Tel est pris qui croyait prendre... [PV Vagabond]

Pffrt... Qu'est-ce qu'on s'ennuie, quand on est un chaton ! On s'amuse quelques minutes devant une vulgaire feuille mais quand on a fini de la déchiqueter entièrement, pouf ! Y'a plus rien et on doit trouver autre chose. Heureusement qu'il y a toujours Petit Muguet et Petite Fierté pour jouer avec moi en temps normal, mais ma fratrie dort encore contre le ventre de Maman et je sais qu'ils vont pas être très contents que je les réveille maintenant. Mais ce n'est pas ma faute si je suis si énergique dès le lever ! Puis moi, je sais ce qu'ils me disent, les anciens : que l'avenir appartient aux chatons qui se lèvent tôt ; et moi, j'aurais un avenir extraordinaire, alors faut que je me lève tôt aussi ! Même plus tôt que le soleil ! Quoique... Le soleil apparaît déjà dans le ciel quand je sors de la pouponnière. Je pourrais peut-être demander à Papa de jouer avec moi ! Eclat de Rire se trouve à quelques longueurs de queues de souris, non loin du Promontoire. Avec un air sérieux, je parie qu'il organise actuellement les patrouilles de la journée. Super ! Quand il aura fini, peut-être que je pourrais... Ah, non, il s'en va déjà vers d'autres chats... A mon avis, il n'est pas près d'avoir terminé. Bon, tant pis, je ne vais pas le déranger. Mon Papa il est très important : c'est le lieutenant du Clan de la Rivière. Il est fort, intelligent et surtout très gentil ! Je l'adore mon papa ! Un jour, je voudrais devenir aussi puissant et respecté que lui ! Alors il faut que je lui fasse honneur !

Et je sais comment devenir grand comme lui : en m'entraînant ! Mais le camp est bien trop petit pour moi, et je ne trouve aucun adversaire à ma taille. Je ne vais quand même pas me battre contre un caillou ! Non, il faut que je trouve autre chose. Il faut que j'aille dehors et que j'affronte le monde extérieur. En rentrant à l'intérieur de la pouponnière, je me souviens alors tout à coup que Maman et les autres reines passent de l'autre côté pour faire leurs besoins et qu'une sortie mène directement à la forêt sans qu'on se fasse repérer et qu'on utilise l'entrée commune du camp. Parfait, je vais pouvoir me faufiler par là ! Ni une ni deux, je vérifie donc que personne ne me suit et tente de me faire le plus discret possible. Cela ne sent pas très bon, mais ce n'est pas grave. En seulement quelques secondes, me voilà l'extérieur du camp ! Héhé, quand j'aurais affronté un guerrier d'un Clan ennemi et qu'il me suppliera de l'épargner, j'irai raconter à tout le monde ma petite escapade et ils me feront tout de suite apprenti ! Fini les journées à la pouponnière, j'aurais enfin la liberté !

Sur le coup, je suis tellement heureux d'être hors du camp que j'en oublie de masquer mon odeur. Je ne pense plus qu'à une chose : courir à travers les territoires ! Alors je saute sur les petites pierres qui servent à traverser et me voilà sur le terrain où je tente de me cacher. Je suis encore petit mais je commence à devenir robuste. Je ne sors pas pour longtemps : je vais juste voir un peu aux alentours, rien de bien méchant. Si je suis rentré à temps pour manger, alors je suis sûr que Maman ne me grondera même pas ! Peut-être même qu'elle me laissera recommencer... Mais je ne préfère pas penser à ma famille maintenant. Malgré ma fierté d'être arrivé jusque là, je commencerais presque à recevoir une pointe de culpabilité. Je la fais toutefois disparaître aussitôt, ne désirant pas m'embêter avec ce genre de choses.
Je sens l'aventure qui m'appelle et décide de suivre un chemin un peu hasard à travers le bosquet. Dès que je vois un chat, hop ! Je me cache dans un buisson et personne ne sait que je suis là ! Après tout, on a tous la même odeur, au Clan de la Rivière, non ? Ce sont des apprentis qui me l'ont dit, alors je ne risque rien. Curieux de tout, je renifle chaque recoin que je ne connais pas et sautille dans l'herbe humide. Puis, je dévale une légère pente en faisant des roulades et en riant. Qu'est-ce que c'est fun, de sortir du camp ! Je crois que je le ferais plus souvent. En me redressant sur mes pattes, je lève la truffe en l'air. Un parfum inconnu me chatouille le museau. Mes oreilles aux aguets, je reste sur mes gardes avec un sourire joueur aux lèvres. En m'avançant un peu, je découvre enfin une forme brune à quelques longueurs de queues de chat.

« Un lapin ! »

Je reconnais cet animal que j'ai pu voir quelques fois sur le tas de gibier. Ce n'est bien sûr pas la spécialité du Clan de la Rivière, mais quand on peut en goûter, on ne fait pas la fine gueule, même si le poisson est bien frais et meilleur. Il ne semble pas m'avoir vu. Si je le rapporte au camp, peut-être que mon père me remarquera et qu'il me fera passer apprenti ? Comme ça, je montrerai à Petite Fierté que c'est moi le plus fort de la fratrie ! Les anciens m'ont dit comment on devait faire, l'autre jour, pour attraper une proie. Ils m'ont dit que j'étais trop petit pour apprendre à pêcher, mais ils ont bien voulu m'enseigner la chasse aux campagnols. Bon, un lapin, c'est un peu plus gros qu'un campagnol, mais ça reste un rongeur, non ? Je ne devrais pas avoir trop de mal à m'approcher de lui, si je fais correctement tout ce qu'on m'a appris. Enfin... On m'a appris peu de choses, mais j'ai tellement supplié les anciens qu'ils ont fini par céder. Après tout, eux, ça ne leur servira plus à rien puisqu'ils ne bougent jamais de leur tanière.

Je crois qu'il faut aplatir son ventre... Oui, ça doit être ça. Hihi, on dirait que je suis un membre du Clan du Vent ! Bon, d'habitude, je n'aime pas jouer les guerriers ennemis quand on joue à la bagarre avec les autres chatons, mais puisqu'il n'y a personne avec qui jouer, de toute façon... On peut bien faire comme si. Et puis je sais que plus tard je devrais prendre des truites, alors le lapin, c'est juste en attendant. Je m'approche furtivement du rongeur, ne me retrouvant plus qu'à quelques longueurs de queues de souris. Soudain, je trahis malheureusement ma position en marchant sur un sol plus sec et bruyant, et le lapin finit par repérer ma présence. Je me fige en sachant qu'il va probablement décamper maintenant qu'il sait qu'un redoutable prédateur l'a pris pour cible.
Pourtant, il ne bouge pas. Etonné de son comportement que je trouve étrange, je penche la tête sur le côté d'un air perplexe avant de me rapprocher encore plus.

« Hé, tu devrais avoir peur de moi ! Pourquoi tu bouges pas ? »

Aucune réponse du lapin. Ah, je crois qu'on parle pas le même langage... Tant pis, je peux toujours le blesser et le ramener au camp avec moi pour montrer ma prise à tout le monde !

« A l'attaque ! »

Là-dessus, je me jette sur le gros rongeur brun, toutes griffes dehors. Mais ça ne se passe pas exactement comme je l'avais prévu. Au lieu d'être effrayé, le lapin grogne et me repousse avec un mouvement de patte comme si je n'étais qu'un grain de poussière. Puis, il montre ses dents en me menaçant. Je pousse un cri malgré moi, le pelage hérissé de peur. Je finis par prendre la fuite, ne voulant pas rester une seconde de plus devant cet animal dangereux. Je ne suis pas fier de moi, mais je n'ai pas le choix de me carapater aussi vite que je le peux, le cœur battant. Sans me retourner, je ne veux même pas savoir s'il me poursuit. Je cours aussi vite que je le peux de mes petites pattes. Malheureusement, alors que je ne regarde pas où je vais, je trébuche avant de sentir le sol se dérober sous mes coussinets. Je pousse un hoquet de stupeur, je me sentant tomber dans le vide.

Je retombe sur mes pattes, mais la chute est un peu rude, pour un si petit chat comme moi. Je m'ébroue pour chasser la poussière avant de regarder où j'ai mis les pieds. Un trou... Je suis tombé dans un trou ! J'écarquille les yeux, avant de lever mon regard vers le ciel. Oulah... Qu'est-ce que les parois me semblent hautes !.. Je ne sais même pas où est passé le lapin, mais à ce stade, c'est le cadet de mes soucis. Je me mets à grimper sur les murs du trou pour tenter de m'en réchapper, mais je glisse bien trop et mes griffes ne sont pas assez longues pour bien se planter dedans. De plus, je ne suis pas assez grand pour faire des bonds suffisants qui me permettraient de sortir par mes propres moyens. Je... Je suis coincé !

« A l'aide ! Au secours, à l'aide ! Je suis bloqué ! S'il vous plaît, aidez-moi ! »

Je me mets à couiner, espérant que quelqu'un m'entende et priant le Clan des Etoiles pour que l'on m'apporte secours. Je n'aurais peut-être jamais dû sortir du camp sans prévenir personne...

HRP:

Je miaule, je pleure, rien à faire. Mes propres échos ne peuvent même pas se répercuter sur les murs de terre qui m'entourent et m'emprisonnent. Je ne suis peut-être même pas loin de la surface, mais ma si petite taille fait que j'ai l'impression d'être à des longueurs de queue de renard en-dessous du sol ! J'essaye même de m'agripper aux parois en plantant mes griffes dedans, mais c'est peine perdu. Chaque essai me fait glisser et je retombe lourdement dans la poussière. Recrachant le peu de terre que cela me fait ingérer, je toussote avant de continuer à couiner.
Clan des Etoiles, je vous en supplie !..
Je n'ai pas beaucoup d'énergie mais je ne peux pas m'arrêter. Certain qu'on finira par venir me chercher un moment ou un autre, je prie pour qu'on entende mes appels de détresses, aussi faibles soient-ils ; mais avec ma corpulence, impossible de faire mieux, j'en ai peur. Tout à coup, cependant, je crois entendre une voix et reconnais aussitôt mon nom. Fou de joie, je sautille sur place et aperçois finalement mon sauveur dans l'ouverture, sa silhouette se découpant dans le décor du ciel.

« Nuage Vagabond ! S'il te plaît, aide-moi, aide-moi ! »

Je n'ai pas pour habitude de demander l'aide des autres. J'aime bien me débrouiller tout seul et montrer que je suis capable moi aussi d'accomplir certaines choses. Aujourd'hui, je me suis rends compte toutefois que j'ai fait une erreur, et je le regrette. Je parais autoritaire, mais en vérité je suis surtout pressé de quitter ce trou. Soulagé que l'on m'ait retrouvé, je remercie le Clan des Etoiles intérieurement d'avoir envoyé sur mon chemin un apprenti -de mon Clan, qui plus est- pour venir me secourir. L'heure de les rejoindre n'est pas encore venu, j'le savais ! J'aurais été très triste de rende ma famille et mon Clan malheureux par ma faute.
Docile -pour une fois- je le laisse refermer sa gueule sur mon cou pour me sortir de ma prison. Enfin, quand il me dépose, je m'ébroue en laissant un frisson dévaler le long de mon échine lorsque je regarde le trou dans lequel j'étais. Je déglutis aussitôt avant de m'en éloigner le plus possible de peur d'y retomber. Comme je le pensais, ce n'était pas si profond, c'est juste moi qui suis tout petit... C'est nul d'être un chaton ! Heureusement que Nuage Vagabon était là. Je me retourne d'ailleurs vers lui. Mais d'un coup, bien sûr, je fais un peu moins le fier. Il m'a vraiment tiré d'un mauvais pas.

« Je suis désolé, Nuage Vagabond... Je... J'ai vu un lapin et je... »

L'air penaud, je baisse un peu la tête en griffant le sol du bout de ma patte, le pelage rouge d'embarras. C'est sûr que je vais drôlement me faire disputer quand je rentrerai au camp, mais j'imagine qu'un sort pire aurait pu m'attendre, s'il ne m'avait pas sauvé. Je me rappelle du lapin dont je tente de parler, et aussitôt sa vision me met en colère.

« Je pensais que je pourrais l'attraper pour le ramener au camp. »

Fichu lapin ! Tout ça, c'est de sa faute ! S'il ne s'était pas échappé... Bah-Bah peut-être que j'aurais pu l'avoir. Même si... Même si bon, le poisson, c'est quand même meilleur, mais ça, c'est parce que le Clan de la Rivière a les meilleures proies de tout Valeemar. Mais ce n'est pas moi qui le chasse, le poisson, pour l'instant. Ce sont les 'grands' comme me dit Fleur de Lune. Je veux déjà être grand, moi ! J'en ai marre, d'être petit, c'est pas drôle et c'est ennuyant. Je veux que mon Papa et ma Maman ils soient fiers de moi. Mon attention se reporte sur le novice. Je les admire un peu, les novices, même si je me suis promis de tous les dépasser, une fois que j'aurai mon baptême. Enfin... Nuage Vagabond, c'est différent. C'est lui qui m'a sauvé la vie, alors il doit être déjà presque guerrier, puisqu'il est très courageux. Quand même, je le jalouse un peu.

« Comme je voudrais être apprenti ! Il n'y a rien à faire dans la pouponnière ! Pourquoi je ne suis pas grand et fort comme toi ou comme Eclat de Rire ? »

Je le serai, un jour, probablement. Mais je voudrais l'être maintenant ! On ne sait jamais ce qui pourrait se passer. On pourrait se faire attaquer ou... Ou il pourrait y avoir une catastrophe. Pour l'instant, les Clans sont en paix -je crois- mais ça ne veut pas dire que nous aurons suffisamment de guerriers pour nous défendre le moment venu. Pffrt... J'ai tellement hâte de grandir...

HRP:

HRP:

Je me blottis un peu plus contre Nuage Vagabond. Le fait que je puisse le sentir au toucher et à l'odorat me rassure, me protège. Je n'en étais pas si proche auparavant mais je l'ai toujours admiré comme mes autres aînés. Il sait des choses que j'ignore. Il peut pêcher, nager, se battre, sortir du camp à sa guise sans risquer de se faire gronder en revenant. Je frissonne un peu d'appréhension en pensant à ma mère qui va rouspéter, mais après tout, je crois que je l'ai bien cherché. Je n'aime pas me faire disputer quand je suis le seul fautif. Lorsque mon frère et mes sœurs sont dans le coup, c'est bien plus rigolo. Mais je ne dois pas oublier de faire honneur à mes parents quand même : mon père est lieutenant et ma mère est une redoutable guerrière, alors quand je deviendrai apprenti, comme Nuage Vagabond, je sais que je ne pourrai pas continuer à faire n'importe quoi. Pourtant, je n'ai pas peur de grandir : au contraire. J'ai bien hâte de ne plus être coincé au camp ou dans la pouponnière en attendant d'être suffisamment âgé pour atteindre le repaire des novices que j'ai exploré maintes fois quand personne ne me regardait. Je m'imaginais sur un des nids de roseaux, me roulant en boule pour m'endormir au contact de la fourrure de mes camarades et au son de leurs respirations. Je relève mes yeux verts sur mon interlocuteur.

« Tu regrettes de ne plus être un chaton, toi ? »

Nuage Vagabond n'est pas le premier à me dire que je dois profiter de ma vie de chaton. Mais justement, je la vis actuellement. En sachant que le chat noir et blanc est passé par là, je ne comprends pas pourquoi lui comme d'autres me répètent la même chose.

« Tu fais pourtant tellement de choses pour aider le Clan ! Tu sais pêcher et plein d'autres trucs ! »

On m'a toujours dit que nourrir le Clan était une fierté. Et je serai en effet sans doute extrêmement fier de savoir qu'un de mes poissons servira pour un membre de la Rivière. Je ne demande que ça. J'envie assez fort le plus âgé de pouvoir faire tout ça. Surtout que c'est très pratique, de nager. Au moins, aucun risque de se noyer, et la noyade, bah ça peut être mortel. Puis quand je serai plus grand, je ne tomberai plus dans les trous (ou alors je le ferai moins). Petite Fierté et moi sommes plutôt costauds pour notre âge, mais bien sûr, nous ne sommes pas aussi musclés et forts que nos camarades qui ont des entraînements.

« Dis, tu peux m'apprendre à nager ou à me battre ? J'veux avoir de l'avance ! Comme ça, je serais encore plus fort quand je serai apprenti ! »

Et tout le monde sera impressionné par ce que je sais faire.
Je veux être le meilleur pour servir mon Clan. C'est l'ambition et le désir que chacun de nous devrait avoir. Mais je me dis que ce sera sûrement plus facile si en tant que chaton j'ai déjà quelques bases ! J'ai entendu dire que les chatons du Clan du Tonnerre savaient déjà très jeune comment faire la position du chasseur. Je scrute Nuage Vagabond, plein d'espoir, en prenant la plus mignonne bouille qu'on puisse avoir.

Je continue de rassurer la boule de poils tandis que je me remémore cette période de ma vie où ma seule préoccupation était de savoir si j'allais pouvoir jouer avec mes petits camarades. Je ne me rappelle que trop peu de l'époque où nous étions encore à Cerfblanc, j'étais bien trop jeune pour m'en souvenir. Cependant les temps où nous arpentions des terres inconnues pour nous établir à nos territoires actuels sont encore frais dans ma mémoire. Chaque jour était rythmé par de nombreuses aventures et malgré l'attaque des renards qui fut un véritable désastre, je n'en garde pas réellement de mauvais souvenir. Les frontières étaient abolies, je pouvais côtoyer les jeunes des autres clans. Pour un chat aussi curieux que moi, c'était un paradis de pouvoir découvrir un si vaste monde.

- Je ne regrette pas cette période de ma vie. Elle a été riche en émotions, et c'est bien pour cela que je te conseille de vivre la tienne à ton rythme. Tu n'as pas à te presser.

Adressant un coup de langue affectueux sur le sommet de crâne du chaton, je pose sur lui un regard empli de tendresse. Néanmoins il arrivera bien un moment où Petit Péridot deviendra Nuage, d'ici quelques lunes. Les chatons grandissent si vite...

- Et puis tu verras, lorsque tu seras apprenti, tu ne seras pas si enjoué à l'idée de te lever tôt pour une patrouille frontalière. Lancais-je sur le ton de la plaisanterie.

Bon nombre de chatons oublient les aspects contraignant de la vie de guerrier. Comme le dit si bien Petit Péridot, il existe bien sûr des avantages à devenir « grand ».  Malheureusement il se rendra bien vite compte que se lever avant l'arrivée du soleil quand on est fourbu d'une journée de travail, nettoyer la tanière d'anciens râleurs, retirer leurs tiques avec une substance peu ragoutante n'est parfois pas si agréable. Néanmoins pouvoir se sentir libre lorsque l'on arpente notre territoire et chasser reste bien une des parties les plus plaisantes, surtout lorsque nos aînés se mettent à reconnaître notre valeur sur ce dernier point. Il est ainsi indéniable que chasser pour le clan est un réel honneur, en particulier lorsque l'on voit ses camarades se nourrir de la prise que nous avons ramenée. S’apercevoir que ton clan compte sur toi est également très gratifiant car c'est là la preuve que les autres t'estiment et te reconnaissent. Cependant tout ceci n'arrive qu'en temps et en heure. Ce n'est pas en se précipitant que l'on devient adulte. Continuant d'écouter le petit, je ne peux m'empêcher de hausser un sourcil face à sa demande, surpris qu'il ait repris si rapidement contenance. Pris de cours, j'improvise une réponse que je juge responsable.

- Je suis désolé Petit Péridot, mais ils doivent être tous fous d'inquiétude à ton sujet au camp. Nous ferions mieux de rentrer.

Quand bien même ma réponse, je ne peux m'empêcher d'hésiter quelques secondes. L'entraîner serait bien sûr intéressant pour lui, mais dois-je vraiment le faire ? Ici qui plus est ? Il ne faudrait pas qu'il lui arrive encore autre chose. Mais à présent je suis avec lui… Et puis compte tenu de la discussion que j'ai eue avec son père, je suppose qu'il ne m'en tiendra pas rigueur si je commence à enseigner quelques techniques à son fils. Qui plus est, comment résister à une bouille si mignonne ?

- Bon, bon… C'est d'accord !

Je réfléchis un instant. La nage ou le combat ? M'efforçant de me remémorer mes premières séances d'entraînements avec mon mentor, il me semble que ces derniers portaient sur la nage. Cela paraît logique puisque le camp est entouré d'eau, il ne faudrait pas que les apprentis se noient en essayant de la traverser pour aller s'exercer à la chasse.

- Je vais t'apprendre à nager, suis-moi.

Suite à cela, j’amène le petit dans un lieu que je sais sûr. L'eau n'y est pas profonde et sans remous. Au fond, du sable pour ne pas risquer de se coincer ou de se cogner la patte. Et puis ce sera plus agréable pour lui que de marcher sur des gravillons.

HRP:

Je ne comprends pas Nuage Vagabond. Comme tant d'autres adultes que j'ai côtoyé, je sais juste au fond que je n'ai pas envie de comprendre, quelque part. Je me dis que la vie de guerrier ne peut pas être aussi ennuyante que celle d'un chaton ; c'est impossible, même. Tout ce que je fais c'est dormir et attraper des maudites plumes dans le camp. Et après on se demande pourquoi tant de petits ont fugué ! Moi, ça ne m'étonne pas. Ce n'est pas en sautant sur des feuilles qu'on va apprendre la chasse (même si maman n'arrête pas de me répéter le contraire et qu'elle a entièrement raison). Mais bon, j'y peux rien. Malgré ce qu'il me dit, et je l'écoute, je n'arrive pas à ne pas être impatient. J'estime que j'ai déjà assez profité comme ça. Tout ça, néanmoins, c'est juste parce que je ne me rends pas compte de tout le travail qu'être guerrier demande. Je me dis que c'est facile, d'attraper des proies. Que je n'aurais aucun mal non plus à battre un vétéran aguerri sur le champ de bataille, alors que c'est loin d'être aussi simple dans la réalité. Mais chaton naïf et plein de rêve que je suis, je ne pouvais pas imaginer ce qui m'attendrait plus tard. Alors devant son hésitation palpable, je ne peux m'empêcher de paniquer. Je n'ai pas du tout envie de rentrer tout de suite ! Je m'amuse si bien, avec lui ! Implorant, je me mets aussitôt à faire les yeux de chaton battu. Je ne suis pas doué en grand chose, mais j'obtiens très souvent ce que je veux, quand je fais les efforts qui vont avec. Et heureusement pour moi, l'apprenti finit par craquer plus facilement que ce que je pensais. Haha ! La mignonitude de la jeunesse a encore frappé !

« Trop cool ! On commence par quoi ? »

Dès qu'il accepte enfin, je sautille sur place, agité à l'idée d'apprendre quelque chose d'utile. Je vais pouvoir crâner devant ma fratrie, héhé. Excité et parcouru d'une énergie nouvelle, après avoir passé ma grosse frayeur de tout à l'heure, je le suis docilement jusqu'au bord de la rivière. Je ne me penche pas trop, mais je scrute le lit d'eau avec des yeux brillants. Elle a l'air si fraîche ! Cela me donne envie de la goûter. Mais je doute que je puisse résister à la force de l'eau avec mon si petit corps.

« Il a l'air fort le courant... Je dois sauter là-dedans ? Mes pattes peuvent toucher le sol ?Dis, tu restes près de moi, hein ? »

Mon regard émeraude se tourne vers mon mentor du jour avec des étoiles dans les iris pendant que mes pattes s'agitent un peu. Je n'ose pas faire un autre mouvement sans son accord, après ma chute dans le trou. Je sais que je n'aurai pas le droit à une chance aussi grande, et bien que je crois très fort au Clan des Etoiles, on m'a dit qu'il ne fallait jamais abuser de leurs pouvoirs car cela pourrait se retourner contre nous.

Nuage Vagabond

Face au chaton surexcité mais sans doute apeuré par la perspective de nager pour la première fois, j'en viens à me demander si je ne suis pas entrain de commettre une grosse erreur. J'ai beau faire partie des plus vieux apprentis du clan et savoir nager depuis longtemps, j'ai conscience de ne pas encore tout connaître. Je ne suis pas encore guerrier et encore moins mentor. Il est vrai que j'apprécie énormément d'enseigner mon savoir aux chatons. Cela m'amuse beaucoup de les voir essayer de reproduire mes mouvements lorsque je leur montre des positions de chasse ou de défense, cependant le contexte n'est pas identique à celui qui se trouve au camp. Il n'y a ni reine ni ancien pour surveiller la scène d'un œil extérieur. Il n'y aura personne d'autre que moi pour anticiper un accident. Si Petit Péridot se blesse alors ce sera de ma faute. Je secoue vivement la tête à cette pensée. Ne soyons pas idiot et évitons de penser au pire. La rivière est calme et Petit Péridot est le seul chaton dont je m'occupe à cet instant, il n'y a donc aucune raison que cela se passe mal.

Tout comme le fait le petit, je me mets moi aussi à scruter l'eau. « Il a l'air fort le courant... » Les mots qu'a prononcés le chaton raisonnent au creux de mon oreille et y tourbillonnent sans que je ne puisse rien y faire. Le courant ira pour moi, mais pour lui ? Il est bien plus léger que moi et il ne faudrait pas qu'une vague -s'il y a- le renverse ou bien qu'il tombe dans un creux. Craignant d'envoyer Petit Péridot en eaux trop profondes pour lui, je fais signe au chaton de m'attendre sur la berge tandis que je me glisse dans l'onde claire. J'arpente alors le courant à la recherche d'un éventuel trou -que je ne trouve pas- tout en faisant bien attention à ce que la hauteur de l'eau du périmètre que je définis ne dépasse pas la moitié de mon ventre. Satisfait du lieu, je hoche la tête puis revient vers la boule de poils.

- Ne t'en fait pas, je resterai toujours en aval. De la sorte tu ne pourras pas te faire emporter. Si tu fatigues et que tu sens que tu n'auras pas assez de force pour atteindre le bord, ne cherches pas à faire l'impossible. Agrippe-toi simplement à ma fourrure et je te ramènerai vers la berge. D'accord?

Avant de le laisser entrer à son tour dans l'eau, je tiens tout de même à lui donner un petit cours théorique. Pour cela, je lève ma patte à la hauteur de ses yeux puis me mets à desserrer puis resserrer mes doigts. J'effectue ce mouvement en boucle.

- Tu vois ce que je fais ? Essaie de le faire et de maintenir ta patte en position « ouverte ».  Si tu gardes tes pattes avant de la sorte en étant dans l'eau cela te donnera davantage d'appui sur l'eau pour te permettre de garder la tête au sec. Et puis cela te donnera plus de force pour avancer.

Tout en continuant d'effectuer le mouvement pour qu'il puisse prendre exemple, je lui laisse un temps pour lui permettre de s'exercer. Tout cela durant, je le regarde attentivement et ne manque pas de le corriger en cas d'erreur avant de l'inviter à me rejoindre.

- Glisse-toi doucement dans l'eau maintenant. Avance jusqu'à mon épaule et n'hésite pas à t'appuyer sur moi, ça t'aidera à te maintenir droit au début. Une fois que tu seras bien calé, bats doucement des pattes. Ne t'inquiète pas, je reste à côté.

Tout en observant le petit faire, je lui tends ma queue si cela peut l'aider à se retenir pour entrer plus facilement dans l'eau. Je lui adresse un large sourire. Malgré cette marque qui vise à le rassurer,  je reste également aux aguets, les oreilles bien droites, prêt à me jeter sous lui s'il vient à perdre patte.

HRP:

Excité mais impatient comme une puce, j'attends que Nuage Vagabond rentre dans l'eau pour tâter le terrain avant d'en ressortir pour me donner les indications. Je suis à la fois fébrile et agité à l'idée d'avoir ma première leçon de nage malgré mon jeune âge. Je pensais que tous les chats de la Rivière nageaient comme des pro dès qu'ils sont petits mais ma mère m'avait vite dit le contraire. Et j'étais un peu déçu de l'apprendre. Je voulais crâner devant tout le monde avec mes capacités uniques de riverains ! Mais il faudra sans doute que j'attende d'être au moins apprenti pour que je puisse me vanter auprès de quelqu'un. En attendant, même si je suis un chaton turbulent, je ne peux m'empêcher de me tenir déjà plus tranquille depuis l'incident du trou. Quand je pense que j'ai failli y rester... Brr. Je remercie intérieurement le Clan des Étoiles d'avoir envoyé le novice bicolore sur mon chemin. Qui sait ce qui serait arrivé s'il ne m'avait pas sauvé... J'aurais sans doute rejoint nos ancêtres plus tôt que prévu. Mais bref.
Je hoche la tête lentement en buvant ses paroles comme un assoiffé. J'ai demandé à ce qu'il m'apprenne à nager mais ma vie de chaton faible est désormais entre ses pattes. Je ne réalise cependant pas complètement mais ma lucidité est assez présente pour que je sache écouter mon professeur improvisé. Je m'exécute donc et m'entraîne à son exercice avec la patte qui s'ouvre et se ferme. Les miennes sont si petites par rapport à celles de Nuage Vagabond... Je ne m'en rend compte que maintenant, mais j'ai hâte d'être plus grand pour atteindre sa taille. Lorsqu'il se glisse de nouveau dans la rivière en m'attendant, je répète les mouvements de doigts une dernière fois afin d'être sûr de bien maîtriser ce que je fais. Quand je suis un peu plus assuré, je m'agrippe à sa queue qu'il me tend afin de me glisser à mon tour dans l'onde fraîche.

« Oouh ! Elle est glacée ! »

Plus tard, quand mon pelage sera plus épais et que j'aurais plus de muscles, cette eau me paraîtra moins froide, voire même bonne. Mais à ma stature actuelle, je sens l'humidité pénétrer mes courts poils de chaton et ne peut m'empêcher de frissonner un peu. Pourtant, je suis également aussi excité bien que la nervosité me fasse légèrement trembler des pattes. Je dois néanmoins contenir ces dernières et suivre ce que m'a demandé Nuage Vagabond. En ravalant ma salive, instinctivement, je me colle quand même tout de suite contre l'apprenti comme si ma vie en dépendait. Je sais que je ne risque rien, mais le courant, bien que peu fort, me donne l'impression que je pourrais être traîné sur les flots d'un moment à l'autre.
Doucement, cependant, j'applique les conseils du plus âgé et m'appuie sur mes pattes contre le sol rocailleux en-dessous de moi afin de pouvoir me maintenir debout et commence à avancer un petit peu par moi-même en battant des pattes. À ma grande surprise, j'ai bien moins de mal que ce que je pensais. Je cligne des yeux, étonné de sentir que je marche plutôt bien dans le sens du courant. Peu à peu, je me décolle de Nuage Vagabond pour continuer mon propre chemin.

« Oh... Mais c'est facile, en fait ! »

Enjoué, je ronronne de satisfaction en pensant au fait que j'aurais peut-être vraiment de l'avance par rapport à ma fratrie. Ah ! Quand Petite Fierté saura ce que j'ai accompli aujourd'hui, il sera vert de jalousie ! Enhardi par les progrès fulgurants que je fais, je m'autorise à avancer plus rapidement. J'ai toujours aimé croire que les membres de la Rivière avaient un don naturel pour la nage depuis la nuit des temps. J'aime à penser que dans nos sangs coulent celui des grands félins nageurs qu'ils étaient. Mais les chatons sont souvent bien naïfs et orgueilleux. Ils croient tout pouvoir accomplir comme les grands. Et je ne fais pas exception. Je ne le sais pas encore, mais ça va me faire défaut une nouvelle fois aujourd'hui.
En avançant à un rythme un peu plus rapide, je sens mes coussinets qui glissent tout à coup contre les petites pierres sous mes pattes. Maladroitement, je trébuche dans l'eau et n'arrive plus à me raccrocher au sol ni à la berge. Stupéfait, je pousse un petit cri de surprise et remarque que je m'éloigne de plus en plus de Nuage Vagabond à une vitesse folle. L'eau emporte mon petit corps comme si je n'étais qu'une vulgaire brindille à sa surface. Je n'ai le temps que de m'accrocher à une plus grosse pierre dans laquelle j'enfonce mes griffes afin d'arrêter de dériver dans le sens du courant.

« Ah.. Aaaaah ! Nu-Nuage Vagabond !.. »

Finalement arrêté dans ma course grâce à ma prise sur le rocher, je sens toutefois que mes pattes ne vont pas tenir éternellement.

J'aurais pu mourir, aujourd'hui. Deux fois. Mon corps de chaton aurait été bien vite vidé de la vie qu'il contenait. Heureusement, par deux fois, Nuage Vagabond fut là pour me sauver. Quand je suis tombé dans ce trou, et quand j'ai failli, là, me noyer, alors que j'avais moi-même demandé à ce qu'il m'enseigne les bases de la nage. J'accueille la mâchoire qui se referme sur mon cou avec un soulagement immense. Mon cœur tambourine et je sentais que mes pattes n'allaient pas continuer à tenir longtemps. Mais avec sa force, l'apprenti me tire hors de l'eau pour me reposer en sûreté, m'assaillant de questions par la suite tandis que je tremble et que je me remets lentement de ce qui vient de se passer. Faut vraiment que j'arrête de frôler la mort, c'est une sensation terrifiante ! Je ne veux pas rejoindre le Clan des Etoiles tout de suite, ce serait trop bête ; et puis ma famille serait très triste et ce n'est pas ce que je veux. Déjà que Petite Ecume, la sœur de l'apprenti guérisseur, nous a quitté précipitamment... Je ne désirais pas vraiment connaître le même sort. Je dois la vie à mon sauveur aujourd'hui, Nuage Vagabond, qui malgré mes bêtises, s'occupe bien de moi, me protège, et vient s'inquiéter de mon état.

« Ça va ! » dis-je simplement d'un air enthousiaste, rassuré d'avoir mis les pattes sur la terre ferme.

Je m'ébroue un petit peu pour chasser l'eau de mes poils. Mes yeux verts se posent sur le courant de la rivière dans laquelle j'ai failli me perdre. Je me promets qu'un jour, je dompterais cette rivière et elle n'aura plus aucun secret pour moi. Je ne me perdrai plus dedans !
Les excuses que m'adresse mon aîné me font prendre conscience des risques que j'aurais pu encourir. Je secoue même de la tête, en désaccord pour une fois avec ses propos.

« C'est ma faute, tu n'as pas à t'en vouloir. Je suis désolé, Nuage Vagabond. »

Ce n'est pas souvent que j'accepte mes erreurs, mais la bienveillance du novice à mon égard me fait prendre sur moi et semble souffler sur ma fierté comme pour la faire disparaître. Je ne suis pas au niveau de mon frère qui en porte si bien le nom, mais j'ai un ego bien trop grand pour un si petit chaton tel que moi. Pour autant, l'autre est tellement gentil que je ne peux pas lui mettre ma maladresse et mon esprit casse-cou sur le dos. Je le suis au contraire reconnaissant d'avoir veillé sur moi aujourd'hui alors qu'il avait probablement mieux à faire de sa journée. Pour ça, j'éprouve envers Nuage Vagabond une certaine forme de respect et d'admiration que je ne réserve pas à tout le monde. Sous ses coups de langue, j'arrive à me réchauffer peu à peu et je sens mon pelage aux poils courts se mettre également à sécher. Je décline par la suite poliment quand même son offre quand il me propose de me porter.

« N-Non, ça va, je peux me débrouiller tout seul. »

J'ai quand même un restant de fierté quelque part en moi et je ne veux pas l'importuner davantage. Il prend déjà tout sur lui... J'ai presque pitié du novice qui considère mes bafouilles comme les siennes. Sans doute est-il, contrairement à moi, beaucoup trop humble et modeste pour me rouspéter de nouveau. Lui, au moins, il comprend que je ne referai pas deux la même erreur. Mais j'ai peut-être parlé un peu trop vite, pour le chemin du retour. Alors que je tente de me mettre sur mes petites pattes, je sens le poids de mon corps tomber sur ces dernières et me faire tomber, voire rouler dans l'herbe. Je ne me rendais pas compte à quel point j'étais aussi fatigué. J'ai oublié que j'étais encore un chaton, après tout. Mes yeux émeraude repassent sur le plus âgé que je gratifie d'un regard cette fois-ci reconnaissant et un peu gêné. Si son offre tient toujours...

« En-En fait, je veux bien que tu me portes, Nuage Vagabond... »

Avec sa gentillesse habituelle, il a bien voulu. Et nous sommes rentrés au camp. Comme attendu, je me suis fait disputé une fois que nous sommes rentrés, mais j'ai raconté ce comment le novice m'avait sauvé et on l'a applaudit. Alors je suis quand même content de cette journée. Tant pis pour la nage, j'ai réussi à avoir mieux que ça : un ange gardien.

HRP: