Si la frustration était un chat (ft Présage des Rats)

Invité

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Nuage d'Argent et Présage des Rats
Une fin de matinée radieuse
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Nuage d'Argent s'assit dans l'herbe souple. Le goût frais, astringent du souci et de la camomille romaine lui embaumait encore les babines. Elle avait passé le plus clair de sa matinée à cueillir et à trier scrupuleusement les remèdes qu'elle avait trouvés à l'ombre d'un buisson noueux, dans un repli des sous-bois humides qui entouraient le camp en un anneau ombragé et fertile.
Aujourd'hui, le soleil parait les frondaisons d'une lumière somptueuse et réchauffait délicieusement la jeune apprentie guérisseuse en traversant le poil blanc et soyeux de son dos. Elle s'en serait roulée par terre de ravissement - si elle avait été toute seule, mais les yeux de tout le camp pouvaient sans doute la surprendre.
Il était temps pour elle de prendre une pause bien méritée, d'aller se dégourdir les pattes ailleurs, et surtout de se remplir le ventre. Arrêtée au beau milieu d'une tache de soleil sur le sol de la clairière, Nuage d'Argent se contentait pour le moment de se laisser pénétrer par les petits bruits qui l'entouraient. Des pépiements, des murmures, le bruissement des branches, le vrombissement discret des insectes, les mille et un craquements végétaux de la forêt. C'était un chuchotement indistinct, sans mots, sans signification. Tout se confondait en un bruit vert qui, bien qu'elle le connût depuis ses tout premiers jours de chaton, ne manquait jamais de bercer son esprit d'un calme bienvenu.
L'apprentie se secoua. Il était temps d'aller manger.

D'autres apprentis se dirigeaient ensemble vers le tas de gibier, un peu plus loin. Ils riaient et semblaient se taquiner entre eux occasionnellement. La vue de cette complicité fit sourire un instant la jeune chatte, mais elle ne fit pas un geste pour se rapprocher d'eux. Lorsque l'un d'entre eux fit mine de se tourner dans sa direction, elle se rencogna précipitamment derrière un rocher moussu avant qu'il ne l'aperçoive; elle regretta immédiatement son geste. Je vais manger au même endroit qu'eux de toute façon. À quoi bon me cacher? Elle attendit qu'ils soient tous installés les uns à côté des autres, la queue paisiblement enroulée, chacun dégustant avec appétit une musaraigne ou une portion d'écureuil, pour sortir de son repli et s'avancer à découvert vers le côté opposé du tas, comme si elle venait tout juste de débouler de l'autre côté du camp. Mais son coeur battait la chamade, et elle alla s'asseoir légèrement courbée sans regarder personne. Tu es ridicule. Nuage d'Argent avait perdu un peu de la sérénité qu'elle savourait quelques minutes auparavant. Elle ne s'attendait pas à ce que la vue d'un groupe la rendît aussi nerveuse. Elle soupira. Chercher son repas du regard l'aida à retrouver provisoirement une contenance, et elle arrêta son choix sur un petit oiseau, probablement un très jeune chardonneret, qui gisait un peu hors de sa portée. Il suffirait largement à sa faim. Elle s'avança sans attendre davantage pour le saisir...

Si la frustration était un chat
Feat. Présage des Rats & Nuage d’Argent.

A vieil estomac fraîche nourriture

Le Rat dorait au soleil depuis au moins deux bonnes heures. Il regardait le délectable spectacle des guerriers et autres sous-fifres qui partaient chasser afin de garnir le tas de gibier et de remplir son estomac. Il n’avait jamais autant mangé que depuis qu’il était chez les anciens. Il était toujours aussi maigre, entendons-nous, le Rat ne se laissait pas aller, il continuait ses longues balades, parfois périlleuses certes, et se tenait en forme. Mais il était prioritaire, il avait le ventre rebondi, la langue assagie et la truffe ne frémissait plus que pour les jolies reines de passage.

Perché sur un rocher moussu, alangui sous les baisers du soleil, qui pour une fois daignait épargner sa peau délicate, il divaguait, bercé par son odeur étrange, par ses rêves et… Et il aperçut son occupation de la journée. De la chaire fraîche. Pas encore une reine, plus tout à fait un de ces chatons exécrables, plutôt mignonne, très discrète voire gênante, elle suivait du regard une bande de jeunots pas aussi intéressants qu’elle, elle n’osait pas. Cela arrangeait bien notre Rat, une proie isolée est ce qu’il y a de mieux. Ses grands yeux jaunes la tinrent un moment en joue, il patientait, il lui fallait une ouverture. Il la vit s’avancer timidement, il vit quelle proie l’intéressait dans le tas de gibier. Il se leva lourdement, tout plein de la grive qu’il venait d’engloutir. Il tomba sur le sol couvert de mousse avec un bruit mat. La tourmente pouvait commencer.

Pourquoi, demandera-t-on au Rat, pourquoi donc ennuyer cette jeune demoiselle si innocente ? Eh bien elle n’était pas si innocente que cela dans les yeux de notre vieux protagoniste. Non. Elle était la nouvelle apprentie guérisseuse, elle sentait les plantes, elle sentait la tanière, sa tanière, là où il avait dormi presque toute sa vie, là où il avait vu naître et mourir. Lui sentait l’urine, un peu comme avant, mais l’odeur de baumes sur sa peau s’estompait peu à peu, le vent et la pluie lui volaient les souvenirs d’une cause à laquelle il avait dédié sa vie ! Parfois il allait cueillir des plantes seul, âme en peine mal aimée, mais il était bien obligé, déformation professionnelle et code obligeant, de les donner à Hymne des Ombres. Alors pourquoi ne pas s’attaquer à la guérisseuse ? Pourquoi s’en prendre à une frêle petite personne ? C’était plus facile.

Tel le serpent il fila vers elle. S’assit, étendit une patte aux longues griffes noires et jamais entretenues et s’empara du repas qu’elle convoitait. Son museau blafard s’étira sur un genre de rictus pas très élégant. Jouissif. Du bout de la griffe il fit virevolter la petite créature, il n’avait vraiment plus faim mais soit. Il mordit dedans, réitéra le rictus, sanglant cette fois.

« Dis-donc, tu sais que c’est mal d’essayer de voler la nourriture des anciens petite ? Tu ne voudrais pas que le Clan sache que tu es une égoïste ? Je serais plus discrète si j’étais toi… »

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Si la frustration était un chat (ft Présage des Rats) 41jq

La perfection Naru.

Spoiler:

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La jeune apprentie marqua un temps d'arrêt, interdite. À peine avait-elle tendu le museau qu'une patte maigre s'était élancée pour la devancer, manquant de peu de lui cingler les moustaches. Elle n'avait même pas senti l'importun arriver, et cette brusque irruption lui hérissa la fourrure au point de faire courir une vague de picotements sous sa peau. Un instant de frustration la souleva et fit courir un frisson sur son échine. On s'était emparé du petit oiseau qu'elle avait repéré.
Mais qui était "on"?
Nuage d'Argent se tourna et tomba nez-à-nez avec une figure singulière dont la vue lui bloqua le souffle l'espace d'un instant. C'était un ancien qu'elle avait jusque-là surtout aperçu de loin, essentiellement dans les parages de l'antre d'Hymne des Ombres. Sa peau à la couleur marbrée et indéfinissable apparaissait presque nue, et il avait une apparence globalement efflanquée et inquiétante. Elle remonta jusqu'à ses yeux. Un regard pâle, froid, presque grinçant, et très visiblement goguenard.
Le vieux chat avait la face tachée du sang de la proie, ce qui n'arrangeait guère son expression.

« Dis-donc, tu sais que c’est mal d’essayer de voler la nourriture des anciens petite ? Tu ne voudrais pas que le Clan sache que tu es une égoïste ? Je serais plus discrète si j’étais toi… »

De petits débris de chair et d'os étaient encore visibles entre les crocs de l'ancien, mais l'apprentie guérisseuse n'y prêta pas attention. Elle était soudainement glacée jusqu'aux os.
Qu'est-ce que... Que...
On ne l'avait jamais attaquée frontalement de la sorte. Elle avait toujours eu l'habitude d'être traitée avec une gentille indifférence. Ce ton et ces paroles lui firent l'effet d'un coup de branche derrière la tête, et elle déglutit péniblement, les yeux écarquillés et de nouveau baissés au sol. Cette situation la bloquait totalement, et elle avait du mal à réfléchir, comme sous le choc. Elle savait bien qu'elle n'avait rien volé. N'est-ce pas? Elle pouvait donc rayer la culpabilité de la liste des émotions à ressentir. Restaient la confusion, la surprise, l'effroi, une pointe de pitié, la défiance, et de nouveau de la confusion. Elle releva la tête vers le quasi-inconnu. Un tic léger mais insistant commençait à contracter par pulsions sa patte avant gauche.
Pitié?
C'était étrange. Surtout dans cette situation où elle se retrouvait en mauvaise posture. Mais le physique tout tordu et négligé du chat qui lui faisait face ne devait pas être très facile à porter... Peut-être en souffrait-il, sans parler des rigueurs de l'âge.
Arrête, arrête, idiote. Elle le regardait silencieusement, mortifiée, depuis plusieurs dizaines de secondes maintenant. Elle essaya de se recomposer un visage neutre et de faire sortir quelque chose de sa gorge.

" Je, euh... Non, je... Non."

Elle se tut précipitamment et détourna le regard, complètement démunie.
IMBÉCILE !

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