Not your friend [Matin]

Il s'éveille en grognant, peu soucieux de réveiller certains de ses camarades qui sont peut-être encore en train de profiter d'un repos bien mérité. Appel du Loup lui n'a pas besoin de plus de sommeil, mais dormir lui apporte une torpeur bienfaitrice qu'il voudrait ne jamais avoir à laisser derrière lui. Il n'aurait pas hésité, il y a quelques temps, à se rendormir paisiblement. Mais il ne veut plus risquer que quelqu'un ait à venir le réveiller. Cela voudrait dire devoir regarder et adresser la parole à quelqu'un, hors le matou n'en a aucune envie. Heureusement, la plupart de ses camarades le laisse tranquille en ce moment. Il suffit d'un regard pour les dissuader. Ce regard est devenu un masque perpétuel pour lui, l'aidant à faire de la solitude son habit.

Quelque chose le titille depuis le fin fond de sa conscience, alors qu'il s'étire et se prépare à sortir. Et puis soudain il se rappelle. Et grogne à nouveau, de bien plus mauvais poil à présent. On lui a collé une apprentie. C'était hier, mais son esprit embrumé par le sommeil a mis du temps à le lui rappeler. S'il laisse cette gamine poireauter plus longtemps, on va très vite venir le lui reprocher... Loup aurait dû être honoré, de se voir confier une apprentie. Il y a peu, cela aurait pu être une bonne expérience, et le guerrier s'en serait réjoui. Mais il n'avait plus envie de rien à présent. Même ses rêves d'ambitions s'étaient presque tus, devenant un faible murmure derrière le mur opaque de ses cris et de sa colère. Pour couronner le tout, Nuage du Matin était malade. Loup ne savait vraiment pas que penser de tout cela, et encore moins ce que pensait la cheffe en le désignant, lui, comme mentor.

Il finit par se présenter à l'entrée de la tanière des apprentis, appelant d'un ton impassible celle qu'il devrait chaperonner pendant une grande partie de la journée. Il gémissait silencieusement d'horreur à cette idée. Sa voix, rauque de si peu servir ces derniers temps, l'horrifia lui même, et il battit très vite en retraite pour attendre la femelle noire et blanche plus loin. Il en profita pour avaler d'une seule bouchée une souris avant de partir. Il ne mangeait pas pour le goût, mais parce qu'il ne voulait pas maigrir. Il n'avait jamais été très imposant en corpulence, et son dernier souhait était bien de se transformer en sac d'os. Vu comment il est grand, ça serait ridicule.

Lorsqu'elle arrive, le guerrier qui s'est assis se contente de la regarder froidement du coin des yeux. Il est pourtant lui même inconscient qu'il évite son regard. Il observe sa démarche, se demandant comment il va bien s'y prendre pour lui apprendre quoi que ce soit. Il attend qu'elle se rapproche et ouvre la bouche, se préparant à lui expliquer le programme de la journée, avant de réaliser qu'il n'en a préparé aucun. Bon. Il se racle la gorge avant de finalement se lancer.

« On va aller vers la frontière avec le clan de l'ombre. Tu n'as jamais vu les frontières si ? On en profitera pour voir si tu as déjà quelques bases sur la chasse. »

Il se met en route sans se retourner, évitant les quelques flaques de neige qui restent au dehors. Et il prie, enfin pas vraiment une prière, parce qu'il sait que personne ne l'écoute. Pourvu qu'elle ne parle pas trop... Lui n'a aucune envie de tenir la conversation. De toute façon, il ne sait pas communiquer autrement qu'en grognant et criant. Même avec ses parents, ses seuls alliés, il ne sait plus comment se séparer du ton amer qui est devenu le sien. Et il redoute le jour où, finalement, comme tous les autres, ils lui tourneront le dos. Alors, ce jour là, il sera totalement seul.

Hors rp:

Il a tenté d'observer le plus discrètement possible l'apprentie tandis qu'il l'attendait. Il l'a regardé adresser des salutations, donner à chacun un regard, une parole. Il a noté comment elle s'était vue invitée à partager un repas, comment chacun s'adressait à elle et comment elle s'adressait à chacun. C'était comme si, comme par magie, son regard effaçait sa drôle de démarche et sa taille plutôt ridicule. Le monde d'un seul coup devenait sien, un terrain de jeu dans lequel elle naviguait avec aisance. Loup ne faisait pas partie de ce monde. Cette vision emplissait son cœur d'un sentiment au goût acre qu'il ne connaissait que trop bien. Et Nuage du Matin lui rappelait ainsi beaucoup trop une certaine personne. Dégoûté, Appel du Loup avait préféré vite détourner la tête et s'intéresser, ou plutôt fixer sans les voir, les branches des arbres qui s'agitaient dans le vent du matin.

Espérer que l'apprentie n'ouvre pas la bouche avait été vain. Dès qu'il termina de parler et qu'il mit la patte dehors, Nuage du Matin s'était mit à piailler, déclarant avec beaucoup trop d’enthousiasme au goût de son mentor combien elle était heureuse de cette première sortie etc. Le guerrier serra les crocs, contenant un énième grognement. Il préféra ne pas répondre à l'apprentie, se concentrant pour ne pas laisser ses pensées s'éparpiller. Il devait penser seulement à l'entraînement, c'était l'important. Plus important que tous ses sentiments mis à mal qu'il devait contenir depuis quelques levers de soleils, peut-être même une lune ? Il ne savait plus. Il s'empêchait de compter. Contrarié par son incapacité à faire taire son esprit, il accéléra le pas. Il espérait que la patte de son apprentie ne lui posait pas de gros soucis pour courir, il ne supporterait pas un trajet qui traînerait en longueur. Seulement, quand elle lui posa une question directe, le guerrier fut bien obligé de lui accorder un regard. Rester plus longtemps silencieux les plongerait tous les deux dans une gêne sans précédent pour le reste de la journée.

« En faisant partie du clan, nous recevons tous des avantages que nous n'aurions pas eu en étant solitaire. Nous sommes plus forts, mieux nourris. Nous pouvons plus efficacement nous protéger du froid en hiver. Tout cela ne vient pas sans devoirs. Et il est de mon devoir de former, si on me le demande, un apprenti. Si j'ai été choisi pour cette tâche, c'est que l'on doit considérer que je suis assez compétent pour m'en charger. J'en suis honoré. Alors je ferais de mon mieux pour mener ton apprentissage à bien. »

Lui même en doute, qu'il soit assez compétent, qu'il le mérite. Il n'arrive même pas à décider si il doit prendre cela comme une punition ou une récompense. Mais il ne laisse aucune émotion filtrer. Il se contente de faire attention à la où il met les pattes tout en ayant l'air sûr de ce qu'il raconte, un petit discours qui sonne - pour lui - plus ou moins faux. En tous cas, il a plus ou moins réussit à éviter la question de s'il était content, ce qui le satisfait. Balancer à Nuage du Matin la vérité pure et dure lui aurait parut un peu trop violent. Et puis, il lui fallait se rendre à l'évidence. Il allait l'avoir sur le dos pendant les prochaines 6 lunes à venir, alors autant ne pas tout rendre compliqué le premier jour.

Bientôt, les arbres ordinaires se mêle à quelques pins ou sapins. Loup ralentit le pas, jusqu'à avancer très prudemment, en reniflant de temps en temps les buissons environnants. Ici, tout est plus silencieux, comme si le Clan de l'Ombre faisait régner une ambiance lugubre jusqu'au delà de leur frontières. Après quelques instants, le matou finit par s'arrêter complètement.

« Viens par ici, et dis moi ce que tu sens. Attention aux endroits où tu marches, reste dans mes pas. »

Il la surveille du coin de l’œil, attendant qu'elle se retrouve à ses côté, lui désignant du museau un buisson.

Hors rp: