How far did you think you knew me ? [Panda]

Assise au bord du ruisseau traversant notre territoire, je plisse les yeux, contemplant son flot. L'onde claire serpente entre les rochers se dressant parfois sur sa route, souple. Rien ne semble pouvoir stopper son avancée. Elle emporte parfois avec force quelques feuilles ou brindilles ayant eu le malheur d'entrer en contact avec elle. L'eau peut être ravageuse comme être de bons augures, elle peut être synonyme de mort tout comme synonyme de vie. Elle a toute puissante sur nos êtres misérables. Doucement, je glisse ma patte en son sein pour en ressentir toute la violence dont elle peut faire preuve, mais étonnamment ma patte ne se heurte à aucune contrainte. L'eau semble au contraire m’accueillir de douces caresses, s'infiltrant entre mes doigts pour remontrer lentement vers mon poignet. Je profite quelques instants de cette sensation puis me surprends à fermer les yeux. Le son de l'écoulement de l'eau me berce, m'apaise. Je ne sais depuis combien de temps je me suis mise à apprécier cet élément. Sûrement depuis le jour où j'ai enfin fait la paix avec mes origines. C'est étrange, j'ai comme le sentiment que l'eau m'invite à la rejoindre. Le moment serait-il venu ? Je le pense.

Traînée blanche parmi les marécages ombrageux, j'arpente notre territoire les pattes frôlant à peine le sol. Mes foulées se font légères mais puissantes. Tout comme le cours d'eau sur qui je prends exemple, je serpente entre les obstacles se dressant face à moi et m'amuse parfois prendre appui sur quelques troncs pour me donner davantage d'élan dans ma course. Je me retrouve alors rapidement devant l'entrée du campement où quelques secondes s'écoulent tandis que je reprends mon souffle et calme mon cœur. Reposée, je me dévoile alors aux chats vaquants à leurs occupations au sein du camp puis balaie ce dernier du regard. Cherchant les membres des Escadrons, je n'en trouve cependant qu'un : Requiem du Silence. J'aurais préféré m'adresser à tous dans un même discours, néanmoins un vaut mieux que zéro. Qui plus est, cela me permettra de voir si mon idée pourrait potentiellement être bien accueillie au sein du groupe. Je m'approche donc du chat noir. Arrivée à sa hauteur j'incline mes oreilles vers le bas, d'un signe courtois je lui adresse mes saltations.

- Puis-je requérir un peu de ton temps, Requiem du Silence?

Au cours de ces nombreuses lunes passées à nous installer à Vallemar j'ai appris à mieux connaître Requiem du Silence. Tout comme moi, il n'est pas bien bavard mais je le sais courageux et loyal. Je sais aussi – du moins je pense – qu'il préfère rester seul pourtant, si je m'adresse à lui aujourd'hui, ce n'est pas simplement qu'en camarade de clan, mais bien en tant qu'escadron. Aussi espérais-je qu'il puisse faire la différence.

- Je voudrais te faire part d'une chose, suis-moi.

Je ne pense pas être en mesure de pouvoir faire plus énigmatique cependant je suppose avoir piqué la curiosité du matou assez fort pour qu'il daigne me suivre sans protestation. Je ne souhaite pas parler de ce « don » là où peuvent potentiellement traîner des oreilles indiscrètes et par conséquent risquer de réveiller de vieilles rancœurs. Ma mère a assez donné. J'ai assez donné. Non, je préfère me tenir seule face à lui lorsque je lui révélerai les raisons de tout ceci. De cette manière, je suis certaine qu'aucun guerrier mal intentionné ne sera en mesure se semer le trouble et la confusion au sein du clan. Ne m'attardant pas davantage je me détourne du mâle et sans plus tarder je m'en vais retourner aux marais, là où j'attendrai que Requiem du Silence me rejoigne pour l'emmener vers notre destination.

Rapidement, des bruits de pas se font entendre derrière moi, m'indiquant ainsi que le mâle bicolore me suit bel et bien. Je ne me retourne cependant pas immédiatement et poursuis mon chemin jusqu'à ce que nous atteignions un petit bosquet. Jugeant l'endroit assez calme, je prends place sous l'ombre d'un pin. Ainsi protégée par l'obscurité de l’épais feuillage, je prends le temps de m'asseoir quelques secondes durant lesquelles je passe derrière mon oreille une patte distraite. Le bout de ma queue n'a de cesse de s'agiter, trahissant mon inquiétude. Je ne suis de toute évidence pas le plus à mon aise mais tente toutefois de contenir la gêne que je ressens en faisant durer l'instant présent. Quand bien même j'ai pris la décision de faire partager mon savoir au restant de la troupe, je crains que la pratique ne soit pas des mieux accueillis, surtout venant d'une clan-mêlée. Si je me suis permise de l'enseigner à mon ancienne apprentie, Ardeur des Nuages désormais Ardeur des Braises, c'est parce que j'avais pleine confiance en elle. La petite n'est pas foncièrement méchante, juste un peu butée, et je savais qu'avec son attrait pour l'eau, elle ne pourrait pas faire de la nage quelque chose de mauvais. Mais qu'en serait-il des autres ? Qu'en serait-il de lui ? Requiem du Silence accepterait-il de se mouiller les pattes ? Il n'y a qu'une façon d'en recevoir la réponse. Jugeant qu'il serait mal venu de ma part de le faire patienter davantage, mon port de tête se fait alors plus droit tandis que mon regard émeraude vient croiser celui de mon confrère. Ma queue s'immobilise, je baisse la patte et me redresse, reprenant par la même occasion cet air détaché et froid que certain que reprochent parfois. Je reprends contenance.

- Je voudrais t'apprendre à nager.

Je ne cherche pas à y mettre les formes ni même à prendre de pincettes. Exposer mon but clairement me paraît être la meilleure solution pour éviter au matou d'attendre outre mesure et de nous faire perdre notre temps à tous les deux. Je l'ai déjà bien assez fait patienter. Et puis, qu'y a-t-il de mal à vouloir faire partager son savoir ? Qui pourrait s'avérer fort utile qui plus est ? En plus de nous donner un certain avantage face à nos voisins, la nage pourrait se révéler être un atout de taille lors de nos missions d'Escadrons.

- Accepterais-tu de m'accompagner jusqu'au bateau fantôme ? Nous y serons tranquilles.