Rêves et Destinée | Neiges

L’aventure commençait, une nouvelle fois, je me sentais enfin prête pour l’achever enfin. Mes yeux clairs étaient fixés sur ce point que j’apercevais sans trop le voir à l’horizon. Je ne savais vers où mes pattes me porteraient, mais je ressentais que je devais effectuer la tâche qui m’avait été donnée. Ce n’était pas la première fois que j’essayais, que je rêvais de ce lieu fantastique, presque enchanté et irréel. Je le revoyais dans mes songes, dans mes pensées, dans les chats autour de moi, leurs prunelles reflétant ce lieu que je connaissais presque par coeur. Mes pupilles n’avaient jamais reflété ces pierres lisses et recouvertes de l’eau s’écoulant contre elles. Je pouvais presque ressentir tous ces flocons de neiges s’échouant contre la surface claire de l’eau afin de se fondre en elle, sentir leur doux contact contre mon pelage. Je n’avais qu’à fermer les yeux et je m’y trouvais enfin, à cet endroit de mes songes. Le Périple allait enfin débuter, une dernière fois, je n’échouerais plus, mes pattes avaient acquises la force de me porter jusqu’au bout du monde s’il le fallait. Ma vision se troubla, mes prunelles se révulsèrent, je me laissais porter par mes songes, et pour la première fois, j’entendis une voix, douce mais insistante, elle m’appelait sans cesse. Je m’approchais du mur d’eau et la voix se faisait plus distincte, je tentais de traverser la cascade mais je fus rejetée en arrière et une dernière vision s’imposa. Des milliers de cristaux brillaient devant moi, et j’entendis enfin les mots qui m’étaient adressés.

Viens me rejoindre, suis ton cœur, il te mènera jusqu’à moi.  

Mes yeux s’ouvrirent alors, perdue dans cet univers si sombre contrastant avec la brillance des pierres brillantes que je venais de voir, ma respiration était saccadée, je me débattais dans ce lieu si fermé. Je n’entendais que le son incessant de mon coeur battant si fort dans ma poitrine alors que je restais troublée par le dernier songe que je venais de vivre. Je me calmais peu à peu, mon corps reconnaissant la mousse confortable de la pouponnière et son odeur rassurante de lait tandis que mon esprit restait perdu dans les dernières brides de souvenirs que m’avait laissé mon rêve. Les détails s’envolaient dès que j’essayais de me souvenir, tout était maintenant recouvert d’une brume impénétrable. Tel était le monde des rêves, si inaccessible une fois quitté… Je me redressais lentement sur ma litière, troublée. Maman était partie, mais cela m’importait peu, j’étais assez grande pour me garder toute seule, mes six lunes approchaient à grand pas et le fait de rester seule ne me dérangeait plus. Au contraire, je pouvais être libre de me perdre dans mes pensées ou de réfléchir. La solitude m’offrait la plus calme des paix, et cela était précisément ce dont j’avais besoin, ce rêve n’était pas comme les autres, il leur ressemblait, mais quelque chose avait changé.

Ce n’était pas la première fois que je faisais des rêves de ce lieu que je n’avais jamais vu, mais au fil des songes, j’avais compris que cette cascade était celle des Cristaux de Lune grâce aux détails que je remarquais chaque nuit passant. Ce lieu m’attirait dans ses rêves, je tentais de m’y rendre inlassablement, sans jamais y parvenir. Toutefois, je n’avais jamais effectué ce qu’il venait de se dérouler, je n’avais jamais entendu cette voix douce et féminine. Et je n’avais jamais ressenti d’une façon si forte ce sentiment que j’allais réussir. Une certitude venait peu à peu étreindre mon coeur, il était temps de faire ce que je n’osais accomplir depuis quelques lunes. Je devais tenter ce Périple, je le devais et je le savais.

En moins de temps qu’il ne le fallait pour le dire, ma toilette était soigneusement effectuée et j’étais à présent totalement réveillée. Contre toute attente, ce n’était pas le voyage qui m’inquiétait, mais sortir du camp sans me faire remarquer. Maman était sans doute partie chasser et se dégourdir les pattes mais elle ne tarderait pas à revenir, et ne fois mon absence découverte, je ne donnais pas longtemps avant que l’on me retrouve. Il fallait donc que je trouve un moyen de ne pas inquiéter ma mère, car de ce que j’avais entendu, il fallait de bonnes heures de marche pour arriver jusqu’à ces cristaux. Ma petite patte ne m’aiderait sans doute pas à avancer plus vite. Maman avait beau dire que cela n’était pas un problème, et elle avait raison, ça n’en n’était pas un, j’avais bien pu remarquer que j’avançais moins vite que les autres, que parfois je devais m’arrêter de jouer plus tôt que les autres car ça me brulait un peu. Enfin, je devais me concentrer, pour une fois dans ma petite vie je devais obliger mon esprit à se concentrer et à ne pas voguer librement sur le chemin infini qu’offrait mes pensées et mon imagination.

Après quelques minutes de réflexion, j’avais trouvé une excuse me paraissant presque parfaite, et elle atteindrait la perfection car je ne serais pas celle qui ferait cette excuse, je laisserais quelqu’un d’autre la faire pour moi. Joyeusement, je sortis de la pouponnière en claudiquant un peu et je vis non loin de moi un chat que je reconnu immédiatement par son odeur. Son joli nom s’imposa de suite dans mon esprit, Souvenir Irréel. J’aimais vraiment bien ce guerrier, il était très gentil et à vrai dire cela m’embêtait un peu de le faire mentir à son insu.. Promis, je ne lui referais plus jamais ça, il ne le méritais pas, vraiment pas, plus jamais je ne recommencerais. Mais c’était pour la bonne cause, alors je m’avançais devant lui et après un petit signe de tête pour lui dire bonjour, je me lançais.

Dis ? Tu… Tu pour-rais dir.. maman.. qu-que par...tie décou.. couvert..e du camp ?

Quelques secondes passèrent durant lesquelles je retrouvais ce sentiment si désagréable logé au fond de mon ventre, cette angoisse de devoir répéter si l’on ne m’avait pas comprise. J’essayais tellement de me concentrer sur toutes les syllabes des mots, de les mettre dans le bon sens, de contenir le flots des mots de ma pensée… Le soulagement chassa vite ce sentiment, le guerrier me répondit par l’affirmative à ma demande, si contente qu’il accepte et qu’il m’ait comprise, je faisais un petit bon pour me jeter furtivement contre lui afin de le remercier. C’était deux petites victoires pour moi, j’étais à peu près certaine de pouvoir quitter le camp sans encombre, et avoir était comprise sans difficulté représentait une victoire d’autant plus importante pour moi.

Les temps qui suivirent semblèrent passer en quelques battements de coeurs, je me retrouvais bientôt sur le Chemin des Cristaux, seule, toute droite et pleine d’excitation. Je marchais d’un bond rythme, longeant la rivière, le goût de faire quelque chose d’interdit était contre toute attente délicieux. Un sentiment d’ivresse m’animait, je n’avais pas peur des choses autour de moi, je m’émerveillait à chaque instant devant ces nouveautés que m’offrait le monde. C’était magnifique. Les heures passèrent ainsi, animées de mes découvertes, le ciel me donnant de la force pour poser mes petites pattes toujours encore sur le sol se faisant de plus en plus rocailleux. Mes coussinets un peu trop tendres et sensibles me faisaient un peu souffrir, et je devais m’arrêter de plus en plus souvent pour me reposer. Une vieille douleur que je ne connaissais que trop bien lancinait ma patte arrière et venait jusqu’au bas de mon dos. Mais je serrais les dents, j’allais y arriver, je le savais, du haut de mes cinq lunes, j’allais le faire, malgré les douleurs, malgré la faim, car oui j’avais faim.

Cette belle détermination commença à s’essouffler lorsque l’espoir s’envola peu à peu. Je voyais le soleil commencer à décroître peu à peu, perdant de sa lumière. La nuit allait tomber dans quelques temps, et j’errais, sur des terres inconnues, je ne savais même pas si j’étais partie du bon côté, je ne savais pas comment rentrer, je voulais maman. Pourquoi j’étais partie, pourquoi j’avais voulu faire ça, pourquoi je n’étais pas comme tout le monde à rêver de songes de gloire et de chefs de clans ? Pourquoi je rêvais de cascade enneigée ?! La fatigue me gagnait toujours plus sans que je puisse la battre, le désespoir me gagnait, je me voyais déjà, effondrée sur le sol, à la merci de tous les monstres des histoires que nous racontent les anciens. J’avançais toujours, mais cela n’était qu’une histoire de minutes avant que les forces me quittent que mes pattes cèdent à me laisser tomber sur ce sol rocailleux.

J’allais abandonner, je ne voulais plus avancer lorsqu’un son étrange me fit me stopper. Il était fort mais comme masqué, un grondement mais accompagné de sons connus. Comme un ruissellement, beaucoup plus puissant. La cascade ! Ce nouvel espoir me donna une dernière parcelle d’énergie, je m’élançais alors, mes pattes glissant contre les cailloux, ma patte tordue se blessant à chaque foulée. A bouts de souffle je la vis enfin, elle était là, cette cascade magnifique et libératrice. Elle n’était pas baignée de flocons de neiges, mais cela ne m’importa que peu. Je ralentissais, ne pouvant garder le rythme effrené de ma course et je me laissais tomber sur une grosse pierre bordant la rivière. Je laissais l’eau tremper mon pelage rendu sale par mon voyage et nettoyer les diverses petites plaies que m’avait infligé le monde de dehors. J’aurais voulu traverser enfin ce mur d’eau et découvrir la voix qui m’avait parlé, mais la force me quittait, ma vision se troublait alors que je m’endormais, face contre terre, toute tremblante du froid glaçant de l’eau et de l’effort que je venais de donner pour arriver jusqu’ici.  

Une voix. Discrète, lointaine, soufflée. Feuille des Neiges la connaissait par cœur, l'avait entendu toute sa vie. C'était la voix du savoir, du soutien, de l'amour, de la sagesse et des étoiles. Elle l'accompagnait comme le vent la journée, la berçait comme une mère la nuit. Jamais elle ne lui manquait, jamais elle ne s'éteignait totalement. Cette voix était toujours là quand elle en avait besoin, lui soufflait les mots justes, ceux qui apaisaient le cœur, qui ravivaient la flamme. Encore une fois, elle essayait de lui dire quelque chose, l'invitait à la suivre. C'est ce que fit Feuille des Neiges.

Il faisait nuit noire, il n'y avait aucun bruit, aucune brise. Le ciel était parsemé d'étoiles et entrecoupé de lourds nuages. La fine guérisseuse avançait sans un bruit, marchant le museau levé vers le ciel. Ce même ciel que partageaient le Clan des Étoiles et la Tribu de la Chasse Éternelle, et combien d'autres ancêtres encore ? Au sol, on pouvait deviner la couleur verte de l'herbe malgré l'obscurité et un ruisseau coulait non loin.

« Suis moi Feuille des Neiges, tu dois voir quelque chose. »

La voix se faisait entendre à nouveau, et un corps se forma autour de ces mots. Feuille des Neiges hocha la tête face à Poussière de Lune qui venait d'apparaître et la suivit sans un mot, elle lui faisait confiance. Son pelage était constellé d'étoiles et elle flottait presque au-dessus du sol. Les deux femelles coururent pendant un moment avant d'enfin ralentir, s'arrêtant au bord d'une falaise débouchant sur un précipice infini. Feuille des Neiges se plaça aux côtés de son mentor et lui demanda :

« Pourquoi sommes-nous ici ?

— Regarde. » répondit simplement la défunte.

Sa queue pointait vers le ciel, et lorsque la féline au pelage blanc leva le museau dans la même direction, une goutte vint s'écraser dessus. Puis deux. Puis trois. Bientôt, la pluie s'abattit totalement sur les deux voyageuses de la nuit, mais ce n'était pas une pluie torrentielle ou violente. Les nuages s'écartèrent à un endroit précis du ciel et derrière eux se présenta la lune. Feuille des Neiges regarda la scène pendant quelques secondes avant de se tourner vers Poussière de Lune. Elle lui souriait.

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Le bruit de la cascade se manifesta à nouveau, et le sol froid se fit sentir sous les pattes de la guérisseuse. Elle ouvrit les yeux. Elle était de retour dans la caverne des Cristaux de Lune et en regardant vers le mur d'eau, elle distingua les dernières lueurs orangées de la fin de journée. La féline s'étira longuement avant de se relever, l'esprit occupé. Que voulait dire ce rêve ? Le Clan de la Lune allait-il avoir des problèmes, était-ce le signe ? Poussière de Lune avait définitivement essayé de lui dire quelque chose. Feuille des Neiges marcha lentement le long du mur, caressant du bout de la queue la myriade de cristaux qui le constellait. Pendant plusieurs minutes, elle laissa ses pensées vagabonder, des théories se former, ou alors elle se mettait à penser à quelque chose de totalement différent. La nuit dehors était tombée. C'est alors qu'elle la vit.

Une forme blanche, brillante, derrière la cascade. Feuille des Neiges fit immédiatement le rapprochement avec l'image de son rêve et se dirigea vers la sortie. En passant le mur d'eau, elle put distinguer exactement ce qu'elle avait vu. C'était une jeune chatte, le pelage parsemé de gouttelettes qui brillaient de la lumière de la lune qui s'était levée. Rattrapée par son instinct de guérisseuse, la féline se glissa à ses côtés et l'examina. Elle était jeune, peut-être même pas encore apprentie... Son pelage portait l'odeur du Clan de la Lune et dessous, elle pouvait distinguer quelques griffures artificielles. Aucun signe de maladie ou de blessure grave, juste une fatigue intense et un manque de nourriture. Que faisait-elle si loin de chez elle, et seule ? Telle une mère, Feuille des Neiges l'attrapa par la peau du cou et la porta délicatement jusque dans la caverne. Avec le temps, elle avait assemblé une petite réserve de plantes médicinales, au cas où des visiteurs des autres clans se seraient blessés pendant leur voyage. Après l'avoir installé au sol, elle sortit quelques toiles d'araignée qu'elle appliqua méticuleusement sur les plaies de la chatonne après les avoir désinfecté, et s’allongea devant elle, les pattes en avant et la tête redressée. Ce n'était pas un hasard si la très jeune féline s'était retrouvé ici à cet instant. Poussière de Lune l'avait prévenu. Puis la petite se réveilla.

« Bonsoir, je m'appelle Feuille des Neiges. Bienvenue dans la caverne des Cristaux de Lune, déclara-t-elle d'une voix douce et faible, son regard profond plongé dans le sien. Comment te sens-tu ? »

J’étais plongée dans un sommeil troublé, instable, coincée entre deux mondes, entre les Rêves et la Réalité. Mon corps, exténué, s’était effondré contre les pierres lisses parcourant le sol, mais mon esprit restait accroché désespérément dans le monde réel, lâchant parfois prise mais captant les sons divers résonnant autour de moi. Des songes animaient parfois mon esprit, me faisant peu à peu perdre le fil de ce qui appartenait au monde réel et ce qui était créé par mon imagination. Je crus donc à une autre divagation lorsque je sentis mon corps être levé vers le ciel, quittant la morsure glaciale de l’eau brillante de la cascade. Et cette nouvelle odeur dont je n’avais jamais eu l’occasion  de savourer toutes les nuances et complexités comme j’aimais le faire avec toute senteur, je la crus donc toute tirée de mon imagination, mixant sans doutes quelques odeurs de fleurs exotiques poussant uniquement dans cette partie de la forêt qui m’était inconnue jusqu’à mon aventure jusqu’à la cascade qui m’avait tant appelée.

Toutefois, que ce soit réel ou non, je ressentis un réconfort à sentir la chaleur envelopper mes membres, les brûlures de mes blessures s’apaiser peu à peu. Au fur et à mesure du temps passant, mon corps, allongé contre la pierre froide, se détendait, apaisé. Et après un long moment, mon esprit retrouva le chemin du réel, je reprenais contrôle des sensations qui m’assaillaient, la lumière filtrée par mes paupières closes, la fraîcheur de la pierre sous mon corps, et cette odeur qui était donc bien réelle. Je ne voulais pas ouvrir les yeux tout de suite, trop intriguée par cette senteur inconnue qui baignait tout autour de moi. Elle appartenait à un félin, ce n’était au moins pas un blaireau qui m’avait enlevée dans son terrier, je pouvais donc me sentir relativement rassurée, cet individu ne semblait pas me vouloir de mal. Mais je ne pouvais toutefois pas associer cette odeur à celle de l’un des clans de la forêt, et cela m’intriguait plus que tout. J’étais pourtant sure de pouvoir associer toute odeur à celle de son clan correspondant, chacun possédant ses nuances propres, un parfum parfois entêtant parfois doux, tout étant si complexe et tout autant merveilleux.

Je me perdais dans mes pensées, retrouvant l’espace si accueillant de mon esprit et mon imagination, là où personne ne pouvait ne me faire de mal, mais un léger bruit attira mon attention. Je me rappelais donc que j’étais toujours là, allongée, les yeux clos, face à un inconnu, sûrement un solitaire. Et je pensais alors, et si c’était la détentrice de la voix qui m’avait appelée. Mon cœur se gonfla d’espoir, et si je l’avais enfin retrouvée, si j’avais réussi ! Prise d’un élan d’espoir et d’émerveillement j’ouvrai les yeux brusquement, pour instantanément les refermer, éblouie par la lumière pourtant faible de la lune. Mes yeux papillonnaient et j’apercevais alors la détentrice de ce parfum, juste devant moi, elle semblait presque entourée d’une aura, je ne dis alors rien, submergée par un flot de pensées et de questions se bousculant dans mon esprit. Qui était-elle ? Etait-ce elle qui m’avait appelée ?

Je levais alors la tête vers cette féline inconnue, et elle répondit à quelques de mes questions sans que je ne dise aucun mot. Feuille des Neiges. Je tournais ce nom dans mon esprit, appréciant sa sonorité, son sens. Il appelait mon esprit à se souvenir, et je me rappelai alors, elle était un personnage des histoires que Maman m’avait racontée quand j’étais plus petite. La guérisseuse qui avait tout quitté pour partir dans les Montagnes, mais qui était revenue, mais sans un autre qui l’avait accompagnée, une histoire d’Ouragans, je ne me souvenais plus très bien. Mais peut être que dans ces montagnes, elle avait eu des pouvoirs, et qu’elle avait appris à appeler les gens dans leurs rêves ! Je voulais absolument savoir, qu’avait-elle à me dire ? Les paroles arrivèrent en masse, je savais que je devais d’abord me concentrer, retrouver le fil de mes pensées, trouver le sens de chaque mot pour comprendre l’ordre dans lequel chacun devait se positionner, mais je ne pouvais pas attendre. Je me relevais, oscillant maladroitement sur mes pattes, et m’exprimait alors d’une voix hésitante mais excitée, le visage éclairé par une expression béate d’émerveillement face à Feuille des Neiges.

Je… Je ! Pourquoi ? Mon regard se perdait alors sur les cristaux brillant d’une lumière irréelle sur les murs, c’était magnifique, je n’avais jamais vu ça. On m’avait bien conté leur beauté mais je n’aurais jamais pu imaginer ça, cela dépassait l’entendement. Etait-ce l’œuvre de ses ancêtres, avaient-ils construit une chose aussi merveilleuse pour inciter les félins des clans à se rendre dans ce lieu afin de prendre contact avec les Étoiles ? Oh... Je me rappelais de la présence de la féline devant moi et reposait mon regard sur elle, quittant à contrecœur la beauté envoûtante des cristaux, il était vrai que l’ancienne guérisseuse l’intriguait, mais peut être pas autant que les lumières scintillantes l’entourant.  Hermine. Je- suis… mine, Hermine. Est ce que- c’est toi ? Toi qui m’appelle ? J’ai- j’ai essay.. essayé de venir. Dans mes rêves, toutes les nuits. En- core et encore j’ai rêvé d’ici. Pour-pourquoi ?

Je grimaçais, peinant à me faire comprendre, je voulais désespérément des réponses à ces rêves sans fin, des ces visions qui animaient mes nuits. J’étais enfin là, ce ne devait pas être un hasard, ça ne pouvait pas en être un. J’allais me faire engloutir par un nouveau flot de pensées lorsque je me rappelais de la première question qui m’avait été posée, comment me sentais-je ? Je regardais mon corps d’un regard perdu, ne sachant pas vraiment comment répondre. Cette question concernait-elle comment je me sentais, dans mon esprit, ou généralement ? Les questions devraient être plus précises… Je me concentrais sur les sensations que je pouvais ressentir, et une évidence s’imposa alors. Je n’avais plus vraiment mal aux pattes, la douleur de ma patte arrière était présente mais comme toujours, n’étant plus lancinante, mais un autre mal s’imposait à moi. La faim. Après tout j’étais partie du camp depuis longtemps, à cette pensée je m’agitais alors, Maman devait être morte d’inquiétude et mon mensonge à Souvenir Irréel ne me couvrait plus depuis longtemps ! Je secouais la tête pour essayer de disperser ces pensées inquiétantes sans vraiment y parvenir et puis je la baissais un peu honteusement face à l’ancienne guérisseuse, et avouais d’une toute petite voix.
J’ai- f-faim, un p-peu.