Le programme du jour (FT Nuage Iirisé)

Ce matin là, Petit Cassis était posé devant la pouponnière. Cette dernière étant légèrement en hauteur, elle lui permettait d’avoir une bonne vue sur ce qu’il se passait autour de lui. Il observait pour le moment un duo d’apprentis se livrer à quelques joutes musclées. Rien de bien dangereux, leurs griffes étant rentrées, mais cela avait néanmoins le don d’impressionner le petit. Lui aussi serait un jour capable de se battre comme eux ? Le fils de Mûre des Bois ne s’en sentait, pour le moment, pas vraiment capable. Certes, c’était assez simple d’écraser sa sœur, Petite Fraise, mais donner des coups de pattes était plus compliqué que simplement se laisser tomber sur quelqu’un.

C’est alors qu’il remarqua sa tante, Nuage Irisé sortir de la tanière derrière les deux bagarreurs. Petit Cassis voulu aller la saluer et se leva donc rapidement pour descendre. Le chaton ne remarqua néanmoins pas que la plateforme se terminait plus vite que prévu et tomba au sol, la tête la première. Le petit poussa un petit gémissement, ce qui attira l’attention d’une reine, mais le voyant se remettre rapidement sur ses pattes comme si de rien n’était, elle le laissa continuer à avancer dans le camp.

Petit Cassis se mit à courir, sa tête ne lui faisait pas tellement mal, mais il aurait certainement une petite bosse ce soir. Le chaton espérait surtout que personne ne l’avait vu se gameler aussi bêtement.

Tata Irisié ! la héla-t-il pendant qu’il courait pour la rejoindre. Il s’assit finalement devant elle, son petit cœur battant la chamade et le souffle court. Tu… Tu vas faire quoi aujourd’hui ?

Comme à peu près toutes les fois où la nuit s'apaisait entre les cimes d'arbres, Nuage Irisé commençait à s'éveiller entre les ombres bruyantes de la tanière des apprentis. On pouvait apercevoir l'apparition de deux reflets bleutés dans la pénombre, et une queue nacrée frémir d'excitation. La jeune femelle immaculée s'étirait sur le dos entre les respirations et les grognements de ses camarades, prête à entamer une nouvelle journée. Elle espérait sans cesse, en attendant à l'aube devant la tanière remplie des novices, apercevoir la fourrure massive de son mentor. Peut-être que je devrais m'habituer à me lever plus tard, à quoi bon m'entêter.

Avec la tête encore bercée dans la brume confuse matinale, elle bâillait faiblement, s'asseyant devant la tanière bien trop humide et chaude. Ses yeux observaient les arbres fendre les rayons du soleil, qui commençait déjà à brûler le bout de son museau, inspirant avec plaisir l'air frais du camp. Sa tête commença à balayer le camp. Coeur de Loup? Seulement, elle n'apercevait que des guerriers matinaux, et deux apprentis bien trop dynamiques pour une heure aussi précoce. Ses yeux se levèrent au ciel. Jamais Nuage Irisé pouvait envisager d'être aussi bruyante dans le camp.

« Tata Irisé ! »

Surprise par la voix aiguë, la jeune novice aperçut un chaton gris courir dans sa direction avec un enthousiasme non dissimulé. La regard de la femelle nacrée se mit à scintiller de joie. Il ressemble tellement à ma soeur ! Nuage Irisé s'approcha de sa démarche souple et douce de Petit Cassis, les moustaches rieuses. Le chaton s'arrêta dans sa course, reprenant son souffle avant de miauler :

« Tu... Tu vas faire quoi aujourd'hui ? »

La femelle l'ignorait, elle n'attendait que de le savoir aussi ! Elle jeta un regard à l'antre des guerriers, avant qu'un souvenir vienne chambouler ses pensées. J'ai du temps à perdre de toute manière. Avec un air malicieux, et se baissant vers la boule de poils excitée, la douce voix de la femelle proposa :

« C'est une très bonne question... peut-être une surprise pour toi ? J'ai quelque chose de très amusant à te montrer ! Suis-moi ! »

Alors qu'elle commençait à s'en aller, continuant à regarder Petit Cassis, son poitrail duveteux se gonfla d'affection. La nouvelle sur la portée de sa soeur l'avait bouleversée si positivement, et encore plus leur naissance. Voir ces trois boules de poils s'exciter dans le camp rendait Nuage Irisé beaucoup trop optimiste.

Petit Cassis la vit regarder en direction de l’antre des guerriers. Sa tante devait certainement attendre son mentor. Le chaton se demanda pendant une fraction de seconde comment serait son quotidien d’apprenti, à lui. Aurait-il un bon mentor ? Serait-il à la hauteur du Clan de la Lune ?

Nuage Irisé mit fin à ses questions en lui proposant de la suivre. Elle avait une surprise, pour lui ? Le petit ouvrit de grands yeux et mit quelques secondes à suivre la femelle. Il marchait à ses côtés, les orbites toujours grandes ouverts et la tête levée vers l’apprentie.

Une… Une surprise ? demanda-t-il, étonné. C’est… C’est gentil, mais… mais c’est pas la peine… T’es sûre que tu veux me montrer la surprise à moi ? demanda-t-il, tout gêné, mais ne pouvant masquer une pointe de curiosité dans sa voix.

Les yeux de Petit Cassis s'illuminèrent, et devinrent aussi ronds que les cassis eux-mêmes. Les rayons ambres du soleil venaient réchauffer les deux silhouettes qui s'avançaient dans le camp. Nuage Irisé s'amusait de cette vision adorable. Le chaton couleur ardoise regardait l'apprentie avec curiosité, avant d'hésiter :

« Une… Une surprise ? C’est… C’est gentil, mais… mais c’est pas la peine… T’es sûre que tu veux me montrer la surprise à moi ? »

La soeur devinait l'étonnement du chaton, mais aussi son envie de savoir. La femelle nacrée se reconnaissait dans les paroles de son petit frère. Quelle modestie à son âge ! Cela lui rappelait ses propres réserves quand elle était plus jeune. Nuage Irisé rougissait sous sa robe pâle. Elle n'avait pas l'habitude d'impressionner quelqu'un, ou si c'était le cas, ne s'en rendait même pas compte. La femelle souple miaula alors, avec enthousiasme :

« Tu pourras le montrer à Petite Fraise et Patte de Fruit lorsqu'ils seront réveillés, ils seront contents d'avoir une surprise à leur tour. »

Sur ces mots, Nuage Irisé contourna une des nombreuses racines qui sculptait le camp des Luneux. Parmi des plus petits noeuds boisés, des grains de terre parsemaient le sol, comme des miettes brunâtres. L'apprentie s'accroupit, pointant de ses coussinets roses des silhouettes sombres, couleur jais, qui s’alignaient et flottaient sur le sol dans un rythme bien ouvrier :

« Tu vois ces minuscules insectes ? Ce sont des fourmis, et là leur fourmilière ! »

Nuage Irisé observait avec des yeux ronds les petites bêtes s'atteler à leur travail. Elle espérait occuper un minimum Petit Cassis avec cette petite découverte, et peut-être l'émerveiller ? La femelle se souvenait de sa propre rencontre avec ces animaux minutieux. Elle s'était fait mordre par un des soldats de ce monde miniature. Y penser la fit remuer ses moustaches d'amusement.

Petit Cassis commença à sautiller aux côtés de sa tante. Il ne manquerait pas de montrer sa découverte à son frère et à sa sœur. Une surprise ne pouvait, de toute façon, pas rester secrète très longtemps, surtout au sein d’une seule et même portée.

Le chaton contourna lui aussi les racines que formaient l’Arbre-Camp et s’accroupit auprès de Nuage Irisé. Il devait paraître tellement petit à côté d’elle. Il observa ensuite avec émerveillement les fourmis indiquées par sa sœur. Ses insectes couraient dans tous les sens, comme assignés à une tâche inconnue du petit félin.

Woaw ! ne put-il s’empêcher de lâcher.

Soudain, Petit Cassis vit une fourmi sortant de sa fourmilière se diriger vers eux, un peu trop rapidement à son goût. Le chaton enclencha rapidement la marche arrière et vint se cacher derrière la femelle, laissant passer le petit animal avec respect. Ce dernier ne semblait pas porter la moindre attention aux deux félins et fut rapidement suivi par plusieurs de ses congénères, comme suivant une piste.

C’est… C’est pas dangereux… Ces petites bêtes ? Fau… Faudrait peut-être prévenir les guerriers, tu crois pas ? demanda-t-il, la voix tremblante.

Il vint ensuite se blottir contre sa parente de l’autre côté, laissant aux fourmis le champ libre. Sa fourrure collée à celle de sa tante, Petit Cassis se sentait plus en sécurité.

Alors que mes moustaches s'agitaient d'amusement, mes pensées qui s'envolaient revinrent à terre lorsque l'exclamation de Petit Cassis perça l'air.

« Woaw ! »

Mes yeux se posèrent alors sur sa petite silhouette cendrée, accroupie près de moi. Une étincelle chaleureuse éclaira mes froides pupilles, avant d'observer Petit Cassis, tendu, commencer à reculer sur ses coussinets sombres et disparaître derrière mon dos et ses reflets magnétiques. Surprise, mon regard se posa sur le sol, où quelques fourmis avaient dévié sur quelques centimètres.

« C’est… C’est pas dangereux… Ces petites bêtes ? Fau… Faudrait peut-être prévenir les guerriers, tu crois pas ? »

La voix tremblotante de son neveu commença à m'inquiéter et me faire regretter. Quelle idée de montrer ceci à un chaton ? A part l'effrayer ? Petit Cassis se rapprocha encore de moi, et je sentis sa chaleur presser mon flanc. Reprenant rapidement mes esprits, je me baissai près de Petit Cassis et lui léchai le haut du crâne, essayant de le rassurer.

« Ne t'inquiète pas, et regarde bien. La petite bête ne mange pas la grosse ! »

Après mon geste instinctif, je tendis la patte vers la fine ligne noire à l'apparence menaçante pour Petit Cassis. Je déposai mes coussinets en plein milieu de la file, et les soldats jais commencèrent à poursuivre leur chemin malgré l'obstacle, grimpant entre mes poils diaphanes, hésitants au début, mais ignorant cette nouveauté l'instant d'après. Prenant ma voix la plus rassurante possible, je me tournais vers le visage de Petit Cassis, miaulant chaleureusement :

« Je ne pense pas qu'il sera utile d'alerter les guerriers pour ça. Mais évite quand même de jouer avec elles, elles peuvent s'énerver, crois-moi ! »

Le coup de langue de sa tante le rassura quelque peu et lissa par la même occasion les quelques poils qui s’étaient hérissés sur le sommet de son crâne. Petit Cassis observa donc l’apprentie placer sa patte en barrage, sur le chemin des petites fourmis. Alors qu’il croyait qu’elles allaient lui sauter dessus et la mordre ou la piquer, qui savait de quoi étaient capables ces petites bêtes, elles se contentèrent de gravir les poils de Nuage Irisé. Elles passèrent ainsi de l’autre côté et continuèrent leur chemin. Le petit félin souffla un petit Oh… de surprise en regardant le spectacle.

Il releva ensuite la tête et hocha cette dernière lorsque son interlocutrice le mit en garde, l’air grave, prenant son avertissement très au sérieux, naïf qu’il était.

Tu avais déjà eu à faire avec ? Est-ce qu’il y en a aussi hors du camp ? Je sais qu’il y a des souris, des oiseaux, des écureuils, mais je ne sais pas s’il y a des fourmis. demanda-t-il, avide de réponse.

Petit Cassis se détendit un peu par la suite, s’asseyant aux côtés de sa tante, sa queue frémissant toujours derrière lui, témoignant de son excitation.

Le jeune neveu releva sa tête cendrée, acquiesçant en un mouvement sincère, approuvant les paroles de sa tante. Celle-ci ronronna de tendresse, les yeux débordant de chaleur. Il est beaucoup trop adorable. Le miaulement du chaton duveteux interrompit les pensées affectueuses de la jeune tante :

« Tu avais déjà eu à faire avec ? Est-ce qu’il y en a aussi hors du camp ? Je sais qu’il y a des souris, des oiseaux, des écureuils, mais je ne sais pas s’il y a des fourmis. »

Douceur Irisée sourit aux paroles de Petit Cassis. Ses questions étaient légitimes ! Même la guerrière ne pensait pas savoir tout ce qu'il y a dans la vallée. Elle est si grande et diversifiée, et la jeune novice n'avait pas encore eu l'opportunité d'explorer tout ce territoire, de voir tous les arbres, toutes les couleurs encore inconnues, toutes les fleurs encore mystérieuses. L'immaculée eut un soupir satisfait : songer à toutes choses la laissait admirative et rêveuse. Elle finit par répondre au chaton, la queue ondulante :

« Oui j'ai déjà eu à faire avec des fourmis ! J'ai trop joué avec une d'elle, et elle m'a mordue. Ca m'a appris à ne pas trop les embêter. Elle fit une légère pause, appuyant sur son dernier mot, avant de reprendre, joviale. Et oui il y en a partout des fourmis figures-toi. Et tu connais déjà beaucoup de bestioles, tu m'impresionnes. »

Son oeil bleu nuit scintilla malicieusement, avant de poursuivre, intriguée par les connaissances de son neveu :

« Et dis-moi, tu connais les bestioles de la forêt, mais est-ce que tu connais les bestioles des rivières ou encore des plaines? »