Liseron Nuageux (fini)

CARACTÈRE
- Comment tu décrirais le caractère de ton perso ? N'oublie pas ses qualités et ses défauts : L’esprit de Lisi est semblable à un précipice sur le fil duquel sa silhouette danse avec aisance. Dans le noir le plus complet. Ses pattes délicates cherchent le bord à chaque pas. Chaque mouvement est une découverte qui peut s’achever par une chute abrupte. Chaque retour en arrière, une possibilité de se perdre. Et pourtant, Lisi avance. C’est sa force, cette résilience, née d’il ne sait où. Elle a jailli des tréfonds de son âme telle une source souterraine, future souveraine de sa vie. Mais elle est aussi sa faiblesse – une des nombreuses qu’il refuse de reconnaître – car elle suit un chemin que tous ne peuvent emprunter, sans jamais regarder en arrière ce qu’elle laisse derrière. Son courant peut être tumultueux, et laisser son entourage à bout de souffle. Le laisser, lui, essoufflé, son habile cerveau seul maître des débris parmi lesquels il navigue.
Irrémédiablement attiré par les sombres profondeurs que sa propre personne renferme, Lisi continuera d’y folâtrer aux abords. Sa volonté de détruire les moindres aspects de son existence est enduite de peur et d’égoïsme, teintée d’un soupçon de négativisme qui a tendance à le rendre un peu désagréable. Enrobé d’un marasme aussi grisâtre que la couleur de sa fourrure, Lisi ne brille qu’en de très rares occasions. Sa patience et sa – parfois – froide logique peuvent être louées, mais sa mémoire aussi vive que vaste est ce qui impressionne le plus chez lui : les ramifications y ont plus de branches qu’un saule. Présenté ainsi, Lisi n’a que peu de choses pour créer un sentiment de fierté auquel il pourrait se raccrocher. Agissant selon un code moral qui lui est propre, sa présence est plus souvent perçue comme une nuisance qu’une quelconque assistance. Pourtant il est là, le grand mal de sa vie.
Ses insécurités sont comme des fleurs sauvages aux teintes criardes et inégales. Elles s’étouffent les unes les autres, veulent grapiller autant de place que possible. Elles sont un parterre indomptable qui repousse à l’infini. Elles s’enroulent autour de Lisi, le rendant indésirable et en proie à un terrible besoin de protection. De possession. De lui. Des autres. De tout ce qui entre dans le prisme dénaturé de son complexe affectif. Lisi est une créature imprévisible, singulière, féroce, pleutre. Egarée.

en détail :

- Quels sont ses projets ? Se saisir de toutes les opportunités qui lui permettront de (sur)vivre.
- Et au contraire, sa plus grande peur ? La noyade. Mais s'il était honnête, il rajouterait à ça : la froide étreinte de la trahison. Les sombres abîmes de l’abandon. Et la pire d’entre tous : l’étranglement de l’attachement.
- A-t-il un point de vue sur les rivalités claniques ? Lisi ne serait pas lui-même s’il n'était pas devenu belliqueux à l’encontre des autres clans (et du sien). Il y a peu de chances que cela change.
- Quel est son point de vue sur le Clan des Étoiles ? Il pense sincèrement que c’est une fable inventée par les plus forts pour asservir les autres. Il n’y croit pas une seule seconde.
- Quel est son point de vue sur les terres de Valeemar ? À peine recueilli par le clan de l’Ombre qu’il observe leurs vieilles terres changer drastiquement de visage. Il n’y voit cependant aucune différence avec les précédentes.
- Et sinon, quelle réputation a-t-il : au sein du clan, dans l’ensemble de la forêt ? À chaque félin de s’en faire un avis, mais Lisi n’est certainement pas un apprenti admiré. Son humeur désagréable et revêche doit y être pour quelque chose.

PHYSIQUE
- Ton personnage, il a quel type de pelage ? Les reflets métalliques de son poil grisâtre et sombre sont la seule véritable tache de couleur chez Lisi. Le reste n'est qu'un fatras de nuances toutes aussi mornes les unes que les autres. Bien que sa fourrure soit assez fournie, elle reste couchée sur son corps, lui donnant un aspect lisse et fin. Seule sa queue et son poitrail ont une abondance de poils qui vient augmenter sensiblement le volume de sa silhouette. Enfin, une touffe de poils indépendante a peu à peu poussé au sommet de son crâne, créant une petite mèche qu'il a bien du mal à dompter.
- Et il a de beaux yeux ? Verts comme le lichen qui recouvre les troncs sur leur face la plus exposée aux vents froids.
- Il est plutôt grand, de taille moyenne, ou petit pour son âge ? Ni très grand ni très petit, Lisi se situe dans la moyenne - moyenne accentuée simplement par l'aspect longiligne de ses pattes.
- Et au niveau de sa corpulence ? Normale, fine.
- Quant à ses habilités, il est plus ou moins bon en quoi ? Sa silhouette effilée a toujours été un de ses plus grands atouts quand il était question de fuir. La vitesse et la rapidité d'exécution de ses membres, lorsque nécessaire, peuvent l'emmener loin... Mais pas longtemps. Ses lunes passées en tant que chat domestique, puis errant, ont marquées ses muscles, l'empêchant de développer une endurance correcte. Si elle tend à s'améliorer avec de l'entraînement, elle n'égalera peut-être pas celles de chats habitués à vivre au grand air depuis leur naissance. Mais ce pour quoi son corps peine, sa tête à tendance à le contrebalancer. Son précision et ses capacités de réflexion lui seront d'une grande utilité lorsqu'il s'agira de combattre un opposant. Sa musculature reste bien présente et mis à bon escient, l'aidera beaucoup à surprendre. Enfin ça, c'est s'il n'aura pas fui le combat en premier. De même, la chasse ne sera pas plus sa spécialité, mais sans le stress du combat, il y sera meilleur, privilégiant l'attaque éclair.
- Pour finir, a-t-il des signes particuliers ? Non.

HISTOIRE
- Ton perso est-il de sang pur ou de sang mêlé ? Difficile de faire plus sang mêlé.
 - Et ses parents, ils venaient d'où ? Excellente question. Tandis que sa mère s'est évaporée telle la brume matinale, son père traîne peut-être encore dans quelques pénates humaines, qui sait ?
- Les liens familiaux de ton perso : Outch, la question qui fâche. Celle qu'il évite parce qu'il déteste ce qu'elle implique. Lisi ne sait pas s'il possède une fratrie avec qui il partage le même sang et fait croire qu'il se contrefout de la réponse. Mais pourquoi ne supporterait-il pas cette notion s'il s'en fichait...? Depuis son sauvetage, il se traîne deux pseudos frères, Nuage d'Ambroisie et Nuage de Moustiques, tandis que du côté des sœurs, c'est bien trois dont il a hérité : Nuage de Gui, Ibis des Nuages et Nuage de Puces. L'élément le plus important dans tout ça ? Ce père adoptif qu'il s'est trouvé en la personne de Liberté des Ombres. La famille ramifiée à laquelle appartient Libre s'est perdue quelque part dans les recoins de sa mémoire, mais il est loin d'ignorer que l'héritage se prolonge parmi Règne des Ronces et Ardeur de la Tigresse, qui ont eux aussi une progéniture dont faire la liste serait aussi longue que ses pattes haut perchées. Une autre tante disparue - Messagère Céleste -, une jeune ancêtre - Ardeur des Braises - et une plus vieille - Epine - complètent le tableau.
- Pourquoi porte-t-il ce nom ? Parce qu'il a refusé tous les noms qu'on a voulu lui donner. Le terme liseron est celui qui se rapprochait le plus de cette consonance qu'il chérit, encore maintenant.
- Raconte-nous un ou des événement(s) particulier(s) de sa vie (naissance, baptême, cérémonie, ...) :

trigger warnings :

Le vacarme, c’est ce dont il se souvient le mieux. Le chaos sonore qui l’entoure. L’oppresse. Lui fait peur, petite boule de poil chétive qu’il est. Alors il miaule désespérément, sa voix inaudible ; il miaule parce que la faim lui tenaille l’estomac. Parce que la peur est sa pire amie, mais aussi la seule qu’il ait, la seule présence qu’il connait depuis que ses yeux se sont posés sur ce monde gris et bruyant. Il miaule dans le silence de ses propres cris, dans l’indifférence de ses pairs qui pullulent, passants solitaires et sans cœur. L’incompréhension s’installe, pose ses lourdes pattes méprisables sur ses petites épaules tremblantes, et ainsi flétrit sa vie, celle qu’il a à peine commencée.
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Les paroles de la bipède – les premières qui lui furent jamais destinées – se sont infiltrées jusque dans sa chair, creusant un trou si profond qu’il se demande parfois comment ça ne peut pas être visible. Toi… Tu es fort, pour avoir survécu dans cet état-là, seul et abandonné. Je t’appellerai Lisi. Un silence. Ça veut dire chêne dans ma langue natale. Oh, ne vous méprenez pas. Il ne comprend rien à ce charabia, n’y comprendra jamais rien. Mais quand il lève ses yeux épuisés vers l’origine de ces sonorités étrangères et rauques, il ne réfléchit pas. Il ne miaule pas, chouine à peine. Toute émotion a déserté son visage émacié, s’est enfuie de son cœur déjà raidi, déjà trahi. Son regard perdu croise celui de la grande bête à deux pattes et la pitié qui y rôde engloutit tout sur son passage, capturant le vide qui règne dans son corps. L’espoir, cette inconnue à la chaleur insupportable, l’invite pour la première fois en son sein. Même des lunes plus tard, il se répètera ces sons inlassablement, dans les plus sombres ténèbres de la nuit, quand tout espoir de survie l’aura déserté. Toi… Tu es fort, pour avoir survécu dans cet état-là, seul et abandonné. Je t’appellerai Lisi. Ça veut dire chêne dans ma langue natale.

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Lisi a une jolie vie. Il n’est plus dans ce recoin lumineux et exposé, mais à l’abri dans sa cabane noire et confortable. Les bruits agressifs se sont évaporés. Il n’est plus seul mais en compagnie d’un vieux chat, Mali, véritable montagne aux taches sombres et au regard désabusé, et de sa sauveuse, Alma. La faim a disparu, remplacée par un ventre plein et chaque jour une vasque garnie des choses les plus délicieuses qu’il a pu goûter jusque-là. Ses griffes découvrent la dureté des murs, le satiné usé des tapis, la fraîcheur de la terre, et parfois la douceur de la peau d’Alma. Mali va et vient par le petit trou dans la porte, détaché de tout et ne s’embarrassant jamais de son existence, sauf quand Lisi lui pose des questions – ce qui n’arrive pas si souvent, parce qu’il comprend vite.
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Par exemple, Alma, c’est le son qui fait toujours tourner la tête de la bipède quand un autre vient chez eux et communique dans leur langue gutturale et incompréhensible. Ismail, la modulation criarde qui heurte ses oreilles chaque fois qu’Alma laisse éclater de grosses larmes et recherche sa présence. Tandis qu’elle le prend dans ses pattes dépourvues de poil, Lisi se demande ce qu’est cette chose qui provoque cette cascade interminable et assourdissante. La situation n’est pas des plus agréables mais il ne bouge pas ; pas les premières minutes du moins. S’il se laisse faire, il sait qu’il aura une ration supplémentaire une fois qu'Alma, sa crise passée, s'en ira dans la pièce à nourriture prendre une étrange bille blanche qui la fera dormir de longues heures durant ; le brin de compassion qui éclot en lui est telle une fleur nocturne, précieuse un bref instant avant de se faner.
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Il guette les allers-retours de Mali, le suit jusqu’à la petite prairie herbeuse qui s’étend devant la tanière d’Alma et le regarde avec envie traverser la frontière vers ce monde qu’il déteste, plein de grincements et de cliquetis déplaisants. Lisi aimerait avoir le courage d’aller au-delà des buissons, surpasser cette peur qui tétanise ses pattes à chaque fois qu’il essaie de s’approcher. Il fait les cent pas, avance, recule, tempête, ronchonne ; soutient le regard pénible de Mali lorsque ce dernier revient pour le trouver au même endroit, le poil hérissé et la mine susceptible. Lisi est sûr d’y lire du dédain, un jugement qu’il nie entièrement, mais… Lisi ne déteste pas Mali. Pas même lorsqu’il lui apprend, sans âme ni perfidie, que s’il est seul maintenant, si Alma l’a récupéré, c’est qu’il a eu une mère pour lui donner naissance et l’abandonner. L’abandonner, lui. Il secoue la tête, persuadé que Mali se trompe, persuadé que son grand âge lui fait perdre la boule. Pourtant, les yeux qui se posent sur lui ne mentent pas. Ils exsudent d’une sincérité qui tord sa trachée et réduit sa forme à une silhouette prostrée, ombre sans volonté et sans famille. Tu es fort, pour avoir survécu dans cet état-là, seul et abandonné.

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Lisi ne le sait pas encore, mais il est certainement heureux, à ce moment-là. Les petits désagréments qu’il rencontre ne font rien pour perturber son sommeil, la truffe lovée dans son long pelage aux reflets gris. Perdu dans son paradis, œillères bien en place, il ne voit pas les nuages s’amonceler au-dessus de sa tête. Ils s’amassent avec lenteur, charriés par de nouvelles écuelles qui viennent s’ajouter à la sienne et celle de Mali. Puis, dans le coin qui lui est réservé – le sien – Alma installe trois boîtes supplémentaires avant de le caresser, lui parlant d’un ton calme. Tu ne seras plus seul mon petit, tu vas bientôt avoir des compagnons. Lisi tourne la tête d’un côté puis de l’autre et détourne son regard, peu intéressé par ce qu’elle lui raconte, à jamais ignare dans la langue des bipèdes. Cependant, il ne peut s’empêcher de lorgner du coin de l’œil ces ajouts qui viennent troubler sa sieste. Au fond, il sait ce que cela signifie mais il refuse encore de se l’avouer. Pétri d’égoïsme pour cette seule vie qu’il a connu, de possessivité pour les deux seuls êtres vivants qu’il côtoie, il ferme ses iris verdâtres sur le jour. Et attend.

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Dhelpra.
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Yll.
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Thua.
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Des noms qu’il hait. Des échos pleins de laideur.

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Les premiers jours se… passent. Sans incident notable. Tous s’observent dans l’expectative ; la femelle, les deux frères, Mali et Lisi. Seule Alma y est, évidemment, insensible. Qui fera le premier pas ? Qui fera la première bourde ? Qui s’écrasera en premier ? Comme à son habitude, c’est Mali qui brise la glace, forçant un passage au travers de cette ambiance pesante. Il ne souhaite pas la bienvenue aux nouveaux arrivants – il ne l’avait pas fait avec Lisi – mais il leur fait comprendre que leur présence ne change rien pour lui – il l’avait fait avec Lisi. Le trio l’oublie vite : il ne reste plus qu’eux. Eux et lui. Lui, la bête sauvage et renfrognée, qui gronde à chacune de leur apparition, montre ses crocs d’une blancheur immaculée. Puis, à la surprise générale, Yll s’avance, ses iris orangés comme seule arme.
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La boussole de Lisi s’affole. Le bruit s’empare de son monde une nouvelle fois. Mais il n’est plus ce chaton paralysé, tremblant de faim comme de froid. Il est son propre maître. Il est celui de la tanière d’Alma. C’est à lui de faire régner la loi. Sa loi.
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Sa langue vipérine assassine, son cerveau à l’affût de la moindre vulnérabilité, la moindre faille par laquelle il peut s’infiltrer et conquérir. « J’ai fait tout ce que tu voulais que je fasse—, » la voix fluette d’Yll s’éleva, « je ne sais pas ce que tu veux de plus, » faible et incertaine, « de moi. » Il sentit son cœur battre un peu plus vite que d’habitude mais ne lâcha rien. Ses pattes restèrent collées au parquet sans effectuer le moindre mouvement, sa tête figée, ses beaux yeux orange fixés sur le chaton gris en face de lui. Il voulait que Lisi l’apprécie. Il voulait que Lisi le reconnaisse. Il voulait percer sa carapace. Il voulait… Ses pattes voulaient contenir l’entièreté de son être, le cajoler et panser les blessures infligées par sa vie, quelles qu’elles soient. C’était tout ce qu’il souhaitait, du plus profond de son cœur. Enfin Lisi se retourna et franchit les derniers pas qui les séparaient. Il s’arrêta à côté de lui et murmura deux petits mots. Deux petits mots qui brisèrent son cœur sans pitié. Tandis que Lisi disparaissait en faisant onduler sa queue avec grâce, les mots se transformèrent en bruit dans l’esprit d’Yll. « Sois meilleur. » Sois meilleur. Ses yeux se remplirent de larmes.
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Ses épaules deviennent celles qui bousculent, ses pattes, celles qui renversent. Quand Thua arriva dans la pièce, son odorat fut tout de suite agressé par la puanteur qui s’échappait des gamelles. Surpris, il s’avança vers le coin où Alma leur servait la nourriture. Le contenu de son écuelle s’était répandu au sol sous le poids de la carcasse qui y trônait désormais. « Qu’est-ce que… » L’interrogation mourut quelque part dans sa gorge soudain comprimée. Est-ce qu’il y avait encore un intérêt à s’étonner ? À s’insurger ? Jamais Thua ne s’était senti aussi perdu depuis qu’il était arrivé là avec son frère et Dhelpra. Ce n’était plus un enchevêtrement de directions à prendre quand il y avait tant de voies à choisir, mais un manque total de perspective. Tout avait fusionné en un seul obstacle, s’engouffrant toujours plus profondément entre la silhouette imposante et la présence étouffante de Lisi, jusqu’à ce que Thua se retrouve une fois de plus à la place hideuse de victime.
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Sa tête et ses crocs s’allient finalement pour ne faire qu’un. « Pourquoi tu ne vas pas t’étouffer quelque part avec ta rage stupide ? Crever dans un coin ? Soit tu ravales ta haine et tu nous fous la putain de paix, soit tu dégages de là. » Dhelpra le vit serrer les dents, bander ses muscles. Oh, il était proche. « Bah quoi, t’oses pas ? T’as peur, petit chat ? » Ses paroles eurent l’air de faire mouche, puisque l’abruti bondit sur elle avec maladresse, un feulement pathétique s’échappant de sa gueule. Un sourire narquois étira ses babines avant qu’elle ne réceptionne Lisi d’un bon coup de patte. Le corps du plus jeune roula, ses piaillements de douleur une joyeuse mélodie à ses oreilles. Dhelpra se mit à ricaner en le regardant se relever, les iris verts brûlant de mille feux. Mépris ? Détresse ? Haine ? Peur ? Elle accepterait tout ce qu’il lui donnerait. Tout comme lui continuerait de la rejeter elle, Yll et Thua. Cette arrogance, la petite femelle l’avait tout de suite sentie, après que l’humaine les ait ramenés. Des empaffés comme lui, elle en avait connu, quand elle était à la rue. Elle savait comment les gérer. Au fond, ils n’étaient que des trouillards ; pas plus que de pauvres, ô pauvres petits minets qui continuaient de gueuler après leurs parents disparus, persuadés de valoir quelque chose. Le désespoir qui suintait de leur haleine fétide les rendait immanquables… et si plaisants à jouer avec.
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La jalousie brûle les veines de Lisi, ardente compagne qui ne quitte plus ses gestes ni ses paroles depuis qu’ils sont arrivés. Tout est combat. Tout est asservissement ou suprématie. Un jour il enfonce Yll ou Thua, l’autre il se lance dans une joute verbale qui ne manque pas de dégénérer avec Dhelpra. Mais aucune de ses actions ne dépasse sa pensée, parce que les mots comme « rédemption », « pardon » ou « acceptation » n’existent pas pour lui. Ils n’ont pas raison d’être. Ce n’est pas lui dans le mal. Il ne saisit même pas cette notion qu'il juge arbitraire. Tout ce qu’il sait, c’est que d’autres ont envahi son territoire. Alors il se bat, à sa manière.
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La graine de la rancœur est déjà plantée quand Lisi commence à percevoir que la situation est en train de lui échapper. Elle a pris racine, trouvé un excellent terreau auprès de Dhelpra et Thua. Sans le voir, Lisi a nourri cette graine, l’a arrosé de sa lâcheté, de sa jalousie et de son venin, puis l’a laissé fleurir. Ce qui n’avait été qu’une simple graine est maintenant devenu un arbre plein de fruits mûrs prêts à tomber. Il sait que quelque chose a changé quand Thua vient lui parler, hors de lui, après une énième discussion stérile avec Yll. Dans sa posture presque agressive, il détecte la méfiance et l’écœurement qu’il lui procure. Mais aussi quelque chose d’autre. Leur lien bancal se brise, devient irréparable. Les zébrures noires du pelage de Thua deviennent comme des griffes.
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Le simple reflet de la fourrure flamboyante de Dhelpra lui hérisse le poil, bien trop familier de la renarde qui arpente les extérieurs de la tanière d’Alma. Sur la figure de la petite femelle, les mêmes traits doux cachent un caractère sournois et suffisant, qui fait ressortir les atrocités dissimulées de son âme. Lisi les sent comme aspirées hors de son corps dès que la rouquine lui adresse la parole, incapable de lui résister. Et Dhelpra prend un malin plaisir à le martyriser, nourrissant sa haine de leur groupe. Mais soudain, il y a une différence dans sa façon de le traiter. Ses œillades, ses paroles, ses bousculades, ses attaques, tout devient plus trompeur. Tandis que Thua souffle le chaud, Dhelpra souffle le froid.
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Seul Yll reste le même, endurant en silence les réprimandes de Lisi, ses découragements, ses brimades. Le regard du mâle gringalet ne change pas non plus, et Lisi n’arrive pas à savoir si ça l’énerve ou si… S’il éprouve autre chose. Non, les yeux brillants d’Yll lui font ressentir bien trop de choses pour qu’il ose se pencher dessus. Alors il observe le jeune mâle en silence la nuit venue, sa fourrure tachetée de noir et de blanc une imitation parfaite du ciel étoilé par-delà la fenêtre. Caché dans les ombres, c’est l’unique moment où Lisi le laisse tranquille, car il est incapable de s’imaginer ce qu’il représente pour lui.
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Des choix, à ce moment de sa vie, Lisi en a déjà fait de nombreux. Celui de ne pas mourir. Celui de graver dans sa mémoire des sonorités absconses mais porteuses de réconfort. Celui de rester avec Alma et Mali. Celui de ne pas quitter les hautes haies de son paradis. Celui de ne rien voir déranger sa vie. Celui de se contenter de ce qu’il a. Celui de repousser toute nouveauté. Celui de craindre tout changement. Celui d’être désagréable, enfermé dans ses préconceptions personnelles. Celui de se défier du monde entier, jusqu’au moindre brin d’herbe. Celui d’être lui-même, sans filtre ni censure, en dépit des autres. Je t’appellerai Lisi.

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La nature qui l’a fait intelligent l’a trahi, elle aussi. Parce que perspicaces, les autres le sont. Comme lui, ils réfléchissent, puis agissent, puis couvrent leurs traces. Ça se passe un moment où Alma n’est pas là, partie il ne sait où dans un coup de vent semblable à une tempête. Même ses petits grains blancs, qu'elle prend presque tous les jours, trônent broyés en une fine poudre sur la table. Malgré son départ soudain et ses drôles d'écuelles sales dans l'une des pièces, elle leur laisse assez de nourriture pour plusieurs jours, ce qui veut dire qu’elle sera absente un bout de temps. Mali est là, fidèle à son avarice de mots. Dhelpra et Thua chuchotent constamment dans son dos et ses invectives ne font rien pour délier leur langue. Yll… l’évite. Il prend la fuite dès qu’il le voit, esquive son regard comme sa compagnie. Et puis se passe une nuit. Une seconde. Toujours rien. L'anxiété de Lisi monte en flèche malgré sa confiance affichée. Sa logique désabusée sait qu’une chose va se passer, seul son cerveau redoute le quand et le comment. Le temps s’inverse. Le jour devient la nuit, ses lumières dévorantes son seul réconfort. La nuit devient le jour, ses ombres la terreur de ce qui va se passer. Et il s’endort.

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« Il est temps que les rôles changent, abruti. Je te l’avais dit. »
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Leurs murmures s’effacent dans le lointain.
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« Je t’avais prévenu. »

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L’esprit de Lisi est si vide qu’il fait écho. Le bruit a disparu, ôté d’une façon si subtile que son cerveau n’a pas vu le coup venir. Lui qui vivait dans un chaos relatif rencontre pour la première fois de sa vie un inconnu aux contours opaques et à la voix inusitée : le silence. Il hurle à ses oreilles, se présente à sa langue pâteuse. Tournis et nausées s’amusent avec ses yeux écarquillés, ne saisissant pas ce que son esprit cotonneux analyse autour de lui. Il est… de retour ? Désorienté, Lisi peine à faire fonctionner son corps, pourtant parcouru de spasmes nerveux. Droite, gauche. Il ne comprend pas.
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Le soleil passe dans le ciel, puis la lune. Puis le soleil à nouveau. Quand Lisi rouvre les yeux, ces derniers se posent sur ce qui l’entoure. Et il comprend. Oh, il comprend très bien. La rage éclate, chaude, bouillante et aussi éphémère que les dernières paroles de Dhelpra. Il est temps que les rôles changent, abruti. Je te l’avais dit. Je t’avais prévenu. Lisi dégonfle, rétréci pour coller au sol dur et brûlant. Le halo du soleil s’évanouit au loin. La nuit s’installe à nouveau. Il piaque de la gueule, tente de faire disparaître cet horrible goût qui ne l’a pas quitté depuis son réveil. Son estomac gargouille bruyamment mais la faim est loin de pendre à ses babines. La peur s’avance pour lui tenir compagnie une fois encore. Un nouvel accès de nausée le prend. Le vacarme du monde gris s’enroule autour de lui, enserre sa gorge. Toi… Seul et abandonné.

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Ça fait trente-six jours qu’il rôde. Trente-six soleils. Trente-sept lunes, s’il compte celle d’aujourd’hui. Lisi fait semblant de dormir, la plupart du temps. Son rythme de sommeil n’a plus jamais été le même, depuis qu’il est arriv—depuis qu’il a été jeté ici. Ses nuits ne sont qu’un enchevêtrement de réveils apeurés et de rêves solitaires. Ses journées, il les passe à louvoyer parmi la masse de matous isolés qui errent comme lui. Mais ses yeux sont posés sur deux d’entre eux. Deux jeunes. Deux chatons. Il ne sait pas depuis quand ils traînent ensemble, s’en fiche royalement. Ce qui l’importe, c’est les restes qu’ils laissent sur leur passage. Des miettes par-ci. Des bouchées par-là. Son orgueil se satisfait mal de ce à quoi il est réduit pour survivre. Mais la vie, il l’a appris, se satisfait mal des attentes de chacun.
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Il y en a une autre, qui le suit. Discrète, comme lui, mais qui déborde d’une volonté refoulée. Lisi l’observe, quand il feint dormir. À certains moments, elle s’arrête. Comme si elle était soudain en proie à une hésitation. À d’autres, elle recule de plusieurs pas répétés, à croire qu’elle veut le fuir… Il dort entre des piles de détritus et des cartons qui ont connus meilleure jeunesse. Il furète parmi des dizaines d’Alma et d’Ismail. Il s’allonge à l’ombre du trône de souveraines et souverains étrangers. Pour autant, il n’oublie pas qu’il est celui qui a perdu le pari.

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Pendant que Lisi se débat comme un beau diable, son corps pressé contre d’autres pelages inconnus, les paroles d’Alma lui reviennent en mémoire. Prisonnier contraint comme cinq autres de ses congénères, dont la minuscule suiveuse et le duo mal assorti qu’il filait, il laisse les mots inconnus résonner dans sa tête, leurs sonorités chasser les relents de peur et de stress.

Toi… Tu es fort, pour avoir survécu dans cet état-là, seul et abandonné. Je t’appellerai Lisi. Ça veut dire chêne dans ma langue natale.
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Toi tu es fort pour avoir survécu dans cet état-là seul et abandonné je t’appellerai lisi ça veut dire chêne dans ma langue natale.
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Toituesfortpouravoirsurvécudanscetétatlàseuletabandonnéjetappellerailisiçaveutdirechênedansmalanguenatale
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Toifortsurvécuseulabandonnélisichênelanguenatale
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Lisi.

EVOLUTION
écrire ici
(à ne pas remplir à l'inscription, sert à mettre à jour l'évolution de votre personnage au fil des événements qu'il aura traversé en RP)