The Last Goodbye [OS]

Elle regarde la mer et elle se souvient.

Ses yeux contemplent à l’infini une étendue d’eau salée peuplée de vagues, mais elle voit une forêt, une plaine, un ruisseau ; elle voit le foyer où elle est née et qui n’a jamais totalement cessé de l’habiter. La nuit est piquetée d’étoiles mais dans son cœur il y a un crépuscule éternel, un soleil mourant qui pourtant n’expire jamais tout à fait.
Il y a un discret parfum d’été. Un saule. Une promesse.

Lorsqu’elle ferme les yeux, elle peut encore sentir la caresse de la brise qui en agitait les longues branches, qui jouait à cacher puis dévoiler à son regard l’objet de son amour ; mais ses caresses à lui sont encore si brûlantes, imprimées sur sa peau, elle ne peut y songer aussi sans un peu de douleur.

Elle ouvre la bouche, pour la première fois depuis longtemps elle aimerait lui parler. Elle ouvre la bouche, mais peine à seulement respirer. Elle hoquette soudainement, les yeux embués tournés vers la Toison Argentée. Elle sait qu’Etoile Sombre est là, qu’il la regarde. Le plus dur pour elle c’est de savoir que même depuis l’au-delà, même après les lunes de silence qu’elle lui a imposées, même après le châtiment qu’elle lui a infligé en lui refusant l’accès à ses rêves, il ne lui en veut pas. Il a toujours été le plus sage des deux, toutes les fois où il l’a vue foncer tête baissée, il ne lui a jamais reproché son impétuosité. Il aimait ça : la force de ses sentiments qu’elle exprimait sans masque.

Elle a l’impression d’être si vide depuis si longtemps, et pourtant…

Dans son cœur il y a de la peine et des regrets, une tristesse infinie, mais il y a aussi, comme cette voile blanche à l’horizon, un peu de bonheur qui s’approche, doucement, mais lentement, pour ne pas l’effrayer, juste assez pour se montrer… et lui montrer que c’est encore possible, malgré elle, malgré tout.

Elle l’a fui pendant si longtemps, ce bonheur, qu’elle a refusé d’en voir les premiers signes. Elle a oublié ce que c’était, de s’éveiller la tête haute et le sourire qui se tient en embuscade au coin des lèvres. Elle a oublié les après-midis d’été passés entre amis, les refuges que l’on trouve en riant lorsque grogne l’orage, et puis la décision que l’on prend finalement de danser sous la pluie, parce qu’on est ensemble et qu’on est invincible. Elle a oublié comment elle faisait pour vivre sans lui, avant. Mais avant quoi ? Avant l’amour, avant la guerre, avant sa mort à lui et puis sa mort à elle, avant … Oui, elle a oublié qui elle était avant d’être sienne.

Pourtant, aujourd’hui, son cœur est en paix.

Elle sourit à travers les larmes. Elle se souvient des premiers mois de leurs enfants, leurs petits pas hésitants, leurs sourires innocents, leurs premiers émois aussi. Elle se souvient de ces quelques trésors d’une vie heureuse qu’elle garde précieusement, en attendant les beaux jours. Et elle se demande comment elle a fait pour être aussi jeune, à l’époque, et si c’était possible de tout recommencer ? Elle n’en est pas encore là, mais cette simple interrogation fait naître un peu de chaleur au creux de son ventre.

Alors elle accepte tout, la joie comme la douleur, la chance d’avoir connu l’amour et la déchirure de l’avoir perdu. Elle accepte le deuil, l’absence, l’injustice, la solitude, la rage de vivre ; elle accepte la compassion et le pardon, les souvenirs et les Je t’aime murmurés comme des promesses. Elle accepte cette insurmontable peine tout comme elle accueille cette insupportable espoir… Celui de vivre un jour prochain et de pouvoir dire : je continue mon chemin.

Elle regarde la mer pour ne pas oublier. Et puis elle se détourne, le cœur léger, prête à retrouver les siens.

The grey rain-curtain of this world rolls back, and all turns to silver glass, and then you see it...
White shores, and beyond, a far green country under a swift sunrise.

Spoiler: