoire ennemi, moins elle avait de problème. Maintenant, Nuage de Chouette allait devoir rentrer tout seul au camp et espéré que personne ne se rende compte de l'intrusion. Mais la perspective de rentrer sans personne l'inquiétait, et s'il y avait le moindre problème ? Si le bipède revenait ? Il n'aurait pas deux fois la chance d'être sauvé par quelqu'un.

Griffe d'Ebène avait peut-être remarqué son inquiétude au vu de ses questions. Mais il ne voulait pas la retenir plus longtemps et la déranger, elle l'avait déjà tant aidé ! Et si la patrouille la trouvait aussi proche de la frontière ça pourrait provoquer des tensions voir des combats ! Alors les oreilles basses mais en essayant d'être assuré, l'apprenti guérisseur répondit.

« N-Non ç-ça va aller, j-je vais rentrer seul. Nuage de Pavot est rapide l-la patrouille n'est s-surement pas loin... »

HRP: