Petite Paix était blottie contre le poitrail de sa mère, son pelage blanc fondant dans le sien pour ne faire plus qu’un. Elle était bercée par sa respiration, rassurée par sa simple présence. Dans ses songes, la petite arpentait des terres inconnues, aux côtés des siens. Petite Eau, Petite Mer, Petite Source et Boule Calme se tenaient non loin d’elle, probablement eux aussi en pleine excursion imaginaire. Depuis deux lunes, ils se construisaient tous petit à petit, montrant peu à peu des bouts de leurs personnalités. La blanche était une chatonne frêle, candide et particulièrement curieuse. Peu bavarde, mais très rêveuse ! Elle était la plus petite de la portée, on pouvait parfois s’inquiéter pour sa croissance, mais il fallait croire qu’elle tenait de sa mère, Mélodie des Étoiles, qui n’était pas très grande non plus. L’immaculée se réveillait doucement, laissant s’entrouvrir ses pupilles bleues, découvrant avec joie que le soleil s’était levé. Les autres chatons de la portée semblaient aussi éveillés, mais elle garda le silence, profitant de sa somnolence. Son regard coula vers l’entrée de la pouponnière d’où dépassait la grosse tête d’un guerrier qu’elle connaissait bien : Soir d’Orage. Le second du Clan, son grand-oncle. Ses petites oreilles se mirent à gigoter sur son crâne tandis qu’elle s’extirpait des pattes de sa mère.

Elle roula un peu sur le sol, atterrissant sous les pattes du plus âgé et s’étira en baillant. Elle lui miaula tout doucement “Bonjour, grand tonton”. Sa lourde voix lui arracha un petit sursaut alors qu’elle se redressait avec difficulté sur ses petites pattes. Elle leva la tête vers lui, pas véritablement certaine de savoir quoi répondre à sa question... De toute façon, elle n’en eut pas le temps, puisque Petite Mer s’en chargea ! Toujours aussi ronchon, celui-là ! Petite Paix afficha un demi-sourire, encore un peu fatiguée, et rampa aux côtés de son frère, se collant à lui en ronronnant pour se réchauffer. A nouveau, elle affronta le grand mâle clair du regard, tentant de réfléchir à ce qu’elle devait lui dire... Mais trop de questions fusaient dans son esprit et au final elle restait silencieuse, comme si elle était timide. Elle se réfugiait donc auprès de Petite Mer qui, en dehors de ses oreilles noires, lui ressemblait beaucoup tout de même. Qu’est-ce qu’ils faisaient de beau... Rien, justement... C’était un peu ennuyant, non ? Ils ne pouvaient pas jouer dans la pouponnière, car leur mère avait encore besoin de repos, mais en même temps ils ne pouvaient pas rester à rien faire ! Mais dehors, il devait faire froid... Le museau dans le pelage de son frère, elle finit par s’exclamer, sa voix un peu étouffée par ses poils :



Elle suppliait son frère, sans trop le secouer. Elle le savait vite grognon, il valait mieux prendre des pincettes si elle voulait avoir ce qu’elle souhaitait. Elle lui offrit son plus beau visage d’ange, tout en sachant que ça ne risquait certainement pas d’être suffisant. Elle avait envie d’explorer le campement, de trouver des endroits secrets... Petite Paix parlait à son frère, et non pas à Soir d’Orage, car il fallait dire qu’il lui faisait un peu peur avec sa grande carrure et son regard... Elle l’aimait bien, mais dès le matin, c’était un peu effrayant...



Dit-elle, toujours la tête cachée derrière son frère.

Boule Calme, malgré les appels à l’aide sa sœur, semblait encore somnoler à moitié. Cependant, Petite Eau commença à émerger de son sommeil, lui qui était jusque-là blotti contre Petite Source. L’immaculée l’observa, son quasi jumeau se déplia doucement, étant peu de temps avant secoué par un rêve sans doute plein d’aventure ! Il sursauta, à l’instar de sa sœur, lorsqu’il aperçut l’immense chat qu’était Soir d’Orage et il vint, à son tour, derrière Petite Paix et Petite Mer. Les trois chatons fixaient dorénavant le grand mâle, pas véritablement certains de ce qu’ils étaient censés faire. La petite rit du pelage hérissé de son frère et lui asséna quelques coups de langue affectueux pour le rassurer –du moins, du mieux qu’elle le pouvait-. La surprise de son arrivé étant passée, voici que Boule Calme, celle qui se rapprochait le plus du physique de leur mère, remettant de l’ordre dans la zizanie qui était en train de se créer. Malgré son miaulement fort, qui avait pour but principal de rembarrer le plus grognon des frères, Mélodie des Étoiles resta tout à fait endormie, ne bougeant pas un seul de ses poils ! Ouf ! La plus sage se plaça bien droite, provoquant pendant un instant l’émerveillement de sa sœur qui papillonna des yeux et commença à se sentir plus en sécurité.

Elle s’extirpa un peu de leurs ombres et se trouva une place un peu à l’écart, s’allongeant au sol, roulant sur elle-même en jouant avec une brindille entre ses pattes. Les histoires de Soir d’Orage étaient très bien racontées, ça ne la dérangerait pas de l’écouter, mais son corps réclamait de l’activité, de quoi la fatiguer ! Elle voulait découvrir des choses et poser plein de questions ! Ses oreilles se mirent à frétiller lorsqu’elle entendit l’imposant félin proposer un cache-cache, à l’extérieur de la pouponnière. Petite Paix se sépara de sa brindille, l’envoyant voler à l’autre bout et bondit sur ses petites pattes, les yeux écarquillés ! La queue de la chatonne se mit bien droite tandis qu’elle se posta aux côtés de Petite Eau, se collant à lui pour le motiver d’autant plus. Son autre frère proposa même d’aller voir la mer ! Quelle bonne idée ! Leur papa, Museau Nacré, devait connaître cet endroit par cœur, quelle chance ! La belle sautilla sur elle-même, débordante d’énergie. Néanmoins, elle resta fidèle à elle-même, discrète et peu bavarde, attendant simplement les recommandations et les idées des autres.

Oh, elle se doutait bien qu’elle n’allait pas réussir à se concentrer très longtemps sur le cache-cache, mais ça lui permettrait au moins de se dégourdir les pattes, de sentir des odeurs et de se rapprocher de la nature. Elle adorait ça, se coucher dans l’herbe, patienter au soleil, observer le monde qui l’entourait, écouter les oiseaux qui chantaient en chœur... C’était fascinant. Alors, elle n’attendit pas très longtemps pour s’extirper en dehors de la pouponnière, rampant au sol, silencieuse comme un fantôme. Les rayons du soleil ne perçaient pas la pouponnière, rendant son adaptions à la lumière un peu difficile, mais peu à peu ses petits yeux bleus prirent conscience de son environnement. Quelques guerriers ou apprentis s’attelaient à leurs tâches quotidiennes ou partageaient un morceau de poisson. Qu’est-ce qu’elle aimerait être assez grande pour croquer dans du poisson fraîchement chassé ! Elle s’ébroua un peu, pivotant sur elle-même pour attendre les autres chatons et surtout le grand lieutenant ! Elle repéra déjà quelques endroits où se cacher qui semblaient intéressants... Allaient-ils vraiment aller dehors ? Ça serait encore mieux ! Il devait y avoir des centaines, même des milliards de cachette ! Et plein plein de choses à observer ! Elle trépignait d’impatience, gesticulant sur elle-même, incapable de rester immobile.