Dear rabbit, my legs are getting weak chasing you - Envolée des Nymphes

C’était il y avait une lune, déjà. Une assemblée qui, elle le pensait, aurait dû ressembler à toutes les autres. Une promotion d’apprentis qui passaient guerriers, de chatons qui passaient apprentis. Elle, voilà déjà quelques lunes qu’elle était devenue guerrière, elle s’était fondue dans ce groupe qu’elle avait tant espéré intégrer enfin. Elle ne s’attendait pas à entendre son nom prononcé par la voix de Silex d’Hématite, pas si tôt. Envolée des Nymphes avait levé des yeux surpris vers le détenteur de la parole aux assemblées, son ancien mentor qui se montrait encore une fois si imprévisible comme lui seul savait le faire. Avait-elle imaginé le sourire goguenard qu’il lui adressait, comme un énième défi lancé ? Après un temps, elle le lui avait rendu avant de se tourner vers Petit Silence, non, Nuage Silencieux. Son nouvel apprenti.

Elle ouvrait à présent les yeux, son corps pressé contre ceux de ses camarades raidi par le froid. Les lueurs du matin caressaient les buissons et la lande aux alentours. Une nouvelle matinée d’entraînement, elle commençait tout juste à s’habituer à cette nouvelle routine. La guerrière calico se leva en s’étirant, remarquant dans le même temps la silhouette sombre qui se tenait à l’écart. Nuage Silencieux mettait de toute évidence beaucoup de cœur dans son apprentissage, il était pourtant à cet âge de l’adolescence où le sommeil peut régner toute la matinée mais voilà qu’il était levé avant son mentor. Il l’attendrait encore un instant car elle devait étirer correctement tous ses muscles avant de commencer sa journée, surtout en ces jours où le vent se faisait si mordant. Elle effectuait à présent matin et soir ces mouvements que Saule Pleureur lui avait inculqué, elle ne pensait plus son corps comme un tout mais en un assemblage délicat de muscles et d’articulations dont il fallait prendre soin séparément. Elle avait trop de fois fini ses journées en claudiquant pour ne plus y faire attention.

Elle fini bientôt par rejoindre l’apprenti brun, remarquant en s’avançant vers lui l’air qu’il affichait. Était-ce le visage d’un apprenti encore mal réveillé, ou y avait-il autre chose ? Après tout, il n’est pas rare que Nuage Silencieux affiche des airs renfrognés, bien que Nymphe ne soit pas certaine de la raison. De son côté, elle lui offre simplement un sourire.

« Bien dormi ? Je te propose de sauter l’étape petit déjeuner, avec un peu de chance on attrapera quelque chose à se mettre sous la dent en route. Si tu es prêt allons y ! »

Elle l’attendit près de l’entrée de la combe, sonnant bientôt l’heure du départ. Le camp était régulièrement déblayé et abrité par les murs de neige montés sur les côté, mais au dehors une couche de blancheur tapissait la lande et l’air froid piquait les yeux. Un moyen somme toute efficace de se réveiller, et Envolée des Nymphes gambadait de bonne volonté dans la plaine. Elle s’arrêta bientôt lorsqu’ils furent éloignés du camp.

« Nous avons donc la mission d’attraper un repas à présent. Tu connais la technique traditionnelle pour les débusquer et les poursuivre, mais il y a parfois plus simple… pour aujourd’hui, on va essayer de se servir de nos têtes et de notre nombre, d’accord ? »

Nuage Silencieux avait couru derrière nombre de lapins au cours de la dernière lune, mais beaucoup n’avaient malheureusement pas fini entre ses griffes, ce qui était totalement normal, car bien souvent les patrouilles de chasse ne s’effectuaient pas en solitaire. Il était à présent temps de passer au concret et, elle le pensait, que l’apprenti ait conscience de ses progrès. Après tout, il était rapide, plus qu’elle en tous cas c’était certain. Il arrivait encore parfois à Envolée des Nymphes de trébucher sur sa mauvaise patte lorsqu’elle se surestimait.

« Lorsque nous aurons trouvé une proie, je veux que tu te débrouilles pour la diriger le plus possible vers moi. Observe notre environnement, cherche à prédire l’animal, et sans chercher à mettre tes pas dans les siens, poursuis le en le désorientant… Et je lui tomberais dessus. Ça te va ? »

Le soleil s’était doucement levé au dessus d’eux, et l’heure de sortie des animaux approchait.

Il s’était arrêté près d’elle dans l’herbe trempée par la neige du jour précédent et gelée par la nuit qui terminait encore tout juste de se lever. Nuage Silencieux semblait peu sûr de lui devant les explications qu’elle lui avait fournie du programme de la journée qu’elle imaginait. Il se mit néanmoins bientôt en action, levant la truffe vers le ciel blanchit et tournant tel une girouette pour tenter de déceler un fumet intéressant. Peine perdue à  priori, puisqu’il fini par se mettre sur ses pattes arrières pour scruter de son mieux l’horizon. Nuage Silencieux n’était peut-être pas l’apprenti le plus enjoué à tous les instants, mais il était persévérant et c’était une qualité qui semblait encore plus appréciable à sa mentor. Elle se rappelait les débuts de son propre entraînement avec un sourire. Il lui en avait fallu à elle aussi de la persévérance, face à la taciturnité farouche de Silex d’Hématite.

Bientôt, le jeune félin sombre retomba sur ses quatre pattes à ses côtés. Un lièvre ? Voilà qui ferait un challenge corsé pour l’apprenti, mais qu’à cela ne tienne, ils avaient après tout la journée devant eux pour débusquer d’autres proies si nécessaire. Elle hocha la tête en guise d’appréciation. Cependant, Nuage Silencieux avait raison, le vent froid emportait leurs odeurs vers la bête.

« Là tout de suite, je ne pense pas, mais si on s’approche… D’après toi, comment pouvons nous contrer ce problème ? »

Ils avaient en réalité deux choix, celui de contourner le plus largement possible le lapin avant de commencer la traque, soit une technique classique des clans, de se rouler dans la boue pour camoufler leurs odeurs. Ce qui promettait néanmoins une expérience peu agréable par les mois les plus froids de l’année, comme ce jour-ci où la neige jonchait le sol. Envolée des Nymphes voulait vérifier les connaissances de son apprenti mais espérait qu’il aurait la clairvoyance de ne pas se rouler dans la neige par un si tôt matin. De toutes façons, il allait falloir qu’ils se séparent pour tuer la bête.

« ça ne va pas être une proie facile de toutes façons, donc ne nous montons pas la tête si elle nous file entre les pattes, c’est juste un entraînement. Ce que je veux te montrer, c’est la manière dont nous chassons le lapin lors des patrouilles de chasse. Il faut un ou des rabatteurs - ça sera toi. Ton rôle est d’essayer de surprendre le lapin, de le déboussoler et de le poursuivre pour qu’il se dirige le plus possible vers moi qui vais rester camouflée ici. Si tout marche comme prévu, tu n’auras pas à l’achever, je devrais pouvoir lui tomber dessus. Tu as compris ? »

Elle attendit un signe qui lui montrerait qu’il avait capté.

« Pour toi, la première étape va être d’avancer lentement et discrètement en arc de cercle autour de lui pour te retrouver face au vent et pouvoir commencer ta course. Je vais t’observer d’ici. Si tu as des questions, c’est le moment. »

Un bon exercice pour qu’elle puisse évaluer sa manière de se déplacer le plus discrètement possible. Le terrain des landes était à la fois un avantage et un désavantage conséquent : le sol était meuble et doux, sans feuilles mortes et autres débris pour craqueler sous les pattes, mais il les laissaient visuellement démunis, leurs corps félins offerts à la vue de tous. Seuls quelques buissons épineux et fourrés permettaient parfois de se camoufler. S’il arrivait seulement à contourner le lièvre, cela serait un très bon début de matinée.

Mais ils avaient assez parlé à présent. Rien de mieux que l’expérience pour progresser. Il n’en avait pas forcément l’air ravi, mais il était plus que temps de passer à l’action.

Un sourire amusé qu’elle essaya de son mieux de camoufler était monté aux lèvres de la guerrière alors qu’il proposait de se rouler dans la boue. Outre la proposition saugrenue au vu du temps, c’était surtout sa mine, comme s’il se préparait déjà à rendre le contenu de son estomac qui l’amusait. Mais elle choisit de cacher habilement ce rictus qui lui était monté, de peur que Nuage Silencieux ne se vexe. Au lieu de cela, elle avait plus tôt fait de lui expliquer le plus clairement possible ce qu’elle avait en tête, sans oublier de lui demander s’il avait des questions avant de l’envoyer au loin. Il hésita durant un court instant au fil duquel Envolée des Nymphes avait l’impression de pouvoir voir les mécanismes de son cerveau mouliner. Finalement, sa voix se fit plus assurée, il ne demandait rien de plus, et elle lui répondit par un hochement de tête satisfait.

Elle se concentra sur lui alors qu’il s’éloignait après avoir identifié à nouveau la position exacte du lièvre. Un bon point, qui ne l’étonnait pas. Nuage Silencieux, fidèle à lui même, n’était pas du genre à foncer tête baissée. Il esquissait un large arc de cercle autour du lièvre de manière à revenir derrière lui sans l’alerter. Bientôt, Envolée des Nymphes fini par le perdre de vue dans la lande. Elle fit quelques pas sur le côté pour ne pas être exactement en face de la proie avant de baisser pour disparaître elle aussi dans les herbes. Elle avait également une mission à accomplir. Les narines dilatées, tous ses sens en éveil, elle devait tenter de rester attentive au moindres changements de direction de la proie.  

Envolée des Nymphes se tenait prête. Couchée au ras du sol, elle avait fermé les yeux un instant, se concentrant sur sa respiration pour l’apaiser, puis pour la rendre la plus silencieuse possible. Griffes sorties, muscles ramassés, elle était prête à jaillir des herbes telle une lionne. Son oeil était fermé. Elle n’avait besoin que de ses oreilles pour le moment. Elle était concentrée sur les bruits de la lande et les vibrations de la terre.

Bientôt, elle les entendit, le bruit caractéristique des pattes effrénées d’un lièvre en fuite qui frappaient le sol. La bête n’était pas exactement partie du point auquel ils l’avaient repérée plus tôt. Crotte de souris. A présent que Nuage Silencieux avait effectué son travail de rabattage, elle ne pouvait se permettre de rater le sien. La chasseuse attendit le tout dernier moment, que le bruit des pattes se rapproche, se rapproche, se rapproche encore. Que le lièvre passe presque devant elle. Elle dû jaillir des herbes un peu avant, envoyant de la neige voler autour d’elle, son oeil grand ouvert à présent, concentré sur un seul objectif. Le lièvre se tenant un peu plus loin que prévu, il eut le temps de bifurquer, mais avec elle qui arrivait sur le côté et Nuage Silencieux un peu plus loin derrière, c’était peine perdu. Il finit bientôt dans ses griffes, elle le maintint au sol de ses pattes, encourageant l’apprenti à venir l’aider pour terminer le travail. Elle murmura quelques paroles à l’attention du Clan des Etoiles et bientôt, tout fut terminé.

« Beau travail ! Qu’est ce que tu en as pensé ? Raconte-moi comment ça s’est passé. »

Elle s'était redressée, victorieuse, un grand sourire qu'elle ne camouflait cette fois pas affiché. Elle était soulagée de ce succès, espérant qu'il remonterait le moral de Nuage Silencieux. Ayant une position à tenir, elle n’avait pas pu l’observer comme elle avait l’habitude de le faire lorsqu’il chassait seul. Mais voilà qui était un autre exercice intéressant, l’auto-évaluation.

« D’après toi, quels sont les points clés de la réussite de cette technique ? »

En même temps qu’elle l’interrogeait, elle se demandait si cette proie serait celle qui constituerait le déjeuner, mais un lièvre pour deux, même au coeur de l’hiver, ça faisait beaucoup. Ils feraient mieux de laisser celle-ci de côté pour l’amener aux reines et de se chercher autre chose à se mettre sous la dent.

“Bien travailler en équipe ? On aurait pas eu le lièvre si tu n’avait pas été au bon endroit au bon moment.”

Un franc sourire sur les lèvres, elle avait observé l’apprenti plein de fierté bomber son poitrail peu après sa prise. Mais à présent, il semblait s’être presque totalement vidé de cette confiance, ses parole résonnant presque platement dans le vent. Il avait pourtant vu juste. Alors qu’Envolée des Nymphes ouvrait la bouche pour répondre à son analyse, elle s’en empêcha. Les yeux perdus dans le vague, vers ses pattes, Nuage Silencieux avait continué.

“Je ne savais pas où j’allais ! Tu avais complètement disparu. Et d’ailleurs j’ai fait peur au lièvre en te cherchant. Il a bien failli m’échapper parce que je l’ai laissé me voir alors que j'aurais dû rester caché. J’ai sûrement fait peur à toutes les proies du coin en courant comme ça.”

Terminait-il d’un ton qui sembla amer aux oreilles de sa mentor. Elle hésita un instant, ses paroles en suspend, se demandant s’il avait fini de se fustiger ainsi. Son but avait été de tenter de redonner confiance en lui même au chat sombre, mais elle semblait avoir atterri complètement à côté de la plaque. Avec hésitation, elle fini par esquisser un geste vers lui, passant sa queue sur son épaule pour attirer son attention.

« A quoi servirait mon entraînement si tu étais parfait dès le début ? Ca n’aurait pas été bien grave si le lièvre s’était échappé, c’est même plutôt admirable que nous l’ayons finalement attrapé, et c’est grâce à toi. Profites-en un peu pour te jeter des fleurs lorsque les choses se passent bien, promis ça fait plus de bien que de mal. » Fait-elle en tentant un clin d’œil dans l’espoir d’alléger quelque peu l’ambiance pesante qui règne dans la lande.

Mais elle présageait au fond que cela ne suffirait pas à réconforter l’apprenti, qui peut-être ne voulait pas être réconforté au fond. Elle se demandait souvent d’où venait cette manie de se descendre ainsi, de diminuer le moindre de ses achèvements, de réduire à néants ses propres efforts. Elle ne savait la bonne manière de réagir, mais peut-être voulait-il quelque part simplement devenir meilleur, peut-être ne pouvait-il voir rien d’autre que cette ligne d’arrivée du “mieux” qui se situerait à jamais à une longueur de queue devant lui, inaccessible. Elle espérait du fond du cœur qu’un jour il cesserait de voir ce “mieux” pour se voir lui même, mais pour le moment son rôle était avant tout de lui donner des clés pour arriver à une évolution bien accessible, elle.

« Tu avais en tous cas raison. Le travail d’équipe, je dirai même la confiance envers le partenaire est la clé. C’est la preuve que cet entraînement était nécessaire, il t’aura permis de t’en rendre compte, de l’expérimenter sur le terrain. Lorsque nous chassons ainsi le lapin en duo ou en groupe, nous ne voyons pas les autres, il n’y a que nous et la proie, qui aura une longueur d’avance. Le rabatteur dois l’amener le plus près possible de la position supposée de son partenaire en lui faisant confiance pour intercepter la proie. Cela marche dans les deux sens, et parfois, même pour des guerriers aguerris, il y a des ratés, c’est comme ça. Mais tu t’es honnêtement très bien débrouillé. »

Bien, et à présent ? Elle lança un coup d’oeil vers l’apprenti, se demandant si elle allait réussir à effacer son air maussade à présent. S’il était déçu de sa discrétion, pourquoi ne pas travailler sur ce point ? Elle même n’était pas la plus discrète des guerriers du vent, avec sa patte traînante qui la forçait à claudiquer, mais elle pourrait essayer de lui donner quelques conseils. Elle embrassait à présent la lande du regard. L’apprenti avait de toutes façons vu juste, il n’y avait pas le moindre lièvre, ni même son fumet à l’horizon.

« Que dirais-tu d’un changement de paysage ? Allons voir ce que l’on peut trouver près des pommiers. »

En effet, avec les feuilles qui tapissaient le sol durant la mauvaise saison sous les arbres et les chevreuils qui s’y trouvaient parfois, le bosquet pouvait offrir un terrain de jeu attrayant pour un challenge de discrétion.

Elle ne l’avait pas entendu pour donner le signe de leur départ, jetant un coup d’œil curieux dans son dos en entendant l’apprenti lâcher un juron. Elle s’apprêtait à s’approcher pour l’aider avec le lièvre, puis se ravisa finalement tandis qu’il semblait l’inspecter pour décider de la meilleure manière de le porter. Elle avait peur de le vexer en lui proposant son aide, elle ne comprenait pas d’où venait cette envie de se prouver à ce point capable de Nuage Silencieux, elle doutait pourtant que qui que ce soit doute de ses capacités de devenir un très bon guerrier, il était un apprenti avec un niveau totalement normal pour son âge, il apprenait encore c’était tout. Elle secoua la tête, incapable de trouver une solution à ce problème là et maintenant, cela la frustrait pourtant depuis le les premiers jours qu’elle avait reçu la tutelle de l’apprenti.

Finalement, ils finirent peu après pas croiser la patrouille de l’aube et le jeune chat leur céda la proie sous le regard satisfait et un peu surpris d’Envolée des Nymphes, elle qui s’attendait à ce qu’il veuille absolument le ramener au clan lui même. Ils arrivaient ainsi vite aux verger.

“Qu’est-ce qu’on fait du coup ?”

Les oreilles pointées, le sourire habituel de la guerrière revint sur son museau, voilà que Nuage Silencieux semblait un peu plus enthousiaste cette fois. Elle espérait réussir à garder cette bonne énergie et ne perdit donc pas de temps avant d’expliquer la raison de leur venue, après s’être arrêtée à l’orée du sol ou poussaient les pommiers. Ils étaient encore entourés d’herbes hivernales, mais quelques longueurs de queues plus loin le sol était recouvert de feuilles. S’ils tendaient l’oreille, des bruits de grattements réguliers trahissaient la présence d’un rongeur non loin.

« Tu as endossé un peu plus tôt le rôle du rabatteur, il est temps à présent de nous concentrer sur l’autre - celui qui doit intercepter la proie. Réviser les techniques de chasse avec des proies moins rapides est pour cela un bon entraînement, qui demande discrétion et rapidité. Avec les lapins comme avec ce genre de proie, tout se joue en un temps très restreint, il faut avoir conscience du moment exact ou tout va se jouer, et surtout ne pas hésiter. »

Les chats du vent n’étaient pas les plus discrets de la vallée, ce n’était un secret pour personne. Se déplacer sans faire craquer les brindilles sous leurs pattes, choses innées pour les chasseurs du Tonnerre, leur demandait souvent une concentration extrême. Mais il était néanmoins toujours bon se s’entraîner à cet exercice, si l’on voulait pouvoir intercepter les lapins et lièvres de la lande sans trahir sa présence et les faire changer de trajectoire au préalable, il fallait absolument rester invisible jusqu’au dernier moment, puis frapper avec rapidité et précision.

« Montre moi donc comment tu t’y prends. »

Après tout, il connaissait déjà les bases, et elle s’en fichait de sa position, elle voulait simplement voir à quel point son timing serait bon, s’il serait capable de déceler le bon moment, cette infime fraction de seconde durant laquelle tout se jouait lorsqu’une proie finissait inévitablement par se rendre compte de votre présence.

Envolée des Nymphes

La guerrière s’était installée à quelques longueurs de queue de là, dissimulée derrière une petite butte mais laissant sa tête dépasser pour se laisser une vue dégagée sur la manière dont s’y prenait son apprenti. Ca ne lui avait pas l’air mal de là où elle était. De là où elle était, un sourire amusé lui échappa au son des lamentations de l’apprenti, mais c’est avec une expression plus sévère qu’elle le rejoignit.

« Penses-tu vraiment qu’il s’agisse de la faute de la proie si elle ne s’est pas laissée attrapée ? »

Une simple question rhétorique lancée tandis qu’elle arrive derrière lui du pas le plus souple possible malgré sa patte invalide pour ne pas faire bruisser toutes les feuilles. Son attention n’est pas de l’accabler de honte, mais Nymphe porte haut dans son estime l’attention que les guerriers doivent à la nature. Elle ne demande pas à tous d’honorer de prières les nouvelles prises mais il y a des limites à ne pas franchir. Bien sûr, ils connaissent tous deux la réponse, elle n’attend donc pas avant de reprendre.

« Un vrai chasseur se demande plutôt quelles ont été ses erreurs pour ne pas connaître une autre déconvenue. Quant aux tiennes, tu as été attentif aux sons environnents et aux bruits de tes pas, mais les rongeurs comme les souris sont plus attentifs aux vibrations du sol. Il ne s’agit pas simplement de regarder à où tu mets tes pattes. »

Là n’était pas un exercice facile, elle ne lui dirait pas le contraire. Il avait de toutes manières amplement répondu à ses attentes. Elle perdit un peu de son sérieux en le félicitant.

« Là n’est de toutes façons pas l’important, nous chassons plutôt des lapins et pas des rongeurs. Tu as bien saisi l’instant crucial, même si ton estimation de la distance n’était pas la bonne. Rappelle toi surtout de ça lorsqu'il te faudra sauter sur un lapin coursé par un partenaire la prochaine fois. Ca viendra avec le temps, mais tu as de bons instincts de chasseurs. »

Fait-elle en lui offrant une accolade, entrechoquant son épaule et celle de l’apprenti dans une étreinte guerrière, espérant le voir se détendre un peu tout en ayant peur qu’il ne se renferme si elle le traitait plus familièrement. Mais après un mentorat avec Silex d’Hématite, Nuage du Silence lui paraissait presque être un apprenti jovial.

« Est-ce que tu aurais une envie particulière pour terminer la journée ? Un coin du territoire dans lequel tu veux passer ? Un point que tu veux revoir ? Je verrais bien quelque chose d’un peu plus ludique, qu’en dis-tu ? »

Ils sont non loins du verger, ce qui signifie que la falaise se trouve toute proche. Ses pattes la picotent, si ça ne tenait qu’à elle elle se serait jetée contre le vent dans une course endiablée dont son coeur raffole tant. Mais l’apprenti foncé a bien mérité de choisir où leurs pattes les mèneront cette fois.