A little braver now - Fumée & Mélodie

« Bonjour, Âme de Fumée. Comment vas-tu ? »

Elle s’était retrouvée face au guerrier par hasard, et ne sut quelles autres paroles lui adresser que ces mots vides de sens. Ce n’était pas qu’elle ne s’intéressait pas à la réponse à cette question. Mais elle aurait aimé dire autre chose au matou. Elle aurait aimé être plus proche de lui, ou du moins avoir su se rapprocher. Après tout, cela faisait bien des lunes qu’ils faisaient partie du même clan elle et lui, qu’ils partageaient le même quotidien, les mêmes camarades. Il fut un temps de cela, la même tanière aussi. Elle avait sûrement entendu à bien des reprises sa respirations endormie lors de nuit d’insomnie, et lui la sienne. Et pourtant… les voilà face à face, aussi familiers l’un à l’autre qu’un frère et une sœur, mais aussi inconnus que deux parfaits étrangers. Un sentiment de tristesse et de lâcheté s’était répandu dans le cœur de Mélodie à cette pensée. Le guerrier n’avait jamais été particulièrement proche de qui que ce soit, mais Mélodie s’en sentie aujourd’hui comme coupable. La solitude du félin avait toujours fait partie de sa personne, et chacun avait un peu finie par l’oublier, ou s’était arrangé pour l’ignorer, au lieu de lui tendre une patte. Elle ne voulait pas se présenter en sauveuse ayant pitié, non. Simplement… elle se demandait peut-être s’il souhaitait vraiment cette solitude, où si il arrivait parfois qu’elle lui pèse aussi.

Les yeux de la petite meneuse s’étaient ouverts sur une clarté de début d’après-midi, et un juron avait failli traverser ses lèvres. Elle avait encore trop traîné. Voilà quelques jours déjà, après une longue patrouille de nuit qui l’avait laissée éreintée, qu’elle vivait à un rythme décalé. Tous ses efforts pour tenter de se remettre dans le droit chemin et se réveiller à l’aube, comme tout guerrier digne de ce nom n’y faisaient rien. Elle s’était pourtant éveillée ce matin lorsque Museau Nacré avait quitté leur couche, décidée à le suivre au dehors, et… Le néant. Elle s’était de toute évidence encore rendormie.

Bien éveillée cette fois, elle sortit de la tanière telle une tornade, bien peu soucieuse de l’état de son pelage qui laissait quelque peu à désirer. Le camp offrait une ambiance de début d’après-midi bien calme, quelques guerriers ici et là partageant un repas, des chatons chahutant. Le reste du Clan était manifestement au dehors, comme elle le devrait aussi à cette heure. Elle prit le temps de balayer l’îlot du regard, cherchant une tâche à laquelle s’adosser. Le tas de nourriture était bien bas, et la pouponnière mériterait bien d’être renforcée par quelques roseaux… La bonne saison arrivait, mais l’on n’était jamais à l’abris de fortes pluies orageuses, il fallait donc s’assurer que la structure flottante résiste en cas de crues. Notant mentalement cela, Mélodie des Etoiles plongea discrètement dans l’eau de la rivière et rejoignit la rive.

Les poissons avaient appris avec le temps à fuir le plus possible la zone des îlots du camp de la Rivière. La meneuse suivit donc un instant le cours de l’eau, trottinant sur la rive avant de finalement choisir un rocher surplombant l’onde. Le soleil brillait, elle avait donc stratégiquement choisi de se placer en face de celui-ci afin que son ombre ne surplombe pas son terrain de pêche. A présent, il fallait attendre… Attendre qu’un éclair argenté caractéristique ne scintille juste sous la surface, et la patte de la féline fendit les eaux, projetant habilement l’ablette sur la rive. Il suffisait ensuite de l’achever proprement. Se faisant, Mélodie s’était retournée, et c’est ainsi qu’elle se retrouva nez à nez avec lui. Un flottement s’était ensuite installé après les salutations. Paniquant légèrement, les mots sortirent à toute vitesse de la bouche de la femelle.

« J’aipêchédupoissonfrais, çatedit ? »

Oups. Ou comment faire fuir l’autre en beauté.

« Non euh, pardon. Je voulais dire… Si ça te dit de t’asseoir avec moi… Je crois que j’apprécierai un peu de compagnie aujourd’hui, peut-être que euh, toi aussi ? »

Bon, s’il refusait, voilà qui serait gênant. Mais les dés étaient jetés à présent, et elle espère réellement qu'il va s'installer près d'elle, même s'il s'agit seulement de partager un repas en silence. Il suffit parfois de peu pour ressentir un peu de compagnie.